BGer 2P.16/2006
 
BGer 2P.16/2006 vom 01.06.2006
Tribunale federale
{T 0/2}
2P.16/2006 /ajp
Arrêt du 1er juin 2006
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dubey.
Parties
La Ville de Fribourg, agissant par sa Commission sociale, 1700 Fribourg,
recourante,
contre
AX.________ et BX.________,
intimés, représentés par Me Nicolas Charrière, avocat,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, 1762 Givisiez.
Objet
art. 50 al. 1 Cst. (autonomie communale; suppression de l'aide sociale matérielle),
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, du 14 décembre 2005.
Faits:
A.
AX.________ et BX.________ sont parents de deux enfants nés en 1996 et 1998, dont ils ont la charge. Depuis mai 1998, ils sont soutenus par le Service de l'aide sociale de la Ville de Fribourg (ci-après: Service d'aide sociale) qui leur a fourni diverses aides puis un soutien financier permanent complet (environ 3'500 fr. par mois) depuis le mois d'avril 2001.
Par décision provisoire du 29 juin 2004, le Service de l'aide sociale a retranché 340 fr. (15%) du montant d'aide mensuelle à compter du mois de juillet 2004 pour tenir compte de diverses ressources des époux X.________ (aide de tiers et commerce de voitures d'occasion) en attendant la décision de la Commission sociale de la Ville de Fribourg (ci-après: la Commission sociale).
Par décision du 27 août 2004, la Commission sociale a réduit dès le 1er septembre 2004 l'aide mensuelle qu'elle octroyait aux époux X.________ au paiement des seuls frais d'assurance maladie et de loyers, supprimant ainsi le versement du "budget d'entretien et des prestations casuelles", tant qu'ils disposeraient d'autres ressources (aide de tiers et commerce de voitures d'occasion) et tant qu'ils ne collaboraient pas pleinement avec les instances d'aide et d'assurances sociales.
B.
Une réclamation déposée par les époux X.________ contre la décision du 27 août 2004 a été rejetée par décision de la Commission sociale le 13 septembre 2004. L'achat, l'immatriculation le 2 avril 2004, puis l'exploitation d'une voiture de marque Porsche 944 induisaient des dépenses qui n'étaient pas compatibles avec l'octroi de l'aide sociale. Même si, selon les explications douteuses des époux, cette voiture appartenait au père de BX.________, domicilié en Serbie-Monténégro, la mise à disposition d'un tel véhicule constituait une aide en nature déductible de l'aide sociale versée. Au demeurant, selon la Commission sociale, qui déplorait à cet égard également le manque de collaboration des époux X.________, l'immatriculation depuis 2001 de six voitures au nom de AX.________ laissait penser qu'il était associé à un commerce de voitures d'occasion.
C.
Saisi d'un recours des époux X.________ contre la décision sur réclamation du 13 septembre 2004, le Tribunal administratif du canton de Fribourg a invité la Commission sociale à verser aux intéressés une aide matérielle minimale (c'est-à-dire le forfait mensuel pour l'entretien diminué de 15%; ci-après: le minimum vital absolu) par ordonnance de mesures provisionnelles du 8 octobre 2004.
Il a partiellement admis leur recours par arrêt du 14 décembre 2005. Il a retenu en substance que la Commission sociale ne disposait d'aucun élément permettant de mettre en doute les déclarations des intéressés selon lesquelles la Porsche était la propriété du père de la recourante. La propriété des recourants sur le véhicule n'ayant pu être établie, ils ne pouvaient être tenus de le vendre. La seule jouissance du véhicule n'avait aucune incidence directe sur le montant de l'aide matérielle, puisqu'elle ne pouvait être convertie en espèces ni satisfaire les besoins élémentaires des intéressés. Ces derniers avaient néanmoins renoncé à la détention du véhicule en janvier 2005. AX.________ avait certes fait immatriculer cinq voitures depuis 2001. Ces seuls indices ne permettaient pas de conclure qu'il avait exercé une activité indépendante et ni obtenu un gain, dont le montant, le cas échéant, permettrait de considérer qu'il disposait de ressources suffisantes non déclarées. En revanche, en omettant d'informer le Service social de la détention de véhicules automobiles et en n'obtempérant pas immédiatement aux instructions tendant au dépôt des plaques, les intéressés avaient gravement manqué à leurs obligations, ce qui justifiait une limitation de l'aide sociale au montant nécessaire à la couverture du minimum vital absolu du mois de juillet 2004 au mois de janvier 2005. Dès le mois de février 2005 en revanche, cette mesure ne se justifiait plus.
D.
Agissant par la voie du recours de droit public, la Commune de Fribourg, par son Service d'aide sociale, demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par le Tribunal administratif et, le cas échéant, de renvoyer la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision. Elle se plaint de la violation de son autonomie, de la violation de l'interdiction de l'arbitraire ainsi que de la violation de l'intérêt public.
AX.________ et BX.________ requièrent l'octroi de l'assistance judiciaire, la nomination d'un défenseur d'office en la personne de leur mandataire et concluent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
E.
Par ordonnance du 9 février 2006, le Président de la IIe Cour de droit public a partiellement admis la requête de mesures provisionnelles déposées par la Commune de Fribourg, dans le sens des considérants.
Sur demande du juge instructeur, la Commune de Fribourg a produit, le 5 mai 2006, le dossier de AX.________ et BX.________ constitué par le Service d'aide sociale et déposé des observations complémentaires.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59).
1.1 Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit public est ouvert aux particuliers et aux collectivités lésés par des arrêtés ou des décisions qui les concernent personnellement ou qui sont d'une portée générale. Le recours de droit public est conçu pour la protection des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre a OJ). Il doit permettre à ceux qui en sont titulaires de se défendre contre toute atteinte à leurs droits de la part de la puissance publique. De tels droits ne sont reconnus en principe qu'aux citoyens, à l'exclusion des collectivités publiques qui, en tant que détentrices de la puissance publique, n'en sont pas titulaires et ne peuvent donc pas attaquer, par la voie du recours de droit public, une décision qui les traite comme autorités. Cette règle s'applique aux cantons, aux communes et à leurs autorités, qui agissent en tant que détentrices de la puissance publique. La jurisprudence admet toutefois qu'il y a lieu de faire une exception pour les communes et autres corporations de droit public, notamment lorsque, par la voie du recours de droit public, elles se plaignent d'une violation de leur autonomie (art. 50 Cst.; cf. ATF 125 I 173 consid. 1b p. 175; 121 I 218 consid. 2a).
En l'espèce, en tant que débitrice de prestations d'aide sociale, la recourante est touché par l'arrêt attaqué en sa qualité de détentrice de la puissance publique. Pour que son recours de droit public soit recevable, il suffit qu'elle invoque, comme en l'espèce, une violation de son autonomie, la question de savoir si elle est réellement autonome dans le domaine en cause étant une question de fond et non de recevabilité (ATF 129 I 313 consid. 4.2 p. 319).
1.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de l'arrêt attaqué (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p. 169, 137 consid. 1.2 p. 139 et la jurisprudence citée). Dans la mesure où la recourante demande autre chose que l'annulation de l'arrêt attaqué, soit le renvoi de la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision, en particulier pour fixation des montants qui lui sont encore dus, ses conclusions sont dès lors irrecevables.
1.3 Déposées après l'échéance du délai de recours (art. 89 al. 1 OJ) et sans qu'un second échange d'écritures au sens de l'art. 93 al. 3 OJ n'ait été ordonné, les déterminations complémentaires et les nouvelles pièces déposées par la recourante le 5 mai 2006 ne peuvent être prises en considération (ATF 108 Ia 140 consid. 5b p. 143; 105 Ib 37 consid. 2 p. 40).
1.4 Pour le surplus, déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit public, le présent recours est recevable au regard des art. 84 ss OJ.
2.
La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir violé son autonomie en substituant son appréciation de la situation des intimés à la sienne.
2.1 L'art. 50 al. 1 Cst. dispose que l'autonomie communale est garantie dans les limites fixées par le droit cantonal. Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive mais dans lesquels il lui laisse une liberté de décision relativement importante (ATF 129 I 410 consid. 1 et 2 p. 412ss; 129 I 313 consid. 5.2 p. 320; 126 I 133 consid. 2 p. 136). L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans une matière concrète sont déterminées essentiellement par la constitution et la législation cantonales, auxquelles il convient d'ajouter les domaines d'autonomie qui sont historiquement dévolus aux communes, comme celui de l'aide sociale (arrêt 2P.240/1995 du 22 janvier 1996, consid. 3c in ZBl 98/1997, p. 414 et les nombreuses références citées, ainsi que ATF 127 II 238 consid. 3a p. 240; 124 I 223 consid. 2b p. 226-227 et les arrêts cités). Les communes peuvent également jouir d'une autonomie protégée dans l'application du droit cantonal, lorsque celui-ci leur laisse une liberté de décision relativement importante. Il faut toutefois que l'exécution, en première instance, des dispositions cantonales leur soit confiée et que la nature du domaine à régler se prête à une réglementation propre des différentes communes (ATF 119 Ia 214 consid. 3b p. 219, 285 consid. 5b p. 298).
Selon la jurisprudence, toutes les notions juridiques indéterminées du droit cantonal ne confèrent pas nécessairement à la commune un domaine d'autonomie protégé. Pour déterminer si les communes jouissent d'un pouvoir de décision relativement important dans un domaine, il convient d'examiner si la législation cantonale, en leur confiant une tâche, visait à assurer une plus grande participation démocratique dans le domaine ainsi qu'une meilleure exécution des tâches au niveau local. En revanche, celles-ci ne jouissent pas d'autonomie dans les domaines qui nécessitent en arrière-plan une coordination supra-communale ou une compensation entre les communes, (arrêt 2P.240/1995 du 22 janvier 1996, consid. 3b in ZBl 98/1997, p. 414 et les nombreuses références citées).
2.2 En l'espèce, la loi fribourgeoise du 14 novembre 1991 sur l'aide sociale (LASoc; RSFR 831.0.1) régit l'aide sociale accordée par les communes et l'Etat aux personnes domiciliées, séjournant ou de passage dans le canton. En vertu de l'art. 22a LASoc, le Conseil d'Etat édicte les normes de calcul de l'aide matérielle, en se référant aux normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (art. 22a al. 1 LASoc). Ces normes ont été arrêtées dans l'ordonnance cantonale du 8 septembre 2003 fixant les normes de calcul de l'aide matérielle de la loi sur l'aide sociale (RSFR 831.0.12). Malgré le caractère relativement indéterminé des dispositions légales sur ce point, les communes ne disposent pas dans ce domaine d'application du droit cantonal d'un pouvoir de décision autonome protégé. Il convient en effet de fixer d'une manière uniforme pour le territoire cantonal les conditions auxquelles une personne est considérée comme étant dans le besoin et quels sont les objectifs à atteindre au moyen des prestations de l'aide sociale (arrêt 2P.240/1995 du 22 janvier 1996, consid. 3c in ZBl 98/1997, p. 414 et les nombreuses références citées)
En revanche, c'est aux communes de veiller à ce que les personnes dans le besoin bénéficient efficacement de l'aide sociale, notamment des mesures d'insertion sociale (art. 15 LASoc). En particulier, le service social d'une commune a notamment pour tâche de contribuer à la prévention sociale, d'instruire les dossiers d'aide sociale et de fournir l'aide personnelle et l'aide matérielle (art. 18 LASoc). La commission sociale de la commune décide de l'octroi, du refus, de la modification, de la suppression et du remboursement de l'aide matérielle, dont elle détermine également la forme, la durée et le montant (art. 20 LASoc). Ces dispositions légales comportent des notions juridiques indéterminées, qui confèrent à la commune un certain pouvoir de décision. La raison en est que chaque situation d'aide sociale constitue un cas particulier, qui nécessite d'examiner en détail la forme d'aide la plus appropriée aux spécificités de la personne dans le besoin. La commune peut en effet mieux juger de l'aide nécessaire parce qu'elle connaît mieux que le canton les données locales et personnelles dont dépend dans une grande mesure l'aide nécessaire.
2.3 Reconnue autonome dans un domaine spécifique, une commune peut notamment se plaindre, par la voie du recours de droit public, du fait qu'une autorité cantonale de recours ou de surveillance a excédé son pouvoir d'examen ou a faussement appliqué des normes communales, cantonales ou fédérales régissant le domaine en cause (cf. ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136; 122 I 279 consid. 8c p. 291; 116 Ia 252 consid. 3b p. 256-257; 114 Ia 80 consid. 2a p. 82-83, 168 consid. 2a p. 170; 113 Ia 332 consid. 1b p. 333-334 et la jurisprudence citée; arrêt du 28 janvier 1994 in ZBl 1994 p. 300 consid. 4a p. 302-303 et les arrêts cités; Markus Dill, Die staatsrechtliche Beschwerde wegen Verletzung der Gemeindeautonomie, thèse Berne 1996, p. 100 ss, 106 ss et 126). Le Tribunal fédéral examine librement l'interprétation du droit constitutionnel cantonal ou fédéral; en revanche, il ne vérifie l'application des règles de rang inférieur à la constitution et la constatation des faits que sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 122 I 279 consid. 8c p. 291 et la jurisprudence citée).
3.
La recourante reproche au Tribunal administratif d'avoir violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire.
3.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 57 consid. 2 p. 61; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275; 127 I 60 consid. 5a p. 70; 125 I 166 consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée).
3.2 Lorsque la partie recourante - comme c'est le cas en l'espèce - s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
4.
En premier lieu, la recourante tient l'arrêt du Tribunal administratif pour arbitraire en ce qu'il viole les règles relatives au fardeau de la preuve et, implicitement au moins, apprécie de manière insoutenable les preuves des parties.
4.1 Selon un principe généralement admis en procédure administrative - qui trouve application en droit de l'aide sociale - il incombe à celui qui fait valoir l'existence d'un fait de nature à en déduire un droit d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve (Ulrich Häfelin/Georg Müller, Allgemeines Verwaltungsrecht, Schulthess 2002, n° 1623, p. 344; Felix Wolffers, Fondements du droit de l'aide sociale, Haupt 1995, p. 118; cf. également les principes dégagés de l'art. 8CC: cf. Vogel/Spühler, Grundriss des Zivilprozessrechts, 8e éd., Berne 2006, n. 54 p. 264; Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, Berne 2001, n. 786 p. 152). Ce principe n'exclut ni l'appréciation anticipée des preuves (ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 25) ni la preuve par indices (ATF 114 II 289 consid. 2a p. 291).
En particulier, selon l'art. 26 LASoc, la personne qui sollicite une aide matérielle est tenue d'informer le service social de sa situation personnelle et financière de manière complète et de produire les documents nécessaires à l'enquête. L'aide matérielle peut être refusée si le requérant ne produit pas les documents nécessaires à l'enquête. Cependant, elle ne peut être refusée à une personne dans le besoin, même si celle-ci est personnellement responsable de son état. Le bénéficiaire doit informer sans délai le service social de tout changement de sa situation.
4.2 En l'espèce, en se fondant sur les données de l'Office de la circulation et de la navigation du canton de Fribourg, la recourante a démontré que AX.________ était détenteur d'un véhicule de marque automobile Porsche immatriculé à son nom, ce que le Tribunal administratif a tenu pour établi. Il a en revanche refusé d'en conclure, comme la recourante, que l'intimé en était le propriétaire, en considérant que rien au dossier ne permettait de mettre en doute les affirmations de l'intimé, selon lesquelles ce véhicule était la propriété du père de son épouse, domicilié en Serbie-Monténégro et qu'il en supportait les frais d'utilisation. Ce raisonnement est arbitraire. En effet, une fois établi que ce véhicule était immatriculé au nom de l'intimé, ce qui laissait présumer qu'il en était le propriétaire, à tout le moins le détenteur, et en assumait les charges, il incombait à ce dernier de démontrer le contraire au moyen de preuves plus convaincantes que de simples affirmations. A cet égard, en se contentant de simples affirmations contraires non documentées, le Tribunal administratif a apprécié de manière insoutenable les preuves à sa disposition et indûment renversé la fardeau de la preuve au détriment de la recourante. Le Tribunal administratif a en effet méconnu à tort que ces affirmations provenaient des intimés, intéressés à l'issue de la procédure, dont le défaut de collaboration antérieure était largement établi. Leur valeur probante était bien moindre que les allégations de la recourante documentées par pièces, d'autant moindre que le contenu des affirmations des intimées révélait une situation pour le moins curieuse et inhabituelle.
Il en va de même des conclusions que le Tribunal administratif a tirées des nombreuses immatriculations de véhicules effectuées par l'intimé. La recourante en a déduit l'existence d'un commerce lucratif de voitures d'occasion. Ces immatriculations également prouvées par pièces constituaient des indices suffisants pour affirmer que les intimés bénéficiaient de gains accessoires incompatibles avec l'octroi d'une aide sociale complète. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirme de manière arbitraire le Tribunal administratif, c'était bien aux intimés et non pas à la recourante qu'il incombait de démontrer qu'il n'y avait pas de commerce de voitures d'occasion, ou le cas échéant, que ce commerce ne produisait aucun revenu.
Par conséquent, en considérant que la recourante n'a nullement démontré qu'aucun indice ne permettait de douter des déclarations des intéressés, le Tribunal administratif a apprécié de manière arbitraire les preuves à sa disposition et violé les règles relatives au fardeau de preuve. Le recours doit être admis pour ce motif. Il doit l'être également pour les raisons qui suivent.
5.
La recourante reproche encore au Tribunal administratif d'avoir appliqué de manière arbitraire le droit cantonal, en considérant que la seule jouissance d'un véhicule n'avait aucune incidence directe sur le montant de l'aide matérielle dans la mesure où elle ne pouvait être convertie en espèce ni satisfaire les besoins élémentaires des intimés. En outre, selon la recourante, nier toute prise en compte de prestations en nature conduirait à de graves inégalités de traitement entre les bénéficiaires de l'aide sociale et les personnes qui vivent dans des conditions économiques modestes sans avoir recours à l'aide sociale.
5.1 Selon les art. 2 et 3 LASoc, l'aide sociale a pour but de favoriser l'autonomie et l'intégration sociale de la personne qui éprouve des difficultés sociales ou qui ne peut subvenir à son entretien, d'une manière suffisante ou à temps, par ses propres moyens. Elle comprend la prévention, l'aide personnelle, l'aide matérielle et la mesure d'insertion sociale (art. 4 al. 1 LASoc). L'aide matérielle est une prestation allouée en espèces, en nature ou sous la forme d'un contrat d'insertion sociale (art. 4 al. 4 LASoc). Le Conseil d'Etat a arrêté l'ordonnance du 8 septembre 2003 fixant les normes de calcul de l'aide matérielle de la loi sur l'aide sociale (Ordonnance relative à l'aide matérielle; RSFR 831.0.12) en se référant aux normes émises par la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS). Selon l'art. 5 LASoc, l'aide sociale n'est toutefois accordée que dans la mesure où la personne dans le besoin ne peut pas être entretenue par sa famille conformément aux dispositions du code civil suisse ou ne peut pas faire valoir d'autres prestations légales auxquelles elle a droit. Cette réglementation correspond aux principes dégagés par la CSIAS, en particulier le principe de subsidiarité qui régit le domaine de l'aide sociale en Suisse. Selon ceux-ci, le principe de subsidiarité signifie que l'aide sociale n'intervient que si la personne ne peut subvenir elle-même à ses besoins et si toutes les autres sources d'aide disponible ne peuvent être obtenues à temps et dans une mesure suffisante. Il n'y a ainsi pas de droit d'option entre les sources d'aides prioritaires. En particulier, l'aide sociale est subsidiaire par rapport aux prestations légales de tiers ainsi que par rapport aux prestations volontaires de tiers (CSIAS, Aide sociale - concepts et normes de calcul, 4e éd., Berne 2005, A.4-1 s.), ce que l'art. 8 de l'ordonnance relative à l'aide matérielle concrétise en exigeant que l'ensemble des revenus et la fortune du bénéficiaires et de tous les membres faisant partie du ménage soient pris en considération dans le calcul du budget de l'aide matérielle.
Dans ce sens, le Tribunal fédéral a jugé que n'était pas arbitraire la décision d'une commune de réduire l'aide matérielle octroyée à une personne du montant de l'aide en espèce versée volontairement par sa soeur qui servait notamment à payer le leasing d'une BMW et la location d'un appartement relativement onéreux (arrêt 2P.127/2000 du 13 octobre 2000).
5.2 En l'espèce, le Tribunal administratif a jugé que la recourante avait estimé à tort que les intimés bénéficiaient d'une aide financière de tiers non déclarée, apte à justifier une réduction de l'aide qui devait leur être apportée. La recourante tient à bon droit les considérations du Tribunal administratif pour arbitraires. D'une part, on ne saurait le suivre lorsqu'il affirme que la mise à disposition d'un véhicule ne peut être évaluée en espèces. Les dépenses liées à l'acquisition et l'utilisation d'un véhicule, fût-il d'occasion, peuvent être établies, à tout le moins estimées à l'aide des factures et des données d'expérience publiées par des associations actives en Suisse dans le domaine des transports et de la défense des automobilistes. D'autre part, si, comme le laissent entendre les intéressés, ces dépenses étaient prises en charge à bien plaire par un membre de leur famille, il n'en demeure pas moins que le montant auquel elles correspondent doit être affecté en priorité à l'entretien des personnes dans le besoin. Il est en effet contraire au principe de subsidiarité que les intimés affectent l'aide sociale qui leur est dispensée en priorité à leurs besoins essentiels tandis que, par ailleurs, ils bénéficient durablement de l'aide de tiers, en l'espèce de leur famille, pour financer des dépenses somptuaires. Une telle situation conduirait, comme le souligne à juste titre la recourante, à privilégier les bénéficiaires de l'aide sociale par rapport aux personnes qui vivent dans des conditions économiques modestes sans avoir recours à l'aide sociale.
Par conséquent, en jugeant que la détention d'un véhicule de luxe par les intéressés ne justifiait pas une réduction de l'aide matérielle, le Tribunal administratif a renoncé de manière arbitraire à l'application du principe de subsidiarité de l'aide sociale.
Le recours devant également être admis sur ce point, il n'est pas nécessaire d'examiner le grief de la recourante relatif à la violation du principe de l'intérêt public.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours de droit public, dans la mesure où il est recevable. L'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par le Tribunal administratif du canton de Fribourg est annulé.
Les intimés ont déposé en temps utile une requête tendant à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la désignation d'un défenseur d'office en la personne de leur mandataire. Les conditions de l'art. 153 OJ étant réalisées, il convient d'acquiescer à leur requête. En effet, leur indigence est établie dès lors que la recourante ne leur a pas retiré le bénéfice de l'aide sociale pour le paiement du loyer et des cotisations d'assurance maladie et leurs conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec. Dans ces conditions, ils sont dispensés de payer les frais judiciaires, qui sont mis à leur charge conformément à l'art. 156 OJ.
Enfin, la complexité de l'affaire ainsi que l'égalité des armes, la recourante étant assistée de son propre service juridique, justifie l'assistance d'un défenseur d'office, désigné en la personne de leur avocat, à qui il est alloué une rémunération de défenseur d'office à charge de la caisse du Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ).
La recourante disposant de son propre service juridique, il ne lui est pas alloué d'indemnité de procédure bien qu'elle ait obtenu gain de cause (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis, dans la mesure où il est recevable.
2.
L'arrêt rendu le 14 décembre 2005 par le Tribunal administratif du canton de Fribourg est annulé.
3.
AX.________ et BX.________ sont mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Partant, ils sont dispensés de payer les frais de la procédure judiciaire.
4.
Me Nicolas Charrière, avocat, est désigné défenseur d'office de AX.________ et BX.________.
5.
Un montant de 1'000 fr., mis à la charge de la caisse du Tribunal fédéral, est alloué à Me Nicolas Charrière à titre d'honoraires de défense d'office.
6.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la Commission sociale de la Ville de Fribourg, au mandataire de AX.________ et BX.________ et au Tribunal administratif du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative.
Lausanne, le 1er juin 2006
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: