BGer 5C.145/2006
 
BGer 5C.145/2006 vom 21.12.2006
Tribunale federale
{T 0/2}
5C.145/2006 + 5C.146/2006
Arrêt du 21 décembre 2006
IIe Cour civile
Composition
MM. et Mmes les Juges Raselli, Président,
Escher, Hohl, Marazzi et Riemer, Juge suppléant.
Greffier: M. Abrecht.
Parties
1. X.________,
2. Y.________,
défendeurs et recourants, représentés par Me Alain Macaluso, avocat,
contre
C.________ SA,
demanderesse et intimée, représentée par Me Jean-Charles Sommer, avocat,
Objet
responsabilité des membres d'une association,
recours en réforme [OJ] contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève
du 7 avril 2006.
Faits:
A.
L'Association A.________ a été fondée le 13 juillet 1999 par X.________, Y.________ et deux autres personnes. Elle avait pour but statutaire d'entreprendre toutes démarches pour l'organisation à Genève ou dans toute autre ville d'un salon d'antiquités et d'objets d'art à l'enseigne «Salon de Mars», de gérer ledit salon et, d'une manière générale, d'entreprendre toutes mesures pour la promotion des antiquités et objets d'art.
L'association avait pour ressources, selon ses statuts, les avances faites par ses membres, les prestations versées par les utilisateurs de ses services, le produit de toutes les manifestations qu'elle organiserait, les dons de mécènes et, enfin, toute recette publicitaire de sponsoring ou de vente de produits dérivés. Les statuts n'ont pas fixé les cotisations des membres et cette compétence n'a pas été déléguée à l'assemblée générale. Au départ, les fondateurs ont investi une somme d'au moins 467'980 fr. dans l'association.
B.
Le 22 janvier/12 février 2001, A.________ et C.________ SA, société anonyme de droit français dont le siège est à Thonon, ont signé un «contrat de construction» prévoyant la réalisation par C.________ SA des structures de l'édition 2001 du «Salon de Mars» pour un prix forfaitaire de 9 millions de francs français, payable à raison de 50% à la commande, de 40% au 15 avril 2001 et de 10% au 1er mai 2001. A.________ a versé comme convenu 50% du prix à la commande. Elle a refusé de payer le solde, estimant que le contrat avait été partiellement inexécuté, vu les nombreuses malfaçons de l'ouvrage et le non-respect de certaines clauses contractuelles.
Le 3 mai 2001, C.________ SA a requis la notification à A.________ d'un commandement de payer portant sur les montants de 845'280 fr. et de 211'320 fr. plus intérêts, correspondant au solde (40% + 10%) du prix à payer en vertu du contrat. L'opposition formée par A.________ à ce commandement de payer a été provisoirement levée par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 13 décembre 2001.
Le 25 février 2002, l'assemblée générale de l'association a décidé la dissolution de celle-ci. Au 30 juin 2002, A.________ en liquidation ne disposait plus de fonds propres.
Par jugement du 8 janvier 2004, le Tribunal de première instance du canton de Genève a admis l'action en libération de dette formée par A.________ en liquidation à concurrence de 211'320 fr. plus intérêts et a constaté que celle-ci devait à C.________ SA les sommes de 633'960 fr. et de 211'320 fr. plus intérêts.
C.
La faillite de A.________ en liquidation a été prononcée le 15 juin 2004, sur requête de C.________ SA. Celle-ci a été le seul créancier inscrit à l'état de collocation, avec une créance admise en troisième classe à concurrence de 940'039 fr. 35. L'Office des faillites a porté à l'inventaire de la masse en faillite de A.________ en liquidation des prétentions litigieuses, à hauteur du passif inscrit à l'état de collocation, à l'encontre de X.________ et de Y.________.
Après avoir obtenu le 4 janvier 2005 la cession des droits de la masse, au sens de l'art. 260 LP, C.________ SA a ouvert action le 23 février 2005 devant le Tribunal de première instance du canton de Genève contre X.________ et Y.________. Elle a conclu principalement à ce que ceux-ci soient solidairement condamnés à lui payer le montant de 940'039 fr. 35 plus intérêts, pour avoir, en leur qualité de membres du comité, fautivement géré l'association. À titre subsidiaire, elle a conclu à ce que les défendeurs soient chacun condamnés à lui payer la somme de 470'019 fr. 70 plus intérêts, pour répondre personnellement des dettes de l'association, à parts égales, en leur qualité de membres de l'association (art. 71 al. 2 aCC).
Ayant perçu un dividende de 73'878 fr. 60 le 22 avril 2005, C.________ SA a réduit le 6 mai 2005 ses prétentions de ce montant. Dans leur réponse du 15 juin 2005, les défendeurs se sont opposés à la demande.
A.________ en liquidation a été radiée d'office du registre du commerce le 12 mai 2005, après clôture de la procédure de faillite.
Par jugement du 7 septembre 2005, le Tribunal de première instance a débouté C.________ SA de ses conclusions et l'a condamnée aux dépens.
D.
Par arrêt du 7 avril 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel formé par la demanderesse contre ce jugement, qu'elle a réformé en ce sens qu'elle a condamné les défendeurs à payer à la demanderesse un montant de 433'080 fr. 40 chacun, avec intérêts à 5% l'an dès le 27 avril 2005. La motivation de cet arrêt, dans ce qu'elle a d'utile à retenir pour l'examen du recours, est en substance la suivante :
D.a Aux termes de l'art. 71 aCC, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mai 2005, les cotisations sont fixées par les statuts (al. 1); à défaut de disposition statutaire, les membres de l'association contribuent dans une mesure égale aux dépenses que rendent nécessaires le but social et l'acquittement des dettes (al. 2). La créance contre les membres en paiement des dépenses et des dettes de l'association appartient à l'association, et non directement aux créanciers de celle-ci; toutefois, en cas de faillite de l'association, le créancier peut se faire céder cette créance et en poursuivre le recouvrement en lieu et place de la masse, en application de l'art. 260 LP (Heini/Scherrer, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch I, 2e éd. 2002, n. 9 ad art. 71 aCC et les références citées).
D.b L'art. 71 al. 2 aCC a été remplacé au 1er juin 2005 par un nouvel art. 75a CC, qui a supprimé le lien de cause à effet entre la fixation des cotisations à verser par les membres d'une association et l'exclusion de leur responsabilité personnelle. L'absence de responsabilité est désormais indépendante de l'obligation statutaire pour les membres de verser des cotisations, l'art. 75a CC disposant que sauf disposition contraire des statuts, l'association répond seule de ses dettes, qui sont garanties par sa fortune sociale.
Les prescriptions nouvelles ne sont toutefois pas applicables en l'espèce. En effet, l'association a été radiée du registre du commerce avant le 1er juin 2005 (art. 1 Tit. fin. CC) et les nouveaux art. 71 et 75a CC n'ont pas été établis dans l'intérêt de l'ordre public ou des moeurs (art. 2 Tit. fin. CC).
D.c En vertu de l'art. 71 al. 2 aCC, en l'absence d'obligation de cotiser fixée par les statuts - qui pouvaient prévoir le principe d'une contribution périodique et réserver à un règlement ou déléguer à un organe la compétence de déterminer l'importance du montant dû -, chaque membre répondait personnellement, à parts égales et sur l'ensemble de son patrimoine, des dettes de l'association (Perrin, Droit de l'association, 2004, p. 136 s.). Toutefois, les sociétaires n'étaient pas solidairement responsables au sens de l'art. 143 CO; en outre, un membre ne pouvait pas être recherché pour une participation à des dettes contractées après son départ (Heini/Scherrer, op. cit., n. 10 et 11 ad art. 71 aCC; Perrin, op. cit., p. 141).
En l'espèce, A.________ n'avait pas prévu de cotisations des membres dans les statuts, si bien que ses membres répondent à parts égales de l'ensemble des dettes de l'association. Les défendeurs étaient les seuls membres de l'association à l'époque de la conclusion du «contrat de construction» avec C.________ SA, qui est à l'origine des dettes sociales dont cette dernière réclame le paiement. Les défendeurs sont donc responsables de cette dette, à concurrence de la moitié chacun. Des prétentions de la demanderesse admises à l'état de collocation par 940'039 fr. 35 et qui lui ont été cédées par la masse en faillite de A.________ en liquidation, il y a lieu de déduire le dividende de 73'878 fr. 60 perçu le 22 avril 2005 (cf. lettre C supra), si bien que les défendeurs doivent en définitive être condamnés à payer un montant de 433'080 fr. 40 chacun ([940'039 fr. 35 - 73'878 fr. 60] : 2) à la demanderesse.
E.
Les défendeurs exercent chacun un recours en réforme au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant à sa réforme en ce sens que la demanderesse soit déboutée des fins de sa demande. La demanderesse n'a pas été invitée à répondre aux recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Les recours sont dirigés contre le même jugement et soulèvent les mêmes questions de droit, de sorte qu'il se justifie de joindre les causes et de les liquider dans un seul arrêt (art. 24 PCF, en relation avec l'art. 40 OJ; ATF 124 III 382 consid. 1a; 113 Ia 390 consid. 1 et la jurisprudence citée dans ces arrêts).
1.2 L'arrêt attaqué tranche une contestation civile portant sur des droits de nature pécuniaire, et les droits contestés dans la dernière instance cantonale atteignent manifestement la valeur d'au moins 8'000 fr. exigée par l'art. 46 OJ. Formés en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) contre une décision finale prise par un tribunal suprême d'un canton et qui ne peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal (art. 48 al. 1 OJ), les recours en réforme, dans lesquels est invoquée uniquement la violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ), sont donc recevables.
2.
Les défendeurs reprochent à la cour cantonale d'avoir appliqué de manière erronée les art. 1 à 4 Tit. fin. CC, en particulier les art. 2 et 3 Tit. fin. CC, et d'avoir ainsi retenu faussement que les nouveaux art. 71 et 75a CC ne trouvaient pas application dans le cas d'espèce.
2.1 En l'absence de disposition transitoire spécifique (cf. art. 1 al. 3 in fine et 2 al. 1 in fine Tit. fin. CC), le droit transitoire est régi par les dispositions générales des art. 1 à 4 Tit. fin. CC (ATF 117 III 52 consid. 2a in limine; Markus Vischer, Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch II, 2e éd. 2003, n. 2 ad art. 1 Tit. fin. CC; idem, Die allgemeinen Bestimmungen des schweizerischen intertemporalen Privatrechts, thèse Zurich 1986, p. 26 s. et les références citées; cf. ATF 127 III 16 consid. 3; 90 II 135 consid. 3; 84 II 179 consid. 2b).
2.1.1 L'art. 1 Tit. fin. CC pose le principe général de la non-rétroactivité des lois : les effets juridiques de faits antérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit continuent à être régis par les dispositions du droit sous l'empire duquel ces faits se sont produits (al. 1) - principe que l'al. 2 répète en ce qui concerne les effets juridiques des actes accomplis avant l'entrée en vigueur du nouveau droit (Vischer, Basler Kommentar, n. 9 ad art. 1 Tit. fin. CC) -, tandis que les faits postérieurs à l'entrée en vigueur du nouveau droit sont régis par celui-ci (al. 3). Le rattachement d'un rapport d'obligation au droit en vigueur au moment de sa constitution, tel que le prévoit l'art. 1 al. 1 Tit. fin. CC, vise à protéger la confiance subjective des parties, qui ont soumis leurs relations à un droit matériel qui leur était connu, et tend aussi à empêcher que des droits valablement acquis par un acte juridique soient enlevés à leur titulaire par le seul effet de la loi (ATF 126 III 421 consid. 3c/cc in limine).
2.1.2 En dérogation au principe général de non-rétroactivité posé par l'art. 1 Tit. fin. CC (ATF 126 III 421 consid. 3c/cc; 100 II 105 consid. 1c in limine; Vischer, Basler Kommentar, n. 3 in fine ad art. 2 Tit. fin. CC), l'art. 2 Tit. fin. CC prévoit que les règles établies dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs sont applicables, dès leur entrée en vigueur, à tous les faits pour lesquels la loi n'a pas prévu d'exception (al. 1); en conséquence - ou pour exprimer la même chose sous une forme négative (Vischer, Basler Kommentar, n. 2 ad art. 2 Tit. fin. CC; Gerardo Broggini, Intertemporales Privatrecht, in Schweizerisches Privatrecht I/1, 1969, p. 449) -, les dispositions de l'ancien droit qui, d'après le droit nouveau, sont contraires à l'ordre public ou aux moeurs ne peuvent plus recevoir d'application (al. 2).
2.1.3 Pour admettre qu'une disposition légale a un caractère d'ordre public au sens de l'art. 2 Tit. fin. CC, il ne suffit pas qu'elle soit impérative (ATF 100 II 105 consid. 2 in limine; 84 II 179 consid. 3c p. 183 s.; cf. ATF 117 II 452 consid. 3a). Au contraire, l'ordre public et les moeurs ne justifient l'application rétroactive d'une norme que lorsque celle-ci appartient aux principes fondamentaux de l'ordre juridique actuel, en d'autres termes lorsqu'elle incarne des conceptions socio-politiques ou éthiques fondamentales (ATF 119 II 46 consid. 1a; 100 II 105 consid. 2; Broggini, op. cit., p. 451). La jurisprudence a reconnu que tel était le cas notamment de l'interdiction de créer des liens durables à l'excès par des actes juridiques obligatoires (art. 2 et 27 CC) ou du principe selon lequel une charge foncière doit pouvoir être rachetée trente ans après son établissement (art. 788 al. 1 ch. 2 CC; ATF 100 II 105 consid. 2 et les arrêts cités).
2.1.4 Pour décider s'il y a lieu d'appliquer le nouveau droit sur la base de l'art. 2 Tit. fin. CC, le juge doit donc examiner si, dans le cas d'espèce considéré, les effets juridiques découlant de l'ancien droit - lequel serait en soi applicable en vertu du principe général de non-rétroactivité - seraient contraires à l'ordre public et aux moeurs selon les conceptions du nouveau droit (ATF 100 II 105 consid. 2; 43 II 7; Paul Mutzner, Berner Kommentar, Bd. V/Schlusstitel I, 2e éd. 1926, n. 17 ad art. 2 Tit. fin. CC), autrement dit si l'application de l'ancien droit est devenue inconciliable avec l'ordre public et les moeurs (ATF 119 II 46 consid. 1b p. 50; 116 III 120 consid. 3; 84 II 179 consid. 3c p. 184; cf. ATF 128 III 305 consid. 2b; 90 II 135 consid. 4). Le juge doit aussi comparer les intérêts en jeu et examiner si le droit nouveau répond à un intérêt public prépondérant par rapport aux intérêts privés opposés, notamment celui à être protégé dans la confiance mise en l'application du droit antérieur, de telle sorte qu'il doive l'emporter sur ce dernier (ATF 127 III 16 consid. 3; 119 II 46 consid. 1a; Vischer, thèse, p. 96 et 98; cf. ATF 117 II 452 consid. 3a).
2.2 Il sied à ce stade de rappeler l'évolution législative qui a conduit à la modification de l'art. 71 aCC et à l'introduction d'un nouvel art. 75a CC.
2.2.1 Sous l'empire de l'art. 71 aCC, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mai 2005, si les statuts de l'association ne disposaient pas d'obligation de cotiser (cf. art. 71 al. 1 aCC), les membres répondaient personnellement, à parts égales et sur l'ensemble de leur patrimoine, des dettes de l'association (art. 71 al. 2 aCC), et cela même si les statuts excluaient la responsabilité personnelle des membres (Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États, in FF 2004 p. 4529 ss, 4530). La responsabilité des membres était limitée dès que les statuts fixaient le principe de l'obligation de cotiser et réservaient la détermination du montant de la cotisation à un règlement ou à une décision de l'association, pour autant que l'association arrête effectivement le montant des cotisations (Rapport précité, p. 4531 et les références citées, notamment l'arrêt du Tribunal fédéral du 8 octobre 2002 dans la cause 5P.292/2002, consid. 3).
2.2.2 Le nouveau droit entré en vigueur le 1er juin 2005 (loi fédérale du 17 décembre 2004 [Fixation des cotisations des membres d'associations], RO 2005 p. 2117) a supprimé la responsabilité personnelle à parts égales des membres de l'association (art. 71 al. 2 aCC): en vertu du nouvel art. 75a CC, c'est désormais la fortune sociale et elle seule - sous réserve de disposition contraire des statuts - qui répond des dettes de l'association (Rapport précité, p. 4533). La Commission des affaires juridiques du Conseil des États, qui a élaboré le projet de loi en donnant suite à une initiative parlementaire, a expliqué que la réglementation de l'art. 71 al. 2 aCC était insatisfaisante, car les membres des quelque 100'000 associations actives en Suisse principalement dans les domaines sportif, culturel et social méconnaissaient souvent les prescriptions légales et les conséquences de leur non-respect. Or il convenait d'empêcher que les membres d'associations s'endettent pour avoir par exemple organisé une manifestation sportive ou culturelle qui se soldait par un déficit financier suite à de mauvaises conditions météorologiques. Au surplus, il paraissait peu approprié que les membres d'une société coopérative, à but économique (cf. art. 828 al. 1 CO), n'engagent en principe pas leur responsabilité individuelle, à moins que les statuts n'en disposent autrement (art. 868 CO), alors que les membres d'une association, qui n'a normalement pas un but économique (cf. art. 60 al. 1 CC), engagent en principe leur responsabilité (Rapport précité, p. 4531 s.).
2.2.3 Le nouvel art. 75a CC prévoit que, sauf disposition contraire des statuts, l'association répond seule de ses dettes, qui sont garanties par sa fortune sociale. Il s'agit d'une formulation légèrement différente de celle de l'art. 868 CO, dont la Commission des affaires juridiques du Conseil des États s'était directement inspirée lors de la rédaction de son projet de loi (cf. FF 2004 p. 4535). Comme pour la société coopérative - pour laquelle on était passé, entre le Code fédéral des obligations du 14 juin 1881, entré en vigueur le 1er janvier 1883, et les dispositions correspondantes de l'actuel Code des obligations entrées en vigueur le 1er juillet 1937, d'un régime où les statuts pouvaient exclure la responsabilité personnelle des associés à un régime où la fortune sociale répond seule des engagements de la société, sauf disposition contraire des statuts (cf. Max Gutzwiller, Zürcher Kommentar, vol. V/6, 1972, n. 4 s. ad art. 868 CO) -, l'exclusion de la responsabilité personnelle des membres de l'association est de droit dispositif. L'association peut ainsi prévoir dans ses statuts que les membres de l'association contribuent dans une mesure égale aux dépenses que rendent nécessaires le but social et l'acquittement des dettes (comme selon l'art. 71 al. 2 aCC), ou instituer une responsabilité personnelle des membres qui soit limitée à un cercle déterminé de personnes ou à un certain montant (Hans Michael Riemer, Neuerungen im Vereinsrecht: Mitgliederbeiträge und Haftung von Vereinsmitgliedern, in causa sport 2005 p. 52; cf. la disposition - inchangée - de l'art. 99 ORC).
2.3 Le présent litige soulève la question d'une éventuelle application rétroactive de la nouvelle réglementation relative à la responsabilité pour les dettes de l'association. En l'absence de disposition transitoire spécifique, cette question doit être résolue au regard des dispositions générales des art. 1 à 4 Tit. fin. CC (cf. consid. 2.1 supra; Riemer, op. cit., p. 52).
2.3.1 Selon Riemer, les nouvelles dispositions relatives à la responsabilité pour les dettes de l'association s'appliquent dès leur entrée en vigueur aux associations fondées sous l'ancien droit (Riemer, op. cit., p. 52), en ce sens que, s'agissant des associations existantes qui n'avaient pas fixé les cotisations de leurs membres conformément à l'ancien droit, la fortune sociale répond seule - sauf disposition contraire des statuts (art. 75a CC) - des engagements de l'association (Riemer, Aktuelle Gesetzgebung und Rechtsprechung, in Aktuelle Fragen aus dem Vereinsrecht, 2005, p. 43 ss, 46; voir dans le même sens le Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États, p. 4533 s.).
Les membres d'une association fondée sous l'ancien droit ne répondent ainsi pas personnellement des dettes de l'association nées après l'entrée en vigueur du nouveau droit, qui trouve application en vertu du principe général de l'art. 1 al. 3 Tit. fin. CC (cf. consid. 2.1.1 supra). Il en va en revanche différemment pour les rapports d'obligation qui ont pris naissance avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. En pareille hypothèse, il y a lieu d'appliquer l'ancien droit, sous l'empire duquel les faits déterminants se sont produits, étant rappelé que la responsabilité personnelle des membres pour une dette de l'association selon l'art. 71 al. 2 aCC existait dès la naissance de cette dette, qui était aussitôt répartie - virtuellement - entre les membres (Riemer, Berner Kommentar, vol. I/3/2, 1990, n. 22 ad art. 71 aCC).
2.3.2 En l'espèce, il est constant que les engagements litigieux de A.________ envers la demanderesse datent du début de l'année 2001, que la demanderesse a obtenu le 8 janvier 2004 un jugement admettant définitivement ses prétentions à concurrence de 976'550 fr. plus intérêts, que la faillite de A.________ en liquidation a été prononcée par jugement du 15 juin 2004, que la production de la demanderesse dans cette faillite a été admise le 26 octobre 2004 en troisième classe à concurrence de 940'039 fr. 35, et enfin que A.________ en liquidation a été radiée d'office du registre du commerce le 12 mai 2005, après clôture de la procédure de faillite. Ainsi, non seulement la dette litigieuse est-elle née antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau droit le 1er juin 2005, mais encore l'association avait-elle cessé d'exister à cette dernière date. Cela étant, on peut se demander si une éventuelle application rétroactive du nouveau droit, en dérogation au principe général posé par l'art. 1 Tit. fin. CC, n'apparaît pas d'emblée exclue du fait que l'application de ce droit ne se conçoit que pour les associations existantes lors de son entrée en vigueur.
Toutefois, dans la mesure où la responsabilité personnelle des membres de l'association pour la dette litigieuse existait dès la naissance de cette dette (cf. consid. 2.3.1 in fine supra) et où cette dette subsiste malgré la liquidation et la radiation de l'association - puisque la demanderesse a obtenu la cession, dans la faillite de l'association, de la créance de cette dernière contre les défendeurs -, il reste nécessaire d'examiner si, comme le soutiennent les défendeurs, les dispositions de l'ancien droit ne pourraient plus recevoir d'application parce que leurs effets juridiques seraient devenus inconciliables avec l'ordre public et les moeurs selon les conceptions du nouveau droit (art. 2 Tit. fin. CC; cf. consid. 2.1.2 à 2.1.4 supra).
2.3.3 Cette question doit toutefois être résolue par la négative, dès lors que la nouvelle réglementation n'incarne à l'évidence pas des valeurs à tel point fondamentales, ni ne répond à un intérêt public si prépondérant par rapport à l'intérêt des créanciers de l'association à être protégés dans la confiance mise en l'application du droit antérieur, qu'elle doive être appliquée rétroactivement en lieu et place de ce dernier.
En effet, l'exclusion de la responsabilité personnelle des membres de l'association n'est que de droit dispositif, les statuts pouvant prévoir une telle responsabilité conformément à l'art. 75a CC (cf. consid. 2.2.3 supra). La responsabilité personnelle des membres de l'association selon l'art. 71 al. 2 aCC n'était d'ailleurs pas non plus une règle impérative, puisqu'elle pouvait être exclue par la due fixation de cotisations à verser par les membres (cf. consid. 2.2.1 supra). Le nouveau droit se distingue en définitive de l'ancien en ce sens que l'absence de responsabilité personnelle des membres de l'association pour les dettes sociales est désormais la règle même dans le cas où les statuts ne disposent pas d'obligation de cotiser, mais cette règle est de droit dispositif et ne saurait être considérée comme ayant été établie dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs, au sens de l'art. 2 Tit. fin. CC.
Au demeurant, celui qui était déjà créancier de l'association avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions excluant désormais - sauf disposition contraire des statuts - la responsabilité personnelle des membres de l'association doit être protégé dans ses droits, comme l'ont été, lors de la modification analogue des règles sur la responsabilité des membres d'une société coopérative (cf. consid. 2.2.3 supra), ceux qui étaient déjà créanciers d'une telle société (cf. l'art. 7 des dispositions finales et transitoires des titres vingt-quatrième à trente-troisième du Code des obligations, aux termes duquel "[l]es modifications que subit, de par la présente loi, la responsabilité des membres de sociétés coopératives ne peuvent porter atteinte aux droits des créanciers existant lors de l'entrée en vigueur de la législation nouvelle").
2.3.4 C'est par ailleurs à tort que les défendeurs soutiennent à titre subsidiaire que le nouveau droit serait applicable en vertu de l'art. 3 Tit. fin. CC. En effet, le champ d'application de cette disposition, qui prévoit que les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des parties sont soumis à la loi nouvelle même s'ils remontent à une époque antérieure, est restreint aux cas dans lesquels le contenu d'un rapport juridique est fixé par la loi, sans égard à la volonté des parties; en revanche, lorsque le contenu du rapport juridique découle de la volonté autonome des parties, la protection de la confiance éveillée chez celles-ci commande de ne pas porter atteinte à une position contractuelle valablement acquise par acte juridique sous l'empire de la loi ancienne (ATF 126 III 421 consid. 3c/cc et les références citées).
3.
3.1 Les défendeurs reprochent ensuite à la cour cantonale d'avoir considéré à tort que les statuts de l'association ne prévoyaient pas de cotisations, ainsi que de n'avoir pas retenu que les prestations fournies à l'association par les défendeurs constituaient bien des «cotisations» conformes aux réquisits de l'art. 71 aCC. Ils font valoir que selon la doctrine, les «cotisations» visées par l'art. 71 aCC ne doivent pas nécessairement avoir un caractère périodique et peuvent même consister en des contributions en nature. Or en l'espèce, les statuts d'Ares prévoyaient que les ressources de l'association consistaient notamment dans «les avances faites par les membres», et il a été retenu qu'au départ, les fondateurs ont investi une somme d'au moins 467'980 fr. dans l'association.
3.2 Comme on l'a vu (cf. consid. 2.2.1 supra), sous l'empire de l'art. 71 aCC, l'exclusion de la responsabilité des membres présupposait que les statuts fixent le principe de l'obligation de cotiser et réservent la détermination du montant de la cotisation à un règlement ou à une décision de l'association, pour autant que l'association arrête effectivement le montant des cotisations. Si, selon la doctrine, la notion de cotisations (Beiträge; contribuzioni), au sens de l'art. 71 al. 1 aCC, n'inclut pas seulement les cotisations périodiques, mais aussi les contributions non périodiques en nature ou en travail (Heini/Scherrer, op. cit., n. 1 ad art. 71 aCC), il n'en demeure pas moins que, pour exclure l'application de l'art. 71 al. 2 aCC, les statuts doivent prévoir une obligation de cotiser (Heini/Scherrer, op. cit., n. 3 et 4 ad art. 71 aCC). Or en l'espèce, il n'apparaît pas que les statuts d'Ares prévoyaient une quelconque obligation de cotiser des membres de l'association : s'il est fait mention dans les statuts, au chapitre des ressources de l'association, des «avances faites par les membres», il n'en ressort pas que les membres pouvaient être tenus de verser de telles «avances». Il s'ensuit que la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en retenant qu'Ares n'avait pas prévu dans ses statuts de cotisations des membres au sens de l'art. 71 al. 1 aCC et que ses membres répondaient dès lors à parts égales de l'ensemble des dettes de l'association, conformément à l'art. 71 al. 2 aCC.
4.
En définitive, les recours, mal fondés, doivent être rejetés. Les défendeurs, qui succombent, supporteront les frais judiciaires, chacun pour moitié (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de dépens, dès lors que la demanderesse n'a pas été invitée à procéder et n'a en conséquence pas assumé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les recours sont joints.
2.
Les recours sont rejetés.
3.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis pour moitié à la charge de X.________ et pour moitié à la charge de Y.________.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 21 décembre 2006
Au nom de la IIe Cour civile
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: