Eidgenössisches Versicherungsgericht
Tribunale federale delle assicurazioni
Tribunal federal d'assicuranzas
Cour des assurances sociales
du Tribunal fédéral
Cause {T 7}
C 267/05
Arrêt du 19 décembre 2006
IIIe Chambre
Composition
MM. les Juges Ferrari, Président, Meyer et Seiler.
Greffier : M. Pellegrini
Parties
M.________, recourant,
contre
Unia caisse de chômage, Weltpoststrasse 20,
3015 Berne, intimée,
Instance précédente
Tribunal administratif du canton de Berne,
Cour des affaires de langue française, Berne
(Jugement du 2 septembre 2005)
Faits:
A.
Depuis le 1er août 2000, M.________, a travaillé au service de l'entreprise X.________ Sàrl dont le but était l'exploitation d'établissements publics, notamment du restaurant "D.________". Gérant de cet établissement, il était inscrit au Registre du commerce comme associé sans droit de signature de la société à responsabilité limitée. Il détenait une part sociale de 1'000 francs. Inscrit en qualité d'associé et gérant avec signature individuelle, son frère détenait la seconde part sociale de 19'000 fr. dont l'apport en nature au jour de la fondation de la Sàrl avait permis de libérer la totalité du capital social.
Le contrat de travail de l'assuré a été résilié pour le 31 mai 2004. Le 28 avril précédent, il s'est inscrit en tant que demandeur d'emploi et a requis des indemnités de chômage à partir du 1er juillet 2004.
Le 5 juillet 2004, le Président de l'arrondissement judiciaire Y.________ a prononcé la faillite de X.________ Sàrl, puis a suspendu la procédure de faillite faute d'actif par ordonnance du 8 octobre 2004. Cette société a ensuite été radiée d'office du registre du commerce le 14 février 2005.
Par décision du 27 septembre 2004, confirmée sur opposition le 6 décembre suivant, la caisse d'assurance-chômage FTMH - devenue UNIA, caisse de chômage - (ci-après : la caisse), a nié à l'assuré le droit à des indemnités de chômage, motif pris qu'il était toujours inscrit au registre du commerce d'une part et qu'il n'avait pas rendu vraisemblable que les salaires lui avaient effectivement été versés d'autre part.
B.
Par jugement du 2 septembre 2005, le Tribunal administratif du canton de Berne - Cour des affaires de langue française - a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du 6 décembre 2004.
C.
Ce dernier interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
La caisse conclut au rejet du recours, alors que le Secrétariat d'Etat à l'économie n'a pas présenté de déterminations.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage à partir du 1er juillet 2004.
2.
2.1 Selon l'article 8 al. 1 lit. e LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré ( art. 13 et 14 LACI ). Celles-ci sont satisfaites par celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation (art. 13 al. 1 LACI).
2.2
2.2.1 Dans un arrêt récent (ATF 131 V 444), le Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence en relevant qu'en ce qui concerne la période de cotisation, la seule condition du droit à l'indemnité de chômage est, en principe, que l'assuré ait exercé une activité soumise à cotisation pendant la période minimale de cotisation. Aussi, la jurisprudence exposée au DTA 2001 p. 225 ss sur laquelle s'est appuyée la juridiction cantonale ne doit-elle pas être comprise en ce sens qu'un salaire doit en outre avoir été effectivement versé; la preuve qu'un salaire a bel et bien été payé reste seulement un indice important en ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée (ATF 131 V 449 ss consid. 3; arrêt T du 26 juillet 2006, C 174/05, consid. 1.2).
2.2.2 Dans ce même arrêt (ATF 131 V 444), la Cour de céans a aussi indiqué que lorsque l'assuré ne parvient pas à prouver qu'il a effectivement perçu un salaire, notamment en l'absence de virement périodique d'une rémunération sur un compte bancaire ou postal à son nom, le droit à l'indemnité de chômage ne pourra lui être nié en application des articles 8 al. 1 let. e et 13 LACI que s'il est établi que celui-ci a totalement renoncé à la rémunération pour le travail effectué (cf. consid. 3.3 parag. 1). Cette renonciation ne peut être admise à la légère. Cela s'explique en particulier par le fait qu'il n'existe pas de prescription de forme pour le paiement du salaire. Il est habituellement soit acquitté en espèces, soit versé sur un compte bancaire ou postal, dont le titulaire n'est pas nécessairement l'employé (cf. pour l'ensemble des motifs: consid. 3.3 parag. 2).
3.
3.1 En l'occurrence, la juridiction cantonale a nié au recourant le droit à l'indemnité de chômage au motif qu'il n'avait pas rendu vraisemblable le versement effectif du salaire durant le délai-cadre de cotisation déterminant. En particulier, il n'avait produit aucun document bancaire ou postal personnel attestant que son employeur lui avait régulièrement versé un salaire.
3.2 Au vu de la jurisprudence récente précitée, la preuve qu'un salaire a bel et bien été versé n'est pas décisive en ce qui concerne la preuve de l'exercice effectif de l'activité salariée mais n'en constitue qu'un indice. En outre, on ne saurait déduire de l'inexistence de relevés bancaires ou postaux qu'aucun salaire n'a effectivement été versé pour cette activité. Une telle conclusion ne s'impose que lorsqu'il est établi que l'assuré a totalement renoncé à sa rémunération. Or, ni les pièces du dossier ni les circonstances ne permettent de conclure à la renonciation par l'intéressé à son salaire, si bien que les premiers juges n'étaient pas fondés à nier au recourant le droit à l'indemnité de chômage au seul motif que la preuve du versement effectif du salaire n'avait pas été rapportée par la production notamment d'un document bancaire ou postal.
3.3 Par ailleurs, aussi bien l'administration que la juridiction cantonale ont tenu pour établi que le recourant a travaillé au service de l'entreprise X.________ Sàrl du 1er août 2000 au 31 mai 2004. Ce fait n'est pas contesté et les pièces du dossier ne contiennent aucune contradiction susceptible de le mettre en doute. Du moment que l'intéressé n'a pas renoncé à son salaire, on doit retenir qu'il a effectivement exercé une activité soumise à cotisation. Partant, les conditions relatives à la période de cotisation sont remplies dans le cas particulier.
4.
4.1 Reste à examiner si le statut du recourant au sein de la société à responsabilité limitée qu'il a fondée avec son frère fait obstacle au versement des indemnités de chômage.
Le jugement entrepris expose correctement la jurisprudence relative aux travailleurs jouissant d'une situation professionnelle comparable à celle d'un employeur, si bien qu'il suffit d'y renvoyer sur ce point.
On rappellera cependant qu'il n'est pas admissible de refuser, de façon générale, le droit aux prestations aux employés au seul motif qu'ils sont inscrits au registre du commerce. Il n'y a pas lieu de se fonder de façon stricte sur la position formelle de l'organe à considérer; il faut bien plutôt établir l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes. C'est donc la notion matérielle de l'organe dirigeant qui est déterminante, car c'est la seule façon de garantir que l'art. 31 al. 3 let. c LACI, qui vise à combattre les abus, remplisse son objectif (SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5d). En particulier, lorsqu'il s'agit de déterminer quelle est la possibilité effective d'un dirigeant d'influencer le processus de décision de l'entreprise, il convient de prendre en compte les rapports internes existant dans l'entreprise. On établira l'étendue du pouvoir de décision en fonction des circonstances concrètes (DTA 1996/1997 n° 41 p. 227 ss. consid. 1b et 2; SVR 1997 ALV n° 101 p. 311 consid. 5c). Le Tribunal fédéral des assurances fait toutefois exception à ce principe lorsqu'il s'agit de membres des conseils d'administration car ils disposent ex lege (art. 716 à 716b CO), d'un pouvoir déterminant au sens de l'art. 31 al. 3 let. c LACI (DTA 1996/1997 n° 41 p. 226 consid. 1b et les références). Il en va de même pour les associés, respectivement les associés gérants d'une Sàrl lorsqu'il en a été désigné (arrêt R. du 22 novembre 2002, C 37/02, consid. 4).
4.2 Selon l'extrait du registre du commerce du 16 juillet 2004, seul le frère du recourant était inscrit en qualité d'associé et gérant avec signature individuelle. Ainsi, d'un point de vue formel uniquement, l'intéressé ne faisait pas partie de l'organe de gestion de la société, dès lors que cette fonction a expressément été attribuée à son frère (art. 811 al. 2 CO). Mais, en réalité, ce dernier était vraisemblablement en mesure d'influencer le processus de décision au sein de la société à responsabilité limitée. D'une part, les rapports internes étaient manifestement étroits, la société n'étant composée que de deux associés, soit le recourant et son propre frère. D'autre part, l'intéressé assumait la fonction de directeur et de gérant du seul établissement public exploité par l'entreprise et s'occupait des tâches administratives relatives notamment à la gestion du personnel comme le démontre l'attestation de l'employeur qu'il a rempli, signé et remis à la caisse de chômage en y indiquant son numéro de téléphone portable. Cela étant, il jouissait d'une position comparable à celle d'un employeur.
4.3
4.3.1 Toutefois, selon la jurisprudence (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb; DTA 2003 p. 241 consid. 2 et les références), le droit à l'indemnité de chômage ne peut en principe pas être nié lorsque le salarié, qui est placé dans une position assimilable à celle de l'employeur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la fermeture de celle-ci ou rompt définitivement tout lien avec une entreprise qui continue d'exister car en pareille circonstance, on ne saurait parler d'un comportement visant à éluder la loi (en particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI).
4.3.2 La fin d'une Sàrl nécessite en priorité de procéder à sa dissolution (cf. arrêt R. du 22 novembre 2002, C 37/02), laquelle peut notamment intervenir par l'ouverture de la faillite (art. 820 ch. 3 CO). La société dissoute entre en liquidation, sauf en cas de fusion, de division ou de transfert de son patrimoine à une corporation de droit public (art. 738 CO). Pendant la liquidation, les organes sociaux conservent leurs pouvoirs légaux et statutaires, bien que restreints aux actes nécessaires à cette opération et qui de par leur nature, ne sont pas du ressort des liquidateurs (cf. art. 739 al. 2 CO). En fait notamment partie, le choix de la poursuite des activités de l'entreprise jusqu'à sa vente ou sa radiation (cf. AHI 1994 p. 37 consid. 6c et les références). Cette situation exclut le droit à l'indemnité de chômage de l'assuré (cf. DTA 2002, p. 185 consid. 3b).
Dans un arrêt H. du 3 avril 2006 (C 267/04), le Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence. Dans ce cas, l'assuré s'était inscrit au chômage le 18 décembre 2003. Il avait cependant joui d'une position analogue à celle d'un employeur jusqu'au 16 avril 2004. A cette date, la société à responsabilité limitée qui l'employait avait été radiée d'office à la suite de la suspension de la procédure de faillite faute d'actif survenue le 6 janvier 2004. Selon la Cour de céans, la société ayant été radiée d'office du registre du commerce, aucun événement déterminant ne pouvait se produire durant ce laps de temps. En particulier, il était peu vraisemblable que l'assuré eût pu à nouveau rentrer dans la société et y réaliser un gain. Ainsi, il n'existait plus de risque d'abus, si bien que le droit à l'indemnité de chômage ne pouvait être nié à l'assuré pour le motif qu'il avait joui d'une position analogue à celle d'un employeur jusqu'au 16 avril 2004. Dès lors, la jurisprudence publiée au DTA 2002 p. 183 et suivants ne pouvait pas s'appliquer par analogie lorsque la faillite d'une société était suspendue faute d'actif.
4.3.3 L'entreprise X.________ Sàrl n'a pas été liquidée en application des articles 739 et suivants du CO. En effet, cette société a été mise en faillite par ordonnance du 5 juillet 2004. La procédure a ensuite été suspendue faute d'actif le 8 octobre suivant et la raison sociale a été radiée d'office le 14 février 2005. Le recourant s'est inscrit au chômage le 28 avril 2004, sollicitant des indemnités à compter du 1er juillet suivant, alors qu'il bénéficiait toujours d'une position analogue à celle d'un employeur.
Pas plus que dans l'arrêt H. du 3 avril 2006, dont les faits déterminants sont similaires à ceux de la présente cause, il n'existe en l'occurrence de risque d'abus. Le déroulement de la procédure de faillite et en particulier la suspension de celle-ci faute d'actif rendent en effet peu probable une éventuelle reprise par le recourant de son activité professionnelle au sein de la société et la réalisation d'un gain. Dans ces circonstances, le droit à l'indemnité de chômage ne saurait lui être nié pour le motif qu'il bénéficiait encore d'une position analogue à celle d'un employeur au moment de son inscription au chômage.
5.
Il convient en conséquence de renvoyer la cause à la caisse intimée pour qu'elle vérifie si toutes les conditions - non examinées ici - du droit à l'indemnité de chômage sont remplies et rende ensuite une nouvelle décision sur la prétention du recourant.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, du 2 septembre 2005, ainsi que la décision sur opposition de la caisse d'assurance-chômage FTMH du 6 décembre 2004 sont annulés. La cause est renvoyée à l'UNIA pour qu'elle rende une nouvelle décision concernant le droit du recourant à des indemnités de chômage.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Berne, Cour des affaires de langue française, au Beco, Economie bernoise et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 19 décembre 2006
Au nom du Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre: p.o. Le Greffier: