BGer 1P.677/2006
 
BGer 1P.677/2006 vom 24.10.2006
Tribunale federale
{T 0/2}
1P.677/2006 /col
Arrêt du 24 octobre 2006
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Nay et Fonjallaz.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Mes Antoine Zen Ruffinen et Stéphane Riand, avocats,
contre
Ministère public du canton du Valais,
Palais de Justice, case postale, 1950 Sion 2,
Présidente de la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais, Palais de Justice, 1950 Sion 2.
Objet
procédure pénale; non-lieu,
recours de droit public contre la décision de la Présidente de la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais du 13 septembre 2006.
Faits:
A.
Le 21 janvier 2003, B.________ a subi à l'hôpital de Martigny une intervention chirurgicale visant à diminuer sa surcharge pondérale, conduite par le Docteur A.________, médecin-chef en chirurgie, en collaboration avec le médecin anesthésiste C.________. A la suite de complications survenues quatre jours plus tard, elle a été placée au service des soins intensifs, puis transportée le lendemain par hélicoptère à l'hôpital de Sion, sous la surveillance du Docteur D.________. Peu après son arrivée, la patiente a subi un arrêt cardiaque; elle est décédée le 29 janvier 2003.
Une enquête a été ouverte par le Tribunal d'instruction pénale du Bas-Valais pour déterminer les causes du décès. Une expertise médicale de l'Institut universitaire de médecine légale de Lausanne du 12 mars 2004 a conclu que la patiente n'avait pas bénéficié d'un suivi post-opératoire et d'un transfert entre hôpitaux conformes aux règles de l'art.
Par ordonnance du 13 juillet 2006, le Juge d'instruction pénale du Bas-Valais a inculpé A.________ d'homicide par négligence et mis D.________ au bénéfice d'un non-lieu.
Le 10 août 2006, A.________ a interjeté un appel contre cette ordonnance en tant qu'elle portait sur le non-lieu rendu en faveur de D.________. La Présidente de la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: la Cour pénale) l'a déclaré irrecevable par décision du 6 juillet 2006.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et de renvoyer le dossier à la Cour pénale pour jugement dans le sens des considérants. La présidente de cette juridiction aurait déclaré son appel irrecevable au terme d'une application arbitraire du droit cantonal.
Il n'a pas été demandé de réponses.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Seul le recours de droit public est ouvert pour faire valoir une application arbitraire du droit cantonal de procédure régissant la qualité pour former un appel contre une ordonnance de non-lieu. Le recourant est personnellement touché par l'arrêt d'irrecevabilité litigieux et a qualité pour se plaindre, selon l'art. 88 OJ, d'une violation de son droit à obtenir une décision judiciaire, indépendamment de sa vocation pour agir au fond (ATF 121 II 171 consid. 1 p. 173 et les arrêts cités). Les conclusions qui vont au-delà de l'annulation de la décision attaquée sont irrecevables (ATF 131 I 166 consid. 1.3 p. 169).
2.
Le recourant reproche à la Présidente de la Cour pénale de lui avoir dénié la qualité pour appeler contre l'ordonnance de non-lieu rendue en faveur du Docteur D.________ au terme d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure.
2.1 Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'application du droit cantonal sous l'angle de l'arbitraire. Il ne s'écarte ainsi de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, lorsque l'interprétation ou l'application défendue par la cour cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît également concevable (ATF 132 I 175 consid. 1.2 p. 177). En outre, l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire dans son résultat, ce qu'il appartient au recourant de démontrer (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219 et les arrêts cités).
2.2 Selon l'art. 113 du Code de procédure pénale valaisan (CPP val.), le juge d'instruction, qui tient la poursuite pour injustifiée, rend un arrêt de non-lieu motivé avec décision sur les frais (al. 1). Les parties peuvent appeler de cet arrêt auprès du tribunal cantonal (al. 2). Ont qualité pour appeler, en vertu de l'art. 178 CPP val., le ministère public et les autres parties si elles sont intervenues dans la procédure de première instance.
2.3 En l'espèce, la Présidente de la Cour pénale a déclaré irrecevable l'appel formé par A.________ parce que celui-ci n'avait pas d'intérêt juridique à contester le non-lieu prononcé en faveur d'un coaccusé, une éventuelle condamnation de ce dernier n'ayant aucune influence sur sa propre faute. Elle relevait en outre qu'un intérêt civil, matériel ou moral, ne suffisait pas à lui conférer le droit de recourir contre l'arrêt de non-lieu, les éclaircissements souhaités sur certains faits pouvant être obtenus par le biais du complément d'instruction requis le 31 août 2006 dans le cadre de la procédure dont il est l'objet.
L'exigence d'un intérêt au recours ne résulte pas expressément de la loi; elle est cependant requise pour l'exercice de toute voie de droit (cf. ATF 120 II 5 consid. 2a p. 7/8 et les arrêts cités). Le refus d'ouvrir la voie de l'appel contre une ordonnance de non-lieu aux parties qui ne disposent pas d'un intérêt à contester une telle décision ne saurait dès lors être tenu pour arbitraire, même si cette condition ne ressort pas expressément du texte légal. A tout le moins, le recourant ne démontre pas en quoi pareille restriction au droit de former un appel serait insoutenable. Reste à savoir si un tel intérêt a été nié à tort en l'occurrence. Selon la jurisprudence, le justiciable est formellement lésé lorsque, en tant que partie, il n'a pas obtenu ce à quoi il avait conclu. Il est matériellement lésé lorsque la décision attaquée l'atteint dans sa situation juridique, lui est désavantageuse dans ses effets juridiques et que, partant, il a intérêt à sa modification (cf. ATF 129 III 689 consid. 1.2 p. 691; arrêt 5C.157/2003 du 22 janvier 2004 consid. 4.1 publié in SJ 2004 I 481).
La Présidente de la Cour pénale a nié que tel soit le cas dans la mesure où le droit pénal ne connaît pas la compensation des fautes (ATF 122 IV 17 consid. 2c/bb p. 24), de sorte que le recourant n'avait pas d'intérêt juridique à ce que son confrère D.________ soit condamné et, par voie de conséquence, à ce que le non-lieu prononcé en faveur de celui-ci soit annulé. Le recourant ne démontre pas par une argumentation conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ en quoi il serait matériellement lésé par cette décision; il se borne à prétendre qu'un intérêt civil, matériel ou moral, serait suffisant sans toutefois préciser de quel intérêt il s'agirait en l'occurrence ni chercher à établir en quoi celui-ci revêtirait un caractère juridique susceptible d'être compromis par le non-lieu prononcé en faveur de D.________. A tout le moins, cet intérêt n'est pas évident et il appartenait au recourant de l'établir par une argumentation claire et précise qui fait défaut en l'occurrence. On observera au demeurant que le non-lieu rendu pour insuffisance de charges n'est pas définitif selon le droit de procédure valaisan; si le complément d'enquête requis devait mettre en évidence des éléments nouveaux propres à mettre en cause le docteur D.________, le juge d'instruction pourrait rouvrir l'action publique en vertu de l'art. 115 CPP val. (cf. RVJ 1997 p. 301).
3.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable, ce qui rend sans objet la requête d'effet suspensif formée par le recourant. Vu l'issue du recours, ce dernier doit prendre en charge l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant, ainsi qu'au Ministère public et à la Présidente de la Cour pénale II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 24 octobre 2006
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: