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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.449/2006 /col
Arrêt du 15 septembre 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Fonjallaz.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat,
contre
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour pénale,
Palais de Justice, 1950 Sion 2.
Objet
déni de justice,
recours de droit public contre un retard injustifié à statuer du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Faits:
A.
Suite à une dénonciation pénale du 29 mars 1994 concernant des faits constatés dans le cadre de la faillite de la société X.________, le juge d'instruction cantonal valaisan a ordonné, le 14 avril 1994, une enquête préliminaire de police. Par la suite, d'autres dénonciations ont été déposées et une expertise financière a été ordonnée, qui a été déposée le 11 janvier 1996. Une instruction pénale a été ouverte le 1er mars 1996 contre B.________ et le 6 mars 1996 contre C.________ et A.________. Le 10 novembre 1996, tous trois ont été inculpés de nombreuses infractions contre le patrimoine.
Au terme de l'instruction, émaillée d'incidents et de recours, le juge d'instruction a rendu, le 6 juin 2005, un arrêt de non-lieu en faveur des inculpés. Sous réserve des frais afférents à une contre-expertise, il a mis les frais de justice à la charge des inculpés, à parts égales entre eux et solidairement, et dit que chaque partie assumait ses dépens.
B.
Le 15 juin 2005, A.________ a appelé de la décision de non-lieu auprès du Tribunal cantonal valaisan. Il concluait à son annulation, à ce que la procédure pénale ouverte contre lui soit déclarée close, et non seulement suspendue, par un non-lieu, et à ce que les frais de justice et les dépens le concernant soient supportés par le fisc.
C.
Par acte du 19 juillet 2006, A.________ forme un recours de droit public au Tribunal fédéral pour déni de justice, concluant à ce qu'il soit ordonné au Tribunal cantonal valaisan de statuer immédiatement sur son recours en appel du 15 juin 2005.
Dans sa réponse, l'autorité cantonale observe que l'appel est dirigé contre un non-lieu, essentiellement litigieux quant au sort des frais et dépens, et que l'affaire, qui ne présente aucune urgence particulière, sera en principe jugée, sans débats, avant la fin 2006; elle ajoute que le mandataire du recourant ne lui a jamais adressé de rappel. Le recourant a répliqué, maintenant ses conclusions.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Un refus ou un retard injustifié à statuer de l'autorité cantonale de dernière instance compétente pour le faire est assimilé à une décision, que les parties à la procédure peuvent contester par un recours de droit public pour violation des droits constitutionnels. Dirigé contre l'inaction de l'autorité, un tel recours, de par sa nature même, n'est pas soumis au délai de l'art. 89 OJ. En tant qu'auteur de l'appel sur lequel l'autorité cantonale aurait tardé de manière injustifiée à statuer, le recourant a par ailleurs manifestement qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ.
2.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral ne peut entrer en matière que sur les griefs d'ordre constitutionnel qui sont invoqués et suffisamment motivés dans le recours (cf. art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1 p. 120, 185 consid. 1.6 p. 189).
3.
Invoquant les art. 29 al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH, le recourant se plaint d'un déni de justice, à raison d'un retard injustifié de l'autorité cantonale à statuer sur son appel.
3.1 L'art. 29 al. 1 Cst. garantit notamment à toute personne, dans une procédure judiciaire ou administrative, le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. L'art. 6 ch. 1 CEDH confère une garantie équivalente à l'accusé. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité ou, en d'autres termes, prohibent le retard injustifié à statuer. Viole la garantie ainsi accordée, l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 130 I 312 consid. 5.1 p. 331/332 et les références citées).
Pour déterminer la durée du délai raisonnable, il y a lieu de se fonder sur des éléments objectifs. Doivent notamment être pris en compte le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et des autorités compétentes. Le comportement de l'intéressé s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative qu'en procédure civile; celui-ci doit néanmoins entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence. S'agissant de l'autorité, on ne saurait lui reprocher quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure; celle-ci ne saurait en revanche exciper d'une organisation judiciaire déficiente ou d'une surcharge structurelle, l'Etat ayant à organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme au droit constitutionnel (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 et les arrêts cités).
3.2 Le recourant n'invoque aucune règle de droit cantonal qui fixerait au Tribunal cantonal un délai pour statuer sur les recours dont il est saisi et il ne démontre nullement que, comme il le prétend, le Tribunal cantonal valaisan aurait assuré à la Commission de justice du Grand Conseil que les litiges portés devant lui feraient l'objet d'un prononcé dans l'année suivant l'entrée du dossier au greffe. Que le Tribunal cantonal devrait, en vertu du droit cantonal ou d'un engagement qu'il aurait pris, statuer dans un délai déterminé, qui n'aurait pas été respecté en l'espèce, n'est donc pas établi. La seule question est donc de savoir si l'autorité cantonale doit se voir reprocher de n'avoir pas statué dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable.
3.3 En appel, le recourant a contesté la décision de non-lieu du juge d'instruction, aux motifs que, selon son dispositif, la procédure était, non pas close, mais suspendue par le non-lieu, que la motivation adoptée violait la présomption d'innocence et que les frais et dépens avaient été laissés à sa charge. Au vu des griefs ainsi soulevés, l'affaire sur laquelle l'autorité cantonale était appelée à statuer n'était donc certes pas complexe; les questions à examiner ne présentaient pas de difficulté particulière et, comme l'autorité l'admet dans sa réponse, pouvaient être tranchées sans débats.
Il est vrai que la décision attaquée en appel met le recourant au bénéfice d'un non-lieu. Les effets de ce dernier étaient toutefois contestés par le recourant, qui prétendait qu'il devait aboutir à une clôture définitive, et non seulement à une suspension, de la procédure. La question du sort des frais et dépens d'une procédure, suivant le montant de ceux-ci, peut au reste s'avérer d'une certaine importance pour le justiciable qui a été astreint à les assumer. De plus, le non-lieu a été prononcé au terme d'une instruction qui avait duré plus de dix ans, ce qui justifiait de faire diligence; en effet, plus une procédure a été longue, plus les autorités sont tenues de s'efforcer de la mener rapidement à terme (cf. arrêt 1P.722/2003, du 17 mars 2004, consid. 3.4).
De la réponse de l'autorité cantonale il résulte que le recourant, qui ne le nie pas, ne lui a jamais adressé le moindre rappel. Autrement dit, le recourant a laissé s'écouler plus d'une année depuis le dépôt de son appel, sans jamais interpeller l'autorité cantonale pour l'inviter à statuer, avant de former directement un recours de droit public pour dénoncer un retard injustifié de celle-ci à le faire. Il est en soi pertinent de tenir compte de ce comportement dans l'appréciation du délai raisonnable (cf. supra, consid. 3.1; ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332). En l'espèce, on peut toutefois sérieusement douter qu'une démarche du recourant en ce sens eût effectivement incité l'autorité à statuer; avisée du recours de droit public, celle-ci n'a en effet montré aucun empressement à le faire, alors que l'affaire était pendante devant elle depuis plus d'une année, indiquant au contraire dans sa réponse que l'affaire "sera en principe jugée, sans débats, avant la fin de l'année 2006". De toute manière, le comportement du recourant ne suffit pas à justifier la longueur de la procédure d'appel, qu'il n'a pas entravée ni ralentie, dans une affaire qui n'est pas complexe et qu'il y avait lieu, au vu de la durée de l'instruction, de traiter rapidement.
L'appel a été déposé le 15 juin 2005 auprès de l'Office du juge d'instruction cantonal, à l'adresse du Tribunal cantonal, qui l'a reçu le 24 juin 2005. Hormis un éventuel échange d'écritures, il semble n'avoir donné lieu à aucune mesure d'instruction; l'autorité cantonale n'allègue d'ailleurs pas d'opérations d'instruction qui auraient différé le jugement de l'appel. On doit en déduire que l'affaire, qui est pendante depuis près de 15 mois, est en état d'être jugée depuis quelque 14 mois. Or, durant tout ce laps de temps, l'autorité cantonale est demeurée inactive et elle ne fournit aucune explication propre à justifier sa lenteur à statuer.
Force est ainsi de constater que, sans motifs suffisants, l'autorité cantonale n'a pas statué dans un délai raisonnable sur l'appel dont elle était saisie, en violation des art. 29 al. 1 Cst. et 6 ch. 1 CEDH.
4.
Le recours de droit public doit ainsi être admis et l'autorité cantonale invitée à statuer dans le plus bref délai sur l'appel interjeté le 15 juin 2005 par le recourant.
Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, l'Etat du Valais sera dispensé des frais. Il versera en revanche une indemnité de dépens au recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et le Tribunal cantonal valaisan, Cour pénale, est invité à statuer dans le plus bref délai sur l'appel interjeté le 15 juin 2005 par le recourant.
2.
Il est statué sans frais.
3.
L'Etat du Valais versera au recourant une indemnité de dépens de 1500 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du Valais.
Lausanne, le 15 septembre 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: