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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2A.447/2006/svc
Arrêt du 30 octobre 2006
IIe Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Meylan, Juge suppléant.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
X.________,
recourant,
représenté par Me Gérald Benoît, avocat,
contre
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.
Objet
Exception aux mesures de limitation,
recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de justice et police du 22 juin 2006.
Faits:
A.
Ressortissant macédonien né en 1984, X.________ est entré illégalement en Suisse en juillet 2001, dans le but de rejoindre sa mère, Y.________. Celle-ci était arrivée en Suisse en octobre 1996, en compagnie de son fils cadet Z.________, et avait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour après son mariage avec un compatriote titulaire d'une autorisation d'établissement. Séparée de son mari, Y.________ avait bénéficié, avec son fils Z.________, d'une admission provisoire dès le 7 mars 2001, avant d'obtenir (en mai 2004) une autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).
Le 19 juillet 2001, Y.________ a sollicité pour son fils X.________, alors âgé de dix-sept ans et deux mois, l'octroi d'un «permis humanitaire». Elle indiquait que ce dernier avait vécu jusqu'à ce moment-là en Macédoine auprès de son père, avec lequel elle n'était pas mariée et dont elle s'était séparée en raison des violences qu'il lui infligeait.
B.
L'Office cantonal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a émis un préavis favorable à l'octroi d'une autorisation de séjour en faveur de l'intéressé et a soumis le dossier à l'Office fédéral des étrangers (actuellement l'Office fédéral des migrations; ci-après: l'Office fédéral). Le 2 août 2004, l'Office fédéral a refusé d'exempter X.________ des mesures de limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE.
C.
X.________ a porté sa cause devant le Département fédéral de justice et police (ci-après: le Département fédéral) qui, par décision du 22 juin 2006, a rejeté le recours. Le Département fédéral a considéré en substance que, si le recourant s'était intégré rapidement en Suisse, il n'avait toutefois pas créé avec le pays des relations d'une intensité si exceptionnelle qu'il ne puisse envisager un retour dans son pays d'origine. L'intéressé avait vécu les dix-sept premières années de sa vie en Macédoine, où il avait encore une partie de sa famille. Quelles qu'aient pu être les difficultés relationnelles avec son père, voire les actes de violence qu'il aurait subis de la part de ce dernier, X.________, âgé de vingt-deux ans, était désormais en mesure de vivre une existence indépendante et pouvait s'établir en un lieu plus propice à son épanouissement que le domicile paternel.
D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Département fédéral du 22 juin 2006, sous suite de frais et dépens. Il se plaint d'un excès et abus de pouvoir d'appréciation, d'une mauvaise constatation des faits et application du droit ainsi que d'inégalité de traitement. Il estime également que la décision est inopportune. A l'appui de ses griefs, il invoque l'art. 13 lettre f OLE et l'art. 8 CEDH.
Le Département fédéral conclut au rejet du recours. Le 31 août 2006, l'Office cantonal a produit son dossier.
E.
Par ordonnance du 2 août 2006, le Président de la IIe Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif formulée par le recourant, traitée comme demande de mesures provisionnelles.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 131 II 58 consid. 1 p. 60).
La voie du recours de droit administratif est en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405). Le présent recours, qui conclut exclusivement à l'annulation d'un refus d'exception aux mesures de limitation et qui respecte par ailleurs les formes et délais légaux, est donc recevable.
2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'abus et l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). L'autorité intimée n'étant pas une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral peut également revoir d'office les constatations de fait (art. 104 lettre b et 105 OJ). En matière de police des étrangers, lorsque la décision n'émane pas d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements, formellement et matériellement, sur l'état de fait et de droit existant au moment de sa propre décision (ATF 124 II 361 consid. 2a p. 365; 122 II 1 consid. 1b p. 4, 385 consid. 2 p. 390 et les arrêts cités). Dans ces conditions, rien ne s'oppose à la prise en considération des nouvelles pièces annexées par le recourant à son mémoire de recours. Le Tribunal fédéral ne peut en revanche pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c OJ a contrario).
3.
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale". Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou pas souhaitable du point de vue politique.
II découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées restrictivement. II est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré, socialement et professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas personnel d'extrême gravité; il faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse pas exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de limitation (ATF 130 II 39 consid. 3 p. 41/42 et la jurisprudence citée).
Lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse ou lorsqu'il y a juste commencé sa scolarité, il reste encore dans une large mesure rattaché à son pays d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socio-culturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déracinement complet. Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Il convient dans cette perspective de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et, au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle commencées en Suisse. Un retour au pays d'origine peut en particulier représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'adolescence est en effet une période essentielle du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant une intégration accrue dans un milieu déterminé (cf. ATF 123 II 125 consid. 4 p. 128 ss; Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in RDAF 1997 I 267 ss, p. 297/298). Cette pratique différenciée réalise de la sorte la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle que prescrite par l'art. 3 al. 1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (RS 0.107).
4.
Le recourant reproche au Département fédéral d'avoir constaté les faits pertinents de manière manifestement inexacte ou incomplète. Il n'indique toutefois pas quels faits auraient été constatés de manière erronée ni de quels éléments importants le Tribunal administratif n'aurait pas tenu compte. Le recourant s'en prend en fait à leur qualification et à leur appréciation juridique et soulève ainsi une question de droit que le Tribunal fédéral examine d'office et librement (ATF 131 III 182 consid. 3 p. 184 et l'arrêt cité).
5.
5.1 Dans le cas particulier, le recourant ne saurait se prévaloir d'une durée de séjour en Suisse particulièrement longue. Son intégration socioprofessionnelle peut être considérée comme réussie et, hormis une arrivée clandestine dans le pays, son comportement a toujours été irréprochable. Il a fréquenté, entre 2002 et 2005, les cours dispensés par le Service genevois des classes d'accueil et d'insertion. Il résulte du dossier, et plus particulièrement des pièces produites à l'appui du présent recours, qu'il a réalisé une rapide, importante et, pour l'essentiel, constante progression, que ses maîtres ont unanimement saluée. Dans cette mesure, il ne peut être exclu que son parcours revête un caractère, sinon exceptionnel, du moins quelque peu supérieur à la moyenne. L'intéressé a également effectué avec succès deux stages en entreprise, dont l'un dans une menuiserie. Celle-ci a par la suite demandé et obtenu de pouvoir l'engager jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation de séjour et se dit entièrement satisfaite de son travail. De même, il est établi que X.________ participe aux activités de diverses sociétés locales où il est apprécié.
On ne saurait toutefois considérer, comme l'a justement retenu le Département fédéral, que cette intégration, ainsi que les connaissances acquises, l'évolution professionnelle et les liens créés avec la Suisse, seraient à ce point exceptionnels qu'ils suffiraient à justifier une exception aux mesures de limitation.
Le recourant objecte que, réduit par son père à la condition de souffre-douleur, il n'a pas eu la possibilité de développer et de forger sa personnalité, comme c'est normalement le cas pendant l'adolescence, et que ce n'est finalement que depuis son arrivée en Suisse qu'il a été en mesure de le faire et qu'il a connu son véritable épanouissement. Les années vécues ici étaient donc décisives à cet égard, et, partant, un renvoi dans son pays d'origine constituait une rigueur excessive au sens de l'art. 13 lettre f OLE. Cette version des faits apparaît cependant sujette à caution. Il ressort en effet du dossier que le recourant avait entrepris dans son pays un apprentissage de bijoutier pour lequel il était bien motivé et qu'il n'avait été empêché de l'achever qu'en raison de la guerre qui avait éclaté en 2001. Par ailleurs, ce n'est qu'en 2000 qu'il a, pour la première fois, exprimé le désir de rejoindre sa mère en Suisse (lettre à I'Office fédéral du 5 mars 2002). Or, cette dernière a constamment affirmé avoir, dès le début de son séjour en Suisse, entretenu des contacts téléphoniques réguliers avec son fils. Il est dès lors invraisemblable que, entre le départ de sa mère et sa venue en Suisse, le recourant se soit trouvé dans un état d'abandon moral et matériel tel que son développement normal en aurait été entravé.
5.2 Il est probable que le recourant connaîtra des difficultés non négligeables à se réinstaller dans son pays d'origine. II démontre de manière convaincante ne pouvoir compter sur l'appui ni de son père, ni des membres de la famille de sa mère (grand-mère, oncles maternels) résidant au Kosovo. Âgé maintenant de presque vingt-deux ans et demi, en parfaite santé et faisant preuve de grandes qualités d'adaptation et de persévérance, il devrait toutefois être en mesure de surmonter ces difficultés initiales. A cela s'ajoute qu'il est désormais en possession d'un métier, celui de menuisier, qu'il pratique à l'entière satisfaction de ses employeurs et qui, dans un pays en voie de reconstruction, devrait faire l'objet d'une importante demande. Il pratique également deux langues étrangères, le français et l'anglais. On ne peut dès lors admettre qu'il se trouvera, à son retour, dans une situation sensiblement plus difficile que celle de ses compatriotes contraints, comme lui, de regagner leur pays d'origine.
5.3 Alléguant les «faux espoirs» suscités par les autorités cantonale et fédérale quant à ses chances d'être mis au bénéfice d'un regroupement familial, le recourant invoque le principe de la bonne foi.
Il est vrai qu'un certain flou a longtemps régné sur la manière de traiter son dossier. Il a d'abord été question d'appliquer l'art. 36 OLE. Cette idée a été abandonnée lorsqu'il a été constaté que, au moment où il avait déposé sa demande, le recourant était encore mineur. Les autorités ont alors envisagé l'application de l'art. 38 OLE, puis se sont ravisées lorsqu'elles ont appris que la mère de l'intéressé n'était plus au bénéfice d'une autorisation de séjour, mais était passée à un statut d'admission provisoire. A partir de ce moment-là, le dossier a été traité exclusivement sous l'angle de l'art. 13 lettre f OLE. Même si ces tergiversations ont pu engendrer, dans l'esprit du recourant et de sa famille, l'espoir d'une issue favorable, à aucun moment l'autorité fédérale, seule compétente à cet effet en tant qu'autorité d'approbation, ne leur a donné une assurance dans ce sens. De plus, même conforté, à tort ou à raison, dans un tel espoir, le recourant n'allègue pas avoir pris sur cette base des dispositions sur lesquelles il pourrait difficilement revenir.
5.4 Le recourant se plaint enfin d'inégalité de traitement. Sa mère a caché aux autorités suisses l'existence de ses deux enfants, X.________ et Z.________; ce fait, qui est interprété en défaveur de l'intéressé, n'a pas cependant empêché Z.________ d'être admis provisoirement en Suisse.
Le silence observé par la mère de X.________ quant à son existence ne constitue qu'un argument parmi d'autres, et sans doute pas le plus décisif, à l'appui du rejet de la demande d'exception aux mesures de limitation. Il saute par ailleurs aux yeux que le cas de l'intéressé diffère, sur des points essentiels, de celui de sa mère et de son demi-frère. Il s'agit non seulement de la durée du séjour en Suisse et de l'âge de Z.________, mais également du fait qu'un retour de la mère se heurterait, selon toute probabilité, à des difficultés infiniment plus graves que celles d'un homme dans la force de l'âge et bénéficiant des atouts qui sont ceux du recourant.
5.5 C'est également en vain que le recourant invoque l'art. 8 CEDH. Outre que, s'agissant exclusivement d'une éventuelle exemption des mesures de limitation, cette disposition n'est pas directement applicable (arrêt 2A.145/2001 du 7 mai 2001, consid. 2c, et les arrêts cités), les conditions auxquelles elle peut fonder un droit à obtenir une autorisation de séjour ne sont de toute manière manifestement pas remplies. Le recourant ne saurait en effet invoquer la protection de la vie de famille garantie par cette disposition, dans la mesure où sa mère ne dispose pas, en Suisse, d'un droit de présence consolidé (ATF 130 II 281 consid. 3.1 p. 285). Quant à la protection de la vie privée également garantie par cette disposition, le droit à une autorisation de séjour ne peut en être déduit qu'à des conditions extrêmement restrictives, le requérant devant entretenir en Suisse des relations d'ordre privé d'une intensité toute particulière (ATF 126 II 377, consid. 2c/aa p. 384/385). Or, pour les raisons déjà indiquées, tel n'est manifestement pas le cas du recourant.
5.6 En confirmant le refus de l'Office fédéral de mettre le recourant au bénéfice des mesures de limitation de l'art. 13 lettre f OLE, le Département fédéral n'a dès lors pas excédé ni abusé de son pouvoir d'appréciation et a correctement appliqué le droit fédéral.
6.
II résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au Département fédéral de justice et police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population du canton de Genève.
Lausanne, le 30 octobre 2006
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: