Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2A.24/2005 /svc
Arrêt du 17 janvier 2006
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Yersin et Berthoud, Juge suppléant.
Greffier: M. Vianin.
Parties
A.________,
recourant,
représenté par Me Philippe Vogel, avocat,
contre
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), Schwarztorstrasse 50, 3003 Berne,
Commission fédérale de recours en matière
de contributions, avenue Tissot 8, 1006 Lausanne.
Objet
taxe sur la valeur ajoutée; imposition de la marge,
recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale de recours en matière de contributions du 2 décembre 2004.
Faits:
A.
A.________ a exploité à B.________, sous forme d'entreprise individuelle, un garage avec atelier de réparation et commerce de véhicules automobiles. Il a été immatriculé au registre des contribuables au sens des art. 17 de l'ordonnance du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RO 1994 1464 ss et les modifications ultérieures) et 21 de la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (LTVA; RS 641.20) depuis le 1er janvier 1995. L'entreprise a été radiée du registre du commerce du canton de Vaud le 8 août 2001, par suite de cessation d'activité.
A la suite d'un contrôle fiscal, l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: l'Administration fédérale ou l'intimée) a procédé à la rectification de l'imposition de l'intéressé pour les périodes fiscales allant du 1er janvier 1995 au 31 mars 1996. Le décompte complémentaire établi à cette occasion le 31 mai 1996 fait état d'un montant global de 66'169 fr. dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA). Ce montant correspond à la somme des reprises suivantes: 11'956 fr. 25 d'impôt sur des chiffres d'affaires non déclarés, 36'685 fr. 15 d'impôt sur les chiffres d'affaires provenant du commerce de véhicules d'occasion pour lesquels l'imposition de la marge n'a pas été admise, 16'250 fr. à titre d'imposition de prestations à soi-même et 1'278 fr. à titre de rectification de la mise en compte de l'impôt préalable. A.________ ayant contesté les reprises précitées, l'Administration fédérale lui a notifié le 5 mars 1998 une décision par laquelle elle a confirmé la créance fiscale résultant du décompte du 31 mai 1996. Par décision du 17 janvier 2003, elle a rejeté la réclamation interjetée, qui portait uniquement sur la reprise liée au commerce de véhicules d'occasion, et a confirmé le montant de 36'685 fr. 15, plus intérêts moratoires, aux motifs que les factures adressées aux clients portaient la mention "TVA 6,5% incluse" et que les conditions relatives au nombre de kilomètres parcourus par les véhicules en cause n'étaient pas remplies.
B.
Saisie d'un recours contre la décision précitée, la Commission fédérale de recours en matière de contributions (ci-après: la Commission de recours) l'a partiellement admis, par décision du 2 décembre 2004. Elle a retenu en substance que pour bénéficier de l'imposition de la différence ou de la marge au sens de l'art. 26 al. 7 OTVA, le vendeur de véhicules automobiles d'occasion avait l'interdiction de mentionner la TVA vis-à-vis de l'acheteur, que le recourant n'avait pas respecté cette exigence et que cette réglementation formelle s'appliquait même en cas de vente à des non-assujettis ou à des assujettis n'ayant pas déduit l'impôt préalable. En outre, l'imposition de la marge ne pouvait pas être admise du fait que certains véhicules avaient parcouru plus de 2'000 km entre la date de leur acquisition et celle de leur revente. Le recours n'a été admis que sur la question des frais de procédure mis à la charge de A.________ par l'Administration fédérale.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision de la Commission de recours du 2 décembre 2004. Il se plaint d'une fausse application de l'art. 26 al. 7 OTVA.
La Commission de recours se réfère à sa décision et renonce à présenter des observations. L'Administration fédérale conclut au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 130 I 312 consid. 1 p. 317; 130 II 388 consid. 1 p. 389, 321 consid. 1 p. 324).
1.2 Formé contre une décision au sens de l'art. 5 PA, prise par une Commission fédérale de recours (art. 98 lettre e OJ) et fondé sur le droit public fédéral, le présent recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions mentionnées aux art. 99 à 102 OJ, est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ ainsi que de la règle particulière des art. 54 al. 1 OTVA et 66 al. 1 LTVA.
Le recourant ayant obtenu gain de cause sur la question des frais de la procédure de réclamation, il n'a pas d'intérêt juridique à contester la décision de la Commission de recours sur ce point. Dans cette mesure, son recours est irrecevable.
Pour le surplus, déposé dans les formes et le délai requis, le recours est recevable.
2.
Selon l'art. 93 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 2001, les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exécution restent applicables, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridiques ayant pris naissance au cours de leur durée de validité.
L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2000, s'applique dès lors au présent litige, qui porte sur les périodes fiscales allant du premier trimestre 1995 au premier trimestre 1996.
3.
3.1 Selon l'art. 26 al. 1 OTVA, l'impôt se calcule sur la contre-prestation. Est réputé contre-prestation tout ce que le destinataire, ou un tiers à sa place, dépense en contre-partie de la livraison ou de la prestation de services (art. 26 al. 2 OTVA).
L'art. 26 al. 7 OTVA prévoit une réglementation spéciale pour le commerce de véhicules automobiles d'occasion. En vertu de cette disposition, si l'assujetti a acquis un tel véhicule en vue de le revendre, il peut, lors du calcul de l'impôt sur la vente, déduire le prix d'achat du prix de vente, à condition qu'il n'ait pas eu le droit de déduire l'impôt préalable sur le prix d'achat, ou qu'il n'ait pas exercé ce droit. Cette réglementation est communément appelée "imposition de la différence" ou "imposition de la marge", en ce sens que l'impôt n'est dû que sur le montant correspondant à la part du prix de vente qui dépasse le prix d'achat. Fondée sur le principe de la neutralité concurrentielle, elle a pour but d'atténuer les inconvénients que subissent les commerçants de véhicules d'occasion qui acquièrent ces véhicules de vendeurs non assujettis et qui sont eux-mêmes assujettis, par rapport aux vendeurs de tels véhicules qui ne le sont pas et échappent ainsi à l'impôt. Elle a été jugée conforme à la Constitution et "eurocompatible" (2A.416/1999, Archives 71 p. 641, RDAF 2001 II p. 112, consid. 4b) et a été reprise dans la loi régissant la taxe sur la valeur ajoutée, qui l'a étendue à tous les biens mobiliers usagers (art. 35 LTVA).
L'imposition de la différence a des incidences sur la déduction de l'impôt préalable et sur la facturation. Le vendeur qui fait usage de cette faculté n'est pas autorisé à déduire l'impôt qui lui a été facturé lors de l'achat du véhicule ou qu'il a payé sur ce bien à l'importation (art. 30 al. 5 OTVA). De son côté, l'acquéreur du véhicule ne peut déduire l'impôt préalable calculé sur la différence (2A.416/1999, précité, consid. 5a). Pour éviter toute déduction injustifiée, le vendeur n'est pas autorisé à faire état d'un impôt vis-à-vis de l'acheteur. L'art. 28 al. 4 OTVA précise à ce sujet que l'assujetti qui calcule l'impôt sur la vente d'un véhicule d'occasion conformément à l'art. 26 al. 7 OTVA n'a le droit de mentionner l'impôt ni sur les étiquettes, listes de prix ou offres analogues, ni dans les factures. Si le vendeur mentionne l'impôt sur les factures, en violation de l'art. 28 al. 4 OTVA, il doit acquitter la TVA sur l'intégralité du prix de vente. Le caractère très formaliste de cette réglementation a pour conséquence qu'elle s'applique indépendamment du point de savoir si les clients destinataires des factures sont assujettis ou non et si, dans l'affirmative, ils ont fait valoir la déduction de l'impôt préalable (2A.546/2000, Archives 72 p. 727, RF 58/2003 p. 209, consid. 3 à 6; cf. aussi ATF 131 II 185 consid. 8.2 p. 197).
3.2 L'Administration fédérale a précisé les conditions de l'imposition de la marge dans ses Instructions à l'usage des assujettis et dans ses brochures. Selon ces dernières (brochure no 610.507-2 "La branche des véhicules automobiles", novembre 1995, ch. 5.2 et 5.3; cf. aussi la version précédente de la même brochure, intitulée "Assujettis de la branche de l'automobile", octobre 1994, ch. 4.2 et 4.3), ces conditions sont cumulativement les suivantes :
a) Il s'agit d'un véhicule d'occasion, à savoir d'un véhicule dont le compteur indique au minimum 2'000 km,
b) l'impôt préalable sur le prix d'acquisition du véhicule n'a pas pu être déduit ou ne l'a volontairement pas été,
c) le véhicule a été acquis pour la revente, ce qui présuppose que, entre son acquisition et sa revente,
- il n'a pas parcouru plus de 2'000 km (5'000 km à partir du 1er janvier 1997), et
- il n'a pas été affecté exclusivement à la location,
d) l'impôt n'a été mentionné ni sur les étiquettes, listes de prix ou offres analogues, ni sur les factures.
S'agissant de la condition d) ci-dessus, il est précisé, en caractères gras, que "s'il est fait état de l'impôt dans les factures, l'imposition de la différence n'est pas admise et l'impôt est dû en plein" (brochure de novembre 1995, p. 22).
Les Instructions à l'usage des assujettis indiquent également en caractères gras que l'imposition de la différence "exclut toute mention" de TVA dans les factures (ch. 363 des éditions 1994 et 1997).
4.
En l'occurrence, l'autorité intimée a refusé au recourant le bénéfice de l'imposition de la marge notamment pour le motif que certains véhicules avaient parcouru plus de 2'000 km entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente. Dans son mémoire adressé au Tribunal de céans, le recourant se borne, à cet égard, à renvoyer aux écritures déposées devant les instances précédentes. Son recours est irrecevable dans cette mesure: s'il n'est pas exclu, dans un recours de droit administratif, de renvoyer pour plus de précisions aux écritures antérieures de la procédure, un renvoi pur et simple n'est pas admissible, le recourant devant indiquer à tout le moins sur quels points et pour quels motifs il conteste la décision entreprise (ATF 113 Ib 287).
5.
5.1 Le recourant admet que les factures de revente des véhicules d'occasion faisant l'objet de la reprise litigieuse mentionnent la TVA. Il relève toutefois que cela provient d'une erreur informatique. Au demeurant, il fait valoir que les véhicules d'occasion qu'il revendait provenaient de reprises lors de la vente d'autres véhicules. Exemple chiffré à l'appui, il soutient que l'imposition du prix de revente dans son intégralité - l'imposition de la marge n'étant pas applicable - lors des ventes successives de ces véhicules provenant de reprises conduit à imposer plusieurs fois "le même capital" et "la même opération".
5.2 Lorsque le vendeur d'un véhicule reprend en même temps l'ancien véhicule de l'acheteur, le prix de vente du nouveau véhicule est acquitté en partie en espèces et en partie en nature, par la remise de l'ancien. Si la prestation consistant à livrer le nouveau véhicule est imposable, l'impôt est calculé sur la base de la contre-prestation (art. 26 al. 1 OTVA), dont fait partie la valeur attribuée à l'ancien véhicule (cf. la brochure précitée de novembre 1995, ch. 3.2). L'imposition porte alors sur la valeur du nouveau véhicule. Contrairement à ce que semble admettre le recourant, elle ne porte pas sur la valeur de reprise de l'ancien véhicule, laquelle constitue seulement (une partie de) la base de calcul de l'impôt sur la vente du nouveau. Lorsque le vendeur et repreneur de l'ancien véhicule le revend par la suite, la valeur de celui-ci est à son tour soumise à l'impôt. Il s'agit toutefois de deux opérations distinctes en ce sens qu'elles portent sur des biens différents, dont l'imposition successive ne provoque pas le cumul d'impôt dénoncé par le recourant.
Au surplus, le recourant, qui n'a pas observé les exigences formelles dont dépend l'imposition de la marge, ne peut bénéficier de ce mode d'imposition (cf. consid. 3.1 ci-dessus). A cet égard, il ne lui est d'aucun secours d'alléguer une erreur liée à son système informatique, car l'erreur du mandataire - concepteur du programme informatique - est opposable à l'assujetti, seul responsable de l'imposition correcte et complète de son chiffre d'affaires en vertu du principe de l'auto-taxation sur lequel se fonde l'imposition de la TVA.
La décision de la Commission de recours du 2 décembre 2004 est donc fondée.
6.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaire ( art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la Commission fédérale de recours en matière de contributions.
Lausanne, le 17 janvier 2006
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: