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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1P.56/2006 /col
Arrêt du 22 février 2007
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Aemisegger, Juge présidant,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Jomini.
Parties
A.________,
recourant,
contre
Préfet du district du Lac, Schlossgasse 1, 3280 Morat, autorité intimée,
Commune de Courgevaux, 1796 Courgevaux,
Direction de l'aménagement, de l'environnement
et des constructions du canton de Fribourg,
1701 Fribourg, autorités intéressées,
Tribunal administratif du canton de Fribourg,
IIème Cour administrative, route André-Piller 21,
case postale, 1762 Givisiez.
Objet
autorisation de construire, ordre de démolition,
recours de droit public contre l'arrêt de la IIème Cour administrative du Tribunal administratif du canton de Fribourg, du 19 décembre 2005.
Faits:
A.
A.________ est propriétaire, sur le territoire de la commune de Courgevaux, d'un terrain où se trouve une ferme. Ce terrain est classé en zone à bâtir. Le 30 octobre 2000, il a obtenu du Préfet du district du Lac une autorisation de construire pour la transformation de cette ferme, destinée exclusivement à l'habitation.
Dans le cadre des travaux de transformation, A.________ a démoli une annexe existante en bois (garage), accolée à une façade de la ferme. Il a ensuite reconstruit, au même emplacement, une annexe en dur (murs de brique), abritant notamment un local de chauffage. Les plans approuvés lors de la délivrance du permis de construire prévoyaient le maintien de l'annexe en bois, avec transformation uniquement de sa toiture.
Avisé par l'autorité communale de la démolition de l'annexe en bois et de la construction de la nouvelle annexe, le Lieutenant du Préfet du district du Lac a ordonné l'arrêt des travaux le 28 février 2002. A.________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Fribourg. Son recours a été rejeté par un arrêt rendu le 22 mars 2002, qui est entré en force.
A.________ a déposé, le 4 juillet 2002, une demande préalable en vue d'une modification du permis de construire délivré le 30 octobre 2000. Le service des constructions et de l'aménagement (SeCA), de la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions, a émis un préavis défavorable car la nouvelle construction ne respectait pas les dispositions relatives à l'espace minimal des cours d'eau, le bien-fonds étant riverain du ruisseau du Moulin.
B.
Le 7 novembre 2002, le Lieutenant de préfet a imparti à A.________ un délai au 1er janvier 2003 pour procéder à la démolition de la nouvelle annexe. L'intéressé a recouru au Tribunal administratif cantonal contre cette ordonnance.
Après avoir procédé à une inspection locale, le Tribunal administratif a rendu son arrêt le 19 décembre 2005. Il a rejeté le recours et imparti au recourant un délai au 30 mai 2006 pour faire démolir l'annexe litigieuse (ch. 1 du dispositif). Il a considéré que la reconstruction de l'annexe avait été effectuée sans permis de construire et que "cette violation des règles de la police de construction [avait] été constatée, de manière définitive, par le Tribunal administratif (cf. jugement du 22 mars 2002, consid. 2 et 3)" . En outre, après ce premier arrêt et un préavis négatif du service cantonal des constructions et de l'aménagement, le recourant avait "renoncé à poursuivre la procédure de mise à l'enquête pour tenter de régulariser la situation". De plus, la nouvelle construction n'était pas conforme aux conditions de l'art. 21 de l'ordonnance du Conseil fédéral sur l'aménagement des cours d'eau (OACE; RS 721.100.1), la distance de 10 m à l'axe du ruisseau n'étant pas respectée. La régularisation de cette construction était donc impossible (consid. 2b de l'arrêt du 19 décembre 2005). Dans la partie "faits" de l'arrêt, le Tribunal administratif a donné des indications complémentaires au sujet de l'obligation de réserver un espace minimum au ruisseau, pour assurer la protection contre les crues et la préservation des fonctions écologiques, obligation qui résulte de l'art. 21 OACE et du nouveau plan directeur cantonal en vigueur depuis le 1er juillet 2002. Dans le cas particulier, compte tenu de la largeur naturelle du lit du ruisseau du Moulin, la limite des constructions de 10 m par rapport à l'axe qui doit être observée correspond à l'"espace nécessaire" de 6 m, auquel s'ajoute une "distance de construction" de 4 m.
Le Tribunal administratif a encore considéré que le propriétaire concerné ne pouvait invoquer sa bonne foi, sachant qu'il s'écartait des plans approuvés, lesquels excluaient la démolition de l'annexe, et n'ignorant pas que cette démolition "posait problème au regard de la distance minimale au ruisseau". Sous l'angle de la proportionnalité, le Tribunal administratif a estimé les frais effectifs de démolition à 62'000 fr., soit un coût supportable par rapport au montant investi dans la transformation de la ferme (380'000 fr.). Enfin, il a jugé que le principe d'égalité justifiait lui aussi d'accorder une importance prépondérante à l'intérêt public à une application correcte des prescriptions légales, car un voisin s'est vu refuser l'autorisation de créer un couvert à voiture sur la rive opposée afin de réserver un espace minimum au ruisseau (consid. 3 de l'arrêt du 19 décembre 2005).
C.
A.________ a adressé au Tribunal fédéral un acte dans lequel il déclare "faire opposition" à l'arrêt du Tribunal administratif, en demandant en conclusion la suspension de l'ordre de démolition et la reconsidération de l'affaire. Il invoque la garantie de la propriété, le principe de la proportionnalité, l'exigence de l'intérêt public et le principe de l'égalité de traitement; il se prévaut en outre de sa bonne foi.
Le conseil communal de Courgevaux se réfère au dossier, sans prendre de conclusions. Le Lieutenant de préfet, la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions, ainsi que le Tribunal administratif concluent au rejet du recours, sans se déterminer sur les griefs.
D.
Par une ordonnance rendue le 2 février 2006, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif présentée par A.________.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la procédure de recours au Tribunal fédéral (art. 132 al. 1 LTF).
Seule la voie du recours de droit public, pour violation de droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), entre en considération, la contestation portant sur l'application du droit cantonal des constructions à l'intérieur de la zone à bâtir (voir l'ancien art. 34 al. 3 LAT, encore applicable dans la présente procédure - cf. art. 53 al. 1 de la loi sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF; RS 173.32], en relation avec le ch. 64 de l'annexe de cette loi). Le présent mémoire, où il est fait "opposition" à une décision rendue en dernière instance cantonale, doit être traité comme un recours de droit public. Le propriétaire foncier destinataire d'un ordre de démolition a manifestement qualité pour recourir (art. 88 OJ). Il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Le mémoire du recourant contient des explications sur les circonstances dans lesquelles il a démoli et reconstruit l'annexe litigieuse. Il énonce par ailleurs différents arguments à l'encontre de l'ordre de démolition puis invoque certains principes juridiques.
2.1 Dans la procédure de recours de droit public, conformément à l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral, qui n'est pas une juridiction d'appel, n'examine pas d'office si la décision attaquée a été prise conformément aux normes applicables; il incombe bien plutôt au recourant d'expliquer de manière claire et précise en quoi cette décision pourrait être contraire à ses droits constitutionnels (cf. ATF 130 I 26 consid. 2.1 p. 31; 129 I 185 consid. 1.6 p. 189; 127 III 279 consid. 1c p. 282; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76).
2.2 Le recourant invoque la garantie de la propriété en faisant valoir l'absence d'intérêt public de la mesure litigieuse ainsi que son caractère disproportionné. La propriété est en effet garantie par la Constitution (art. 26 al. 1 Cst.) et elle peut être soumise à des restrictions pour autant, notamment, que celles-ci soient justifiées par un intérêt public (art. 36 al. 2 Cst.) et qu'elles soient proportionnées au but visé (art. 36 al. 3 Cst.).
D'après la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce toutefois à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit cependant s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4 p. 255; 111 Ib 213 consid. 6 p. 221 et les arrêts cités).
2.3 En l'occurrence, le recourant ne conteste pas sérieusement - ou en tout cas pas de manière suffisamment claire et précise - que la reconstruction de l'annexe, après qu'elle avait été volontairement détruite, ne pouvait pas être autorisée a posteriori. Il ne prétend pas qu'il serait faux ou insoutenable d'interdire sur sa parcelle les nouvelles constructions, y compris celles qui sont reconstruites après démolition, à moins de 10 m de l'axe du ruisseau. Au reste, il ne soutient pas que le Tribunal administratif n'était pas fondé à retenir que la violation des règles de police des constructions avait déjà été sanctionnée dans un premier arrêt, du 22 mars 2002. Le recourant, qui refuse d'être présenté comme une personne de mauvaise foi, ne démontre cependant pas qu'il pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire sa nouvelle annexe. Enfin, il existe manifestement, de manière générale, un intérêt public à exiger le respect des règles formelles et matérielles de police des constructions. Les considérations du recourant au sujet des avantages de son nouvel édifice, qui se trouve à la même distance du ruisseau que l'annexe démolie et qui résisterait mieux aux crues, ne sont pas décisives. Il est en effet dans l'intérêt public d'appliquer les règles en vigueur dans un cas de démolition (volontaire) suivie d'une reconstruction, ce genre de cas se distinguant clairement de ceux de transformation partielle ou de rénovation, où la protection de la situation acquise peut être déduite du droit constitutionnel (cf. ATF 113 Ia 119 consid. 2a p. 122).
Le recourant invoque encore l'égalité de traitement, dans le but d'obtenir une "dérogation particulière pour légaliser l'annexe"; il se réfère simplement à "tous ceux qui ont reçu une dérogation alors qu'ils n'étaient pas en conformité avec la loi". La motivation de ce grief ne respecte pas les exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ car on ne voit pas quelles autres situations comparables, ou quelle pratique des autorités devraient être prises en considération et justifier, le cas échéant, une dérogation aux règles ordinaires (cf. notamment à ce propos ATF 115 Ia 81).
Pour le reste, s'agissant de la proportionnalité de la mesure, le recourant se borne à se plaindre des "conséquences financières" et de "tous les tracas techniques". Il ne critique pas de manière claire et précise l'estimation, par le Tribunal administratif, des "frais effectifs de démolition". Quand bien même ce coût est relativement élevé, il doit être mis en relation avec le coût de l'ensemble des travaux de transformation de la ferme; pour le recourant, la création de la nouvelle annexe litigieuse faisait partie du projet. Dans ces circonstances, on ne voit pas de motif de remettre en cause l'appréciation de la juridiction cantonale au sujet de la proportionnalité de l'ordre de démolition. Au regard des critères de la jurisprudence, les griefs du recourant à l'encontre de la décision de remise en état sont mal fondés.
2.4 Il s'ensuit que le recours de droit public doit être rejeté. Il incombe au Tribunal fédéral de fixer un nouveau délai pour l'exécution de la décision cantonale.
3.
Le recourant, qui succombe, doit supporter les frais du présent arrêt (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ). Les autorités intimées n'ont pas droit à des dépens (art. 159 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté et l'échéance du délai prévu au ch. 1 du dispositif de l'arrêt attaqué est reportée au 30 juin 2007.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant, au Préfet du district du Lac, à la Commune de Courgevaux, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions et au Tribunal administratif du canton de Fribourg.
Lausanne, le 22 février 2007
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le juge présidant: Le greffier: