Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.178/2005 /ech
Arrêt du 18 octobre 2005
Ire Cour civile
Composition
MM. les Juges Corboz, président, Nyffeler et Favre.
Greffière: Mme Cornaz.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Daniel Perren,
contre
les époux B.________,
intimés, représentés par Me Stéphanie Godet Landry,
Ire Section de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
évacuation; exécution forcée,
recours de droit public contre l'arrêt de la Ire Section de la Cour de justice du canton de Genève du 19 mai 2005.
Faits:
A.
Par jugement du 20 juin 2001, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève a ordonné l'évacuation de A.________ des locaux (café/restaurant) que les époux B.________ lui avaient remis à bail. Par ordonnance du 18 février 2002, le Procureur général a fixé l'exécution du jugement avec effet au 1er mars 2002.
L'exécution du jugement a été reportée en 2002 et 2003, avec l'accord des propriétaires, à plusieurs reprises, A.________ s'acquittant, souvent après avoir reçu un nouvel avis d'huissier ou du Service des évacuations, des retards dans le paiement de l'indemnité pour occupation illicite et d'un montant de 1'000 fr. de rattrapage sur les loyers échus.
Relancé une nouvelle fois par les propriétaires, le Service des évacuations a finalement informé A.________ que l'exécution du jugement d'évacuation était prévue pour le 24 août 2004. Les parties sont alors convenues que les clés seraient restituées le 31 janvier 2005.
B.
A.________ ne s'est toutefois pas exécuté et a sollicité le 3 février 2005 du Tribunal de première instance du canton de Genève que l'ordonnance d'exécution du jugement d'évacuation soit déclarée caduque. Il a fait valoir que les bailleurs avaient renoncé à obtenir son évacuation pendant quatre ans, que cette attitude pouvait être interprétée comme la conclusion tacite d'un nouveau bail et que l'ordonnance du Procureur général serait périmée.
Par jugement du 15 mars 2005, le Tribunal de première instance a rejeté la requête en contestation d'une mesure d'exécution forcée de A.________. Il a retenu que l'exécution forcée ne pouvait plus avoir lieu un an après la sommation si celle-ci n'était pas réitérée. En l'espèce, les sommations seraient intervenues avant ce délai, de sorte que l'ordonnance du Procureur général serait toujours valable. Celle-ci ne se périmerait au demeurant pas; seule la sommation se périmerait après une année. Le moyen résultant d'un contrat de bail tacite ne serait pas recevable et rien ne justifierait la suspension de la procédure d'exécution forcée.
Statuant à l'instance de A.________ par arrêt du 19 mai 2005, la Ire Section de la Cour de justice du canton de Genève a rejeté l'appel de celui-ci et confirmé le jugement attaqué.
A.________ faisait valoir que l'art. 474 de la loi genevoise de procédure civile du 10 avril 1987 (ci-après: LPC/GE) ne se rapportait pas au cas de figure où, après l'ordonnance d'exécution forcée rendue par le Procureur général, la procédure d'exécution forcée serait repoussée avec l'accord du créancier. Comme dans le cadre de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (ci-après: LP), ce dernier ne serait pas maître de la procédure et seul son renoncement pur et simple à l'exécution forcée permettrait aux autorités, qui en sont chargées, de ne pas procéder; à défaut, celles-ci deviendraient un organe de justice privée. L'accord intervenu entre les parties de fixer l'évacuation au 31 janvier 2005 relèverait d'un acte purement privé et ne saurait être invoqué pour obtenir l'exécution de l'ordonnance du 18 février 2002.
La cour cantonale a relevé que la loi prévoyait que les jugements ne pouvaient être mis à exécution qu'après que le débiteur eut été sommé d'avoir à satisfaire à leur contenu (art. 473 al. 1 LPC/GE). L'exécution forcée ne pouvait plus avoir lieu après un an à compter de la sommation prévue à l'art. 473 LPC/GE, si celle-ci n'était pas réitérée (art. 474 al. 2 LPC/GE). Il résultait de la systématique légale que le créancier de l'obligation devait renouveler la sommation s'il n'avait pas, dans un délai d'un an d'une première sommation, requis l'exécution. Cela ne signifiait toutefois pas que celle-ci devait être réalisée dans le délai d'une année.
En l'espèce, les bailleurs, après avoir sommé en vain A.________ par acte d'huissier le 20 août 2001, avaient requis et obtenu, le 18 février 2002, le prononcé du Procureur général ordonnant l'exécution forcée du jugement d'évacuation. Postérieurement à cette décision, on ne se trouvait plus, comme le soutenait à juste titre A.________, dans la situation prévue par l'art. 474 al. 2 LPC/GE. Le texte légal ne réglait que le sursis à l'exécution avant le prononcé d'une décision ordonnant celle-ci et non la situation après l'ordonnance d'exécution. Se posait ainsi la question de savoir si l'ordonnance du Procureur général se serait périmée, voire si l'accord répété des bailleurs à ne pas mener à terme la procédure d'exécution pendant plus de deux ans permettait de retenir qu'ils y avaient renoncé.
La loi ne prévoyait pas que la décision du Procureur général se périmait par un an. Cette décision était définitive et exécutoire. Elle était donc pleinement valable. S'il était exact que la LP limitait dans le temps la validité de certains actes, A.________ ne pouvait pas en déduire une application analogique à la procédure d'exécution forcée d'une dette non pécuniaire. D'une part, cette dernière était régie par le droit cantonal, qui ne contenait pas une telle limitation. D'autre part, l'exécution forcée de droit cantonal ne touchait, en général, que les intérêts d'un seul créancier, comme en l'espèce celui du propriétaire, qui n'entraient pas en concurrence avec une prétention de même nature d'autres créanciers. Or, c'était notamment l'intérêt des autres créanciers qui justifiait une limitation dans le temps des mesures accordées à un créancier dans la procédure d'exécution forcée fondées sur la LP.
Le fait que l'évacuation ait été différée à plusieurs reprises, avec l'accord des bailleurs, ne permettait pas d'en déduire qu'ils y auraient renoncé. D'une part, ils avaient demandé à l'huissier judiciaire d'intervenir à sept reprises entre les 23 octobre 2003 et 28 septembre 2004, soit à chaque fois que A.________ accumulait à nouveau du retard dans le paiement de l'indemnité pour occupation illicite et/ou du montant de rattrapage des loyers échus, démontrant par ce comportement qu'ils n'entendaient nullement renoncer à l'exécution forcée du jugement d'évacuation. Il ne pouvait ainsi leur être reproché d'avoir adopté un comportement contradictoire. D'autre part, ces reports s'étaient fait à la demande de A.________, qui était lui-même, par ses retards répétés dans ses paiements, responsable de la procédure en évacuation et en exécution forcée du jugement d'évacuation. Ses paiements étaient intervenus in extremis; il était parfaitement conscient du fait que la procédure en exécution forcée était toujours valable.
Contrairement à ce que soutenait A.________, la procédure prévue par la LP prévoyait également la possibilité, pour le créancier, d'intervenir dans la procédure sans pour autant avoir à la recommencer entièrement ni être considéré y avoir renoncé. Le créancier pouvait par exemple retirer une requête de faillite, sans avoir à procéder à une nouvelle réquisition de poursuite si le débiteur ne s'exécutait pas. La LP ne soustrayait ainsi pas entièrement le déroulement de la procédure au pouvoir du créancier, qui pouvait, à certains stades, la retarder sans perdre les droits qui en découlaient. Cet argument tombait donc également à faux.
Les contestations soumises à l'art. 477 LPC/GE étaient exclusivement celles qui concernaient les conditions d'exécution du jugement considéré. Il en découlait, notamment, que la faculté de saisir le Tribunal ne s'étendait pas à des objections relatives au fond du jugement à exécuter. Ainsi, le moyen tiré d'une remise en cause du jugement à exécuter par l'intentat d'une nouvelle action au fond - comme c'était le cas en l'espèce où A.________ avait indiqué avoir déposé une demande tendant à faire constater l'existence d'un nouveau bail opposé à l'exécution d'un jugement d'évacuation - était irrecevable dans ce contexte. Contrairement à ce que soutenait A.________, il n'y avait donc pas lieu de suspendre la procédure d'exécution pour ce motif. L'art. 477 al. 3 LPC/GE prévoyait au surplus expressément que l'opposition ne suspendait pas l'exécution.
Enfin et surtout, A.________ devait de toute manière être débouté de son appel, dès lors qu'il n'avait plus d'intérêt à la contestation, l'exécution ayant déjà eu lieu. Selon les indications des bailleurs, confirmées en substance par A.________ dans un courrier du 5 avril 2005, l'huissier judiciaire et le Service des évacuations avaient en effet procédé au changement des cylindres du café-restaurant.
C.
A.________ (le recourant) interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt du 19 mai 2005, avec suite de dépens.
Les époux B.________ (les intimés) concluent principalement à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, avec suite de frais et dépens.
Pour sa part, la Cour de justice conclut au rejet du recours et se réfère à la motivation de l'arrêt querellé.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1; 131 II 58 consid. 1, 137 consid. 1).
1.1 La décision entreprise a mis fin à la procédure d'exécution du jugement d'évacuation et elle n'était susceptible d'aucun recours au niveau cantonal. Il s'agit donc d'une décision finale, prise en dernière instance cantonale, de sorte que le recours est recevable sous l'angle de l'art. 86 al. 1 OJ.
L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est régie par le droit cantonal (cf. ATF 117 Ia 336 consid. 2a). Le recours de droit public est, dès lors, le seul moyen de droit dont dispose le recourant pour soumettre au Tribunal fédéral les prétendues violations de ses droits constitutionnels des citoyens. Partant, le recours est également recevable du point de vue de l'art. 84 al. 2 OJ.
1.2 Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, la recevabilité du recours de droit public est subordonnée à l'existence d'un intérêt actuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée, respectivement à l'examen des griefs soulevés (ATF 129 I 113 consid. 1.7; 127 III 41 consid. 2b p. 42, 429 consid. 1b p. 431). Le Tribunal fédéral renonce exceptionnellement à cette exigence lorsque la question soulevée par le recours pourrait se poser à nouveau dans des circonstances semblables ou similaires, lorsqu'il existe un intérêt public suffisant à y répondre en raison de sa portée de principe et lorsqu'il est difficile d'envisager la possibilité d'un contrôle de la constitutionnalité dans un cas d'espèce (ATF 127 I 164 consid. 1a; 127 III 429 consid. 1b p. 432; 125 I 394 consid. 4b p. 397).
L'intérêt actuel et pratique au recours doit encore exister au moment où statue le Tribunal fédéral, qui se prononce sur des questions concrètes et non théoriques (ATF 127 III 41 consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a; 125 II 86 consid. 5b p. 97). Il fait défaut en particulier lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet (ATF 125 II 86 consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166), ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (ATF 118 Ia 488 consid. 1a; 116 II 721 consid. 6). Lorsque la partie recourante ne soulève que des griefs étroitement liés au déroulement des faits, il n'y a pas lieu de renoncer à l'exigence d'un intérêt pratique et actuel (cf. ATF 127 III 429 consid. 1b p. 432).
En l'espèce, il a été retenu que l'exécution de l'évacuation avait déjà eu lieu. Le recourant expose que les locaux litigieux n'ont en revanche pas été évacués de ses biens et que, de plus, il n'a pas été évacué de l'appartement, qui faisait l'objet du même bail à loyer. Cela ne découle toutefois pas de l'état de fait déterminant. Il est ainsi douteux que le recourant puisse encore se prévaloir d'un intérêt actuel et pratique au recours. Par ailleurs, il est difficilement concevable qu'un litige entre les mêmes parties se présente à l'avenir sous un jour semblable. L'on ne voit pas non plus qu'il s'agisse là d'une question de principe dont un intérêt public exigerait la solution. Les conditions prévues par la jurisprudence pour déroger à l'existence d'un intérêt actuel et pratique ne semblent ainsi pas remplies, de sorte que le recours de droit public serait irrecevable. Il n'importe, toutefois, dès lors qu'à supposer même que l'on entre en matière sur le fond, le recours ne pourrait être admis, pour les raisons qui seront brièvement exposées ci-après.
2.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 262; 129 I 113 consid. 2.1). Il base son arrêt sur les faits constatés dans la décision attaquée, à moins que la partie recourante ne démontre que la cour cantonale a retenu ou omis certaines circonstances déterminantes de manière arbitraire (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).
3.
Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant se plaint d'arbitraire dans l'application du droit cantonal ainsi que dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves.
3.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2; 129 I 8 consid. 2.1). Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1).
Lorsque la partie recourante invoque une violation arbitraire du droit cantonal, elle doit indiquer avec précision quelle est la disposition cantonale qui aurait été violée et l'examen se limite à cette question (ATF 128 I 273 consid. 2.1 p. 275 s.). Le Tribunal fédéral ne revoit l'application du droit cantonal que sous l'angle de l'arbitraire (ATF 128 I 177 consid. 2.1).
Dans la mesure où l'arbitraire est invoqué en relation avec l'établissement des faits, il convient de rappeler que le juge dispose d'un large pouvoir lorsqu'il apprécie les preuves (arrêt 4P.95/2005 du 5 août 2005, consid. 5.1; 4P.80/2005 du 20 mai 2005, consid. 2.2). La partie recourante doit ainsi expliquer dans quelle mesure le juge a abusé de son pouvoir d'appréciation et, plus particulièrement, s'il a omis, sans aucune raison sérieuse, de prendre en compte un élément de preuve propre à modifier la décision attaquée, s'il s'est manifestement trompé sur son sens et sa portée ou encore si, en se fondant sur les éléments recueillis, il en a tiré des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Il ne suffit pas que la partie recourante invoque seulement quelques moyens de preuve dont elle souhaiterait qu'ils aient une portée différente de celle retenue dans l'arrêt attaqué. Le recours de droit public n'étant pas un appel, il n'appartient pas au Tribunal fédéral de substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité cantonale (cf. ATF 128 I 295 consid. 7a), de sorte que la partie recourante ne peut discuter librement les faits et le droit en présentant sa propre version des événements (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2 in fine).
3.2 Dans la partie "recevabilité" de son recours, le recourant semble déjà reprocher à la cour cantonale une application arbitraire de l'art. 477 LPC/GE. En effet, il relève que, se référant au commentaire de cette loi, les juges cantonaux ont considéré que la contestation n'était plus recevable lorsque l'exécution avait déjà eu lieu, ce qui, selon lui, ne signifiait pas que la contestation, recevable lors de son dépôt, deviendrait irrecevable par le fait que la mesure d'exécution serait intervenue entre-temps. Si l'on devait appliquer le principe tel que le formulait la cour cantonale, le bien-fondé des contestations relatives à une mesure d'exécution ne pourrait jamais être établi, parce que l'exécution interviendrait toujours avant que le jugement ne soit rendu en dernière instance. Or, une interprétation d'une disposition de droit cantonal dont le résultat équivaudrait à ce que celle-ci ne puisse jamais être appliquée n'apparaîtrait manifestement pas soutenable. L'interprétation donnée par la cour cantonale impliquerait au demeurant une violation du droit à un procès équitable prévu aux art. 29 Cst. et 6 CEDH. En effet, elle constituerait un déni de justice, dans la mesure où un jugement d'irrecevabilité correspondrait, dans le cas particulier, à un refus systématique d'examiner le fond.
L'on ne voit pas en quoi il y aurait arbitraire à considérer qu'une contestation relative à l'exécution forcée n'est plus recevable lorsque celle-ci a déjà eu lieu, ce d'autant plus que le plaideur dispose encore de la possibilité de faire valoir, dans une nouvelle action au fond, des arguments relatifs au jugement à exécuter, ce que le recourant a d'ailleurs fait en l'espèce. Quoi qu'il en soit, l'absence d'intérêt à la contestation n'étant que l'un des motifs pour lesquels la cour cantonale a rejeté l'appel du recourant, l'éventuelle admission de ce moyen ne permettrait pas encore de démontrer l'arbitraire dans le résultat de la décision entreprise. Le moyen du recourant est ainsi dénué de fondement. Par ailleurs, l'on ne voit pas trace d'un déni de justice formel puisque l'autorité cantonale, étant entrée en matière sur le fond, n'a pas refusé indûment de se prononcer sur une requête ou un moyen de droit qui lui était soumis et dont l'examen relevait de sa compétence (cf. ATF 125 III 440 consid. 2a).
3.3 Dans le premier de ses griefs "au fond", le recourant se plaint derechef d'une application arbitraire de l'art. 477 LPC/GE, mais son moyen est difficilement compréhensible, à tel point que l'on ne sait pas s'il est censé avoir une portée propre. Dans l'affirmative, il serait de toute façon insuffisamment motivé sous l'angle des exigences strictes de motivation précédemment exposées, d'où son irrecevabilité.
3.4 Le recourant reproche ensuite à la cour cantonale d'avoir considéré que son évacuation avait été différée à plusieurs reprises "avec l'accord des intimés", alors qu'il ressortirait au contraire des pièces que c'était à l'initiative de ceux-ci qu'elle aurait été suspendue puis réactivée.
Le recourant expose en outre que la constatation des juges cantonaux selon laquelle les reports dans l'exécution de l'évacuation "se sont faits à [sa] demande", qui relève du fait, mais aurait été introduit dans les considérants "en droit", serait arbitraire, parce que manifestement contraire aux éléments du dossier.
Sur ces deux points, le recourant se limite toutefois à relever de prétendues contradictions, sans démontrer en quoi les constatations selon lui arbitraires de la cour cantonale auraient une influence sur la solution du litige, soit en quoi la décision de la cour cantonale serait de ce fait arbitraire dans son résultat. Les arguments du recourant ne sauraient donc être accueillis.
4.
Invoquant l'art. 49 al. 1 Cst., le recourant se plaint d'une violation du principe de la primauté du droit fédéral. Il est d'avis que, dans la mesure où l'interprétation donnée par le Procureur général, soit pour lui le Service des évacuations de la Police, équivaudrait à autoriser le propriétaire à nouer une nouvelle relation durable de cession de la chose contre redevance, il serait instauré une pratique qui ne serait réglée que par le bon vouloir du propriétaire (faire appel au Service des évacuations puis lui demander de ne plus bouger) là où la relation ne devrait être régie que par les règles du titre VIIIe du CO régissant le bail à loyer. En l'espèce, tout dans l'attitude des bailleurs montrerait qu'en réalité, ils n'avaient pas envie d'évacuer leur locataire, mais voulaient se donner des moyens de coercition efficaces pour obtenir un paiement régulier du loyer. L'on se trouverait en présence d'une relation contractuelle nouvelle, soit une situation de non-droit, dans la mesure où les règles régissant cette nouvelle situation contractuelle n'existaient pas, parce que le droit fédéral, seul applicable en la matière, aurait été éludé.
4.1 Selon le principe de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), la législation fédérale l'emporte sur la réglementation cantonale. Il est notamment interdit au législateur ou à l'exécutif cantonal d'intervenir dans les matières que le législateur fédéral a entendu réglementer de façon exhaustive, d'éluder le droit fédéral ou d'en contredire le sens ou l'esprit (cf. ATF 131 I 223 consid. 3.2 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral examine en principe librement, dans chaque cas d'espèce, si les normes de droit cantonal ou communal sont compatibles avec le droit fédéral (ATF 130 I 96 consid. 2.3; 128 II 66 consid. 3).
4.2 En l'espèce, il apparaît que l'invocation, par le recourant, du principe de la primauté du droit fédéral n'est qu'une manière de revenir sur l'un des deux arguments vainement présentés devant les instances cantonales, tenant à la conclusion tacite d'un nouveau bail. Dans cette mesure, son grief est dénué de fondement.
5.
Le recourant se plaint également d'une violation du principe de la séparation des pouvoirs, consacré à l'art. 130 de la Constitution genevoise du 24 mai 1847, ainsi que, dans le cas particulier, de celui de la légalité, tel qu'il est énoncé à l'art. 5 Cst., en ce sens que la pratique incriminée, dénuée de base légale, reviendrait à conférer au Procureur général, ou à la Police qui est sous ses ordres, la compétence d'édicter des règles revenant à céder au propriétaire la prérogative exclusivement étatique de mettre en oeuvre la Police ou de lui ordonner abstention. En d'autres termes, la compétence de faire exécuter ou non l'ordre d'exécution du Procureur général aurait été transférée à une personne privée, le bailleur, sans que cela repose sur aucune base légale, de sorte que la séparation des pouvoirs aurait été violée. Seule une norme légale, régulièrement adoptée par le Grand Conseil, pourrait permettre au pouvoir exécutif de la mettre en oeuvre. Pareillement, il s'en serait suivi l'instauration d'une relation de nature contractuelle analogue à un bail, sans que cela soit prévu par aucune disposition légale, ce qui, derechef, constituerait une violation du principe de la séparation des pouvoirs. On aurait ici une création de règle de droit, adoptée de manière chaotique, par une autorité relevant du pouvoir exécutif, ce qui précisément violerait le principe de séparation des pouvoirs et priverait les mesures ainsi prises d'une base légale valable.
5.1 Le principe de la séparation des pouvoirs, exprimé par la Constitution genevoise notamment à son art. 130, interdit à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe (ATF 119 Ia 28 consid. 3 p. 34; 106 Ia 389 consid. 3; plus récemment arrêt 1P.598/2004 du 27 avril 2005, consid. 2.1). En particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 118 Ia 305 consid. 2a p. 309; plus récemment arrêt 1P.598/2004 du 27 avril 2005, consid. 2.1).
5.2 L'argument du recourant est clairement infondé. C'est en effet en vain qu'il entreprend, sous le couvert d'une nouvelle garantie constitutionnelle, de plaider, dans le cas particulier, l'existence d'un contrat de bail tacite.
6.
A titre subsidiaire, le recourant invoque une application arbitraire de l'art. 474 al. 1 LPC/GE (réd.: lequel dispose que, si la partie condamnée n'exécute pas les obligations qui lui sont imposées, le jugement est exécuté sur ordre du Procureur général) - ce qui constituerait une violation de l'art. 9 Cst., qu'il serait selon lui insoutenable d'interpréter dans le sens où il permettrait au bailleur de décider souverainement de la date à laquelle intervient le Service des évacuations et d'utiliser celui-ci, à réitérées reprises, comme un moyen de pression à l'encontre de l'occupant pour le conduire à régler ponctuellement ses loyers. De même, ce serait faire une application arbitraire de cette disposition que d'admettre que le Procureur général puisse céder à une personne privée la conduite de l'évacuation ou le renoncement de celui-ci.
Se fondant sur la loi et le commentaire y relatif, la cour cantonale a retenu que la validité de l'ordonnance du Procureur général n'était pas limitée dans le temps et que l'exécution n'avait pas à être réalisée dans le délai d'une année. L'on ne décèle pas en quoi elle aurait ainsi commis arbitraire dans l'application de la norme invoquée par le recourant. Il apparaît que, par le biais de ce moyen, celui-ci tente de revenir à la charge avec l'argument selon lequel l'ordonnance du Procureur général serait périmée, mais il échoue à démontrer l'arbitraire.
7.
Dans un dernier grief, le recourant soutient que la constatation de la cour cantonale selon laquelle la loi ne prévoit pas que la décision du Procureur général se périme par un an et l'affirmation selon laquelle celle-ci est en conséquence définitive et exécutoire et qu'elle est encore pleinement valable consacre une violation du principe de la bonne foi tel qu'il est prévu à l'art. 9 Cst. Selon lui, il y aurait mauvaise foi de la part de l'autorité d'exécution qui, d'un côté, renoncerait à exécuter l'ordonnance par une sorte de transaction extra légale avec le bailleur pour ensuite décréter, lorsque cela fait plaisir au bailleur, que l'ordonnance est toujours pleinement valable. Il s'agirait là d'une attitude contradictoire qui ne saurait être protégée dans le cadre de l'Etat de droit. Il serait en outre arbitraire de considérer que l'ordonnance est toujours valable alors que son action consacrerait la violation du principe de la primauté du droit fédéral précédemment soulevée. Sa relation avec les bailleurs ne pouvant être régie que par les principes du droit fédéral, à savoir par le droit du bail à loyer, le Procureur général, qui aurait avalisé la nouvelle relation contractuelle, en ne faisant rien ou, plutôt, en obéissant aux instructions du bailleur, aurait lui-même rendu son ordonnance caduque. De même, les bailleurs n'auraient utilisé le Service des évacuations que comme une arme de pression pour encaisser ses loyers. En procédant de la sorte pendant plus de trois ans, ils auraient choisi de nouer une relation contractuelle avec lui, qui devait être considérée comme étant un bail à loyer. Ils ne pouvaient en conséquence plus se prévaloir de l'ordonnance d'évacuation du Procureur général, à laquelle on devait, selon le principe de la bonne foi, considérer qu'ils avaient renoncé.
Par ce moyen, qui apparaît dans une large mesure comme une compilation des précédents, le recourant ne fait que tenter une ultime fois de faire reconnaître l'existence d'un contrat de bail tacite et la péremption de l'ordonnance du Procureur général, arguments vainement plaidés en instance cantonale. Partant, ce grief ne saurait davantage être accueilli.
8.
En définitive, le recours de droit public ne peut qu'être rejeté dans la mesure où il est recevable.
9.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera aux intimés, créanciers solidaires, une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Ire Section de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 18 octobre 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: