Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4P.166/2005 /svc
Arrêt du 25 octobre 2005
Ire Cour civile
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président,
Klett, Nyffeler, Favre et Kiss.
Greffière: Mme Charif Feller.
Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me Daniel Peregrina, avocat,
contre
Les Transports Publics Genevois,
route de la Chapelle 1, 1212 Grand-Lancy,
intimés, représentés par Me Nicolas Peyrot, avocat,
Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève
du 13 mai 2005.
Faits:
A.
Le 14 juin 1999, Les Transports Publics Genevois (ci-après: TPG ou intimés), établissement public autonome de droit cantonal, ont lancé un appel public d'offres, intitulé "projet Radio 2000" et portant sur un nouveau réseau de radios professionnelles.
Par courrier du 27 juillet 2000, les TPG ont annoncé à X.________ SA (recourante) qu'ils considéraient son offre comme étant la meilleure. Ils relevaient cependant l'existence d'un problème d'interface susceptible d'engendrer des coûts très élevés. Suite à un rapport d'expertise, établi avec l'aide de la recourante à la demande des TPG, ceux-ci lui ont annoncé qu'ils renonçaient au projet et l'ont invitée à leur communiquer une estimation des frais engagés. Le 27 décembre 2000, les TPG ont rappelé à la recourante qu'ils étaient disposés à indemniser le travail supplémentaire effectué dans le cadre de l'appel d'offres. Le même jour, la recourante a établi une facture de 115'000 fr., que les TPG contestent avoir reçu.
Le 7 avril 2003, les TPG ont lancé conjointement avec les Transports publics de la région lausannoise SA un appel d'offres, intitulé SAIEV et portant sur le renouvellement de leur système informatique de régulation du trafic ainsi que de leurs infrastructures et moyens de communication radio. La recourante a pris part à cet appel d'offres. Le 26 août 2003, se référant à des promesses qui lui auraient été faites, elle a sollicité des informations et une entrevue au sujet de sa collaboration dans le nouveau projet. Face au refus des TPG, la recourante a réitéré sa requête en menaçant de révéler certains faits si les TPG ne lui accordaient pas un geste en relation avec les investissements consentis dans le cadre du projet Radio 2000. Elle a également affirmé que des informations fournies par elle avaient été réutilisées dans le cahier des charges du nouveau projet. Les TPG ont prié la recourante de mettre fin à ses allégations non fondées. Le 7 janvier 2004, ils ont annoncé que le projet SAIEV avait été attribué à une autre société.
Le 8 janvier 2004, la recourante a réclamé aux TPG le paiement d'un montant de 355'000 fr. au total, à titre de réparation du dommage qu'elle avait subi suite à l'interruption du projet Radio 2000. Cette somme se décomposait comme suit:
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Fr.
1) Frais de participation à l'appel d'offres de 1999 100'000.--
2) Frais additionnels à la suite des demandes
des TPG 115'000.--
3) Deux ans d'intérêts à 5% sur les frais engagés
pour la mise en place d'un réseau de simulation
non utilisé par les TPG (frais s'élevant
à 1'000'000 fr.) 100'000.--
4) Utilisation des secrets d'affaires et de fabrication
dans le second appel d'offres 40'000.-- _________
TOTAL 355'000.--
B.
Le 6 avril 2004, la recourante, invoquant la violation de l'Accord intercantonal sur les marchés publics (AIMP) et du Règlement genevois sur la passation des marchés publics en matière de fournitures et de services, a assigné les intimés en paiement d'un montant de 355'000 fr., plus intérêts à 5% dès le 5 février 2004.
Par jugement sur partie du 11 novembre 2004, le Tribunal de première instance du canton de Genève a débouté la recourante de ses prétentions à hauteur de 315'000 fr. (postes 1 à 3), considérant qu'elles étaient prescrites. S'agissant du solde des prétentions (poste 4), le Tribunal a réservé les droits de la recourante ainsi que l'instruction du litige y relatif.
Dans son arrêt du 13 mai 2005, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement de première instance. Elle a constaté que les prétentions étaient prescrites à concurrence de 200'000 fr. (postes 1 et 3), a réservé les droits de la recourante quant au solde de ses prétentions (postes 2 et 4) et a renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il statue dans le sens des considérants.
C.
La recourante forme un recours de droit public pour violation des art. 29 et 9 Cst. , concluant à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice.
Les intimés concluent au rejet du recours.
La Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 et les arrêts cités).
1.2 Le recours de droit public n'est en principe recevable qu'à l'encontre des décisions finales prises en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 OJ). Il l'est contre les décisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises séparément; ces décisions ne peuvent être attaquées ultérieurement (art. 87 al. 1 OJ). Le recours de droit public est recevable contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises séparément s'il peut en résulter un préjudice irréparable (art. 87 al. 2 OJ). Lorsque le recours de droit public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées avec la décision finale (art. 87 al. 3 OJ).
1.3
1.3.1 Constitue une décision finale celle qui met un point final à la procédure, qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (ATF 129 III 110 consid. 1.2.1). Est en revanche une décision incidente celle qui est prise pendant le cours de la procédure et ne représente qu'une étape vers la décision finale; elle peut avoir pour objet une question formelle ou matérielle, jugée préalablement à la décision finale (ATF 128 I 215 consid. 2 et les arrêts cités). Ces principes valent également pour toutes les décisions partielles (ATF 127 I 92 consid. 1b), y compris les décisions partielles proprement dites (ATF 130 III 755 consid. 1.2).
1.3.2 Dans le cas présent, l'autorité intimée a statué sur trois des quatre prétentions de la recourante. Elle a considéré que deux d'entre elles (postes 1 et 3) étaient prescrites, compte tenu de l'art. 60 al. 1 CO, applicable à titre de droit cantonal supplétif (cf. art. 6, 7 al. 2 et 9 de la Loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes; LREC /GE). Elle a estimé que la troisième prétention (poste 2) , soumise au délai décennal de l'art. 127 CO, n'était pas prescrite. Quant à la quatrième prétention (poste 4), la cour cantonale a considéré qu'il n'y avait pas lieu de revoir cette question, les intimés n'ayant pas contesté qu'elle n'était pas prescrite comme retenu par le premier juge.
Par conséquent, la décision cantonale apparaît comme partielle proprement dite (cf. ATF 130 III 755 consid. 1.2 et l'arrêt cité), puisqu'elle ne met pas un terme au litige divisant les parties et qu'elle ne statue pas sur le sort de toutes les prétentions de la recourante, la procédure devant être poursuivie pour la troisième et la quatrième prétention (postes 2 et 4).
Dès lors, elle ne pourra faire l'objet d'un recours de droit public que si elle entraîne un préjudice irréparable (art. 87 al. 2 OJ) pour la recourante.
1.4 Par préjudice irréparable, la jurisprudence entend un dommage juridique qui ne peut être réparé ultérieurement, notamment par la décision finale. En revanche, un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable. Il faut qu'une décision finale, même favorable au recourant, ne puisse le faire disparaître entièrement, en particulier lorsque la décision incidente ne peut plus être attaquée avec la décision finale (ATF 127 I 94 consid. 1c et les arrêts cités).
En l'espèce, s'agissant des deux prétentions qui ont été jugées prescrites, la recourante peut attaquer la décision partielle proprement dite avec la décision mettant fin au litige, la seule perte de temps n'étant pas déterminante au regard de l'art. 87 OJ (ATF 127 I 94 consid. 1c p. 95).
2.
Le recours est irrecevable. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires ainsi qu'une indemnité à titre de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Un émolument judiciaire de 6'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
La recourante versera aux intimés une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 25 octobre 2005
Au nom de la Ire Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: