BGer C 15/2006 |
BGer C 15/2006 vom 20.02.2007 |
Tribunale federale
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{T 7}
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C 15/06
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Arrêt du 20 février 2007
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Ire Cour de droit social
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Composition
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MM. et Mmes les Juges Ursprung, Président,
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Leuzinger, Widmer, Kernen et Frésard.
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Greffier: M. Berthoud.
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Parties
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G.________,
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recourant, représenté par Me Hervé Crausaz, avocat, avenue Krieg 4, 1208 Genève,
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contre
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Caisse Cantonale Genevoise de Chômage, rue de Montbrillant 40, 1201 Genève,
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intimée.
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Objet
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Assurance-chômage,
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recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du 22 novembre 2005.
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Faits:
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A.
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Le 1er janvier 2001, G.________ est entré en fonction auprès de la Banque X.________ SA. Les rapports de travail, de durée déterminée, devaient prendre fin le 30 juin 2003. Le 11 février 2002, G.________ a été licencié avec effet immédiat. Il s'est annoncé à l'Office cantonal de l'emploi le 25 février 2002 et la Caisse cantonale genevoise de chômage (la caisse) lui a ouvert dès cette date un délai-cadre d'indemnisation, courant jusqu'au 24 février 2004.
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Le 14 mars 2002, G.________ a assigné la Banque X.________ SA devant la juridiction prud'homale genevoise du chef de la résiliation immédiate des rapports de travail qu'il estimait injustifiée. Il a réclamé le paiement de 379'165 fr. à titre de salaire et d'indemnité de vacances jusqu'au 30 juin 2003 et de 130'000 fr. à titre d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO. La caisse est intervenue dans la procédure le 4 juin 2002 et a fait valoir la subrogation à hauteur des indemnités versées. Par jugement du 17 décembre 2003, le Tribunal des prud'hommes a condamné la banque à payer au demandeur la somme brute de 379'165 fr. sous déduction du montant net de 43'125 fr. 90 à verser à l'intervenante, ainsi qu'une indemnité de 43'333 fr. 35. Le 1er mars 2004 la Cour d'appel des prud'hommes a confirmé ce jugement, sauf sur le montant de l'indemnité et en tenant compte du montant actualisé des prétentions récursoires de la caisse de 72'729 fr. 15, soit la totalité des indemnités versées entre le 24 février 2002 et le 30 juin 2003. Le 24 août 2004, le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme de la banque contre le jugement cantonal (4C.208/2004).
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A la suite de cet arrêt, G.________ a demandé à la caisse, le 24 septembre 2004, de réviser la décision initiale relative au délai-cadre d'indemnisation et de fixer celui-ci du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005. Par décision du 6 octobre 2004, confirmée sur opposition le 15 avril 2005, la caisse a rejeté la demande.
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B.
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G.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal des assurances sociales du canton de Genève et conclu à ce que son délai-cadre d'indemnisation fût fixé du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005, subsidiairement à ce qu'un nouveau délai-cadre lui fût ouvert dès le 24 février 2004.
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Après une audience de comparution personnelle des parties le 27 septembre 2005, le tribunal a rejeté le recours par jugement du 22 novembre 2005.
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C.
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G.________ a interjeté recours de droit administratif contre ce jugement dont il a demandé l'annulation. Il conclut à ce que le délai-cadre d'indemnisation soit fixé principalement du 1er juillet 2003 au 30 juin 2005, subsidiairement du 1er mars 2004 au 28 février 2006 ou du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2006, la cause étant renvoyée à la caisse de chômage afin qu'elle calcule le montant des indemnités journalières.
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La caisse a conclu au rejet du recours, tandis que le Secrétariat d'État à l'économie a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit:
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1.
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La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2005, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
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2.
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Le litige porte sur le droit du recourant à l'indemnité de chômage au-delà du 24 février 2004, jour marquant l'échéance du délai-cadre d'indemnisation ouvert le 25 février 2002. En particulier, il s'agit de trancher le point de savoir si ce délai-cadre d'indemnisation peut être déplacé.
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2.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il est sans emploi ou partiellement sans emploi, s'il subit une perte de travail à prendre en considération et s'il satisfait aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 let. a, b et g LACI). Il n'y a lieu de prendre en considération la perte de travail que lorsqu'elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). La perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation des rapports de travail n'est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI).
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Si la caisse a de sérieux doutes que l'assuré ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancien employeur d'un salaire ou d'une indemnité au sens de l'art. 11 al. 3, ou que ses prétentions soient satisfaites, elle verse l'indemnité prévue à l'art. 7 al. 2 let. a et b (art. 29 al. 1 LACI dans sa teneur en vigueur jusqu'au 30 juin 2003), respectivement l'indemnité de chômage (art. 29 al. 1 LACI dans sa teneur en vigueur dès le 1er juillet 2003). En opérant le versement, la caisse se subroge à l'assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière versée (art. 29 al. 2 LACI).
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2.2 Sauf disposition contraire de la loi, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation (art. 9 al. 1 LACI). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (art. 9 al. 2 LACI). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (art. 9 al. 3 LACI). Lorsque le délai-cadre s'appliquant à la période d'indemnisation est écoulé et que l'assuré demande à nouveau l'indemnité de chômage, de nouveaux délais-cadres de deux ans sont ouverts pour la période d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire (art. 9 al. 4 LACI). Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI).
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Lorsqu'une indemnité de chômage est allouée et effectivement perçue par un assuré conformément à l'art. 29 al. 1 LACI, il n'y a pas lieu de reporter le début du délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation s'il est fait droit ultérieurement - en tout ou en partie - à des prétentions de salaire ou d'indemnisation contre l'ancien employeur au sens de l'art. 11 al. 3 LACI à propos de l'exigibilité desquelles il existait de sérieux doutes (ATF 126 V 371 consid. 3). En effet, dans l'hypothèse de l'art. 29 al. 1 LACI, lorsque les éléments de fait déterminants sont réunis (doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail), la condition de la perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI en relation avec l'art. 11 al. 3 LACI) est considérée comme remplie au sens d'une présomption légale irréfragable; dès lors, le paiement ultérieur des prétentions salariales au sens de l'art. 11 al. 3 LACI, dont l'existence ou le recouvrement étaient douteux, ne constitue pas un motif de révision procédurale (ATF 127 V 477 consid. 2b).
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3.
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3.1 Selon les premiers juges, le recourant s'était annoncé à la caisse après la résiliation immédiate des rapports de travail et s'était vu ouvrir un délai-cadre d'indemnisation dès le 25 février 2002. La caisse ayant des doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail, elle avait versé l'indemnité de chômage selon l'art. 29 LACI et s'était subrogée aux droits de l'assuré dans le procès ouvert contre l'employeur. Conformément à la jurisprudence, la reconnaissance ultérieure des prétentions de l'assuré ne permettait pas le report du délai-cadre d'indemnisation. Si l'on considérait que le recourant avait demandé le 24 septembre 2004 l'ouverture d'un nouveau délai-cadre d'indemnisation, la condition de la durée minimale de cotisation n'était pas remplie, puisque la reconnaissance ultérieure des droits découlant du contrat de travail ne permettait de reconnaître comme période de cotisations que celle qui s'étendait du 24 septembre 2002 au 30 juin 2003.
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3.2 A cet égard, le recourant soulève quelques moyens qui ne lui sont toutefois d'aucun secours.
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3.2.1 En premier lieu, le recourant se méprend lorsqu'il fait valoir que les droits découlant de son contrat de travail ne permettaient pas à la caisse d'avoir de doutes sérieux, au point de faire apparaître le versement des indemnités de chômage selon l'art. 29 al. 1 LACI comme étant manifestement erroné. D'une part, il ne peut contraindre la caisse à reconsidérer sa décision initiale (ATF 119 V 183 consid. 3a). D'autre part, en l'absence de doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail, la condition de la perte de travail à prendre en considération (art. 11 al. 3 LACI) n'aurait pas été remplie et la caisse n'aurait pas versé l'indemnité pendant toute la période en cause, soit du 25 février 2002 au 30 juin 2003. Enfin, en principe, il y a lieu de reconnaître l'existence de doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail lorsque l'une des parties à celui-ci conteste les droits de l'autre, notamment en cas de résiliation immédiate pour justes motifs, ou lorsque la situation financière difficile de l'employeur a conduit à la fin des rapports de travail (Nussbaumer, Arbeitslosenversicherung, in SBVR, tome XIV, 2ème éd., ch. 449 et 450).
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3.2.2 Le recourant se plaint de n'avoir pas bénéficié des indemnités de chômage auxquelles il soutient avoir droit, ou seulement dans une portion congrue, alors que la caisse a pourtant perçu un montant équivalant à la totalité des indemnités versées du 25 février 2002 au 30 juin 2003 ensuite de la subrogation dans le procès contre l'employeur. Le recourant oublie toutefois que pendant toute cette période, la caisse lui a bien versé des indemnités de chômage, en suppléant l'employeur défaillant et en lui permettant de disposer des moyens nécessaires à son entretien durant cette phase transitoire, conformément au but de l'art. 29 al. 1 LACI.
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En outre, la découverte ultérieure du procès fait à l'employeur, dans l'hypothèse où le recourant aurait omis d'aviser la caisse, n'amènerait pas à une révision du droit à l'indemnité au sens que le délai-cadre de l'indemnisation serait reporté. Mise à part une éventuelle suspension du droit à l'indemnité, cet élément conduirait à ce que la présomption légale irréfragable, en cas de doutes quant aux droits découlant du contrat de travail, se substituerait à la condition de la perte de travail à prendre en considération.
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3.2.3 Enfin, le recourant invoque une affaire vaudoise, analogue à la sienne, dans laquelle l'assuré aurait obtenu un report d'un délai-cadre. La situation du recourant est toutefois différente, car il est intervenu auprès de l'intimée le 26 septembre 2004, soit à un moment où le droit au salaire reconnu par les tribunaux (25 février 2002 au 30 juin 2003) ne permettait pas de lui reconnaître la période minimale de cotisation d'une année dans le délai-cadre ouvert le 26 septembre 2004.
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4.
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4.1 L'art. 27 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, prévoit que dans les limites de leur domaine de compétence, les assureurs et les organes d'exécution des diverses assurances sociales sont tenus de renseigner les personnes intéressées sur leurs droits et obligations (al. 1) et que chacun a le droit d'être conseillé, en principe gratuitement, sur ses droits et obligations (al. 2, première phrase).
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Le Tribunal fédéral des assurances a largement retranscrit les travaux législatifs et doctrinaux relatifs à l'art. 27 LPGA, mais n'en a pas déterminé l'étendue. Il a cependant estimé que dans le cadre du devoir de conseils (art. 27 al. 2 LPGA), l'assureur devait rendre la personne assurée attentive au fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l'une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472) et qu'il n'existait pas de motif évident d'abandonner l'assimilation de la violation d'un devoir légal de renseigner à une déclaration erronée après la codification d'une telle obligation dans la LPGA (ATF 131 V 472 consid. 4 et 5).
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La doctrine quant à elle est unanime à considérer que le devoir de conseiller institué à l'art. 27 LPGA est essentiellement plus étendu que la pratique existant jusque-là et que cette disposition légale représente une réelle avancée dans la protection des droits des assurés sociaux (entre autres : Kieser, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zürich 2003, p. 323; Locher/Gächter, RSJB 2006 pp. 848-849). De l'avis de plusieurs auteurs, le but du conseil visé à l'art. 27 al. 2 LPGA est de permettre à la personne intéressée d'adopter un comportement dont les effets juridiques cadrent avec les exigences posées par le législateur pour que se réalise le droit à la prestation (Ulrich Meyer, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, Sozialversicherungsrechtstagung 2006, St-Gall, pp. 9 ss).
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4.2 Dans sa décision sur opposition du 15 avril 2005 la caisse a relevé que si le recourant s'était réinscrit le 24 février 2004 et avait continué à faire contrôler son chômage afin de préserver ses droits, elle lui aurait ouvert un nouveau délai-cadre d'indemnisation dès cette date rétroactivement (c'est-à-dire une fois le jugement du tribunal des prud'hommes entré en force).
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Le recourant a perçu l'indemnité de chômage pendant toute la durée du délai-cadre jusqu'au 24 février 2004. La caisse est intervenue au procès devant la juridiction prud'homale - laquelle a reconnu le droit de l'assuré à des prétentions découlant du contrat de travail jusqu'au 30 juin 2003 et le droit de subrogation de la caisse (jugement du 17 décembre 2003); en outre, elle a été associée à toute la procédure ultérieure d'appel et de recours. Dans ces circonstances, le recourant devait être avisé que la reconnaissance définitive des droits découlant du contrat de travail permettait de reconnaître, ultérieurement et à titre rétroactif, les différents mois concernés par le litige salarial comme période de cotisations d'un deuxième délai-cadre et lui conseiller les démarches utiles pour préserver ses droits.
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On ne sait toutefois rien de telles démarches. A défaut d'éléments sur ces différents aspects au dossier, il est impossible d'examiner si l'administration ou la caisse ont violé leurs obligations de conseil et si d'éventuels manquements ont contribué à la perte des droits du recourant quant à un éventuel nouveau délai-cadre à partir du 24 février 2004. Le jugement attaqué et la décision litigieuse doivent dès lors être annulés, le dossier étant renvoyé à la caisse intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal des assurances sociales du canton de Genève du 22 novembre 2005 et la décision de la Caisse cantonale genevoise de chômage du 15 avril 2005 sont annulés, le dossier étant renvoyé à l'intimée pour qu'elle procède conformément aux considérants.
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2.
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Il n'est pas perçu de frais de justice.
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3.
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L'intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.
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4.
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Le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève statuera sur les dépens pour la procédure de recours de première instance, au regard de l'issue du procès de dernière instance.
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5.
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Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
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Lucerne, le 20 février 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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