Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1A.122/2005 / 1A.134/2005
1P.288/2005 / svc
1P.288/2005 / hsf
Séance du 31 août 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Aeschlimann, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.
Parties
1A.122/2005 et 1P.288/2005
Eole-Res S.A.,
recourante, représentée par Me Sven Engel, avocat,
contre
A.________ et consorts,
la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage ainsi que l'Association Patrimoine Suisse (ci-après: A.________
et consorts),
intimés, représentés par Me Marie Tissot, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton
de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1,
Département de la gestion du territoire de la République et canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1, autorité intéressée,
Conseil communal de la commune de Fontaines, 2046 Fontaines, autorité intéressée,
Conseil communal de la commune des Hauts-Geneveys, 2208 Les Hauts-Geneveys,
autorité intéressée.
1A.134/2005
Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1,
recourant,
contre
A.________ et consorts,
intimés, représentés par Me Marie Tissot, avocate,
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, case postale 3174, 2001 Neuchâtel 1,
Eole-Res S.A.,
partie intéressée, représentée par Me Sven Engel, avocat,
Conseil communal de la commune de Fontaines, 2046 Fontaines, autorité intéressée,
Conseil communal de la commune
des Hauts-Geneveys, 2208 Les Hauts-Geneveys, autorité intéressée.
Objet
plan d'affectation cantonal (parc éolien du Crêt-Meuron),
recours de droit administratif (1A.122/2005, 1A.134/2005) et recours de droit public (1P.288/2005) contre l'arrêt du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel du 31 mars 2005.
Faits:
A.
En 1997, l'administration cantonale neuchâteloise a engagé une étude préliminaire visant à évaluer les sites potentiels les plus favorables pour des installations de production d'énergie éolienne. Le site du Crêt-Meuron a été retenu, avec d'autres, dans le cadre de cette étude. Ce site, au lieu-dit "Derrière Tête-de-Ran" à environ 1'300 m d'altitude, se trouve à proximité du col de la Vue-des-Alpes, à quelques kilomètres de la ville de La Chaux-de-Fonds, sur le territoire des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys.
Le site du Crêt-Meuron est compris dans le périmètre du "plan des sites naturels du canton" annexé au décret du 14 février 1966 concernant la protection des sites naturels du canton (ci-après: le décret de 1966 [RSN 461.303]). Ce site fait partie des "zones de crêtes et de forêts", en principe non constructibles. Le plan d'aménagement (plan général d'affectation) de la commune des Hauts-Geneveys, entré en vigueur le 30 mai 1995, classe le site du Crêt-Meuron - pour la partie située sur le territoire de cette commune - dans la zone de crêtes et forêts, qualifiée de zone à protéger et de zone d'affectation cantonale. Quant au plan d'aménagement de la commune de Fontaines, en vigueur depuis le 27 juin 2001, il classe le reste de ce site à la fois dans la zone de crêtes et forêts (zone d'affectation cantonale) et dans la zone agricole (zone d'affectation communale).
B.
Après l'étude préliminaire précitée, l'administration cantonale a élaboré, puis mis en consultation en juin 2001, une nouvelle fiche de coordination 9-0-04 du plan directeur cantonal. L'objet de cette fiche est ainsi décrit: "Planification cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes en vue de la production d'énergie électrique; le premier parc est planifié sur le site du Crêt-Meuron; le deuxième parc doit encore être déterminé". Deux services cantonaux, celui de l'aménagement du territoire et celui de l'énergie, sont désignés comme "instance cantonale de coordination". En ce qui concerne l'état de la coordination, la fiche indique qu'il s'agit de "mesures arrêtées". Le 29 août 2001, le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel a complété le plan directeur cantonal en y insérant la fiche 9-0-04. Cette adjonction a été approuvée par le Conseil fédéral le 4 décembre 2001.
C.
Un projet de parc éolien au Crêt-Meuron a été mis au point par le service cantonal de l'énergie, l'association Suisse-Éole (association pour la promotion de l'énergie éolienne en Suisse) et la société anonyme française Eole-Res S.A., présentée comme le "développeur" du projet. Le Département cantonal de la gestion du territoire (DGT - ci-après: le département cantonal) a élaboré, puis adopté le 20 décembre 2001, un projet de plan d'affectation cantonal, avec un périmètre général de 111.5 ha et des "périmètres d'évolution" (cercles d'un diamètre de 50 m) pour sept éoliennes réparties dans le périmètre général. Le plan figure encore trois autres périmètres d'évolution (pour un mât de mesures, un bâtiment technique et un parking), des chemins d'accès, des périmètres de revitalisation des pâturages boisés ainsi que des emplacements de mares à créer (mesures de compensation). Il reprend pour le reste les données relatives à l'affectation des zones selon le plan annexé au décret de 1966 ou selon les plans communaux.
Le règlement du plan d'affectation cantonal (RPAC) prévoit que ce plan (PAC) définit les règles d'utilisation du sol applicables aux constructions et installations nécessaires au parc éolien; pour autant que ce règlement n'en dispose pas autrement, les prescriptions des règlements sur les constructions des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys demeurent applicables (art. 2 RPAC). Les dispositions de l'art. 2 du décret de 1966 sont également applicables, sauf à l'intérieur des périmètres d'évolution (art. 4 ch. 1 RPAC). L'art. 5 ch. 2 RPAC définit les caractéristiques des sept éoliennes: chacune est constituée d'un mât de 60 m de haut sur lequel est fixé un rotor à trois pales de 66 m de diamètre; la hauteur totale d'une éolienne ne doit pas dépasser 93 m.
Le règlement du plan d'affectation cantonal impose par ailleurs au "propriétaire-exploitant du parc éolien" plusieurs charges ou obligations, notamment à propos de l'entretien des installations (art. 11 ch. 2 RPAC), de leur démontage après leur mise hors service (art. 10 ch. 2 RPAC), ou de la réalisation d'infrastructures (art. 9 ch. 3 RPAC). L'art. 14 RPAC dispose que la délivrance du permis de construire - après l'entrée en vigueur du plan - sera subordonnée à la constitution d'un droit de superficie renouvelable pour l'exploitation des installations, inscrit au registre foncier au titre de servitude personnelle en faveur du propriétaire-exploitant du parc éolien. Pendant l'élaboration de ce projet, Eole-Res S.A. a du reste signé des conventions avec certains propriétaires de terrains dans le périmètre général (X.________, Y.________ et Z.________, notamment) afin d'être autorisée à mener des études et aussi en vue de préparer la conclusion de baux.
D.
Le projet de plan d'affectation cantonal a été mis à l'enquête publique du 11 au 31 janvier 2002. Le dossier comprenait, outre le plan et le règlement, un document intitulé "rapport de conformité selon art. 47 OAT/notice d'impact sur l'environnement", établi par le bureau d'ingénieurs Urbaplan, à Neuchâtel.
Plusieurs particuliers, surtout des propriétaires de résidences secondaires dans les environs - il s'agit de A.________ et consorts, ainsi que deux organisations - la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage ainsi que l'Association Patrimoine Suisse - ont formé opposition (ci-après: les opposants, ou A.________ et consorts).
Le département cantonal a écarté ces oppositions par trois décisions motivées, rendues le 18 février 2003 (la première sur l'opposition de la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage, la deuxième sur l'opposition de l'Association Patrimoine Suisse, et la troisième sur l'opposition des particuliers).
E.
Les opposants ont recouru auprès du Tribunal administratif cantonal contre les décisions du département cantonal. Les deux recours - l'un formé par les deux organisations, l'autre par les particuliers - ont été joints. Le Tribunal administratif a, par un arrêt rendu le 31 mars 2005, admis les recours et annulé les décisions attaquées. En substance, il a effectué une pesée des intérêts en présence, retenant notamment que la planification du parc éolien devait répondre à des exigences au moins aussi sévères que celles prévues pour l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT. Il a considéré que la zone de crêtes dans laquelle s'inscrit le périmètre du plan d'affectation cantonal litigieux bénéficiait d'une protection particulière; on ne pouvait par ailleurs pas déduire des textes constitutionnels et légaux relatifs à la production d'énergies renouvelables que la construction de parcs éoliens devrait être privilégiée par rapport aux impératifs liés à la protection de la nature et du paysage. Le Tribunal administratif a qualifié d'"extrêmement faible, sinon quasi insignifiant" l'intérêt, ou l'utilité concrète, d'augmenter la production d'énergie par la réalisation d'un parc éolien; l'intérêt à la préservation des espaces naturels devait donc l'emporter. A ce propos, il a considéré que les éoliennes seraient bien visibles depuis de nombreux sites, dans un rayon de plusieurs kilomètres (sommet de Tête-de-Ran, Vue-des-Alpes, haut de la ville de La Chaux-de-Fonds, versant nord de la vallée de La Sagne, notamment); l'impact sur le paysage serait important, aussi dans la région de Tête-de-Ran, qui est un site particulièrement fréquenté en tant que zone de délassement. D'après cet arrêt, la plus grande partie du périmètre du plan d'affectation cantonal est situé dans une région pratiquement vierge de toute autre construction ou installation; au nord-est de ce périmètre, il se trouve toutefois un téléski et une ligne électrique aérienne à haute-tension.
Dans la procédure de recours au Tribunal administratif, Eole-Res S.A. a été qualifiée de tiers intéressé, en tant qu'auteur du projet de parc éolien. Cette société a pu déposer une réponse et participer à l'administration des preuves. Un émolument judiciaire a été mis à sa charge.
Les autorités des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys ont également été invitées à participer à la procédure comme tiers intéressés. Elles se sont prononcées dans le sens d'un rejet des recours. Les propriétaires des immeubles compris dans le périmètre du plan d'affectation cantonal n'ont en revanche pas participé à la procédure judiciaire.
F.
Agissant par la voie du recours de droit public (cause 1P.288/2005), Eole-Res S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Invoquant la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) ainsi que la liberté économique (art. 27 Cst.), elle qualifie cette décision d'arbitraire, notamment à cause d'une pesée incomplète des intérêts en jeu.
A.________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
Le département cantonal conclut à l'admission du recours de droit public.
Les conseils communaux de Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas déposé de réponse.
G.
Agissant en outre par la voie du recours de droit administratif (cause 1A.122/2005), Eole-Res S.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de statuer au fond, ou éventuellement de renvoyer la cause au département cantonal. Elle reproche à la juridiction cantonale, principalement, un abus et un excès de son pouvoir d'appréciation, en violation de prescriptions de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (art. 2 al. 3, art. 24 let. b et art. 33 al. 3 let. b LAT ).
A.________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
Le département cantonal conclut à l'admission du recours de droit administratif.
Les conseils communaux de Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas déposé de réponse.
L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (actuellement: Office fédéral de l'environnement) a déposé des observations écrites. L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à se déterminer.
H.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (cause 1A.134/2005), le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif et de statuer au fond. Il dénonce une violation de l'art. 24 let. b LAT, en reprochant au Tribunal administratif d'avoir exercé incomplètement son pouvoir d'examen qui l'oblige pourtant à peser tous les intérêts en présence.
A.________ et consorts concluent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
Eole-Res S.A. a renoncé à répondre au recours. Les conseils communaux de Fontaines et des Hauts-Geneveys n'ont pas non plus déposé de réponse.
L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage a déposé des observations écrites. L'Office fédéral du développement territorial a renoncé à se déterminer.
I.
Une délégation du Tribunal fédéral a procédé le 12 décembre 2005 à une inspection locale, en présence des parties et des intéressés. La délégation s'est rendue sur le site du Crêt-Meuron et à La Chaux-de-Fonds (quartier du lycée Blaise-Cendrars).
Les parties et les intéressés ont pu ensuite déposer par écrit des observations finales.
J.
L'Office fédéral de l'énergie a également déposé un recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du 31 mars 2005 (cause 1A.124/2005). Cette affaire a été traitée séparément et, par un arrêt rendu le 17 juin 2005, le Tribunal fédéral a déclaré ce recours irrecevable.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Il y a lieu de joindre les trois causes 1P.288/2005, 1A.122/2005 et 1A.134/2005 pour statuer en un seul arrêt.
2.
En raison de la règle de la subsidiarité du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ), il convient d'examiner en premier lieu la recevabilité des deux recours de droit administratif, formés par Eole-Res S.A. et par le Conseil d'Etat.
2.1 Conformément à l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 al. 1 PA, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions (prises en dernière instance cantonale - art. 98 let. g OJ) fondées sur le droit public fédéral. En matière d'aménagement du territoire, la loi énumère les décisions pouvant faire l'objet d'un recours de droit administratif. Il s'agit, selon l'art. 34 al. 1 LAT, des décisions sur des indemnisations résultant de restrictions apportées au droit de propriété, sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir et sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. L'art. 34 al. 3 LAT dispose que les autres décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance sont définitives, le recours de droit public au Tribunal fédéral étant réservé.
La contestation porte en l'espèce sur un plan d'affectation au sens des art. 14 ss LAT, à savoir un plan réglant le mode d'utilisation du sol dans son périmètre. En vertu de l'art. 34 LAT, seule la voie du recours de droit public est donc en principe ouverte. La jurisprudence admet cependant qu'une décision relative à l'adoption d'un plan d'affectation fasse l'objet d'un recours de droit administratif lorsque l'application d'autres prescriptions du droit fédéral - en matière de protection de l'environnement, notamment - est en jeu (ATF 132 II 209 consid. 2.2.2 p. 214; 129 I 337 consid. 1.1 p. 339; 125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231 consid. 2 p. 234; 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts cités). En pareil cas, on est en présence d'une décision fondée non seulement sur la législation en matière d'aménagement du territoire, mais également sur des prescriptions spéciales du droit public fédéral au sens de l'art. 5 al. 1 PA. Par conséquent, dans cette mesure, les règles de la procédure de recours de droit administratif s'appliquent (art. 97 ss OJ). Dans la mesure en revanche où la contestation porte sur d'autres éléments du plan, sans qu'il y ait un rapport de connexité suffisamment étroit entre l'application du droit administratif fédéral et celle des normes en matière d'aménagement du territoire, l'art. 34 al. 3 LAT exclut tout autre recours au Tribunal fédéral que le recours de droit public (ATF 128 I 46 consid. 1b/aa p. 49; 123 II 359 consid. 1a/aa p. 361 et les arrêts cités).
Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a d'abord considéré que la réalisation du projet de parc éolien supposait l'élaboration préalable d'un plan d'affectation, à cause des dimensions et des incidences d'une telle installation, et que par conséquent l'octroi d'une simple autorisation de construire dérogatoire sur la base de l'art. 24 LAT, sur des terrains hors de la zone à bâtir, n'était pas admissible. Cela n'est pas contesté et cette conception est conforme à la jurisprudence qui prescrit cette "obligation d'aménager" (au sens de l'art. 2 al. 1 LAT) pour les installations importantes (cf. notamment ATF 129 II 321 consid. 3.1 p. 326 et les arrêts cités). On ne saurait donc, en pareil cas, retenir que l'adoption du plan d'affectation spécial tendrait à éluder les prescriptions des art. 24 ss LAT (cf. ATF 124 II 391 consid. 2c p. 394). Cela étant, le Tribunal administratif a considéré qu'il fallait soumettre l'adoption du plan d'affectation litigieux à des exigences "au moins aussi sévères que pour l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT", et il s'est référé, dans la pesée des intérêts, à la jurisprudence concernant cette disposition. Ce faisant, il n'a pas statué sur la reconnaissance de la conformité à l'affectation de la zone de constructions et d'installations sises hors de la zone à bâtir, ni sur des demandes de dérogation en vertu des art. 24 à 24d LAT. Au contraire, il a retenu que lors de l'adoption d'un plan d'affectation spécial dans un périmètre classé auparavant hors de la zone à bâtir, les deux conditions énoncées à l'art. 24 LAT - l'implantation imposée par la destination et l'absence d'intérêt prépondérant opposé - n'étaient pas directement applicables mais qu'elles entraient également en considération (à ce propos, cf. infra, consid. 4.2). En outre, la recourante Eole-Res S.A. ne se plaint pas du choix de la procédure du plan d'affectation plutôt que de celle de l'autorisation dérogatoire selon l'art. 24 LAT; en tant que promoteur ou "développeur" du projet, elle a du reste adhéré au choix des autorités d'élaborer un plan d'affectation cantonal (cf. ATF 117 Ib 9 consid. 2b p. 12). On ne se trouve donc pas dans un cas où la voie du recours de droit administratif est exceptionnellement ouverte sur la base de l'art. 34 al. 1 LAT.
Par ailleurs, il ressort du dossier de l'enquête publique - spécialement du rapport de conformité/notice d'impact - que les auteurs du projet ont examiné ses effets sur certains biotopes compris dans le périmètre, sur les forêts et pâturages boisés, et qu'ils ont évalué le bruit ainsi que le rayonnement électromagnétique des éoliennes au regard des prescriptions du droit fédéral de la protection de l'environnement. Ces questions n'ont toutefois pas été traitées par le Tribunal administratif, qui a annulé la décision d'adoption du plan d'affectation cantonal pour d'autres motifs. En outre, aucun des deux recourants ne reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé les prescriptions du droit fédéral sur la protection de la nature, des forêts ou de l'environnement. L'application de ces prescriptions n'est pas en jeu, devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'y a pas là, non plus, de motif de déroger à la règle de l'art. 34 al. 3 LAT. Enfin, la loi fédérale sur l'énergie, du 26 juin 1998 (LEne, RS 730.0), qui fait partie du droit public fédéral au sens de l'art. 5 PA, ne constitue pas le fondement de la décision attaquée, cette législation ne contenant pas de normes directement applicables par les autorités cantonales lors de l'adoption des plans d'affectation. Il s'ensuit donc que seule la voie du recours de droit public est ouverte.
2.2 Dans l'arrêt 1A.124/2005 du 17 juin 2005 (recours de l'Office fédéral de l'énergie), le Tribunal fédéral a indiqué que l'arrêt du Tribunal administratif pouvait être attaqué par la voie du recours de droit administratif (consid. 1.2). Ce considérant n'était toutefois pas décisif car l'office fédéral concerné n'avait, de toute manière, pas qualité pour recourir au Tribunal fédéral, ni par la voie du recours de droit administratif (consid. 1.3 de l'arrêt 1A.124/2005), ni par celle du recours de droit public, en cas de conversion du recours; une autorité fédérale ne peut en effet pas saisir le Tribunal fédéral selon la procédure des art. 84 ss OJ (ATF 129 II 225 consid. 1.5 p. 231). Sur cette question formelle, le considérant 1.2 de l'arrêt précité ne contenait pas d'arguments décisifs pour le sort du recours 1A.124/2005; on ne saurait en déduire l'existence d'une jurisprudence ouvrant plus largement la voie du recours de droit administratif, nonobstant le régime spécial de l'art. 34 LAT.
Les recours de droit administratif 1A.122/2005 et 1A.134/2005 sont par conséquent irrecevables.
3.
Il convient dès lors d'examiner la recevabilité du recours de droit public formé par Eole-Res (1P.288/2005).
3.1 Le plan litigieux est un plan d'affectation cantonal au sens des art. 22 ss de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire du 2 octobre 1991 (LCAT; RSN 701.0). Selon ces dispositions - auxquelles renvoie du reste l'art. 9 du décret de 1966 pour les cas de modification du plan des zones de crêtes et de forêts -, la décision du département cantonal sur les oppositions (art. 26 LCAT) ne confère pas force obligatoire au nouveau plan, puisqu'il doit encore être soumis à la sanction du Conseil d'Etat (art. 28 al. 1 LCAT). Dans le cas particulier, on peut néanmoins admettre qu'après la procédure de recours cantonale, cette sanction ne représente qu'une simple formalité; l'arrêt du Tribunal administratif a donc un caractère final au sens des art. 86 et 87 OJ (arrêt non publié 1A.120/2001 du 18 janvier 2002 dans la cause B., consid. 1.2 ainsi que les références citées).
3.2 La qualité pour agir par la voie du recours de droit public est définie à l'art. 88 OJ. Ce recours est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement protégés. Le recours formé pour sauvegarder l'intérêt général ou ne visant qu'à préserver des intérêts de fait est en revanche irrecevable (ATF 129 I 113 consid. 1.2 p. 117; 129 II 297 consid. 2.1 p. 300; 126 I 43 consid. 1a p. 44 et les arrêts cités).
La recourante se définit, dans ses écritures adressées au Tribunal fédéral, comme le "développeur" du parc éolien. Elle est une société (société anonyme du droit français) spécialisée dans la conception, le développement, le financement, la construction et l'exploitation des parcs éoliens; elle a été mandatée pour concevoir et réaliser celui du Crêt-Meuron. Elle se qualifie de "destinataire" du plan d'affectation cantonal. Des propriétaires de terrains compris dans son périmètre ont conclu avec elle des promesses de baux à loyer et ces droits personnels sur la surface nécessaire à l'implantation des éoliennes seront transformés en droits de superficie lors de l'entrée en vigueur du plan. La recourante fait valoir que la décision attaquée la prive intégralement de toute possibilité de réaliser son projet de parc éolien, et elle affirme avoir qualité pour se plaindre d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.).
Selon la jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit des constructions, la qualité pour former un recours de droit public pour violation de la garantie de la propriété n'est pas reconnue uniquement à celui qui est titulaire du droit de propriété sur un immeuble (art. 641 CC) et qui se plaint d'une restriction des droits découlant de son statut de propriétaire foncier. Le titulaire de droits réels restreints ou de droits contractuels sur un immeuble peut aussi se prévaloir de cette garantie, notamment en cas de restriction de la possession (ATF 128 I 295 consid. 6a p. 311; 120 Ia 120 consid. 1b p. 121; à propos de la qualité pour recourir d'un locataire, cf. arrêt non publié 1P.771/2001 du 5 mai 2003, consid. 2, résumé in ZBl 105/2004 p. 111). La situation particulière du "promettant-acquéreur" d'un bien-fonds, auteur d'une demande de permis de construire, a également été examinée au regard de l'art. 88 OJ. Dans un arrêt rendu en 1968, le Tribunal fédéral a changé sa jurisprudence pour reconnaître désormais la qualité pour recourir contre le refus du permis à la personne qui avait demandé cette autorisation alors qu'elle n'était ni propriétaire du fonds, ni titulaire d'un autre droit sur celui-ci (ATF 94 I 138 consid. 1 p. 140). Il est en effet courant que cette situation se présente, le propriétaire actuel donnant son accord au futur constructeur pour effectuer ces démarches administratives et le droit cantonal admettant que ce dernier soit le requérant du permis de construire. Cette nouvelle jurisprudence a été confirmée peu après (ATF 97 I 262 consid. 6 p. 266; cf. également ATF 105 Ia 43 consid. 1c p. 46).
Dans la présente affaire, la situation juridique de la recourante est comparable à celle du "promettant-acquéreur" qui conteste le refus d'un permis de construire qu'il avait requis. Le plan d'affectation cantonal (plan d'affectation spécial) a été établi en vue de la réalisation du projet de la recourante, et le département cantonal a posé comme condition à la réalisation de ce projet l'acquisition par la recourante de droits réels restreints (droits de superficie). Cette condition devrait, selon le règlement du plan litigieux, être réalisée dans une phase ultérieure de la procédure administrative, au moment de l'octroi des autorisations de construire (art. 14 RPAC). L'obligation d'adopter préalablement un plan d'affectation spécial (cf. supra, consid. 2.1) a en quelque sorte pour effet de différer la phase où la recourante devra demander les permis de construire pour ses installations et, parallèlement, obtenir des droits réels sur les biens-fonds concernés. Néanmoins, la recourante a seule participé à la procédure administrative, à l'exclusion des actuels propriétaires fonciers, et elle a manifesté clairement son intention de construire puis d'exploiter le parc éolien; son statut spécial d'auteur du projet lui a ainsi été reconnu par les autorités cantonales. Avant le changement d'affectation et la création d'une zone spéciale pour les éoliennes, il n'est au demeurant pas certain que les dispositions de la législation fédérale sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11), qui pose des restrictions de droit public à l'acquisition d'immeubles agricoles (art. 58 ss LDFR), voire celles de la loi fédérale sur le bail à ferme agricole (LBFA; RS 221.213.2) eussent permis à la recourante d'acquérir des droits réels sur les biens-fonds inclus dans le périmètre du plan, ou de conclure des baux à ferme. Dans ces circonstances particulières, la recourante peut se prévaloir de la garantie de la propriété pour se plaindre de l'annulation d'une mesure d'aménagement du territoire destinée à lui permettre d'utiliser, pour ses activités, le périmètre litigieux. Elle satisfait donc, de ce point de vue, aux exigences de l'art. 88 OJ.
3.3 Il n'y a pas lieu d'examiner si la recourante, en tant que société anonyme dont le siège est en France, peut également invoquer la liberté économique (art. 27 Cst.). Selon la jurisprudence récente, les personnes morales étrangères ne bénéficient en effet de cette garantie constitutionnelle qu'à certaines conditions, qu'il n'est pas nécessaire de rappeler ici (cf. ATF 131 I 223 consid. 1.1 p. 226). La recourante se prévaut de l'art. 27 Cst. pour justifier sa qualité pour agir selon l'art. 88 OJ et pour prétendre qu'en tant que "développeur" de parcs éoliens, elle aurait un droit conditionnel à l'utilisation du terrain et à l'usage de l'énergie éolienne. Or les griefs du recours de droit public concernent l'application des règles et principes de l'aménagement du territoire, en particulier au sujet de la pesée des intérêts à effectuer lors de l'adoption d'un plan d'affectation; en d'autres termes, la recourante ne fait pas valoir que l'annulation du plan litigieux poursuivrait des objectifs de politique économique étrangers aux fins de l'aménagement du territoire. On ne saurait donc voir, dans l'invocation de l'art. 27 Cst. par la recourante, un grief distinct de celui de violation de l'art. 26 al. 1 Cst.
3.4 Les autres conditions légales de recevabilité du recours de droit public sont remplies. Il y a lieu d'entrer en matière.
4.
La recourante qualifie la décision attaquée d'arbitraire, parce qu'elle serait en contradiction évidente avec la situation de fait. Elle reproche au Tribunal administratif une appréciation insoutenable des intérêts en jeu, en particulier de l'intérêt public que représente la production de l'énergie éolienne. Elle soutient également que ce Tribunal, s'arrogeant la compétence de statuer en opportunité - contrôle pour lequel il doit s'imposer une certaine retenue, par rapport aux choix politiques qu'il n'aurait ni la vocation ni les moyens de contrôler -, n'a pas pris en considération tous les intérêts en jeu, et a donc exercé de manière incomplète son pouvoir de cognition. Elle fait grief aux juges cantonaux, en substance, d'avoir ignoré les aspects favorables au projet pour n'en retenir que les rares aspects négatifs, notamment en surestimant l'importance du paysage.
4.1 En adoptant le plan d'affectation cantonal litigieux, le département cantonal a pris une décision tendant à modifier (après l'approbation par le Conseil d'Etat - cf. supra, consid. 3.1) le régime juridique d'une zone ayant principalement les caractéristiques d'une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT, et accessoirement celles d'une zone agricole au sens de l'art. 16 LAT. Ce régime juridique a été défini par le plan cantonal annexé au décret de 1966 ainsi que, plus tard, par les plans d'aménagement des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys.
Le décret de 1966 définit, dans son périmètre, trois genres de zones: les zones de crêtes et de forêts, les zones de vignes et de grèves, les zones de constructions basses (art. 1er al. 2). Les zones de crêtes et de forêts sont, en vertu de l'art. 2 al. 1 du décret de 1966 - article révisé en 1988 -, "soumises aux dispositions applicables aux zones situées hors de la zone d'urbanisation telles qu'elles sont prévues par la loi cantonale sur l'aménagement du territoire (LCAT), du 24 juin 1986". L'art. 8 de ce décret prévoit en outre qu'il n'a pas pour effet, dans le périmètre général de ces zones, de "restreindre (...) l'édification de bâtiments servant à des fins d'utilité publique". Le décret de 1966, dans sa teneur actuelle, ne définit pas plus précisément le régime applicable au site du Crêt-Meuron. Avant la révision de 1988, l'art. 2 al. 1 du décret interdisait d'édifier, dans les zones de crêtes et de forêts, "des bâtiments servant à un but étranger à l'économie agricole, viticole ou forestière"; il contenait déjà la réserve de l'art. 8 al. 1 au sujet des bâtiments d'utilité publique (cf. ancien Recueil de la législation neuchâteloise, tome III, p. 696).
Actuellement, depuis la révision de 1988 - qui avait pour but d'adapter ce plan cantonal aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, comme cela est exposé dans l'arrêt attaqué (cf. également arrêt 1A.120/2001 du 18 janvier 2002 déjà cité, à propos d'une réduction des zones de constructions basses au lieu-dit Chaumont) -, on peut considérer que la zone de crêtes et de forêts au Crêt-Meuron est une zone à protéger au sens de l'art. 17 al. 1 let. b LAT ("paysages d'une beauté particulière, d'un grand intérêt pour les sciences naturelles ou d'une grande valeur en tant qu'éléments du patrimoine culturel"), inconstructible sous réserve éventuellement de la possibilité d'y édifier des constructions agricoles ou forestières. En résumé, le plan annexé au décret de 1966 est donc actuellement un plan d'affectation au sens des art. 14 ss LAT; c'est du reste ainsi que le Tribunal administratif a interprété la portée des mesures d'aménagement prévues, à l'endroit litigieux, par le décret de 1966.
4.2 En révisant le décret de 1966 après l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, le législateur cantonal y a également introduit un renvoi aux règles de procédure applicables aux plans d'affectation cantonaux (art. 9 al. 1 du décret, renvoyant aux art. 25 à 30 LCAT). Si, dans le périmètre général du plan des sites naturels (art. 1er du décret), les autorités cantonales envisagent une modification partielle ou ponctuelle de la limite des zones, ce projet doit être établi par le service chargé de l'aménagement du territoire (art. 25 al. 1 LCAT) et il incombe au département de statuer sur les oppositions (art. 26 al. 2 LCAT). Ces modifications peuvent intervenir lorsque sont réunies les conditions prévues par le droit fédéral et le droit cantonal pour l'adaptation des plans d'affectation.
L'art. 21 al. 2 LAT dispose que lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d'affectation feront l'objet des adaptations nécessaires. Le législateur fédéral a ainsi choisi une solution de compromis entre deux exigences contradictoires: d'une part, l'aménagement du territoire étant un processus continu, et la détermination des différentes affectations impliquant des pesées d'intérêts fondées sur des circonstances changeantes et des pronostics qui ne se confirment jamais entièrement, l'adaptation périodique des plans d'affectation est indispensable pour assurer, progressivement, leur conformité aux exigences légales; d'autre part, il faut tenir compte des intérêts privés et publics dont la protection nécessite une certaine sécurité juridique (cf. Thierry Tanquerel, Commentaire LAT, Zurich 1999, art. 21, nos 11 ss). La jurisprudence souligne que, pour apprécier l'évolution des circonstances et la nécessité d'adapter un plan d'affectation, une pesée des intérêts s'impose (ATF 131 II 728 consid. 2.4 p. 733). L'intérêt à la stabilité du plan, que les propriétaires fonciers peuvent invoquer dans certaines circonstances, doit être mis en balance avec l'intérêt à l'adoption d'un nouveau régime d'affectation, qui peut lui aussi être protégé par la garantie de la propriété (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2 p. 232-234). Selon les cas, des intérêts publics pourront également justifier soit la stabilité du plan, soit son adaptation. Il incombe donc à l'autorité appelée à statuer sur un projet de modification d'un plan en vigueur d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, une pluralité d'intérêts (cf. ATF 128 I 190 consid. 4.2 p. 198).
La jurisprudence a eu l'occasion de préciser, à propos de l'élaboration d'un plan d'affectation spécial en vue de la réalisation d'une installation non susceptible d'obtenir une autorisation dérogatoire hors de la zone à bâtir, à cause de ses dimensions voire de ses incidences sur la planification locale ou sur l'environnement (cf. supra, consid. 2.1), que la révision partielle du plan d'affectation - par l'adoption d'un plan d'affectation spécial - ne devait pas être soumise à des exigences moins strictes que l'octroi d'une dérogation selon l'art. 24 LAT. Cela signifie que l'autorité qui établit le plan d'affectation doit vérifier que l'implantation des constructions ou installations à l'endroit retenu est imposée par leur destination (cf. art. 24 let. a LAT), et qu'elle doit examiner si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose au projet (cf. art. 24 let. b LAT). En d'autres termes, l'autorité de planification doit procéder à une pesée générale des intérêts et, dans ce cadre, évaluer d'éventuels emplacements alternatifs (cf. ATF 124 II 391 consid. 2c p. 393; 116 Ib 50 consid. 3b p. 55; 115 Ib 508 consid. 6b p. 514; arrêt 1A.79/1996 du 9 août 1996, consid. 4d/cc, publié in ZBl 98/1997 p. 231; Tanquerel, op. cit., art. 21, n. 50-51; Peter Hänni, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 4e éd., Berne 2002, p. 532). Il n'en demeure pas moins que si, avec l'évolution des circonstances, une mise en oeuvre correcte des buts et principes de l'aménagement du territoire ( art. 1 et 3 LAT ) ainsi qu'une concrétisation des objectifs du plan directeur cantonal commandent de réviser un plan d'affectation, dans un périmètre restreint et en vue de la réalisation d'un projet particulier, l'autorité de planification doit pouvoir prendre les décisions nécessaires sans être limitée par une interprétation stricte des critères de l'art. 24 LAT. Cette autorité n'est en effet pas dans la même position que celle qui délivre des autorisations ou des dérogations en veillant à ne pas mettre en péril la réalisation du plan d'affectation en vigueur.
Dans le périmètre du plan des sites naturels du canton, selon l'art. 1er du décret de 1966, le droit cantonal énonce des prescriptions complémentaires à celles de l'art. 21 al. 2 LAT. L'art. 9 al. 2 de ce décret permet à l'autorité cantonale, "pour des raisons esthétiques, économiques ou financières ou encore pour des raisons liées aux impératifs d'aménagement du territoire", de "réviser le périmètre des différentes zones et créer ou supprimer des zones de constructions basses"; la surface totale des zones de crêtes, de forêts et de constructions basses ne doit cependant pas être réduite à moins de 370 km² (art. 9 al. 2 let. b). En l'occurrence, le plan d'affectation cantonal prévoit, dans la plus grande partie de son périmètre, le maintien du régime applicable dans les zones de crêtes et de forêts, sauf à l'intérieur des périmètres d'évolution délimités pour sept éoliennes, un mât de mesures, un bâtiment technique et un parking (art. 4 ch. 1 RPAC). Le maintien, dans le canton, d'une surface globalement suffisante de zones de crêtes et de forêts n'est à l'évidence pas compromis. Des "impératifs d'aménagement du territoire" peuvent par ailleurs être invoqués pour justifier l'adoption du projet litigieux. En somme, l'art. 9 al. 2 du décret de 1966 n'impose pas, dans le cas particulier, une pesée des intérêts selon des critères différents de ceux développés par la jurisprudence au sujet de l'art. 21 al. 2 LAT.
Pour définir le cadre de la contestation, le Tribunal administratif a exposé que la question de la compatibilité entre le projet de parc éolien et les dispositions du décret de 1966 ne se posait pas en tant que telle; la force normative du plan d'affectation cantonal contenu dans le décret de 1966, adopté par le législateur et le peuple (référendum du 20 mars 1966), n'était formellement pas supérieure à celle du plan d'affectation cantonal spécial pour le parc éolien. Ces considérations sont correctes, au regard de la règle de l'art. 21 al. 2 LAT. On ne saurait en effet, sur la base du droit fédéral, poser comme principe l'intérêt à la stabilité du plan des sites naturels annexé au décret de 1966.
4.3 Quand la contestation porte sur la modification d'un plan d'affectation, les parties admises à se prévaloir de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) peuvent se plaindre du fait que les nouvelles restrictions qui leur sont imposées ne sont pas justifiées par un intérêt public (cf. art. 36 al. 2 Cst.) ni conformes au principe de la proportionnalité (cf. art. 36 al. 3 Cst.). Elles peuvent en d'autres termes critiquer sous cet angle l'application des règles d'aménagement du territoire et le résultat de la pesée des intérêts. Ces questions relèvent en principe du contrôle de la légalité, les intérêts à prendre en compte étant protégés par des normes du droit fédéral ou cantonal, dans le domaine de l'aménagement du territoire proprement dit ( art. 1, 3, 14 ss LAT notamment) ou dans d'autres domaines juridiques (cf. ATF 121 II 378 consid. 1e/bb p. 384; 117 Ia 430 consid. 4b p. 432; 115 Ia 350 consid. 3d p. 353; 114 Ia 371 consid. 4b p. 373). Dans le cadre de la juridiction constitutionnelle, le Tribunal fédéral examine en principe librement si les mesures d'aménagement du territoire répondent à un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité; il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 129 I 337 consid. 4.1 p. 344; 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les arrêts cités). Les constatations de fait, dans la procédure de recours de droit public, ne sont revues que sous l'angle de l'arbitraire et le grief de violation de l'art. 9 Cst. n'a dans cette mesure, en cas de contestation du résultat de la pesée des intérêts, pas de portée indépendante (cf. ATF 122 I 168 consid. 2c p. 173; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366).
Ces mêmes règles s'appliquent lorsqu'un projet de révision du plan est adopté par l'autorité de planification puis finalement annulé par l'autorité cantonale de recours. Les intéressés peuvent alors faire valoir devant le Tribunal fédéral que le maintien du régime d'affectation en vigueur - conséquence de l'annulation du nouveau plan - n'est plus justifié, vu l'évolution des circonstances (cf. art. 21 al. 2 LAT), et que le refus du nouveau plan porte atteinte à la garantie de la propriété, la révision envisagée permettant de lever des restrictions dépourvues d'intérêt public ou disproportionnées (cf. ATF 120 Ia 227 consid. 2c p. 233).
4.4 Dans la pesée des intérêts qu'il a effectuée, en appliquant par analogie les critères de l'art. 24 LAT, le Tribunal administratif a en premier lieu considéré que l'implantation du projet du parc éolien sur le site du Crêt-Meuron était imposée par sa destination (cf. art. 24 let. a LAT). Il a notamment retenu à ce propos qu'il n'était pas nécessaire que l'emplacement proposé constituât l'unique possibilité car il suffisait de pouvoir se fonder sur des motifs importants et objectifs justifiant la réalisation de la construction à l'endroit prévu. Cette conclusion n'est pas contestée par la recourante; quant aux opposants intimés, ils ne discutent pas cet aspect. Il convient néanmoins de mentionner, dans ce contexte, quelques éléments complémentaires.
Avant l'adoption (par le département cantonal) du plan d'affectation cantonal litigieux, le Conseil d'Etat s'était déjà prononcé sur le choix du site du Crêt-Meuron, dans le cadre d'une adaptation du plan directeur cantonal (nouvelle fiche de coordination 9-0-04). Le Tribunal administratif a renoncé, dans l'arrêt attaqué, à examiner la validité de cette fiche. D'un point de vue formel, on ne voit cependant pas en quoi cette fiche serait critiquable: elle a été approuvée par le Conseil fédéral conformément à l'art. 11 LAT et elle contient des indications susceptibles de figurer dans le plan directeur cantonal, en vertu de l'art. 8 LAT (cf. également art. 5 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]). Cela étant, le Tribunal administratif ne s'est pas considéré comme lié par cette "planification cantonale pour l'implantation de deux parcs d'éoliennes" (selon le libellé de la fiche), de sorte qu'il n'y a pas lieu de contrôler, dans la présente procédure, le contenu du plan directeur cantonal (cf. ATF 113 Ib 299). L'arrêt attaqué rappelle toutefois certaines données, qui sont à la base de cette fiche de coordination: l'arc jurassien se prête bien à l'installation d'éoliennes et le canton de Neuchâtel présente des caractéristiques particulièrement favorables pour la production d'énergie éolienne, d'après des études effectuées sur le plan national. Il ressort par ailleurs des décisions du département cantonal du 18 février 2003 écartant les oppositions au projet de plan d'affectation que, dans ce canton, les secteurs favorables à l'installation d'éoliennes se trouvent en zone de crêtes et de forêts (à une altitude supérieure à 800 m), et que le site de Crêt-Meuron a en outre les qualités topographiques nécessaires (pente et surface notamment).
4.5 C'est dans le cadre de la pesée générale des intérêts - ou de l'application par analogie de l'art. 24 let. b LAT - que le Tribunal administratif a accordé une importance prépondérante à la protection de l'environnement naturel ou, en d'autres termes, à la conservation des sites naturels et des territoires servant au délassement, conformément au principe énoncé à l'art. 3 al. 2 let. d LAT. Cette pesée des intérêts est critiquée par la recourante, qui fait valoir que l'adoption du plan d'affectation cantonal s'inscrit dans une politique publique (ensemble d'activités normatives et administratives) fédérale et cantonale en faveur du développement des énergies renouvelables. Elle reproche d'une part au Tribunal administratif une compréhension objectivement insoutenable de l'intérêt public que représente la production d'énergie éolienne. D'autre part, elle prétend que l'appréciation de la valeur du paysage est arbitraire.
4.5.1 La politique énergétique en Suisse est une politique publique dont les bases constitutionnelles et légales figurent dans des normes fédérales et cantonales. Au niveau fédéral, l'art. 89 Cst. dispose que dans les limites de leurs compétences respectives, la Confédération et les cantons s'emploient à promouvoir un approvisionnement énergétique suffisant, diversifié, sûr, économiquement optimal et respectueux de l'environnement, ainsi qu'une consommation économe et rationnelle de l'énergie (al. 1). La Confédération fixe les principes applicables à l'utilisation des énergies indigènes et des énergies renouvelables et à la consommation économe et rationnelle de l'énergie (al. 2); elle favorise le développement des techniques énergétiques, en particulier dans les domaines des économies d'énergie et des énergies renouvelables (al. 3). La loi fédérale du 26 juin 1998 sur l'énergie (LEne; RS 730.0), reprend dans l'énoncé de ses buts les principes de l'art. 89 al. 1 Cst. (art. 1 al. 1 LEne) en précisant notamment qu'elle vise à encourager le recours aux énergies indigènes et renouvelables (art. 1 al. 2 let. c LEne). D'après cette loi, la politique énergétique fait l'objet d'une coordination et d'une collaboration entre Confédération, cantons, milieux économiques et autres organisations (art. 2 LEne). L'approvisionnement en énergie (la production, la transformation, le stockage notamment), qui relève des entreprises de la branche énergétique (art. 4 LEne), doit selon les principes directeurs de l'art. 5 LEne être sûr, économique et compatible avec les impératifs de l'environnement; sur ce dernier point, cela implique une utilisation mesurée des ressources naturelles, le recours aux énergies renouvelables et la prévention des effets gênants ou nuisibles pour l'homme et l'environnement (art. 5 al. 3 LEne). La notion d'énergie renouvelable est définie à l'art. 1 let. f de l'ordonnance du 7 décembre 1998 sur l'énergie (OEne; RS 730.01): on entend par là la force hydraulique, l'énergie solaire, la géothermie, la chaleur ambiante, l'énergie éolienne et la biomasse (en particulier le bois, mais sans les ordures dans les usines d'incinération et dans les décharges).
En droit cantonal, l'art. 5 de la Constitution cantonale (Cst./NE; RS 131.233) énumère les tâches de l'Etat et des communes; cette liste mentionne l'approvisionnement en eau et en énergie, la gestion parcimonieuse des ressources non renouvelables, ainsi que l'encouragement à l'utilisation des ressources renouvelables (art. 5 al. 1 let. l Cst./NE). La loi cantonale sur l'énergie (LCEn; RSN 740.1) énonce, dans la définition de ses buts et des principes de l'approvisionnement énergétique, des normes analogues à celles de la loi fédérale (cf. art. 1er et 30 LCEn). A propos des "énergies indigènes" (note marginale), l'art. 31 LCEn dispose que le canton et les communes mènent une politique active en vue de la mise en valeur des ressources énergétiques indigènes, notamment la force hydraulique, l'énergie solaire, la géothermie, la chaleur et le froid de l'environnement, la biomasse, dont le bois, l'énergie éolienne et les ordures.
L'arrêt attaqué, qui cite ces différentes normes, relève à juste titre que ni le constituant ni le législateur - au niveau fédéral ou cantonal - n'ont fixé de "hiérarchie des valeurs" parmi les tâches de l'Etat, dont font également partie la sauvegarde du paysage et la protection de l'environnement en général. Le Tribunal administratif retient également que si ces normes prônent une utilisation accrue des énergies renouvelables, aucune priorité n'est donnée à l'une ou l'autre des sources de production.
L'arrêt attaqué mentionne un autre instrument de la politique énergétique en Suisse, le programme "SuisseEnergie", lancé en janvier 2001 à la suite d'un précédent programme "Energie 2000". Ce programme est un instrument de coordination pour l'administration fédérale et qui sert notamment à mettre en oeuvre la collaboration avec les cantons et d'autres organisations (cf. Riccardo Jagmetti, Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, tome VII, Energierecht, Bâle 2005, n° 1329 p. 44). Dans un document publié en 2001, l'Office fédéral de l'énergie a défini le cadre et les objectifs de "SuisseEnergie". Ces objectifs sont qualifiés de "valeurs indicatives politiques"; ils prévoient une augmentation de la part des "autres énergies renouvelables" (à distinguer de la production hydroélectrique) dans la production de courant électrique et de chaleur. "SuisseEnergie" préconise de soutenir les sources d'énergie renouvelables, les cantons étant chargés de développer et financer leurs propres programmes pour lesquels ils devraient recevoir des contributions globales fédérales (cf. art. 15 LEne). Le programme fédéral fixe encore des principes pour la collaboration avec des organisations privées (Agences), notamment l'Agence suisse des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ASER), qui regroupe différents réseaux existants, dont Suisse-Éole.
Il apparaît ainsi que, dans le cadre fixé par le droit fédéral, les cantons ont une grande latitude pour choisir les mesures de politique énergétique qu'ils entendent mettre en oeuvre dans le domaine des nouvelles énergies renouvelables (cf. Jagmetti, op. cit., n° 7105 p. 851). Il appartient ainsi au seul droit cantonal de régler les conditions d'autorisation pour une installation de production d'énergie éolienne, l'utilisation du vent n'étant au demeurant pas soumise à l'exigence d'une concession (cf. Jagmetti, op. cit., n°s 7301 ss p. 865). Des mesures d'aménagement du territoire prises à cet effet ne sont pas contraires aux buts et principes des art. 1 et 3 LAT . D'après ces dispositions, il incombe aux autorités de soutenir par des mesures d'aménagement les efforts en vue de garantir des sources d'approvisionnement suffisantes dans le pays (art. 1 al. 2 let. d LAT), cette norme visant notamment l'approvisionnement en énergie (cf. Pierre Tschannen, Commentaire LAT, art. 1 n. 40).
4.5.2 Dans le canton de Neuchâtel, le Conseil d'Etat et l'administration cantonale ont décidé, dans le cadre de la politique énergétique cantonale, de prendre des mesures d'aménagement du territoire permettant l'implantation de deux parcs d'éoliennes en vue de la production d'énergie électrique. Un processus complet de planification a été engagé - adaptation du plan directeur cantonal puis adoption d'un plan d'affectation spécial -, conformément à la règle de l'art. 2 al. 1 LAT (obligation d'établir des plans d'aménagement pour les tâches dont l'accomplissement a des effets sur l'organisation du territoire). Les régions supérieures du canton, dans l'arc jurassien, se prêtent bien à la production d'énergie éolienne (ou mieux que plusieurs autres régions du pays), à cause du régime des vents. Le projet litigieux, sur le site du Crêt-Meuron, a été développé avec l'appui de l'administration cantonale et d'une organisation privée (Suisse-Éole) participant à l'Agence suisse des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (ASER), qui est un partenaire reconnu pour la mise en oeuvre de la politique énergétique nationale, selon le programme "SuisseEnergie".
Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal administratif a apprécié l'intérêt à la réalisation du parc éolien du Crêt-Meuron en évaluant l'importance de la production d'électricité dans le marché global. Cette production nette serait de 14.35 GWh/an, soit 1,43 % de la consommation d'électricité du canton. Avec l'autre parc éolien mentionné dans la fiche de coordination du plan directeur cantonal, la production globale atteindrait 25 GWh/an, soit 2,5 % de la consommation cantonale. Le parc éolien du Crêt-Meuron ne serait en outre voué qu'à la production d'énergie et non pas à la recherche ou au développement. Sur la base de ces chiffres, en affirmant apprécier l'utilité concrète de l'installation litigieuse, le Tribunal administratif a qualifié l'intérêt poursuivi par la recourante d'extrêmement faible, voire de quasi insignifiant.
Cette appréciation est critiquable. En Suisse, les nouvelles énergies renouvelables - l'énergie éolienne, l'énergie solaire, la géothermie, la chaleur ambiante et la biomasse - ont nécessairement un rôle secondaire, par rapport à l'énergie renouvelable actuellement la plus utilisée pour la production de courant électrique, à savoir la force hydraulique. Dans le domaine des énergies renouvelables, il est clair que la politique énergétique doit tendre non seulement à exploiter pleinement le potentiel hydraulique mais également à augmenter la part des nouvelles énergies renouvelables; celle-ci, en l'état, est destinée à demeurer proportionnellement faible, quelle que soit l'efficacité des mesures promotionnelles, à cause de l'importance prépondérante de la force hydraulique (à propos de l'importance respective des différentes sources d'énergie dans la consommation en Suisse, cf. Jagmetti, op. cit., n° 7103 p. 850). Ce critère quantitatif retenu par le Tribunal administratif, en fonction du marché global de l'électricité dans le canton ou dans le pays, n'est pas déterminant.
En outre, le Tribunal administratif est certes fondé à considérer que la non-réalisation du parc éolien litigieux ne compromettrait pas directement l'approvisionnement en électricité en Suisse ou dans le canton, et qu'il n'y a pas de nécessité de disposer dans un proche avenir de nombreuses nouvelles sources de courant. Néanmoins, les objectifs de la politique énergétique, dans le domaine des énergies renouvelables, ne consistent pas uniquement à garantir le maintien du statu quo, dans l'hypothèse - retenue par le Tribunal administratif - d'une offre de courant surabondante en Suisse et en Europe; ces objectifs tendent plutôt à favoriser les diverses sources d'énergies renouvelables, à plus long terme (voir notamment le document déjà cité de l'Office fédéral de l'énergie de 2001, sur le programme "SuisseEnergie"). Un récent message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les installations électriques et à la loi fédérale sur l'approvisionnement en électricité, cité par la recourante (message du 3 décembre 2004, FF 2005 p. 1493), mentionne, comme motifs justifiant d'accorder une importance plus grande au développement des énergies renouvelables, l'existence de ressources fossiles limitées, la problématique du CO2 et la forte dépendance à l'égard de l'étranger; il en déduit qu'un passage à des systèmes énergétiques nouveaux est inexorable à long terme et qu'afin d'éviter un changement radical d'ici à quelques dizaines d'années, il faut introduire dès aujourd'hui de nouvelles technologies sur le marché, notamment pour produire de l'électricité à partir d'énergies renouvelables (FF 2005 p. 1506). Il n'y a pas lieu d'examiner plus avant, dans le présent arrêt, la politique énergétique de la Confédération ou du canton de Neuchâtel; il suffit en effet d'exposer dans quel cadre s'inscrivent les mesures d'encouragement de l'énergie éolienne. Le développement de cette énergie est clairement conforme aux programmes des autorités, là où la géographie le permet, soit spécialement dans l'arc jurassien et notamment dans le canton de Neuchâtel.
La recourante relève en outre qu'un marché existe pour l'énergie éolienne, en dépit de coûts de production actuellement plus élevés. Cela n'est pas contesté. Il ressort du "rapport de conformité/notice d'impact" que les éoliennes projetées sont, de ce point de vue, plus compétitives que des éoliennes de la génération précédente (notamment à cause de la hauteur du rotor). La recourante relève encore que le projet litigieux constitue l'essentiel des possibilités de production de nouvelles énergies renouvelables à court terme (d'ici à 2010) dans le canton de Neuchâtel, ce qui n'est pas non plus contesté. La politique énergétique d'un canton peut au demeurant privilégier une ou plusieurs sources d'énergies renouvelables.
En résumé, si l'on fait abstraction de la part proportionnellement faible de l'énergie éolienne dans la production et la consommation globales d'électricité, ce qui n'est pas un élément déterminant, on doit admettre que le projet litigieux a une importance certaine. Compte tenu des objectifs de la politique énergétique fédérale et cantonale, il existe un intérêt public certain à réaliser une installation de production d'énergie éolienne telle que celle pour laquelle le plan d'affectation cantonal a été élaboré. Au surplus, avant toute expérience de production d'énergie éolienne dans le canton de Neuchâtel, et compte tenu de l'existence actuellement d'un seul autre parc éolien aux caractéristiques comparables dans l'arc jurassien, il n'est pas soutenable de retenir d'emblée le caractère prétendument insignifiant de cette nouvelle énergie renouvelable dans le marché global de l'électricité. Cet intérêt public doit donc être admis en l'état, étant précisé que le résultat de ces expériences, ou l'évolution d'autres circonstances comme la consommation globale d'électricité - la politique énergétique tendant également à favoriser les économies -, pourraient à l'avenir justifier une appréciation différente de l'importance de l'énergie éolienne en Suisse.
4.5.3 Face à l'intérêt public que représente la réalisation d'un parc éolien, comme élément de la politique énergétique cantonale, le Tribunal administratif a pris en considération l'intérêt public à la sauvegarde des sites protégés du canton ou à la préservation des espaces naturels; il a accordé une importance prépondérante à ce dernier intérêt.
A ce propos, le Tribunal administratif a rappelé que les autorités cantonales, nonobstant quelques révisions du texte du décret de 1966, avaient conservé la volonté de maintenir la protection des crêtes. Les zones de crêtes et de forêts couvrent toutefois une part importante du territoire cantonal. Le site du Crêt-Meuron est du reste inclus dans un périmètre (teinté en jaune sur le plan annexé au décret de 1966) qui s'étend d'une extrémité du canton à l'autre (de la région de Chasseral à La Côte-aux-Fées), et la ville voisine de la Chaux-de-Fonds est elle-même entourée de zones de crêtes et de forêts. Tous les terrains classés dans ces zones n'ont évidemment pas les mêmes caractéristiques naturelles ou paysagères. La stabilité du régime d'affectation prévu par cet ancien acte législatif ne doit pas être garantie de la même manière dans chaque secteur des crêtes jurassiennes; l'évolution des circonstances depuis 1966, voire depuis 1988 (date de l'adaptation du décret aux exigences de la LAT), peut justifier l'adoption d'autres mesures de planification à certains endroits (art. 21 al. 2 LAT; cf. supra, consid. 4.2), sans mettre en péril la cohérence des mesures de protection décidées il y a quarante ans.
Concrètement, le plan d'affectation cantonal litigieux n'implique pas la constructibilité de l'ensemble des terrains concernés. A l'extérieur des "périmètres d'évolution" délimités pour sept éoliennes et trois installations annexes, le régime de la zone de crêtes et de forêts demeure applicable (cf. supra, consid. 4.2 in fine). En d'autres termes, ce plan d'affectation cantonal n'a pas des effets comparables à ceux d'un classement en zone de constructions basses, au sens des art. 3 ss du décret de 1966, ou d'une affectation dans une zone à bâtir ordinaire; en définissant de façon restrictive les possibilités de construction dans ces pâturages, il ne permet pas une modification fondamentale de l'utilisation du sol. L'autorité cantonale de planification a en outre prévu, selon la fiche de coordination 9-0-04 du plan directeur cantonal, de limiter à deux le nombre de parcs éoliens sur le territoire du canton; cela signifie que les cas de déclassement de terrains en zone de crêtes et de forêts pour réaliser des objectifs de politique énergétique devraient demeurer très rares. En adoptant des mesures de planification pour le projet litigieux - et pour un second parc éolien, à un endroit non encore déterminé et au sujet duquel le dossier ne donne du reste aucune indication concrète -, ni le Conseil d'Etat ni le département cantonal n'ont décidé un démantèlement progressif du régime de protection des sites naturels du canton.
Cela étant, le Tribunal administratif relève à juste titre certaines caractéristiques du projet litigieux, qui le distinguent d'autres projets d'urbanisation: la dimension des éoliennes (hauteur du moyeu à l'axe du rotor: 60 m; diamètre des pales: 66 m; hauteur totale: 93 m); l'infrastructure nécessaire (un mât de mesure de 60 m, des nouveaux chemins carrossables sur une longueur de 1,8 km); la probabilité que le parc éolien devienne une attraction touristique (il pourrait attirer 20'000 visiteurs par an). La dimension des éoliennes et du mât de mesure, à savoir leur impact visuel, est sans conteste l'élément le plus important. En effet, l'extension du réseau de voies d'accès ne représente pas une atteinte sensible au site du Crêt-Meuron, étant donné qu'il existe déjà de nombreux chemins, carrossables ou non, dans les pâturages et forêts de la région de Tête-de-Ran/La Vue-des-Alpes, où se trouvent plusieurs installations touristiques (remontées mécaniques pour skieurs, restaurants, notamment). En outre, les autorités conservent la possibilité d'empêcher la plupart des effets négatifs d'un afflux de touristes ou de promeneurs dans un site naturel déjà largement ouvert au public - le Tribunal administratif qualifie la région de Tête-de-Ran de "site particulièrement fréquenté en tant que zone de délassement" -, en réglementant l'accès en véhicule et le stationnement, en balisant les chemins de randonnée, en protégeant spécialement des biotopes, etc. Ainsi, c'est bien l'impact visuel des éoliennes qui représente l'atteinte la plus sensible au site, qui manifestement mérite d'être protégé. L'arrêt attaqué mentionne les endroits où cet impact visuel serait important. Il s'agit de lieux d'une part relativement proches du parc éolien (le sommet de Tête-de-Ran, à environ 300 m, le col de la Vue-des-Alpes, à 2,5 km) et de lieux plus éloignés (le versant nord de la vallée de La Sagne, à 4 km, et un quartier supérieur de la ville de La Chaux-de-Fonds, à 5 km). Or, sur le site lui-même (le long de la combe menant du col de la Vue-des-Alpes à Tête-de-Ran), les éoliennes s'ajouteraient à d'autres installations techniques - ligne à haute tension, remontées mécaniques (à savoir un téléski dans le périmètre du plan d'affectation cantonal et quatre autres à proximité directe), notamment -, ce qui relativiserait dans une certaine mesure leur impact visuel. Par ailleurs, le fait que les éoliennes seraient visibles depuis un quartier de La Chaux-de-Fonds n'est pas un élément décisif car la présence d'installations techniques ou d'ouvrages imposants à proximité d'une grande ville n'est pas singulière; c'est un inconvénient, ou une caractéristique, dont les citadins s'accommodent généralement, pour autant que d'autres parties du paysage conservent leur aspect naturel, ce qui est le cas à La Chaux-de-Fonds. Cela étant, les éoliennes ne seraient pas visibles de la plupart des quartiers de cette ville, ni depuis le Val-de-Ruz (au sud et à l'est du Crêt-Meuron), ni de nombreux autres endroits de la région. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de surestimer leur impact visuel - indépendamment de la question de savoir si la vue d'éoliennes dans un paysage jurassien peut être appréciée de manière positive par des habitants ou des promeneurs. Dans le cas particulier, comme il se trouve déjà sur le site du Crêt-Meuron ou dans les environs immédiats plusieurs constructions ou installations (l'auberge de Gümmenen, l'hôtel de Tête-de-Ran, une ligne électrique, une installation de télécommunications sur le sommet de Tête-de-Ran, des remontées mécaniques pour skieurs), et que ce site, proche d'une grande ville, est déjà très fréquenté par des promeneurs et des skieurs, l'intérêt à en assurer une protection renforcée est moindre que pour d'autres sites naturels, moins accessibles et plus préservés. Par ailleurs, les éoliennes, relativement dispersées dans le périmètre du plan d'affectation cantonal, ne seraient visibles que depuis quelques lieux des environs, de sorte que l'atteinte au paysage serait moins sensible que dans d'autres emplacements.
4.5.4 En décidant d'annuler le plan d'affectation cantonal pour des motifs de protection du site, le Tribunal administratif n'a en réalité pas évalué concrètement les atteintes supplémentaires qui seraient causées au Crêt-Meuron et dans les environs par les éoliennes, compte tenu des atteintes déjà existantes. Comme cela est retenu dans l'arrêt attaqué sur la base de constatations faites au parc éolien du Mont-Soleil (dans le canton de Berne), il est certain que de grandes éoliennes, toujours implantées à l'écart des agglomérations, ont un impact important sur le paysage, mais cela ne permet pas d'exclure, en quelque sorte par principe, de tels projets dans des sites non construits méritant protection. Il n'est pas rare que d'autres ouvrages servant à la production d'énergie - des lacs d'accumulation avec barrages, des ouvrages hydroélectriques le long des rivières, etc. - doivent eux aussi être réalisés dans des sites naturels méritant d'être préservés, sans pour autant qu'une protection absolue soit prescrite, et l'intérêt public à la conservation du site ne l'emporte pas (cf. par exemple ATF 119 Ib 254 consid. 8e p. 279). Il convient d'ailleurs de relever à ce propos que la région de Tête-de-Ran ne fait pas partie des objets portés à l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d'importance nationale (inventaire IFP, annexé à l'ordonnance concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels [OIFP; RS 451.11]), contrairement à d'autres sites naturels caractéristiques du Jura ou du Haut-Jura dans le canton de Neuchâtel (cf. objets IFP n° 1002, Le Chasseral; n° 1003, Tourbière des Ponts-de-Martel; n° 1004, Creux-du-Van; n° 1005, Vallée de la Brévine; n° 1006, Vallée du Doubs). Il en résulte que le Tribunal administratif a accordé, dans le cas particulier, une importance excessive à l'atteinte au paysage et, corollairement, qu'il n'a pas suffisamment pris en considération l'intérêt public à réaliser une installation de production d'énergie éolienne, conformément aux objectifs de la politique énergétique fédérale et cantonale (cf. supra, consid. 4.5.2). En d'autres termes, une pesée correcte des intérêts en jeu imposait au Tribunal administratif de ne pas empêcher, par principe, la réalisation d'un parc éolien au Crêt-Meuron.
4.5.5 Les griefs de la recourante à propos de la pesée des intérêts effectuée par le Tribunal administratif sont donc fondés. Comme cela a été exposé plus haut (consid. 4.3), le contrôle de la pesée des intérêts relève de l'examen de la légalité, et non pas de l'opportunité. Dans l'arrêt attaqué, l'annulation des décisions relatives à l'adoption du plan d'affectation cantonal n'est du reste pas justifiée par des motifs d'opportunité, mais elle est fondée sur l'application de normes du droit de l'aménagement du territoire. C'est l'application déficiente de ces règles de droit que le Tribunal fédéral doit sanctionner dans le présent arrêt, en admettant le recours de droit public. Ce recours a une nature par principe exclusivement cassatoire et la recourante a, précisément, conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ces conclusions doivent être admises, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le contenu de la nouvelle décision que le Tribunal administratif sera amené à rendre dans la présente contestation.
5.
Vu le sort des deux recours de droit administratif, d'une part, et du recours de droit public, d'autre part, et compte tenu des circonstances particulières de ce litige, il se justifie de ne pas percevoir d'émolument judiciaire. Les dépens, auxquels peuvent prétendre Eole-Res S.A. (dans la cause 1P.288/2005) et les intimés A.________ et consorts (dans les causes 1A.122/2005 et 1A.134/2005) - les autorités cantonales et communales n'y ayant quant à elles pas droit (art. 159 al. 2 OJ) -, doivent être compensés.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 1P.288/2005, 1A.122/2005 et 1A.134/2005 sont jointes.
2.
Le recours de droit administratif formé par le Conseil d'Etat de la République et canton de Neuchâtel (1A.134/2005) est irrecevable.
3.
Le recours de droit administratif formé par Eole-Res S.A. (1A.122/2005) est irrecevable.
4.
Le recours de droit public formé par Eole-Res S.A. (1P.288/2005) est admis et l'arrêt rendu le 31 mars 2005 par le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel est annulé.
5.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
6.
Les dépens sont compensés.
7.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires de Eole-Res S.A. et de A.________ et consorts, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, aux conseils communaux des communes de Fontaines et des Hauts-Geneveys, à l'Office fédéral du développement territorial et à l'Office fédéral de l'environnement.
Lausanne, le 31 août 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: