Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2A.568/2006 /ajp
Arrêt du 30 janvier 2007
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Yersin et Karlen.
Greffier: M. Dubey.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Edmond Tavernier, avocat,
contre
Régie fédérale des alcools, Länggassstr. 31,
3000 Berne 9,
Commission fédérale de recours en matière d'alcool, avenue Tissot 8, 1006 Lausanne.
Objet
Classement fiscal des produits "Martini Rosso"
et "Martini Bianco",
recours de droit administratif contre la décision de la Commission fédérale de recours en matière d'alcool du 23 août 2006.
Faits :
A.
La société X.________ SA est une société anonyme qui commercialise en Suisse les produits de la société Martini & Rossi spa du groupe italien Bacardi-Martini, notamment le "Martini Rosso" et le "Martini Bianco".
Le 26 janvier 2005, X.________ SA a soumis à la Régie fédérale des alcools (ci-après: la Régie fédérale) une nouvelle recette de "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (14% vol., 100cl) dans laquelle interviennent, en lieu et place du procédé antérieur de cryoextraction, des vins blancs à forte teneur en alcool. Elle demandait à la Régie fédérale de bien vouloir lui confirmer que ces produits ne tombaient pas sous le coup de la loi fédérale du 21 juin 1932 sur l'alcool (Lalc; RS 680).
Selon la recette communiquée à la Régie fédérale, les vins utilisés pour la fabrication des Martini sont des vins à haut degré d'alcool (15% selon le fabriquant, 15,1 et 15,2% selon les analyses de la Régie). Ils font l'objet de coupages (mélanges de vins blancs), d'une clarification pour les rendre limpides et incolores, d'une décantation puis d'une filtration (cellulose et perlite). La préparation aromatique consiste en la macération d'herbes aromatiques, notamment de l'artemisia, dans de l'alcool à 93% pour le "Martini Rosso" et 73,5% pour le "Martini Bianco". Une fois coupé, clarifié, décanté et filtré, le vin est mélangé au sucre (14,3 kg/hl pour le "Rosso" et 15,4 kg/hl pour le "Bianco"), auquel s'ajoute la préparation aromatique, plus le caramel pour le "Rosso". Le processus de fabrication se termine par une phase de stabilisation et de filtration, qui précède la mise en bouteille.
B.
Le 30 juin 2005, après avoir procédé à l'analyse des boissons et s'être renseignée sur leur traitement fiscal dans les pays voisins, la Régie fédérale a décidé que le "Martini Rosso" et le "Martini Bianco" (nouvelle formule) étaient des produits alcooliques destinés à la consommation répondant à la définition de l'art. 23bis al. 1 lettre c Lalc, leur composition et leurs caractéristiques organoleptiques ne différant guère des vermouths mis actuellement sur le marché par la requérante sous la dénomination "Martini Rosso" et "Martini Bianco", qui contiennent tous deux 15% du volume d'alcool. Ils devaient par conséquent être soumis, en raison de leur teneur en alcool ne dépassant pas 22% du volume, "à un impôt réduit sur l'alcool s'élevant à 14.50 fr. par litre à 100% d'alcool", le "Martini Rosso" comptant 14,2% vol. d'alcool et 135,2 g/l de sucre et le "Martini Bianco" 14,0% vol. d'alcool et 146,9 g/l de sucre.
C.
Par mémoire du 12 août 2005, X.________ SA a interjeté recours contre la décision rendue le 30 juin 2005 par la Régie fédérale auprès de la Commission fédérale de recours en matière d'alcool (ci-après: la Commission fédérale de recours). Elle se plaignait d'une motivation insuffisante, de la violation de l' art. 2 al. 2 et 3 Lalc et d'inégalité de traitement par rapport à d'autres produits.
Par observations complémentaires du 2 juin 2006, la Régie fédérale a exposé que les produits présentés pour comparaison par X.________ SA (la "Sangria", le "Fragolino" et le "Frizz") étaient des boissons (7% vol. alc. et plus) ou des cocktails (jusqu'à 7% vol. alc.) à base de vin certes, mais aromatisées à l'aide de fruits, d'extraits de fruits ou d'arômes de fruits et non pas à l'aide de plantes ou autres substances aromatiques. Elles ne pouvaient par conséquent pas être comparées au vermouth ou autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques dont faisaient partie les "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette) et ne tombaient pas sous le coup de l'art. 23bis al. 2 lettre c Lalc. X.________ SA s'est déterminée le 4 juillet 2006.
D.
Par décision du 23 août 2006, la Commission fédérale de recours a rejeté le recours de X.________ SA. La décision attaquée, malgré sa brièveté, avait été suffisamment motivée. L'interprétation littérale, historique et systématique des art. 2 al. 2 et 23bis Lalc conduisait à considérer le second comme lex specialis l'emportant sur le premier. L'art. 23bis Lalc constituait une base légale suffisante pour soumettre les boissons en cause à l'imposition réduite. Il n'y avait pas d'inégalité de traitement; les produits présentés pour comparaison ne pouvaient être considérés comme des vermouth ou autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques, à la différence des produits de X.________ SA qui étaient des vins de raisins frais préparés en particulier avec de l'artemisia caractéristique du vermouth. La décision n'était en outre ni arbitraire ni inopportune.
E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours, de constater que les produits "Martini Rosso" et "Martini Bianco" ne sont pas soumis à la loi fédérale sur les alcools ni soumis aux droits de monopole. Elle se plaint de la violation des art. 2 al. 2 et 3 et 23bis Lalc ainsi que d'inégalité de traitement et tient la décision attaquée pour contraire au principe de la légalité, pour arbitraire dans son résultat et inopportune parce que contraire aux solutions adoptées dans les pays voisins.
La Commission fédérale de recours et la Régie fédérale des alcools renoncent à déposer des observations.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142).
La loi d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable en l'espèce (art. 132 al. 1 LTF).
1.1 Selon l'art. 97 OJ en relation avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit administratif est ouverte contre les décisions fondées sur le droit public fédéral, à condition qu'elles émanent des autorités énumérées à l'art. 98 OJ et pour autant qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la législation spéciale ne soit réalisée. Ces conditions sont remplies en l'espèce. La décision attaquée, qui se fonde notamment sur la loi fédérale du 21 juin 1932 sur l'alcool (Lalc; RS 680), a été rendue par la Commission de recours en matière d'alcool (art. 98 let. e OJ) et ne tombe pas sous le coup de art. 99 à 102.
1.2 En outre, déposé en temps utile (art. 106 OJ) et dans les formes requises (art. 108 OJ), le présent recours est recevable au regard des art. 97 ss OJ.
2.
Le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (art. 104 lettre a OJ). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure ( art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).
3.
3.1 En vertu de l'art. 105 Cst., la législation sur la fabrication, l'importation, la rectification et la vente d'alcool obtenu par distillation relève de la compétence de la Confédération. Celle-ci tient compte en particulier des effets nocifs de la consommation d'alcool. La Confédération peut percevoir un impôt à la consommation spécial notamment sur les boissons distillées et sur la bière (art. 131 al. 1 lettres b et c Cst.).
3.2 Aux termes de l'art. 1 Lalc, la fabrication, la rectification, l'importation, l'exportation, le transit, la vente et l'imposition des boissons distillées sont régis par la loi sur l'alcool. Sont réservées, sauf disposition contraire, la législation sur les douanes et celle qui règle le commerce des denrées alimentaires et de divers objets usuels. D'après l'art. 2 al. 1 Lalc, est réputé «boisson distillée» l'alcool éthylique sous toutes ses formes, quel qu'en soit le mode de fabrication (sur la portée générale de cet article, cf. arrêt A.352/1987 du 3 juin 1988). Cette disposition étend quelque peu la compétence fédérale au-delà de la lettre de l'art. 105 Cst., qui ne vise en principe que les boissons alcooliques "obtenues par distillation" et non pas celles obtenues par fermentation telles que le vin, la bière et le cidre (cf. Jean-François Aubert/Pascal Mahon, Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, Schulthess 2003, n° 2 ad art. 105 Cst., p. 806 s.). Voulue par le législateur, elle lie le Tribunal fédéral (art. 190 Cst., dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2007, auparavant art. 191 Cst.)
Ne sont pas en revanche pas soumis aux dispositions de la loi sur l'alcool les produits alcooliques obtenus uniquement par fermentation dont la teneur en alcool ne dépasse pas 15% du volume (art. 2 al. 2 Lalc, dans sa nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1999), pour autant qu'ils n'aient pas été additionnés d'alcool (art. 2 al. 3 Lalc). Toute autre sorte d'alcool pouvant servir de boisson ou remplacer l'alcool éthylique peut être soumis aux dispositions de la loi sur l'alcool par ordonnance du Conseil fédéral (art. 2 al. 4 Lalc). Selon l'art. 2 lettre c de l'ordonnance du 12 mai 1999 relative à la loi sur l'alcool et à la loi sur les distilleries domestiques (ordonnance sur l'alcool, OLalc; RS 680.11, en vigueur depuis le 1er juillet 1999), les produits alcooliques obtenus uniquement par fermentation sont les produits définis comme un vin, un cidre, un cidre dilué, une bière, un vin de fruits ou vin de baies ne contenant pas plus de 15% du volume d'alcool sans adjonction de boissons distillées.
3.3 Selon l'art. 29, 2e phrase, Lalc (dans sa teneur depuis le 1er juillet 1999), les droits de monopole perçus à l'importation de produits alcooliques destinés à la consommation sont réglés conformément à l'art. 23bis Lalc. Selon celui-ci (dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1999), sont imposés de la même manière que les eaux-de-vie de spécialités, les produits additionnés de boissons distillées (al.1 let. a), les vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins faits à partir d'autres matières premières, dont la teneur en alcool dépasse 15% du volume, les spécialités de vin, les vins doux et les mistelles (al. 1 let. b) et les vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques (al. 1 let. c). Toutefois, selon l'art. 23bis al. 2 Lalc, l'impôt est réduit de 50% pour les vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins faits à partir d'autres matières premières, dont la teneur en alcool est de plus de 15% mais au plus de 22% du volume (lettre a), les spécialités de vin, les vins doux et les mistelles, dont la teneur en alcool est au plus de 22% du volume (lettre b), les vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques, dont la teneur en alcool est au plus de 22% du volume (lettre c).
3.4 L'ordonnance du 23 novembre 2005 du DFI sur les boissons alcoolisées (ordonnance sur les boissons alcoolisées; RS 817.022.110) distingue plusieurs sortes de boissons à base de vins: les boissons aromatisées à base de vins (art. 17), les cocktails aromatisés à base de vin (art. 18) et les vins aromatisés (art. 19). Selon l'art. 17 de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées, les boissons aromatisées à base de vin sont des boissons obtenues, sans adjonction d'alcool, à partir de vin et aromatisées avec des arômes naturels ou identiques aux naturels, des préparations aromatisantes, des épices, des herbes aromatiques ou toute autre denrée alimentaire sapide, dont la teneur en vin du produit fini doit être d'au moins 50% masse et la teneur en alcool d'au moins 7%, mais inférieure à 14,5%. Selon l'art. 18 de l'ordonnance, les cocktails aromatisés à base de vins sont des boissons obtenues, sans adjonction d'alcool, à partir de vin ou de moût de raisin, aromatisées avec les mêmes ingrédients qu'indiqués ci-dessus, dont la teneur en vin ou en moût de raisin du produit fini doit être d'au moins 50% masse et la teneur en alcool inférieure à 7%. Selon l'art. 19 de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées, les vins aromatisés sont des boissons obtenues à partir de vin ou de moût de raisin rectifié (muté à l'alcool), additionnées d'alcool éthylique d'origine agricole, de distillat d'origine agricole, d'eau-de-vie de vin, de brandy ou d'eau-de-vie de marc, aromatisées également avec les mêmes ingrédients qu'indiqués ci-dessus. La teneur en vin ou en moût de raisin rectifié (muté à l'alcool) du produit fini doit être d'au moins 75% masse et la teneur en alcool d'au moins 14,5%, mais inférieure à 22% volume.
4.
4.1 La Commission fédérale de recours a jugé que, même si les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" produites selon la nouvelle formule réalisaient les conditions de l' art. 2 al. 2 et 3 Lalc - ce qu'elle n'a pas définitivement tranché - elles devaient néanmoins être soumises à imposition en application de l'art. 23bis Lalc, qui constituait une lex specialis par rapport à l'art. 2 al. 2 Lalc. A son avis, en exigeant à la lettre b de l'al. 1 de l'art. 23bis Lalc une teneur en alcool supérieure à 15% pour les vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins fait à partir d'autres matières premières, sans répéter une telle exigence à la lettre c pour les vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques, le législateur autorisait l'imposition de ces derniers produits quelle que soit leur teneur en alcool, c'est-à-dire même lorsque cette dernière, comme en l'espèce, était inférieure à 15% du volume. Seuls les vins naturels et autres vins de fruits, de baies et faits à partir d'autres matières premières étaient exonérés en dessous de ce seuil. Cette solution correspondait au but de protection de la santé publique poursuivi par la loi fédérale.
4.2 La recourante soutient en revanche que cette interprétation est contraire au texte clair de l'art. 2 al. 2 Lalc: les produits alcooliques qu'il décrits ne sont pas soumis aux dispositions de la loi fédérale sur l'alcool - à moins d'être additionnés d'alcool (al. 3).
5.
5.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (ATF 131 II 13 consid. 7.1 p. 31).
5.2 Selon le Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995 concernant une révision partielle de la fédérale sur l'alcool (FF 1995 I p. 341 ss, spéc. 343 s., 349; ci-après: Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995) qui a conduit à la novelle du 4 octobre 1996 entrée en vigueur le 1er juillet 1999, le champ d'application de l'art. 2 al. 2 Lalc a été modifié de manière que les produits fermentés (tels que le vin, la bière, etc.) puissent à certaines conditions être soumis à la loi sur l'alcool dans le but de respecter le principe d'égalité de traitement et d'éliminer toute discrimination prohibée par les engagements suisses à l'OMC entre les produits fermentés indigènes et les produits importés. En effet, avant le 1er juillet 1999, en application de l'ancien art. 29 Lalc (RO 48, 437 ss, spéc. 449), les vins contenant plus de 12% d'alcool pur pouvaient, lors de leur importation, être soumis à un droit de monopole pour l'excédent. En pratique, cela signifiait que seuls les vins étrangers riches en alcool étaient imposables - même si une telle imposition n'était toutefois que partiellement appliquée en raison des accords commerciaux en vigueur (cf. Victor J. Steiger, Développement, principes et application de la législation sur l'alcool en Suisse, Berne 1973, p. 7, spéc. 32 et 42), tandis que les produits suisses obtenus uniquement par fermentation, tels que le vin et le cidre, n'étaient soumis à aucune imposition sans égard à leur teneur en alcool, la bière étant imposée séparément depuis le 1er janvier 1935 (arrêté du 4 août 1934 du Conseil fédéral concernant un impôt fédéral sur les boissons; RS 641.411). Il ressort encore du Message du 22 novembre 1995 que dite révision était indépendante de la révision partielle de la Constitution dans le domaine des substances engendrant la dépendance ordonnée par le Conseil fédéral le 27 avril 1994 visant également l'alcool (Message du Conseil fédéral du 22 novembre 1995, p. 344).
Par conséquent, en révisant les art. 2 al. 2 et 23bis Lalc , le législateur entendait uniquement, pour se conformer aux accords GATT/OMC, rétablir dans la loi l'égalité de traitement entre produits indigènes et importés. A cet effet, il devait soumettre nouvellement à l'imposition certains produits suisses jusqu'alors exonérés. Il ne souhaitait en revanche nullement réduire le nombre de ceux qui jusqu'alors étaient soumis à imposition pour des motifs de santé publique.
5.3 D'un point de vue systématique, l'art. 23bis al. 1 Lalc distingue quatre catégories de produits imposables: 1° les produits additionnés de boissons distillées (lettre a), 2° les vins naturels, vins de fruits, de baies et faits à partir d'autres matières dont la teneur en alcool dépasse 15% du volume (lettre b, 1ère partie), 3° les spécialités de vin, vins doux (lettre b, 2ème partie) et 4° les vermouths et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques (lettre c). Selon la lettre et la systématique de l'art. 23bis al. 1 Lalc, le législateur fédéral n'a par conséquent exigé, pour une imposition, une teneur minimale en alcool de 15% du volume que pour les vins naturels et vins de fruits, de baies et faits à partir d'autres matières. Tous les autres produits alcooliques sont en revanche imposables sans égard à leur teneur d'alcool. Il en va ainsi notamment des vermouth et autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques. Ces distinctions correspondent à la portée limitée de la révision ayant conduit à la novelle du 4 octobre 1996, dont se prévaut à tort la recourante, puisqu'il ne s'agissait que de supprimer toute discrimination entre vins importés et vins indigènes (cf. ci-dessus, consid. 5.2). Parmi ces quatre catégories enfin, seules les trois dernières sont imposables à un taux réduit de 50% conformément à l'al. 2 de l'art. 23bis Lalc.
La recourante se prévaut en vain des dispositions de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées pour établir des distinctions supplémentaires à celles résultant de l'art. 23bis al. 1 Lalc. Quand bien même elles concernent en partie les mêmes objets, les catégories des art. 17 ss de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées (cf. consid. 3.4 ci-dessus) ne correspondent pas à celles de l'art. 23bis Lalc et, conformément à l'art. 1 Lalc, ne trouvent d'application que dans la mesure où les dispositions spéciales de la loi fédérale sur l'alcool n'en disposent pas autrement (art. 1 Lalc; Alfred Reichmuth, Das schweizerische Alkoholmonopol, thèse Fribourg, Zurich 1971, p. 63); elles poursuivent d'ailleurs un objectif de protection des consommateurs en grande partie différent de celui de protection de la santé publique assigné à l'imposition des produits alcooliques en Suisse. Dans ces conditions, les définitions des art. 17 ss de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées ne sont d'aucun secours pour déterminer les catégories imposables de produits alcooliques destinés à la consommation en application de l'art. 23bis Lalc.
5.4 Enfin, il est conforme au mandat constitutionnel de protection de la santé publique ancré à l'art. 105 Cst., repris sans changement de l'art. 32bis al. 2 aCst. et récemment réaffirmé (Message du Conseil fédéral du 26 février 2003 concernant l'introduction d'un impôt spécial sur les alcopops [FF 2003 1980, p. 1983 n° 1.3 et 1.4]), d'imposer - sans limite minimale de teneur en alcool - les produits alcooliques destinés à la consommation autres que les seuls vins naturels, les vins de fruits et de baies et les vins faits à partir d'autres matières premières, dont la teneur en alcool minimale est fixée à 15% du volume.
5.5 Par conséquent, quoi qu'en pense la recourante, l'imposition des produits alcooliques destinés à la consommation trouve son fondement légal dans les dispositions de l'art. 23bis Lalc, dont le champ d'application n'est en rien réduit par l'art. 2 al. 2 Lalc. Bien que s'écartant de la lettre de l'art. 2 al. 2 Lalc, cette interprétation résulte des travaux préparatoires à l'origine de la révision de 1995, correspond au système de la loi fédérale sur l'alcool et répond au but de protection de la santé publique assigné au législateur par l'art. 105 al. 1 Cst.
5.6 En l'espèce, la Commission fédérale de recours a constaté, sans être contredite par les parties, que les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" produites selon la nouvelle formule avaient une teneur en alcool de 14,2% pour la première et de 14% pour la deuxième et étaient "effectivement composées essentiellement de vins fermentés auxquels aucun alcool d'aucune sorte n'est ajouté". Dans ces conditions, la Commission fédérale de recours a jugé à bon droit que celles-ci tombaient sous le coup de l'art. 23bis al. 2 lettre c Lalc au titre d'autres vins de raisins frais préparés avec des plantes ou des substances aromatiques dont la teneur en alcool est au plus de 22% du volume.
Par conséquent, en jugeant que l'art. 23bis Lalc l'emporte sur l'art. 2 al. 2 Lalc et que les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette) sont soumises à l'impôt réduit de 50%, la Commission fédérale de recours a appliqué correctement le droit fédéral.
6.
Il reste à examiner si, comme le prétend la recourante, l'imposition des boissons en cause viole le droit à l'égalité ancré à l'art. 8 Cst. Etant toutes des "boissons aromatisées à base de vin" au sens de l'art. 17 de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées, les "Martini" (nouvelle recette) seraient comparables à la "Sangria" (alc. 7% vol.), au "Fragolino" (alc. 10% vol.) et au "Frizz" (alc. 7,5% vol.), dont elle affirme que l'importation n'est pas soumise aux droits de monopole.
6.1 Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2 p. 114; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 et la jurisprudence citée).
Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative (cf. art. 5 al. 1 Cst.) prévaut sur celui de l'égalité de traitement (ATF 126 V 390 consid. 6A p. 392). En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité de traitement, lorsque la loi est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle l'aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas. Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question; le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 90 I 159 consid. 3 p. 167 ss; 127 II 113 consid. 9 p. 121 et les références citées).
6.2 En l'espèce, laissant ouverte la question de savoir si la "Sangria", le "Fragolino" et le "Frizz" étaient, ou non, soumis à la loi fédérale sur l'alcool, la Commission fédérale de recours a considéré, à l'instar de la Régie fédérale des alcools, que ces boissons étaient de composition et de mode de fabrication différents. Elles ne pouvaient par conséquent être comparées au vermouth ou autres vins de raisins frais préparés avec des plantes - notamment l'artemisia - ou des substances aromatiques dont faisaient partie les "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette).
La distinction opérée par la Commission fédérale de recours est confuse. Toutefois en tant qu'elle différencie les produits en cause sous l'angle non seulement du type d'arômes, mais également de leur teneur en vin dans le produit fini, en sucre ajouté et en alcool, sa décision paraît fondée. En effet, contrairement aux boissons en cause, la "Sangria", le "Fragolino" et le "Frizz" ont une teneur en alcool inférieure et ne contiennent pas d'arôme extrait de l'artemisia qui fait la caractéristique des vermouth et aux autres vins analogues visés par l'art. 23bis al. 1 lettre c et al. 2 lettre c Lalc. Par conséquent, nonobstant leur teneur en sucre, qui n'est pas connue pour la "Sangria", le "Fragolino" et le "Frizz", mais qui revêt de l'importance lorsqu'il s'agit d'examiner la nuisance de ces boissons en termes de santé publique (cf. la définition des alcopops, art. 23bis al. 2bis Lalc et les motifs à l'appui du message, FF 2003 1980), elles ne sont pas comparables. Il importe peu, dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirme la recourante, que toutes les boissons en cause répondent à la définition de boissons aromatisées à base de vin de l'art. 17 de l'ordonnance sur les boissons alcoolisées, ces définitions n'ayant pas d'influence sur l'interprétation de l'art. 23bis Lalc (cf. consid. 5.3). Il suffit de constater que l'imposition des "Martini" (nouvelle recette) au taux réduit de 50% au sens de l'art. 23bis al. 2 lettre c Lalc (cf. consid. 5) a bien été voulue par le législateur fédéral, ce qui lie le Tribunal fédéral (art. 190 Cst.).
Enfin, même si les boissons "Martini Rosso" et "Martini Bianco" (nouvelle recette) étaient comparables à la "Sangria", au "Fragolino" et au "Frizz", comme l'affirme la recourante, la Régie fédérale des alcools n'a pas déclaré qu'elle refuserait de modifier sa pratique et de les soumettre au droit de monopole, si une interprétation correcte de la loi l'imposait. Dès lors, les conditions de l'égalité dans l'illégalité ne sont pas réunies.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. La décision rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours en matière d'alcool est confirmée. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires ( art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La décision rendue le 23 août 2006 par la Commission fédérale de recours en matière d'alcool est confirmée.
3.
Un émolument judiciaire de 12'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, à la Régie fédérale des alcools et à la Commission fédérale de recours en matière d'alcool.
Lausanne, le 30 janvier 2007
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: