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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.755/2006 /col
Arrêt du 19 février 2007
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Truttmann.
Parties
A.________,
recourante, représentée par Me Christophe Marguerat, avocat,
contre
La Poste Suisse,
intimée,
Procureur général du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, route du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
procédure pénale; appréciation des preuves,
recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 29 juin 2006.
Faits:
A.
Par jugement du 4 mai 2006, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne (ci-après: le Tribunal correctionnel) a notamment condamné A.________ pour vol et violation du secret des postes et des télécommunications, à la peine de six mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive subie, avec sursis pendant deux ans. Il l'a libérée du chef d'accusation de blanchiment d'argent, levé le séquestre sur les espèces et les chèques Reka et ordonné leur dévolution à l'Etat.
Les faits retenus sont en substance les suivants. Entre le printemps 2003 et le 16 décembre 2003, date de son interpellation, A.________, employée à la Poste à l'avenue d'Ouchy à Lausanne, a ouvert un nombre indéterminé de courriers dans lesquels elle pensait trouver de l'argent. Elle a ainsi subtilisé des devises suisses et étrangères, ainsi que des chèques Reka, pour un montant inconnu, mais dépassant largement 11'000 francs.
Par arrêt du 29 juin 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation) a rejeté le recours déposé par A.________ et a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel.
B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 2006 et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision. Elle se plaint d'une violation du principe de la présomption d'innocence et d'une appréciation arbitraire des preuves. Elle sollicite en outre l'assistance judiciaire.
La Cour de cassation n'a pas présenté d'observations et s'est référée aux considérants de son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud a également renoncé à se déterminer et s'est rapporté aux considérants de l'arrêt attaqué.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
2.
Contre un jugement en matière pénale rendu en dernière instance cantonale, la voie du recours de droit public est en principe ouverte, à l'exclusion du pourvoi en nullité, à celui qui se plaint de la violation de garanties constitutionnelles, en contestant notamment les constatations de fait ou l'appréciation des preuves par l'autorité cantonale (art. 84 al. 1 let. a OJ, art. 86 al. 1 OJ, art. 269 al. 2 PPF).
En l'espèce, la recourante se plaint d'une violation de la présomption d'innocence et d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, de sorte que le recours de droit public, interjeté dans la forme et les délais légaux, est recevable.
3.
La notion d'arbitraire a été rappelée dans divers arrêts récents, auxquels on peut se référer. En bref, il ne suffit pas, pour qu'il y ait arbitraire, que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9, 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 177 consid. 2.1 p. 182, 273 consid. 2.1 p. 275 et les arrêts cités).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo implique que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41). Le Tribunal fédéral, dont la cognition quant aux faits et à l'appréciation des preuves est limitée à l'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41), examine librement si, au vu du résultat d'une appréciation non arbitraire des preuves, le juge aurait dû éprouver un doute sérieux et insurmontable quant à la culpabilité de l'accusé, avec une certaine retenue toutefois, le juge du fait, en vertu du principe de l'immédiateté, étant mieux à même de résoudre la question (cf. arrêt 1P.454/2005 consid. 2.1 et les arrêts cités).
3.1 Les griefs de la recourante visent à faire admettre que c'est en violation des droits de rang constitutionnel ici invoqués que les juges cantonaux ont retenu qu'elle avait agi dès le printemps 2003, ce qui lui aurait permis de subtiliser au moins 11'000 francs.
Les autorités cantonales se sont en particulier fondées sur les aveux de la recourante, sur la surveillance policière, le témoignage de son collègue B.________ et sur la présence d'importantes sommes d'argent à son domicile, principalement en euros et en petites coupures.
3.2 En pareil cas, c'est-à-dire lorsque l'autorité cantonale forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'indices ou éléments de preuves, c'est leur appréciation globale qui prévaut et la question est de savoir si cette appréciation globale et le résultat auquel elle a conduit doivent être qualifiés d'arbitraires, c'est-à-dire considérés non seulement comme critiquables ou discutables mais comme manifestement insoutenables. Il ne suffit donc pas que le recourant se livre à une rediscussion de chaque élément ou argument ou de l'un ou de l'autre de ceux-ci en prétendant que, sauf arbitraire, il ne pouvait être apprécié ou interprété autrement que dans le sens favorable à sa thèse. Un tel procédé se réduit à une critique appellatoire, dont la jurisprudence a constamment souligné qu'elle n'est pas à même de faire admettre l'arbitraire de la décision attaquée (arrêt du 13 juin 2006 1P.36/2006 consid. 4.2).
3.3 L'argumentation de la recourante est en l'espèce appellatoire. Cette dernière ne démontre pas que, sur la base de l'ensemble des éléments de preuves soumis aux juges cantonaux, il était manifestement insoutenable ou, autrement dit, absolument inadmissible, de retenir que les agissements litigieux avaient débuté dès le printemps 2003, rapportant plus de 11'000 francs.
3.3.1 La recourante s'en prend à l'appréciation qui a été faite de ses aveux. Selon elle, de juin à fin octobre 2003, elle n'avait pas eu le courage d'ouvrir les enveloppes emportées. Elle n'aurait en revanche jamais déclaré que le simple fait de prendre les enveloppes constituait une vengeance. La recourante joue sur les mots, car c'est précisément ce qu'a retenu la Cour de cassation. Cette dernière a estimé qu'il était peu probable que la recourante se soit contentée de regarder les enveloppes, alors qu'elle était selon ses dires mue par un vif désir de vengeance.
3.3.2 La recourante s'en prend ensuite à la surveillance policière, en faisant valoir que l'on ne pourrait pas déduire d'une constatation de flagrant délit de vol que d'autres délits ont précédemment été commis. Or, c'est précisément ce que la Cour de cassation a exposé. Elle a cependant jugé que les observations de l'inspectrice constituaient un indice, qui, corroboré par les autres éléments, permettait d'asseoir sa conviction.
3.3.3 La recourante souligne ensuite d'une part que B.________ est le seul à situer le début de ses agissements au printemps 2003 et d'autre part, qu'il n'a jamais affirmé avoir constaté qu'elle avait ouvert des enveloppes. Le Tribunal correctionnel a cependant relevé que la façon d'opérer de la recourante telle qu'observée par l'inspectrice de police à fin novembre - début décembre 2003, correspondait à celle décrite par B.________. En outre, il a estimé que le témoignage de celui-ci avait paru pondéré, authentique, et absent de tout sentiment de revanche. La Cour de cassation a de son côté précisé que rien ne permettait d'infirmer ces déclarations. On a effectivement peine à discerner quel intérêt le témoin aurait eu à mentir.
3.3.4 Enfin, s'agissant de la détermination du montant dérobé, la recourante soutient que les juges cantonaux ont renversé le fardeau de la preuve en lui faisant grief de ne pas pouvoir justifier l'affectation des sommes en cause.
Le Tribunal correctionnel s'est basé sur la valeur des euros, soit 10'000 fr. et les quarante et un chèques Reka retrouvés chez la recourante ainsi que sur les 500 fr. que cette dernière admet avoir dérobés. Il a également pris en considération la somme de 3'369 fr. 40 obtenue par la recourante suite au change de diverses coupures étrangères. Il a expliqué que les enveloppes remises à la poste contiennent souvent de petites coupures en euros et que les indications de la recourante paraissaient peu vraisemblables.
Ni le Tribunal correctionnel, ni la Cour de cassation pénale, n'ont inversé le fardeau de la preuve. Ils ont au contraire soigneusement analysé les explications avancées par la recourante pour aboutir à la conclusion que ces dernières n'étaient pas crédibles. La recourante ne démontre au demeurant pas en quoi cet examen serait entaché d'arbitraire, puisqu'elle se contente de rappeler sa propre version.
4.
Il résulte de ce qui précède que le résultat de l'appréciation des preuves n'est nullement arbitraire. Pour le surplus, il n'est ni établi ni même réellement allégué par la recourante que, sur le vu de ce résultat, les juges cantonaux auraient dû éprouver un doute sérieux et insurmontable.
5.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de statuer sans frais. Me Christophe Marguerat est désigné comme avocat d'office de la recourante pour la présente procédure et une indemnité lui sera versée à titre d'honoraires par la Caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas alloué de dépens à l'intimée qui n'a pas déposé d'observations.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit public est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Christophe Marguerat est désigné comme avocat d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est versée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur général et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 19 février 2007
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: