Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5C.131/2006 /fzc
Arrêt du 17 octobre 2006
IIe Cour civile
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher et Hohl.
Greffière: Mme Jordan.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Aba Neeman, avocat,
contre
Tribunal de Monthey, Juge II du district de Monthey, place de l'Hôtel-de-Ville 1, 1870 Monthey 2.
Objet
interdiction,
recours en réforme contre la décision du Juge II du district de Monthey du 22 mars 2006.
Faits:
A.
Le 15 septembre 2005, la Chambre pupillaire de Z.________ a prononcé l'interdiction de X.________, né le 30 mai 1940, nommé la Tutrice officielle de Monthey en qualité de tutrice de l'interdit, retiré l'effet suspensif à un éventuel recours et ordonné la publication de la décision dans le Bulletin officiel du canton.
Statuant le 22 mars 2006, le Juge II du district de Monthey a, sous suite de frais, rejeté le recours de X.________ et confirmé le prononcé de l'autorité tutélaire.
B.
X.________, qui est assisté d'un avocat, exerce un recours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut à sa réintégration dans l'exercice de ses droits civils, à la mise des frais à la charge du fisc et à l'allocation de dépens. Le 24 mai 2006, il a déposé, de son propre chef, une écriture complémentaire - qu'il présente comme un curriculum vitae -, un certificat médical daté du 23 mai 2006 et la copie d'une photographie.
C.
Par ordonnance du 1er juin 2006, le Président de la IIe Cour civile a déclaré sans objet la demande d'effet suspensif, vu que le recours en réforme suspend l'exécution de l'arrêt attaqué en vertu de l'art. 54 al. 2 OJ, mentionnant en outre que, selon l'art. 58 OJ, les autorités cantonales restent seules compétentes pour ordonner les mesures provisionnelles.
D.
Par arrêt de ce jour, la cour de céans a déclaré irrecevable le recours de droit public connexe (5P. 217/2006).
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Déposé en temps utile - compte tenu des féries de Pâques (art. 34 al. 1 let. a OJ) - contre une mesure d'interdiction prononcée par un tribunal inférieur statuant en dernière instance cantonale (art. 117 al. 6 LACC/VS), le recours est recevable du chef des art. 44 let. e, 48 al. 2 et 54 al. 1 OJ.
2.
Il n'y a pas lieu de tenir compte de l'écriture complémentaire du 24 mai 2006, laquelle, quoique déposée dans le délai légal de l'art. 54 al. 1 OJ, n'est d'aucune pertinence en l'espèce.
3.
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, que des constatations ne reposent sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale (art. 64 OJ; ATF 130 III 102 consid. 2.2 p. 106; 127 IIII 248 consid. 2c p. 252). Sous réserve de ces exceptions, que le recourant doit invoquer expressément (ATF 115 II 399 consid. 2a p. 400), il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait - ou l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 129 III 320 consid. 6.3 p. 327; 126 III 189 consid. 2a p. 191; 125 III 78 consid. 3a p. 79) - ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
La cour de céans ne tiendra ainsi pas compte du certificat médical, qui est postérieur à la décision entreprise, et de la copie de la photographie, qui a été déposée pour la première fois en instance fédérale. Ces documents constituent des pièces nouvelles, irrecevables.
4.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 370 CC.
En bref, les faits retenus (nombre de poursuites élevé; mauvaise tenue de son ménage, démêlés avec la justice) ne seraient pas constitutifs d'une mauvaise gestion au sens de la disposition précitée. En particulier, la notification de quarante-trois commandements de payer ne signifierait pas encore qu'il devrait l'entier des montants; l'état de son ménage ne relèverait pas de la mauvaise gestion et n'aurait été établi qu'à la suite d'une seule visite, qui plus est de la chambre pupillaire et non du juge de district; enfin, la référence - sans autre précision - à la commission d'infractions au patrimoine et à la LCR ne serait pas significative. Le recourant soutient par ailleurs qu'il ne résulte pas du dossier qu'il pourrait tomber dans le besoin ou nécessiterait des soins et des secours permanents; il n'avait en effet jamais dû recourir à l'aide sociale, ni requérir l'assistance judiciaire et avait toujours fait les avances de frais de justice dans les délais impartis. Le risque visé serait même inexistant vu ses expectatives successorales largement supérieures aux montants des poursuites introduites à son encontre.
Le recourant est enfin d'avis que l'institution d'un conseil légal serait une mesure plus appropriée; elle permettrait de le priver de l'administration de ses biens, voire de l'obliger à requérir le concours de son conseil légal pour les actes mentionnés à l'art. 395 al. 1 CC; ne pouvant disposer que de sa rente AVS, il ne pourrait tomber dans le besoin. En outre, si le problème devait se limiter à la liquidation de ses droits successoraux, une curatelle au sens de l'art. 393 ch. 2 s'imposerait.
4.1 A teneur de l'art. 370 CC, sera pourvu d'un tuteur tout majeur qui, par ses prodigalités, son ivrognerie, son inconduite ou sa mauvaise gestion, s'expose lui ou sa famille, à tomber dans le besoin, ne peut se passer de soins ou de secours permanents ou menace la sécurité d'autrui.
La notion de mauvaise gestion doit être interprétée restrictivement. Elle consiste dans une gestion défectueuse, dans une négligence extraordinaire dans l'administration de sa propre fortune, qui doit avoir sa cause subjective dans la faiblesse de l'intelligence ou de la volonté. La mauvaise gestion doit être admise en premier lieu lorsqu'une fortune existante est administrée de manière insensée et incompréhensible; il faut cependant aussi comprendre par là la manière de gagner sa vie, de telle sorte que doit être interdit celui qui ne se procure pas les moyens d'existence nécessaires par suite de son manque d'énergie, de sa légèreté ou pour d'autres motifs semblables. Se rend coupable de mauvaise gestion celui qui, par sa faute, est incapable de réaliser un revenu suffisant ou qui dépense son revenu de façon économiquement déraisonnable, en omettant par exemple d'assumer les dépenses de stricte nécessité et en dilapidant son avoir (ATF 108 II 92 consid. 2 et 3c p. 93 et les références citées).
Une mesure d'ordre tutélaire est en accord avec le principe de la proportionnalité si elle permet d'atteindre le but de protection recherché; une mesure est disproportionnée non seulement quand elle est trop radicale, mais aussi lorsque le but visé ne peut être atteint que par une intervention plus forte (ATF 108 II 92 consid. 4 p. 94). Dans l'hypothèse où, compte tenu des conditions légales, plusieurs mesures paraissent à même d'atteindre le but visé, il y a lieu de choisir celle qui empiète le moins sur la sphère de liberté de l'intéressé (principe de subsidiarité; Schnyder/Murer, Berner Kommentar, nos 32 et 33 ad art. 367 CC; Langenegger, Basler Kommentar, nos 29 ss ad art. 369 CC).
4.2 Selon les constatations de l'arrêt entrepris (art. 63 al. 2 OJ), nombre de poursuites ont été engagées à l'encontre du recourant lorsque celui-ci vivait à Lausanne, les premières datant de 1990; au 2 mars 2006, les registres des Offices des poursuites de cette ville faisaient état de trente-neuf poursuites et soixante actes de défaut de biens délivrés pour un montant de 144'143 fr. 90. Depuis que le recourant est domicilié à Z.________, quarante-trois poursuites ont été introduites. Seule une petite partie d'entre elles concerne d'anciennes dettes pour lesquelles l'exécution forcée a été "réactivée". Cet état des dettes démontre à l'évidence que le recourant ne peut, depuis longtemps, faire face à ses engagements ni ne parvient à gérer les ressources dont il pourrait disposer. En mars 2006, il n'avait toujours pas entrepris les démarches nécessaires à l'obtention d'une rente vieillesse, alors même qu'il avait atteint l'âge de soixante-cinq ans depuis le mois de mai 2005. Il est en outre établi qu'il fait systématiquement obstruction à la liquidation de ses droits successoraux. Dans de telles circonstances, le magistrat intimé pouvait considérer à bon droit que les conditions d'une mauvaise gestion au sens de l'art. 370 CC étaient remplies. A cette gestion durablement déraisonnable de ses affaires pécuniaires s'ajoute l'incapacité du recourant à gérer de façon adéquate sa vie quotidienne: il voue peu de soins à sa personne et ne tient pas son ménage. Sur ce point, il importe peu que les membres de la chambre pupillaire ne soient venus qu'une seule fois chez lui. L'état déplorable des lieux, établi par les photographies prises à cette occasion, ne résulte manifestement pas d'un laissez-aller occasionnel ou ponctuel.
Dans ces conditions, on ne peut nier que la situation du recourant requiert un encadrement important, afin de le préserver des atteintes à son existence économique et, d'une manière générale, d'une déchéance morale et sociale. Le recourant voudrait que cette assistance lui soit assurée par un conseil légal gérant ou coopérant (art. 395 CC). Une telle mesure suppose toutefois un minimum de collaboration de la part de la personne concernée. Or, comme l'a relevé l'autorité cantonale, le recourant montre un refus caractérisé de toute forme d'autorité, qui se traduit notamment dans son attitude d'obstruction systématique à la liquidation de ses droits successoraux. De plus, la libre disposition des revenus (conseil légal gérant) risquerait de compromettre la recherche de stabilité financière dont le recourant a indéniablement besoin. L'institution d'une curatelle de gestion selon l'art. 393 ch. 2 CC serait quant à elle inadéquate, dès lors qu'une telle mesure n'aurait aucune influence sur la capacité d'agir du recourant. En outre, elle ne permettrait pas d'atteindre le but de protection recherché, à savoir empêcher le comportement économiquement déraisonnable du recourant. Cela étant, l'interdiction apparaît comme la seule mesure appropriée tant au regard du principe de la proportionnalité que de celui de la subsidiarité.
5.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 159 al. 2 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au Juge II du district de Monthey.
Lausanne, le 17 octobre 2006
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: