Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause {T 7}
I 364/05
Arrêt du 19 juin 2006
IIIe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffier : M. Piguet
Parties
A.________, recourante,
contre
Office cantonal AI Genève, 97, rue de Lyon, 1203 Genève, intimé,
Instance précédente
Tribunal cantonal des assurances sociales, Genève
(Jugement du 28 avril 2005)
Faits:
A.
A.a A.________ et B.________ se sont mariés en 1988. Deux enfants sont issus de cette union: C.________, née en 1989, et G.________, né en 1991. La dissolution du mariage a été prononcée le 20 novembre 1997. L'autorité parentale et la garde sur les enfants ont été attribuées à leur mère, tandis que leur père a été condamné à contribuer à leur entretien.
Par jugement du 11 avril 2002, le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève a modifié le jugement de divorce, en attribuant notamment l'autorité parentale et la garde sur les enfants à leur père et en dispensant leur mère de contribuer à leur entretien.
A.b Par décision du 13 juin 2003, l'Office cantonal de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a alloué à A.________ à partir du 1er février 2002 une rente entière de l'assurance-invalidité, assortie de deux rentes complémentaires pour enfants, étant précisé que ces dernières devaient être directement versées en mains du père.
L'opposition formée par l'assurée contre cette décision, en tant qu'elle portait sur ce dernier point, a été rejetée le 6 novembre 2003.
B.
A.________ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève, qui l'a déboutée par jugement du 28 avril 2005.
C.
A.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle conclut au paiement entre ses mains de tout ou partie des rentes pour enfant allouées depuis le 1er février 2002.
L'office AI et B.________, en tant que partie intéressée à la procédure, concluent au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur la décision de l'administration, confirmée par la juridiction cantonale, d'autoriser le versement des rentes allouées le 13 juin 2003 par l'assurance-invalidité en faveur des enfants C.________ et G.________ à l'époux divorcé de la recourante.
2.
Limité à la question du mode de paiement des rentes pour enfants, le litige n'a pas pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance (ATF 129 V 364 consid. 2), de sorte que le Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ ).
3.
3.1 Selon les art. 22ter al. 2 LAVS et 35 al. 4 LAI (entrés en vigueur le 1er janvier 1997), la rente pour enfant est versée comme la rente à laquelle elle se rapporte. Les dispositions relatives à un emploi de la rente conforme à son but (art. 20 LPGA) ainsi que les décisions contraires du juge civil sont réservées. Le Conseil fédéral peut édicter des dispositions spéciales sur le versement de la rente, en dérogation à l'art. 20 LPGA, notamment pour les enfants de parents séparés ou divorcés. Dans un premier temps, le Conseil fédéral n'a pas fait usage de cette possibilité, dans la mesure où la jurisprudence avait établi des règles complémentaires concernant le versement des rentes en mains de tiers. En effet, une rente pouvait exceptionnellement et sur demande être versée au parent non titulaire de la rente principale, à la condition que celui-ci détenait l'autorité parentale, que l'enfant ne vivait pas chez le parent titulaire de la rente principale, et que le devoir d'entretien de ce dernier n'allait pas au-delà d'une contribution aux frais. Cette pratique était seulement applicable là où la situation de droit était claire et stable; elle ne pouvait être étendue à des situations éminemment labiles et provisoires, où le juge civil pouvait en tout temps prendre des mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts de l'union conjugale (ATF 103 V 134 consid. 3, 101 V 209 consid. 2, 98 V 216).
3.2 Avec l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2000, de la révision du 26 juin 1998 du Code civil suisse, l'art. 285 CC a été complété d'un al. 2bis. Selon cette nouvelle disposition, le débiteur de la contribution d'entretien, auquel reviennent par la suite, en raison de son âge ou de son invalidité, des rentes d'assurances sociales ou d'autres prestations destinées à l'entretien de l'enfant en remplacement du revenu d'une activité, doit les verser à l'enfant; le montant de la contribution d'entretien versée jusqu'alors est réduit d'office en conséquence.
Avant l'entrée en vigueur de cette norme, le fait pour l'époux séparé ou divorcé du bénéficiaire de la rente de toucher des contributions d'entretien et des rentes pour enfants ne constituait pas un cumul illicite de prestations (art. 285 al. 2 CC; ATF 128 III 308 consid. 4; SVR 2002 IV n° 5 p. 12 consid. 3c/bb). L'adjonction de l'al. 2bis à l'art. 285 CC a introduit une réglementation plus favorable à l'ayant droit à la rente débiteur de la contribution d'entretien par rapport à sa situation juridique antérieure. Cette amélioration s'exprime en premier lieu dans le montant à payer à titre de contribution d'entretien, sans exercer toutefois d'influence directe sur l'admissibilité du versement des rentes pour enfants au parent non bénéficiaire qui détient l'autorité parentale sur les enfants avec lesquels il vit (ATF 129 V 367 consid. 5).
3.3 Au regard de la nouvelle réglementation introduite à l'art. 285 al. 2bis CC, il est apparu opportun au Conseil fédéral de mettre en oeuvre la possibilité offerte à l'art. 35 al. 4 LAI et de créer une base réglementaire claire pour le versement des rentes pour enfants en mains de tiers. Aux termes de l'art. 71ter al. 1 RAVS (entré en vigueur le 1er janvier 2002), auquel renvoie l'art. 82 RAI en ce qui concerne, notamment, les rentes de l'assurance-invalidité, lorsque les parents de l'enfant ne sont pas ou plus mariés ou qu'ils vivent séparés, la rente pour enfant est versée sur demande au parent qui n'est pas titulaire de la rente principale si celui-ci détient l'autorité parentale sur l'enfant avec lequel il vit. Toute décision contraire du juge civil ou de l'autorité tutélaire est réservée. Selon l'al. 2 de cette disposition, l'al. 1 est également applicable au paiement rétroactif des rentes pour enfants. Si le parent titulaire de la rente principale s'est acquitté de son obligation d'entretien vis-à-vis de son enfant, il a droit au paiement rétroactif des rentes jusqu'à concurrence des contributions mensuelles qu'il a fournies.
3.4 Selon les explications du Conseil fédéral relative à l'art. 71ter RAVS (VSI 2002 p. 16), il suffit désormais, pour qu'un versement - en cours ou à titre rétroactif - des rentes pour enfants puisse se faire en mains de tiers, que les parents de l'enfant ne soient pas ou plus mariés ensemble ou qu'ils vivent séparés, étant entendu que dans cette dernière hypothèse une séparation de fait au sens de l'art. 30bis RAI suffit. Par ailleurs, l'enfant doit vivre avec le parent non rentier et ce dernier doit également détenir l'autorité parentale. A cet égard, il importe peu que le parent non rentier dispose de l'autorité parentale exclusive ou qu'il l'exerce conjointement avec le parent rentier. En effet, en cas d'autorité parentale conjointe, les parents doivent trouver un commun accord quant à la répartition des frais d'entretien de l'enfant (art. 133 al. 3 et 298a al. 1 CC). Sont dans tous les cas réservées les décisions sur le versement des rentes pour enfants prises par l'autorité tutélaire (parents non mariés) ou le juge civil (parents séparés ou divorcés).
4.
4.1 En l'espèce, B.________ s'est vu accorder l'autorité parentale sur les enfants C.________ et G.________ à compter de l'entrée en force du jugement en modification du jugement de divorce du 11 avril 2002, soit postérieurement à la date de la naissance du droit à la rente d'invalidité, le 1er février 2002. Conformément au sens littéral du texte de l'art. 71ter al. 2 1ère phrase RAVS, le versement rétroactif des rentes pour enfants à l'époux divorcé pour la période antérieure à l'entrée en force du jugement précité n'était pas admissible.
4.2 Cela étant, il ressort du dossier et des explications données par B.________ devant la Cour de céans qu'à la suite d'une décision du Service de protection de la jeunesse, les enfants C.________ et G.________ vivent auprès de leur père depuis le mois de mars 1999, celui-ci pourvoyant depuis lors à leur entretien et assumant les frais de leur éducation. Le jugement en modification du jugement de divorce n'a dès lors fait que consacrer en droit une situation de fait pérenne depuis plus de trois ans.
En pareilles circonstances, la disposition réglementaire introduite par le Conseil fédéral, qui limite le droit au versement rétroactif des rentes complémentaires pour enfants aux seuls parents titulaires de l'autorité parentale, apparaît trop restrictive et peu compatible avec le but assigné par la loi à la rente complémentaire pour enfant, selon lequel elle doit être affectée exclusivement à l'entretien et l'éducation des enfants (ATFA 1964 p. 264). Il convient bien plutôt d'interpréter l'art. 71ter al. 2 1ère phrase RAVS en ce sens qu'il autorise également le paiement rétroactif des rentes pour enfants en mains du parent non-bénéficiaire de la rente principale, lorsqu'il est établi, comme en l'espèce, que les enfants ont vécu de manière durable et stable chez ce parent et que celui-ci a assumé effectivement leur entretien et leur éducation durant cette période.
4.3 Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que l'office intimé a également opéré en mains de B.________ le versement rétroactif des rentes pour enfants pour la période antérieure à l'entrée en force du jugement en modification du jugement de divorce du 11 avril 2002.
5.
A.________ estime néanmoins avoir droit au versement de tout ou partie des rentes pour enfants allouées par l'office AI, dès lors qu'elle doit personnellement s'acquitter des frais liés à l'exercice de son droit de visite.
Selon une pratique constante, les coûts liés à l'exercice du droit de visite doivent être supportés en principe par le parent bénéficiaire, à défaut d'une solution contraire prévue par le jugement de divorce (Philippe Meier/Martin Stettler, Droit de la filiation, Tome II: Effets de la filiation (art. 270 à 327 CC), 3e éd., Fribourg 2006, p. 145, n. 264; Cyril Hegnauer, Berner Kommentar, n. 143 sv. ad art. 273 CC; Annatina Wirz, in Ingeborg Schwenzer [éd.], Scheidung, Berne 2005, n. 25 ad art. 273 CC; Walter Bühler/Karl Spühler, Berner Kommentar, n. 248 et 315 ad art. 156 CC).
Or, aussi bien le jugement de divorce du 20 novembre 1997 que le jugement du 11 avril 2002 le modifiant ne contiennent aucune disposition prévoyant le versement à la recourante de tout ou partie d'une éventuelle rente pour enfant de l'assurance-invalidité qui lui aurait été allouée ultérieurement. On ne saurait à tout le moins déduire du chiffre 5 du second jugement, aux termes duquel A.________ est dispensée de contribuer à l'entretien des enfants C.________ et G.________, que celle-ci puisse conserver les rentes pour enfants qui lui ont été allouées en sus de sa rente d'invalidité afin de permettre de financer l'entretien de ses enfants durant son droit de visite. Il convient d'ajouter par ailleurs que les autorités compétentes en matière d'assurances sociales ne sauraient s'immiscer dans un domaine réservé en principe au juge civil.
6.
Au vu de ce qui précède, le recours se révèle par conséquent mal fondé.
Bien qu'ils ne portent pas sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, les litiges portant sur le paiement de rentes pour enfants en main du père ou de la mère sont soumis à la gratuité de la procédure (ATF 129 V 370 consid. 7 et la référence).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 19 juin 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier: