BGer 4C.97/2005 |
BGer 4C.97/2005 vom 18.08.2005 |
Tribunale federale
|
{T 0/2}
|
4C.97/2005 /ech
|
Arrêt du 18 août 2005
|
Ire Cour civile
|
Composition
|
Mme et MM. les Juges Klett, juge présidant,
|
Nyffeler et Favre.
|
Greffière: Mme Cornaz.
|
Parties
|
X.________ SA,
|
demanderesse et recourante, représentée par
|
Me Nathalie Schallenberger,
|
contre
|
A.________,
|
défendeur et intimé, représenté par Me Jérôme Fer.
|
Objet
|
contrat de bail; plus-value,
|
recours en réforme contre le jugement de la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois du 24 janvier 2005.
|
Faits:
|
A.
|
Par contrat du 12 juillet 1995, A.________ a remis à bail à Y.________ SA - dont l'actionnaire et administrateur unique était alors B.________ - des locaux commerciaux sis à La Chaux-de-Fonds. Prévu pour débuter le 1er décembre 1995, le contrat devait se terminer le 30 novembre 2010, sous réserve de reconduction tacite par périodes de cinq ans. Le loyer mensuel était de 3'710 fr. Par "dispositions particulières" intégrées au contrat, les parties ont convenu qu'avant le début de celui-ci, les locaux seraient aménagés conformément à un descriptif de transformations et que "le locataire" s'engageait à financer partiellement ces travaux, à concurrence d'un montant forfaitaire de 100'000 fr., payable en trois versements des 31 octobre, 30 novembre et 15 décembre 1995. Il était ensuite prévu que "le montant de 100'000 francs se dépréciera annuellement de 6'650 francs pour être totalement éteint au 30.11.2010".
|
En 1997, B.________ a vendu à C.________ la totalité des actions de Y.________ SA. Leur convention a donné lieu à d'importants litiges et son exécution a fait l'objet d'un jugement de la Ire Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois du 12 avril 1999. Par la suite, C.________, entrée en possession du capital social, a ouvert une nouvelle procédure, en consorité avec la société elle-même, contre B.________. Selon publication du 20 juillet 2000, la raison sociale de l'agence a été modifiée en X.________ SA.
|
Dans un document intitulé "avenant no 1" et daté du 3 octobre 2000, les parties au contrat de bail ont précisé que la locataire était désormais X.________ SA et que "le montant de 100'000 francs prévu sous article 9.2 des dispositions particulières a bel et bien été convenu au titre d'un versement à fond (sic) perdu et non récupérable utilisé pour une partie des travaux d'aménagement des locaux. Les autres clauses et conditions du bail du 12 juillet 1995 demeurent inchangées".
|
Dès la fin de l'année 2000, X.________ SA a accumulé des retards de loyers et s'est attiré une mise en demeure selon l'art. 257d CO, puis une résiliation de bail avec effet au 31 août 2001. Le bailleur s'est toutefois déclaré d'accord avec une prolongation au 31 décembre 2001, sans d'ailleurs que les loyers ne soient payés dans cette période, d'où un arriéré global de 29'520 fr. qui a fait l'objet d'une poursuite, notifiée le 21 janvier 2002 et frappée d'opposition totale. Celle-ci a été levée à la requête de A.________, au motif que la créance opposée en compensation par X.________ SA, soit la part non amortie du versement initial de 100'000 fr., n'avait pas été rendue vraisemblable, étant donné la teneur claire de l'avenant du 3 octobre 2000.
|
B.
|
Le 17 décembre 2002, X.________ SA a saisi l'autorité régionale de conciliation et, après l'échec de la tentative de conciliation, elle a déposé, devant la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, une demande en libération de dette pour l'intégralité de la somme en poursuite. En substance, elle a fait valoir que, le bail ayant pris fin environ neuf ans avant le terme initialement convenu, il restait un montant de 59'295 fr. 80 à amortir sur la participation aux frais d'aménagement des locaux. Elle a contesté avoir renoncé à une telle prétention dans l'avenant du 3 octobre 2000, qui ne visait qu'à préciser les accords initiaux, vu le litige qui l'opposait à l'ancien actionnaire B.________, et ne réglait aucunement l'hypothèse d'une fin de bail anticipée. Pour sa part, le bailleur s'est limité à observer que l'avenant du 3 octobre 2000 comportait, de manière claire, précise et nullement équivoque, renonciation de la locataire à toute indemnité pour travaux à plus-value, à la fin du bail.
|
Par jugement du 24 janvier 2005, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande. En bref, elle a considéré qu'à l'origine, les parties au bail n'avaient pas convenu que l'investissement de la locataire n'était sujet à aucun remboursement, quelle que soit la durée du bail, et que rien ne permettait d'affirmer que celles-ci aient voulu modifier fondamentalement cet accord dans l'avenant du 3 octobre 2000. S'inspirant de l'art. 260a CO, elle a toutefois estimé que la locataire était seule responsable de la fin prématurée du contrat - circonstance parmi d'autres à laquelle un poids majeur devait être attribué -, ce qui excluait une indemnisation. En définitive, elle ne pouvait admettre l'existence de la créance compensatrice, d'où le rejet de la demande.
|
C.
|
Parallèlement à un recours de droit public qui a été rejeté dans la mesure de sa recevabilité par arrêt séparé de ce jour, X.________ SA (la demanderesse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce qu'il lui plaise principalement réformer en son entier le jugement dont est recours, éventuellement renvoyer la cause à l'autorité cantonale qui a statué, avec suite de frais et dépens.
|
A.________ (le défendeur) conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable, sous suite de frais et dépens.
|
Le Tribunal fédéral considère en droit:
|
1.
|
1.1 Interjeté par la demanderesse, qui a été déboutée de ses conclusions libératoires, et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 32 et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
|
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106, 136 consid. 1.4). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour remettre en cause l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent (ATF 130 III 136 consid. 1.4; 129 III 618 consid. 3).
|
1.3 En ce qui concerne les conclusions du recours en réforme, l'art. 55 al. 1 let. b OJ prévoit que celui-ci doit contenir l'indication exacte des points attaqués de la décision et des modifications demandées. La jurisprudence se garde cependant de trop de formalisme et considère que les conclusions du recours en réforme doivent être interprétées selon les règles de la bonne foi, en relation avec la motivation présentée (ATF 123 IV 125 consid. 1; 115 Ia 107 consid. 2b p. 109). Il suffit à cet égard qu'il ressorte clairement de la motivation le sens dans lequel la décision attaquée doit être modifiée (ATF 125 III 412 consid. 1b p. 414; 104 II 209 consid. 1 p. 211). En l'espèce, la demanderesse se borne à conclure à la réforme du jugement attaqué, sans expliquer en quoi celle-ci devrait consister. Compte tenu de ce qui précède, sa conclusion est néanmoins recevable, dans la mesure où l'on comprend, à la lecture de son écriture, qu'elle entend obtenir l'admission de sa demande en libération de dette.
|
1.4 Au surplus, la juridiction de réforme ne peut aller au-delà des conclusions des parties; en revanche, elle n'est liée ni par les motifs développés par celles-ci (art. 63 al. 1 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 411 consid. 3.2.2 p. 415), ni par l'argumentation juridique adoptée par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 130 III 136 consid. 1.4; 128 III 22 consid. 2e/cc p. 29).
|
2.
|
La demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 260a CO.
|
2.1 Interprétant le contrat du 12 juillet 1995 et l'avenant du 3 octobre 2000 selon le principe de la confiance, les précédents juges ont retenu qu'à l'origine, les parties au bail n'avaient pas convenu que l'investissement de la locataire n'était sujet à aucun remboursement. Il n'était nullement envisagé, lors de la signature de l'avenant, que le bail prendrait fin avant terme et, si tel avait été le cas, il eût été absurde pour la demanderesse de vouloir une modification du contrat dans un sens aussi défavorable et l'on ne pouvait inférer de ce document que celle-ci ait voulu amoindrir ses droits, dans l'hypothèse d'une rupture anticipée du contrat de bail.
|
L'opinion commune des parties d'examiner la question sous l'angle de l'art. 260a CO ne pouvait sans autre être suivie. Les travaux étaient intervenus avant le début du bail, certes dans l'intérêt et conformément aux souhaits de la locataire, mais sans que celle-ci ne devienne jamais propriétaire d'installations ni de matériaux quelconques, avant leur incorporation à l'immeuble. Si, dans l'esprit du défendeur, la solution de financement retenue concernait en particulier l'aménagement d'une salle de conférence, rien n'indiquait que le montant de 100'000 fr. ait couvert précisément ces travaux-là. On ne savait pas exactement pourquoi les parties avaient estimé plus opportun ce mode de financement que, par exemple, un emprunt bancaire et le paiement d'un loyer supérieur. Il était certain que les intérêts et amortissements, sur la même période, du capital de 100'000 fr. eussent dépassé, pour le bailleur, le montant de 6'650 fr. par an et qu'en conséquence, un supplément de loyer plus important eût été nécessaire. Toujours était-il que, vu l'amortissement linéaire, sur toute la durée du bail initialement convenue, de l'avance de fonds de la locataire, celle-ci apparaissait comme une contrepartie de l'usage de locaux plus adaptés à son activité. Elle s'apparentait donc à un loyer payé, pour partie, d'une seule traite. Cependant, les parties avaient clairement souligné qu'il s'agissait pour la locataire de "financer partiellement les travaux prévus", que le défendeur n'aurait sans doute pas entrepris sans cela. On ne pouvait donc considérer l'avance effectuée comme une simple modalité de paiement du loyer, abstraction faite des travaux. Au moment d'apprécier une situation non prévue par le contrat, soit sa fin prématurée, il convenait de s'inspirer de l'art. 260a CO, vu la similitude des données de fait.
|
2.2 Aux termes de l'art. 260a CO, le locataire n'a le droit de rénover ou de modifier la chose qu'avec le consentement écrit du bailleur (al. 1). Lorsque le bailleur a donné son consentement, il ne peut exiger la remise en état de la chose que s'il en a été convenu par écrit (al. 2). Si, à la fin du bail, la chose présente une plus-value considérable résultant de la rénovation ou de la modification acceptées par le bailleur, le locataire peut exiger une indemnité pour cette plus-value; sont réservées les conventions écrites prévoyant des indemnités plus élevées (al. 3).
|
L'art. 260a al. 3 CO est de droit dispositif (ATF 124 III 149 consid. 4 et 5). Ainsi, les parties peuvent convenir à l'avance d'une indemnité plus élevée que ne l'exige la disposition, ou au contraire supprimer toute indemnité (Lachat, Commentaire romand, n. 9 ad art. 260a CO; SVIT-Kommentar Mietrecht, 2e éd., Zurich 1998, n. 83 ad art. 260-260a CO).
|
2.3 La demanderesse estime qu'en n'appliquant l'art. 260a CO que par analogie, les précédents juges ont fait une mauvaise application du droit. Or, il résulte des constatations de fait de la décision attaquée qu'avant le début du bail, des travaux d'aménagement des locaux avaient été effectués par le bailleur et partiellement financés par le locataire. Il apparaît ainsi que la situation d'espèce sort du cadre de l'art. 260a CO, qui prévoit l'hypothèse de travaux exécutés par le locataire. Cela étant, c'est à juste titre que la cour cantonale a appliqué l'art. 260a CO par analogie. En effet, une norme dont le contenu est a priori clair peut être étendue par analogie à une situation qu'elle ne vise pas (ATF 131 III 61 consid. 2.2). Quoi qu'en dise la demanderesse, l'on ne voit pas en quoi la cour cantonale aurait ainsi violé le droit fédéral.
|
2.4 La plus-value correspond à la valeur ajoutée à la chose louée, non encore amortie à la fin du bail. Elle s'apprécie objectivement, eu égard aux frais exposés par le locataire, et à l'utilité des travaux pour le bailleur (Lachat, op. cit., n. 7 ad art. 260a CO; SVIT-Kommentar, op. cit., n. 78 ad art. 260-260a CO; Higi, Commentaire zurichois, n. 51 ad art. 260a CO). Le juge apprécie de cas en cas si la plus-value est considérable eu égard à l'ensemble des circonstances (coût des travaux, loyer payé par le locataire, avantages dont le bailleur pourra tirer profit, etc.) (Lachat, op. cit., n. 8 ad art. 260a CO; SVIT-Kommentar, op. cit., n. 79 ad art. 260-260a CO; plus nuancé: Higi, op. cit., n. 57 ss ad art. 260a CO).
|
L'indemnité ne se mesure pas nécessairement à l'aune de la plus-value qui subsiste et elle peut être modulée en fonction des particularités du cas d'espèce (Lachat, op. cit., n. 8 ad art. 260a CO; Barbey, Les travaux de rénovation et de modification de la chose louée entrepris par le locataire (art. 260a CO), 10e Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1998, p. 15; Higi, op. cit., n. 66 ad art. 260a CO; d'un avis différent SVIT-Kommentar, n. 81 s. ad art. 260-260a CO). La quotité de la somme pourra ainsi varier en fonction des critères suivants: le loyer réduit dont a bénéficié le preneur en contrepartie des travaux ou l'augmentation de loyer (économisée) qu'il aurait été amené à débourser si l'ouvrage avait été réalisé par le bailleur; les avantages particuliers qu'entraîne la rénovation ou la modification pour le locataire; inversement, le profit réduit qu'en retire le bailleur; les circonstances qui ont motivé la fin des rapports contractuels (Barbey, op. cit., p. 15 s.; Higi, op. cit., n. 67 ss ad art. 260a CO). Selon les circonstances, l'indemnité doit être appréciée en équité par le juge (Lachat, op. cit., n. 8 ad art. 260a CO; Weber, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 260a CO).
|
2.5 La demanderesse soutient que l'indemnité de plus-value n'était pas liée à l'éventuel amortissement réel des travaux, mais à la plus-value amortie par la volonté des parties sur quinze ans. Dans la présente espèce, la question litigieuse, soit celle de savoir si la locataire était fondée à obtenir une indemnisation, compte tenu du fait que le bail a été résilié de manière anticipée pour non-paiement du loyer, n'a toutefois pas été envisagée par les parties et réglée dans le contrat (sur la question du complètement du contrat, cf. Winiger, Commentaire romand, n. 158 ss ad art. 18 CO).
|
2.6 Dans une jurisprudence rendue sous l'ancien droit, soit avant l'entrée en vigueur de l'art. 260a CO - alors que la question de l'indemnité pour plus value était notamment régie par les dispositions sur l'enrichissement illégitime -, le Tribunal de céans a jugé, dans un cas où les investissements avaient été faits dans une perspective d'une longue durée de bail, que si le preneur n'avait pas de motif légitime de mettre fin prématurément au bail, celui-ci manquait aux règles de la bonne foi en fondant son action pour cause d'enrichissement illégitime sur l'expiration prématurée du contrat, alors qu'il en était seul responsable (ATF 105 II 92 consid. 4b et l'arrêt cité). Il résulte de ces considérations que le locataire ne manquerait pas aux règles de la bonne foi - et serait dès lors habilité à invoquer les art. 62 ss CO - si les parties tombent d'accord pour mettre fin au contrat, si le bail est rompu par le bailleur (sauf si la résiliation résulte d'une violation par le locataire de ses obligations contractuelles), ou si le bail est résilié par le locataire lui-même pour un motif légitime (Guinand, Le sort des améliorations faites par le locataire lors de la résiliation du bail, SJ 1982 p. 145 ss, spéc. p. 159).
|
Selon une jurisprudence cantonale plus récente, lorsque le bail est résilié par anticipation en vertu de l'art. 257d CO, l'amortissement de la rénovation ne doit pas être calculé en fonction de la durée effective du bail, mais de la durée plus longue prévue dans le contrat conclu à l'origine (arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 5 juillet 1995, cité par Barbey, op. cit., note de bas de page 64, p. 16). Par ailleurs, un auteur considère que les circonstances qui ont motivé la fin des rapports contractuels doivent être prises en considération pour fixer le montant de l'indemnité éventuellement due et que cet élément revêt notamment de l'importance lorsque le bail est résilié par anticipation en raison d'une faute du bailleur ou du locataire, et probablement aussi en cas de congé pour juste motif lié à la personne de l'un des cocontractants (Barbey, op. cit., p. 16). Ainsi, il conviendrait de réduire l'indemnité allouée au preneur en cas de congé signifié sur la base de l'art. 257d CO (Barbey, op. cit., note de bas de page 64, p. 16).
|
2.7 Dans la présente cause, la cour cantonale s'est référée à la jurisprudence publiée aux ATF 105 II 92, tout en précisant que l'application analogique de l'art. 260a CO n'empêchait pas un tel motif d'exclusion d'indemnité, dont le fondement tenait dans le principe de la bonne foi. L'amortissement convenu de 100'000 fr. n'y faisait pas non plus obstacle, car il gardait tout son sens en cas de résiliation anticipée d'un commun accord ou du fait du bailleur.
|
En l'espèce, il était incontesté que le défendeur n'était pour rien dans la survenance des difficultés internes de la demanderesse, qui avaient conduit celle-ci à ne pouvoir s'acquitter ponctuellement des loyers en 2000 et 2001. Il n'avait pas non plus fait preuve de dureté ni d'intransigeance lors de la résiliation du contrat, puisque les loyers impayés, soit l'objet du litige, dépassaient clairement un semestre de bail. Il fallait donc admettre que la demanderesse était seule responsable de la fin prématurée du contrat, ce qui excluait une indemnisation selon le principe susmentionné.
|
Même s'il fallait admettre que la responsabilité précitée de la demanderesse n'était qu'une circonstance parmi celles à prendre en compte, un poids majeur devait lui être attribué. En outre, il conviendrait alors d'observer que la plus-value de l'immeuble, hautement vraisemblable en 1995, ne l'était plus nécessairement et n'était pas démontrée au 31 décembre 2001, vu la spécificité de l'aménagement lié à l'activité de la demanderesse et vu les très importants travaux intervenus à la fin prématurée du bail. A cet égard, il n'était ni allégué, ni établi que le bailleur aurait pu relouer les lieux non transformés, à des conditions favorables, alors qu'il aurait pu faire valoir des dommages-intérêts positifs, s'il n'était pas parvenu à relouer les locaux - tels quels - dans la période du bail initial. Enfin, on ne saurait faire abstraction, parmi toutes les circonstances à prendre en compte en pareille hypothèse, du fait que dans la cause qui avait opposé la demanderesse à son ancien actionnaire, la première avait obtenu, suite aux aléas de cette procédure (décès du défendeur, répudiation de sa succession et passivité de la masse comme des autres créanciers), un dédommagement de 143'699 fr. 25 lié notamment au surendettement allégué au 30 juin 1999, lequel présupposait l'absence de valeur de la "garantie loyer", comme l'alléguait la demanderesse.
|
2.8 Sans qu'il soit nécessaire de trancher, dans l'absolu, la question de savoir si le fait que le bail ait été résilié de manière anticipée pour non-paiement du loyer constitue un motif d'exclusion ou seulement de réduction de l'indemnité à laquelle le locataire peut prétendre sur la base de l'art. 260a CO, il apparaît qu'en l'espèce, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral. En effet, que l'on admette que le droit du locataire est purement et simplement supprimé ou que celui-ci est limité en ce sens que l'on doit se placer au moment de l'échéance ordinaire du bail pour déterminer le montant de l'indemnité éventuellement due, la prétention de la demanderesse équivaudrait à zéro, puisque les parties avaient convenu que la somme de 100'000 fr. serait amortie au 30 novembre 2010. Par ailleurs, si l'on considère que la cause de la résiliation n'est qu'un des éléments à prendre en considération pour fixer l'indemnité, l'on ne pourrait que constater, sur la base de l'état de fait déterminant, la pertinence des autres circonstances retenues par la cour cantonale, qui l'ont conduite à rejeter la prétention de la demanderesse. La solution à laquelle la cour cantonale est parvenue se justifie également au regard des principes de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit découlant des art. 2 al. 1 et 2 CC, qui tendent notamment à éviter qu'une institution ne soit employée contrairement à son but (cf. ATF 129 III 493 consid. 5.1). Il serait en effet inéquitable que la demanderesse puisse tirer avantage d'une résiliation anticipée due à sa seule faute.
|
2.9 Pour le surplus, l'argumentation de la demanderesse est dénuée de fondement, dans la mesure où elle n'est pas irrecevable en tant soit qu'elle repose sur des faits qui s'écartent des constatations cantonales, soit que, notamment sous le couvert de l'art. 8 CC, elle touche en réalité à l'établissement des faits et à l'appréciation des preuves, de manière inadmissible dans un recours en réforme (cf. consid. 1.2). En définitive, le recours ne peut qu'être rejeté.
|
3.
|
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge de la demanderesse, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
|
1.
|
Le recours est rejeté.
|
2.
|
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la demanderesse.
|
3.
|
La demanderesse versera au défendeur une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
|
4.
|
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.
|
Lausanne, le 18 août 2005
|
Au nom de la Ire Cour civile
|
du Tribunal fédéral suisse
|
La juge présidant: La greffière:
|