Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6S.40/2006 /fzc
Arrêt du 17 février 2006
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffière: Mme Kistler.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Christian Petermann, avocat,
contre
Ministère public du canton de Neuchâtel,
rue du Pommier 3, case postale 2672, 2001 Neuchâtel 1.
Objet
Traitement ambulatoire, suspension de la peine (art. 44 CP),
pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 21 décembre 2005.
Faits:
A.
Par jugement du 5 septembre 2002, le Tribunal correctionnel du district de La Chaux-de-Fonds a condamné X.________, né en 1981, d'origine colombienne, à une peine de treize mois d'emprisonnement, sous déduction de neuf jours de détention préventive, et révoqué un précédent sursis portant sur une peine de six mois d'emprisonnement. Un rapport d'expertise, daté du 6 juin 2002, préconisait un traitement psychiatrique hospitalier dans un premier temps, puis une prise en charge psychothérapique ambulatoire au Centre psycho-social neuchâtelois. Il précisait que le traitement ambulatoire n'était pas incompatible avec l'exécution d'une peine ferme. Sur cette base, le Tribunal a donc ordonné la suspension des peines de treize mois et de six mois d'emprisonnement au profit d'un placement dans une institution pour le traitement des alcooliques.
B.
X.________ a été placé à l'Hôpital psychiatrique de Perreux dès le 1er novembre 2002, puis à Pontareuse dès le 4 décembre 2002.
Par décision du 25 février 2003, une peine de vingt jours d'arrêts infligée à X.________ a été également suspendue au profit de la mesure en cours.
En juin 2003, l'institution de Pontareuse a signalé certaines difficultés avec X.________, en particulier un comportement de nature sexuelle incompatible avec les règles de l'établissement. L'intéressé a contesté ces reproches. Comme il déclarait vouloir reprendre un apprentissage et se sentir la force de continuer seul son chemin avec le soutien de sa famille, le président du Tribunal correctionnel de La Chaux-de-Fonds a décidé, par ordonnance du 21 août 2003, de lever la mesure de placement et d'ordonner, en lieu et place, un traitement ambulatoire, les peines prononcées les 8 novembre 2000, 7 février 2002 et 5 septembre 2002 demeurant suspendues au profit du traitement ambulatoire.
Le 27 août 2004, le président du Tribunal correctionnel de La Chaux-de-Fonds a accepté de suspendre une nouvelle peine de vingt jours d'emprisonnement, prononcée par le Tribunal de police contre X.________. Dans un rapport adressé au médecin cantonal le 17 février 2004, le Dr A.________ du Centre psycho-social neuchâtelois signalait en effet que X.________ avait certes des difficultés à honorer les rendez-vous, mais que "son évolution était remarquable dans le sens d'une meilleure maîtrise de son impulsivité".
C.
C.a Le 8 octobre 2004, X.________ a circulé au volant d'un véhicule alors qu'il se trouvait sous l'influence de l'alcool (au moins 3,83 g/kg). Par ordonnance pénale du 3 novembre 2004, le Ministère public du canton de Neuchâtel l'a condamné à trois mois d'emprisonnement ferme et à une amende de 300 francs.
Les 13 janvier et 22 janvier 2005, X.________ a conduit en état d'ivresse (2,04 g/kg et 1,94 g/kg), alors qu'il était sous le coup du retrait de son permis de conduire. Par jugement du 16 septembre 2005, le Tribunal de police du district de La Chaux-de-Fonds l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement et 250 francs d'amende.
Ces dossiers ont été transmis au président du Tribunal correctionnel du district de La Chaux-de-Fonds afin qu'il statue sur l'éventuelle suspension de ces peines au profit de la mesure en cours.
C.b Dans un rapport du 17 février 2005, le Dr A.________ a déclaré qu'il avait vu X.________ à cinq reprises et que celui-ci avait manqué trois rendez-vous. Compte tenu de l'irrégularité du suivi et de la nouvelle condamnation pour conduite en état d'ivresse, il a conclu que "le traitement ambulatoire montre ses limites" et que "l'exécution des peines devait être envisagée", ajoutant que "l'alternative des travaux d'intérêt général lui paraissait la meilleure option, toujours dans l'esprit éducatif qui sous-tendait la plupart des traitements obligatoires".
Dans une attestation du 15 septembre 2005, la Fondation neuchâteloise pour la prévention et le traitement des addictions indique que X.________ suivait régulièrement le traitement au Disulfiram (Antabus) qu'il avait commencé le 15 février 2005 auprès du Centre neuchâtelois d'alcoologie.
Lors de son audition du 16 septembre 2005, le représentant du service de probation a déclaré qu'il suivait X.________ depuis le début du mois d'août 2005 et que l'évolution de ce dernier était en tous points favorable. L'épisode du mois de novembre 2005 avait eu un effet déclencheur salutaire. Le réseau mis en place avait pu constater que l'intéressé s'investissait énormément dans son traitement, qu'il en respectait le cadre, notamment en se rendant régulièrement aux entretiens fixés.
C.c Par ordonnance du 20 septembre 2005, le président du Tribunal correctionnel du district de La Chaux-de-Fonds a refusé de suspendre, au profit de la mesure en cours, la peine de trois mois d'emprisonnement prononcée le 3 novembre 2004 par le Ministère public et celle de quatre mois d'emprisonnement infligée par le Tribunal de police du district de La Chaux-de-Fonds. En revanche, il a maintenu le traitement ambulatoire actuel et la mesure de patronage et décidé que les peines prononcées les 2 novembre 2000, 7 février 2002, 5 septembre 2002 et 19 décembre 2003 pouvaient demeurer suspendues.
En substance, il s'est référé au rapport du 17 février 2005 du médecin traitant, qui constatait que le traitement ambulatoire avait trouvé ses limites. Il a considéré que même s'il était possible que X.________ ait quelque peu changé depuis ce constat, datant de février 2005, il n'en demeurait pas moins que sa situation restait précaire, dès lors qu'il n'était pas intégré professionnellement, que la formation qu'il disait suivre ne l'occupait qu'une demi-journée par semaine et que son mariage, datant du 15 février 2005, avait été décidé sous la pression des autorités administratives en matière d'asile. Rappelant qu'un avertissement lui avait été adressé au mois d'août 2004, il a constaté que X.________ peinait à prendre conscience des limites s'imposant à tout un chacun. Pour conclure, il a déclaré que l'exécution des peines n'était pas de nature à mettre en péril le traitement en cours, ni la réinsertion sociale de l'intéressé, qui était somme toute très limitée.
D.
Statuant le 21 décembre 2005 sur recours de X.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a confirmé cette dernière ordonnance.
En résumé, elle a considéré que si le traitement ambulatoire au Centre psychosocial n'avait eu que des effets mitigés, puisque X.________ avait commis des récidives, le suivi mis en place depuis le mois de février 2005 au Centre neuchâtelois d'alcoologie, avec prise d'Antabus, "semblait constituer un complément bienvenu". Elle a estimé que cette évolution positive avait sans doute permis à X.________ d'éviter qu'il soit mis fin au traitement et que l'exécution de l'ensemble des peines prononcées soit ordonnée. Elle a conclu que, compte tenu des sept condamnations précédentes, sans aucune exécution de peine, le premier juge n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'il se justifiait - dans un objectif de prévention spéciale - voire générale, encore que la publicité d'une telle décision soit limitée -, de ne pas suspendre également au profit du traitement ambulatoire en cours les deux dernières condamnations. Elle a ajouté que l'exécution de ces peines privatives de liberté n'était pas de nature à compromettre le traitement suivi par le recourant qui consistait en une prise d'Antabus et de médicaments, ainsi qu'en une psychothérapie, sous forme d'entretiens mensuels au Centre psychosocial.
E.
Contre cet arrêt cantonal, X.________ dépose un pourvoi en nullité devant le Tribunal fédéral. Dénonçant une violation des art. 13 al. 2, 43 ch. 1 al. 3 et ch. 2 CP, il reproche à la Cour de cassation neuchâteloise d'avoir renoncé à suspendre les peines infligées, sans ordonner une expertise psychiatrique sur la compatibilité de l'exécution des peines avec le traitement ambulatoire. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et sollicite l'assistance judiciaire.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La décision attaquée concerne l'exécution des peines et des mesures. Selon la jurisprudence, les décisions que le Code pénal attribue au juge doivent être considérées comme des jugements selon l'art. 268 ch. 1 PPF, car, dans l'idée du législateur, ces décisions ne concernent pas la seule exécution du jugement, mais peuvent en modifier le contenu (ATF 106 IV 183 consid. 2 p. 186). Etant donné que les art. 44 ch. 1 et 43 ch. 2 CP donnent au juge la compétence de suspendre l'exécution de la peine au profit d'un traitement ambulatoire, la décision qu'il prend à ce sujet doit faire l'objet d'un pourvoi en nullité, et non d'un recours de droit administratif. Il s'ensuit que le présent pourvoi est recevable.
2.
2.1 Selon l'art. 44 ch. 1 CP, si le délinquant est alcoolique et que l'infraction commise est en rapport avec cet état, le juge pourra l'interner dans un établissement pour alcooliques ou au besoin dans un établissement hospitalier, pour prévenir de nouveaux crimes ou délits. Il pourra aussi ordonner un traitement ambulatoire. Par analogie avec l'art. 43 ch. 2 CP, il pourra suspendre l'exécution de la peine si celle-ci n'est pas compatible avec le traitement ambulatoire.
2.2 Le Tribunal fédéral a déduit du texte légal et des travaux préparatoires qu'en règle générale, la peine devait être exécutée immédiatement et qu'il fallait procéder au traitement ambulatoire simultanément (ATF 116 IV 101 consid. 1a p. 102; 105 IV 87 consid. 2b p. 88; Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Allgemeiner Teil II: Strafen und Massnahmenn, 90, § 11).
L'art. 44 ch. 1 al. 2 CP laisse au juge le soin d'ordonner une expertise pour autant que cela s'avère nécessaire. Comme, en règle générale, le juge ne dispose pas des connaissances nécessaires pour répondre aux questions pertinentes qui se posent en ce domaine, il est admis qu'il devra recueillir l'avis d'un expert (ATF 116 IV 101 consid. 1b p. 103). Conformément au principe de la proportionnalité, il pourra cependant renoncer à une expertise détaillée dans les cas simples et sans portée particulière, notamment lorsqu'il s'agit d'ordonner un traitement ambulatoire, pour autant toutefois qu'une brève expertise ou un rapport médical traite l'ensemble des questions pertinentes (ATF 128 IV 241 consid. 3.1 p. 244).
Même lorsque sont réunies les conditions permettant de suspendre l'exécution de la peine, la loi n'impose pas au juge de le faire, mais lui en offre la possibilité, laissant à son appréciation la décision d'user ou non de cette faculté, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'excès ou d'abus du pouvoir d'appréciation (ATF 120 IV 1 consid. 2c p. 5; 119 IV 309 consid. 8b p. 314; 116 IV 101 consid. 1a p. 102). Le juge doit prendre sa décision en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce, en particulier des chances de succès du traitement, des effets que l'on peut escompter de l'exécution de la peine, ainsi que du besoin ressenti par le corps social de réprimer les infractions (ATF 129 IV 161 consid. 4.1 p. 162; 124 IV 246 consid. 2b p. 248; 120 IV 1 consid. 2c p. 4 s.).
3.
En l'espèce, le rapport d'expertise de juin 2002 déclarait qu'il n'y avait pas d'incompatibilité entre le traitement ambulatoire et l'exécution des peines. Rien n'indique dans le dossier que depuis lors les chances de réinsertion se seraient considérablement amoindries en cas de traitement ambulatoire appliqué en cours de détention. Au contraire, dans son rapport de février 2005, le médecin traitant préconisait l'exécution des peines. Sur la base du dossier, l'autorité cantonale était donc parfaitement habilitée à se prononcer sur l'opportunité de la mesure et sa compatibilité avec l'exécution des peines; une nouvelle expertise n'était pas nécessaire. En outre, sur le plan de la politique criminelle, le constat s'imposait, vu les nombreuses récidives du recourant, que le traitement ambulatoire en liberté ne permettait pas de l'empêcher à commettre de nouvelles infractions. Vu les différents avis médicaux et compte tenu des récidives commises par le recourant, l'autorité cantonale n'a donc pas abusé de son pouvoir d'appréciation en renonçant à suspendre les nouvelles peines.
4.
Au vu de ce qui précède, le pourvoi doit être rejeté.
Comme le pourvoi était d'emblée dépourvu de chances de succès, l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ). Le recourant, qui succombe, sera condamné aux frais (art. 278 al. 1 PPF), dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa situation financière.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le pourvoi est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Un émolument judiciaire de 800 francs est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Neuchâtel et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 17 février 2006
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: