BGer 6A.82/2006
 
BGer 6A.82/2006 vom 27.12.2006
Tribunale federale
{T 0/2}
6A.82/2006/rod
Arrêt du 27 décembre 2006
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Kolly et Zünd.
Greffier: M. Oulevey.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jérôme Picot, avocat,
contre
Tribunal administratif du canton de Genève, 2ème section, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956,
1211 Genève 1.
Objet
Retrait du permis de conduire (excès de vitesse),
recours de droit administratif [OJ] contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève 2ème section du 31 août 2006.
Faits :
A.
Le 26 juillet 2005, un véhicule d'entreprise dont le détenteur est X.________ a circulé à 75 km/h à l'intérieur d'une localité. X.________ a réglé l'amende qui lui a été infligée, en pensant que, sur le plan administratif, seul un avertissement pouvait au plus lui être adressé.
Invité ensuite à se déterminer sur une éventuelle mesure administrative, X.________ a déclaré au Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève (ci-après SAN) qu'il ignorait qui était le conducteur fautif, tous les employés de son entreprise pouvant être appelés à utiliser les voitures de la société.
B.
Par arrêté du 7 avril 2006, le SAN a retiré son permis de conduire à X.________ pour une durée de trois mois.
Contre cette décision, l'intéressé a interjeté un recours cantonal, que le Tribunal administratif du canton de Genève a rejeté le 31 août 2006.
C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif (art. 97 ss OJ), X.________ demande au Tribunal fédéral, principalement, de réformer l'arrêt du 31 août 2006 en ce sens qu'il n'y a pas lieu de lui retirer son permis de conduire et, subsidiairement, d'annuler l'arrêt attaqué avec renvoi à la juridiction cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement.
Il assortit son recours d'une requête d'effet suspensif.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Les décisions de dernière instance cantonale en matière de retrait de permis de conduire sont susceptibles de recours de droit administratif au Tribunal fédéral (art. 24 LCR). Le recours peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art.104 let. a OJ). La notion de droit fédéral inclut les droits constitutionnels des citoyens, de sorte que le recourant peut également faire valoir la violation de droits de rang constitutionnel, le recours de droit administratif tenant alors lieu de recours de droit public (ATF 130 I 312 consid. 1.2 p. 318). Le Tribunal fédéral ne peut en revanche examiner l'opportunité de la décision attaquée (art. 104 let. c OJ). Lorsque le recours est dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).
1.2 Comme il n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties, le Tribunal fédéral peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 129 II 183 consid. 3.4 p. 188).
2.
Le recourant, qui conteste être le conducteur fautif, reproche aux autorités cantonales de lui avoir retiré son permis au mépris des règles sur le fardeau de la preuve.
2.1 Selon la jurisprudence, l'autorité administrative appelée à se prononcer sur l'existence d'une infraction ne doit pas s'écarter sans raison sérieuse des constatations de fait du juge pénal (ATF 119 Ib 158 consid. 3c/aa p. 164, 106 Ib 398 consid. 2, 105 Ib 19 consid. 1a, 104 Ib 359 consid. 1 et 362 ss consid. 3). Ce principe s'applique non seulement lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d'une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés, mais également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l'issue d'une procédure sommaire, par exemple si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. Il en va notamment ainsi lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu'il y aurait également une procédure de retrait de permis et qu'elle a néanmoins omis, dans le cadre de la procédure pénale, de faire valoir ses droits ou qu'elle y a renoncé. Dans ces circonstances, on considère que la personne impliquée est tenue, selon les règles de la bonne foi, de faire valoir ses griefs dans le cadre de la procédure pénale (sommaire), cas échéant en épuisant les voies de recours à sa disposition, et qu'elle ne peut donc pas attendre la procédure administrative pour présenter ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104; 121 II 214 consid. 3a p. 217 s.).
Dans le cas présent, la cour cantonale a constaté que le recourant se doutait, au moment où il a acquiescé à sa condamnation pénale, qu'un avertissement pourrait ensuite lui être adressé. Le recourant avait donc prévu que l'infraction dont il endossait la responsabilité donnerait lieu à une procédure administrative. Dans ces conditions, les constatations de fait du juge pénal, qui a nécessairement constaté que le recourant était le conducteur, lient l'autorité compétente pour statuer sur un retrait de permis. Pour cette seule raison déjà, le recours se révèle mal fondé.
2.2 Au demeurant, la cour cantonale n'a pas, en réexaminant les faits, violé les règles régissant le fardeau de la preuve.
2.2.1 Le titulaire d'un permis de conduire ne saurait faire l'objet d'un avertissement ou d'un retrait d'admonestation s'il n'est pas établi qu'il a bien commis une infraction aux règles de la circulation. Lorsqu'une infraction a été dûment constatée, mais que son auteur n'a pas pu être identifié, l'autorité compétente ne peut se contenter de présumer jusqu'à preuve du contraire que le véhicule était conduit par son détenteur. Elle peut en revanche partir de l'idée que le véhicule était conduit par le détenteur (ATF 105 Ib 114 consid. 1a p. 117). Il ne s'agit là que d'une présomption de fait (ou présomption de l'homme), fondée sur l'expérience générale de la vie, qui ne modifie pas le fardeau de la preuve (cf. ATF 130 II 482 consid. 3.2 p. 486 et les références; Henri Deschenaux, Le titre préliminaire du code civil, in Traité de droit civil suisse, t. II/1, Fribourg 1969, p. 249, avec références). Si le détenteur la conteste, l'autorité doit prendre les mesures propres à éclaircir la situation. Elle peut, dans un premier temps, se borner à provoquer les explications du détenteur, qui est alors tenu de les fournir dans toute la mesure que l'on peut attendre de lui. Si la version des faits donnée par le détenteur ne paraît pas absolument invraisemblable et qu'il ne soit pas possible de rapporter par ailleurs la preuve que celui-ci conduisait son véhicule au moment critique, l'autorité devra renoncer à toute mesure, puisque c'est elle qui supporte le fardeau de la preuve. En revanche, si l'intéressé se soustrait sans motif valable à son devoir de collaboration ou si la version des faits qu'il soutient apparaît d'emblée dénuée de toute vraisemblance, il appartiendra à l'autorité d'apprécier sur la base de l'ensemble des circonstances si l'on peut néanmoins considérer comme suffisamment établi qu'il est l'auteur de l'infraction incriminée (cf. ATF 105 Ib 114 consid. 1a). Elle ne pourra prendre une mesure que si elle est convaincue que le détenteur conduisait bien le véhicule au moment critique, mais il lui sera loisible de fonder sa conviction sur la présomption de fait. Enfin, si le détenteur fournit des explications qui ne sont pas d'emblée invraisemblables mais qui appellent de plus amples vérifications, il appartiendra à l'autorité, conformément à la maxime d'office applicable en procédure administrative, d'ordonner les mesures d'instruction complémentaires qu'elle juge nécessaires. Elle ne statuera qu'ensuite.
2.2.2 En l'espèce, le recourant a fait valoir devant la cour cantonale qu'il n'était pas en mesure de dire qui était le conducteur fautif parce qu'il s'était écoulé quelque deux mois entre les faits et la notification de l'amende. Son entreprise était active dans le domaine de l'installation d'irrigations et travaillait, au moment des faits, sur une trentaine de chantiers dans la région où le véhicule a été flashé. Ses employés ne remplissaient pas de fiches relatives à l'utilisation des véhicules et lui-même ne pouvait déterminer ce qu'il faisait le jour des faits, son agenda électronique n'ayant pas gardé en mémoire les données du 26 juillet 2005. Il doutait fort s'être trouvé au volant du véhicule en question, car il utilisait peu les camionettes de dépannage.
La cour cantonale a jugé que ces explications ne rendaient pas vraisemblable que le recourant ne pouvait en aucun cas avoir été au volant du véhicule en cause le jour des faits. En effet, le recourant avait, de l'avis de la cour cantonale, commencé par admettre implicitement être le conducteur fautif en payant l'amende, puis, sur le plan administratif, en sollicitant du SAN la possibilité d'exécuter une éventuelle mesure de retrait en décembre. Ensuite, à l'audience, le recourant n'avait pas pu indiquer son emploi du temps le jour des faits, sous prétexte que les données de son agenda électronique, qui auraient pu le disculper, n'avaient pas été conservées. Enfin, le conseil du recourant n'avait pas non plus jugé utile de produire une attestation des personnes susceptibles d'avoir conduit le véhicule au moment des faits, alors qu'il ne s'agissait pas là d'une tâche insurmontable. En conséquence, la cour cantonale a considéré comme avéré que le recourant était bien l'auteur de l'infraction qui lui était reprochée.
Il est vrai qu'une partie de ces motifs ne résiste pas à l'examen. Sur le plan administratif, le recourant n'a pas attendu d'interjeter recours pour contester être l'auteur de l'infraction. Il l'a déjà fait dans sa première lettre au SAN. Par ailleurs, si elle jugeait utile que soient versées au dossier des attestations émanant des employés susceptibles d'avoir été au volant du véhicule en cause au moment des faits, la cour cantonale ne pouvait se contenter de reprocher au conseil du recourant de n'en avoir pas produit spontanément. Il lui appartenait d'impartir un délai au recourant pour ce faire et de surseoir à statuer jusqu'à l'échéance de ce délai. Cependant, on ne saurait contredire la cour cantonale lorsqu'elle considère que le recourant a implicitement admis être l'auteur de l'infraction en payant l'amende. Il paraît en effet fort peu vraisemblable qu'un employeur, même en croyant qu'il ne s'ensuivra qu'un avertissement sur le plan administratif, accepte sans être fautif d'assumer les conséquences pénales d'un acte commis par l'un ou l'autre de ses travailleurs. La cour cantonale n'a dès lors pas procédé à une constatation de fait manifestement inexacte, au sens de l'art. 105 al. 2 OJ, en jugeant invraisemblables les explications du recourant sur ce point. Elle n'a en conséquence pas violé les règles régissant le fardeau de la preuve en confirmant, sur la base de la présomption de fait qui identifie le conducteur au détenteur, le retrait de permis de conduire litigieux.
3.
Vu l'issue de la procédure, les frais de justice doivent être mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
La cause étant ainsi jugée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Tribunal administratif du canton de Genève, 2ème section, au Service des automobiles et de la navigation du canton de Genève et à l'Office fédéral des routes, Division circulation routière.
Lausanne, le 27 décembre 2006
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: