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Original
 
Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause {T 7}
U 264/05
Arrêt du 29 août 2006
IIIe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Lustenberger. Greffier : M. Wagner
Parties
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,
contre
M.________, intimé
Instance précédente
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
(Jugement du 19 mai 2005)
Faits:
A.
M.________, né le 10 octobre 1945, a travaillé en qualité de chef de chantier au service de l'entreprise X.________ S.A. A ce titre, il était assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) pour les accidents professionnels et non professionnels.
Le 10 mai 1995, le prénommé travaillait sur un chantier de la Cimenterie Y.________. Alors qu'il découpait un silo, celui-ci s'est ouvert et lui est tombé dessus, ce qui a provoqué un écrasement du bassin. Transporté au Centre hospitalier Z.________, où les médecins du Service de chirurgie orthopédique, traumatologie et plastique ont diagnostiqué une fracture du cotyle droit, une fracture des branches ilio ischio-pubienne gauches, une fracture sacro-iliaque gauche et une plaie de l'urètre, il a bénéficié d'un traitement avec ostéosynthèse du cotyle. Du 22 juin au 20 juillet 1995, il a suivi une rééducation au Centre de réadaptation fonctionnelle de l'Institut W.________. Un essai de reprise du travail dès le 4 mars 1996 a échoué. Depuis le 13 avril 1996, M.________ n'a plus exercé son métier. Le cas a été pris en charge par la CNA.
Selon un examen médical final du docteur G.________, médecin d'arrondissement de la CNA et spécialiste FMH en chirurgie, du 24 février 1997, il persistait une coxarthrose modérée à droite et une altération de la sacro-iliaque modérée avec sclérose du bord iliaque surtout à gauche. Sauf le traitement en cours, il n'y avait pas de traitement susceptible d'améliorer la situation, qui vraisemblablement n'allait pas non plus s'améliorer spontanément.
Dans une communication du 27 mars 1997, la CNA a avisé M.________ qu'il n'avait plus besoin de traitement et qu'elle mettait fin au paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière le 30 avril 1997 au soir. Par décision du 26 septembre 1997, elle lui a alloué dès le 1er mai 1997 une rente d'invalidité pour une incapacité de gain de 30 % et une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 24'300 fr. , compte tenu d'une diminution de l'intégrité de 25 %.
M.________ a formé opposition contre cette décision. Il produisait deux certificats médicaux du docteur V.________, généraliste, des 21 juillet et 18 octobre 1997, attestant des douleurs chroniques du bassin, surtout au niveau de la hanche, ainsi que des douleurs du rachis lombaire, nécessitant un traitement médical à visée antalgique continu et un traitement anti-inflammatoire.
Par décision du 9 mars 1999, la CNA, se fondant sur une appréciation médicale du docteur G.________ du 19 mars 1998, a rejeté l'opposition.
B.
B.a Par jugement du 19 juillet 2000, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par M.________ contre cette décision. Par arrêt du 9 mai 2001, le Tribunal fédéral des assurances a annulé ce jugement et renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour complément d'instruction au sens des considérants et nouveau jugement. Attendu qu'il y avait divergence dans les avis médicaux en ce qui concerne le degré de la capacité de travail de l'assuré dans une activité adaptée à son état de santé, le Tribunal des assurances était invité à trancher cette question, litigieuse en procédure cantonale.
B.b Le Tribunal des assurances du canton de Vaud a requis la production du dossier de l'assurance-invalidité. Celui-ci contient notamment un rapport d'expertise du 24 octobre 2000 du professeur I.________, spécialiste FMH en chirurgie et orthopédie, indiquant que M.________ a présenté de manière constante depuis le 7 juillet 1997 une capacité de travail raisonnablement exigible de l'ordre de 66 2/3 à 75 % dans une activité adaptée principalement en position assise (dans un bureau, à la réception, dans un magasin, dans des tâches de contrôle ou comme chauffeur). Dans une appréciation médicale du 21 décembre 2000, la doctoresse E.________, médecin de l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, a conclu à une incapacité de travail de 30 % dans des activités de substitution dès le 7 juillet 1997. Dans un prononcé du 19 février 2001, l'office AI a fixé à 58 % l'invalidité de l'assuré. Par décision du 22 mars 2001, il a alloué à M.________ à partir du 1er janvier 2000 une demi-rente d'invalidité, assortie d'une demi-rente pour son épouse.
Les parties ont eu la possibilité de se déterminer sur le dossier de l'assurance-invalidité, ce que la CNA a fait en déposant ses observations du 4 mars 2005.
Par jugement du 19 mai 2005, le Tribunal des assurances a partiellement admis le recours formé par l'assuré contre la décision de la CNA du 9 mars 1999, réformé celle-ci en ce sens que M.________ avait droit, depuis le 1er mai 1997, à une rente fondée sur un taux d'invalidité de 51 %, à charge pour la CNA d'en fixer la quotité, et renvoyé le dossier à la CNA afin qu'elle procède à la révision du droit à la rente conformément aux considérants.
C.
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents interjette un recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, la cause étant renvoyée à la juridiction cantonale pour qu'elle procède à une instruction complémentaire sur le taux de l'incapacité de travail imputable aux seules atteintes à la santé en relation de causalité avec l'accident du 10 mai 1995.
M.________ conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique n'a pas déposé d'observations.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le droit de l'intimé à une rente d'invalidité de l'assurance-accidents à partir du 1er mai 1997, respectivement sur sa capacité de travail dans une activité adaptée et sur l'évaluation et le taux de son invalidité.
2.
2.1 La législation applicable en cas de changement de règles de droit reste celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 130 V 446 s. consid. 1.2.1, 127 V 467 consid. 1, 126 V 165 consid. 4b). Par ailleurs, les faits sur lesquels le Tribunal fédéral des assurances peut être amené à se prononcer dans le cadre d'une procédure de recours de droit administratif sont ceux qui se sont produits jusqu'au moment de la décision administrative litigieuse (ATF 121 V 366 consid. 1b).
2.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-accidents. Toutefois, conformément aux principes exposés ci-dessus (supra, consid. 2.1), le cas d'espèce reste régi par les règles applicables jusqu'au 31 décembre 2002.
3.
La juridiction cantonale a exposé correctement les normes applicables (art. 6 al. 1 LAA, art. 18 al. 2 aLAA dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002). Ainsi que l'a rappelé également le tribunal des assurances, une personne est considérée comme incapable de travailler lorsque, pour cause d'atteinte à la santé, elle ne peut plus exercer son activité habituelle ou ne peut l'exercer que d'une manière limitée ou encore qu'avec le risque d'aggraver son état, ou n'est pas en mesure de pratiquer une autre activité adaptée à son état de santé. Le taux de l'incapacité de travail s'apprécie au regard de la profession de l'assuré aussi longtemps que l'on ne peut raisonnablement exiger de lui qu'il utilise dans un autre secteur sa capacité résiduelle de travail (ATF 115 V 133 consid. 2, 404 consid. 2 et les arrêts cités).
4.
Il y a lieu d'examiner si les premiers juges étaient fondés, sur le vu des données médicales réunies au dossier (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1), à admettre une incapacité de travail de 30 % dans une activité adaptée.
4.1 Selon les premiers juges, les diagnostics posés par le professeur I.________ dans son expertise du 24 octobre 2000 qui ont une influence sur la capacité de travail de l'intimé touchent tous la région du corps atteinte par l'accident du 10 mai 1995 ou des parties qui sont reliées à cette région du corps. Ils sont liés à cet événement, y compris les problèmes de colonne lombaire, vu l'importance du traumatisme du bassin et de ses articulations avec le rachis. Partant, le degré d'incapacité de travail fixé par l'expert pour l'assurance-invalidité, tel que retenu par l'assurance-invalidité, équivaut à celui de l'assurance-accidents. D'autre part, conformément au principe de l'uniformité de la notion d'invalidité réglant la coordination de l'évaluation de l'invalidité dans l'assurance-accidents et dans l'assurance-invalidité et à la jurisprudence en la matière, la CNA est liée par l'évaluation de l'incapacité de travail effectuée par l'assurance-invalidité, qui a retenu un taux moyen de 30 %.
4.2 Cela est contesté par la recourante. Celle-ci fait valoir que dans son rapport du 24 octobre 2000, le professeur I.________ a diagnostiqué diverses atteintes affectant le bassin, la nuque, les épaules, le coude ou la colonne lombaire de l'assuré, mais que l'expert n'a pas pris position sur la question de savoir si l'ensemble de ces atteintes est imputable à l'accident du 10 mai 1995, ce qui vaut également en ce qui concerne l'appréciation médicale de la doctoresse E.________ du 21 décembre 2000. La recourante fait valoir que le docteur G.________, dans son appréciation médicale du 19 mars 1998, considère qu'il est tout à fait improbable que les lombalgies de l'assuré soient d'origine accidentelle.
4.3 Dans son appréciation médicale du 19 mars 1998, le docteur G.________ se réfère à deux rapports d'examen à l'agence de la CNA des 6 juin 1996 et 24 février 1997. Lors de ces examens, la patient ne s'était plaint que de douleurs à la face dorsale du bassin, donc sur le sacrum. La colonne lombaire n'était jamais mentionnée et elle n'a pas été examinée en particulier. Il s'agissait surtout de savoir si les articulations sacro-iliaques avaient été touchées ou non. Ainsi que l'indique le docteur G.________, il est certain qu'il n'y avait pas de lésion structurale majeure au niveau de la colonne lombaire, à la suite de l'accident du 10 mai 1995, telle que lésion ligamentaire, discale, articulaire ou fracturaire. En revanche, il y a eu ouverture de l'articulation sacro-iliaque gauche. Vu l'obésité du patient, son âge et la situation au dossier, décrite ci-dessus, il est improbable que les lombalgies, mentionnées par son médecin traitant, soient séquellaires à l'accident. Il n'est surtout pas bien imaginable comment les troubles au niveau du bassin, constatés lors des deux examens, pourraient, comme séquelle tardive, engendrer des troubles lombaires, car il n'y a pas de boiterie significative et il n'y a pas de trouble statique séquellaire à la lésion du bassin, susceptible d'engendrer de tels troubles lombaires comme pour un organe avoisinant.
De son côté, le professeur I.________ n'a pas reçu de l'office AI la mission de se prononcer sur le caractère accidentel des troubles lombaires. Dans son rapport du 24 octobre 2000, l'expert a constaté qu'au niveau des vertèbres dorsales et lombaires, il existait une scoliose et des troubles dégénératifs sous forme d'une spondylose et d'une spondylarthrose, correspondant à peu près à l'âge du patient. Cela n'a pas échappé aux premiers juges.
La juridiction cantonale n'explique pas sur quels éléments elle se fonde pour s'écarter de l'avis du docteur G.________ dans son appréciation médicale du 19 mars 1998 en ce qui concerne les troubles lombaires. Les constatations ci-dessus du professeur I.________ dans son expertise du 24 octobre 2000 ne permettent pas d'admettre au degré requis de la vraisemblance prépondérante un lien de causalité naturelle entre l'accident du 10 mai 1995 et ces troubles (ATF 129 V 181 consid. 3.1, 406 consid. 4.3.1 et les références). L'avis des premiers juges, selon lequel les problèmes de colonne lombaire sont liés à cet événement, vu l'importance du traumatisme du bassin et de ses articulations avec le rachis, n'est pas prouvé ni rendu vraisemblable.
Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le degré d'incapacité de travail fixé par le professeur I.________ pour l'assurance-invalidité, tel que retenu par l'assurance-invalidité, équivalait à celui de l'assurance-accidents. Ils n'étaient pas non plus liés par le taux d'incapacité de travail de 30 % dans une activité adaptée admis par l'office AI sur la base du rapport du professeur I.________ du 24 octobre 2000 et de l'appréciation médicale de la doctoresse E.________ du 21 décembre 2000.
La responsabilité de l'assureur-accidents se limite aux seules atteintes à la santé qui se trouvent en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident assuré (ATF 129 V 181 consid. 3.1 et 3.2, 406 consid. 4.3.1, 119 V 337 consid. 1, 118 V 289 consid. 1b et les références). Dans son expertise du 24 octobre 2000, le professeur I.________ a retenu une capacité de travail raisonnablement exigible de l'ordre de 66 2/3 à 75 % dans une activité adaptée, en se fondant sur l'ensemble des troubles dont est atteint l'intimé.
Attendu qu'il convient de distinguer entre les troubles imputables à l'événement du 10 mai 1995 et ceux qui ne le sont pas, il se justifie dès lors de renvoyer la cause à la juridiction cantonale pour complément d'instruction au sens de ce qui précède et nouveau jugement. Il y a lieu d'inviter le Tribunal des assurances à faire diligence, quatre années s'étant écoulées entre l'arrêt de renvoi du 9 mai 2001 et le jugement attaqué du 19 mai 2005.
5.
Le litige ayant pour objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud, du 19 mai 2005, est annulé, la cause étant renvoyée à la juridiction cantonale pour complément d'instruction au sens des considérants et nouveau jugement.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 29 août 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre: Le Greffier: