Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5P.504/2006 /frs
Arrêt du 22 février 2007
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Nordmann et Escher.
Greffière: Mme Mairot.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Daniel Guignard, avocat,
contre
dame X.________,
intimée, représentée par Me Nathalie Fluri, avocate,
Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est Vaudois,
case postale 496, 1800 Vevey 1.
Objet
art. 9 Cst. (mesures protectrices de l'union conjugale),
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est Vaudois du 6 novembre 2006.
Faits :
A.
X.________ et dame X.________ se sont mariés le 27 août 1983 à Zurich. Deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont issus de cette union.
Le 17 août 2005, l'épouse a requis des mesures protectrices de l'union conjugale. Par prononcé du 5 décembre 2005, notifié le lendemain, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a, en substance, astreint le mari à verser à celle-ci une contribution d'entretien d'un montant de 3'000 fr. par mois dès le 1er novembre 2005.
B.
Chaque époux a appelé de cette décision. Par arrêt du 6 novembre 2006, le Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est vaudois a, notamment, fixé le point de départ de la contribution d'entretien due à l'épouse au 1er septembre 2005, condamné le mari au paiement des charges hypothécaires liées à la maison familiale et confirmé pour le surplus le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale du 5 décembre 2005.
C.
Le mari forme un recours de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 6 novembre 2006, concluant à son annulation.
L'intimée propose le rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
L'autorité cantonale a renoncé à formuler des observations.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 291 consid. 1 p. 292).
1.1 La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1242). La décision attaquée ayant été rendue avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF).
1.2 Les décisions de mesures protectrices de l'union conjugale ne sont pas des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ et ne peuvent par conséquent pas être entreprises par la voie du recours en réforme (ATF 127 III 474 consid. 2a et b p. 476 ss et les références citées). Le présent recours est donc recevable sous l'angle de l'art. 84 al. 2 OJ. Il a de plus été déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ).
1.3 Selon l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions rendues en dernière instance cantonale, ce qui suppose que les moyens soulevés devant le Tribunal fédéral ne puissent plus faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraordinaire de droit cantonal (ATF 126 I 257 consid. 1a p. 258; 119 Ia 421 consid. 2b p. 422). Dans le canton de Vaud, l'arrêt sur appel en matière de mesures protectrices de l'union conjugale ne peut faire l'objet d'un recours en nullité que pour les motifs prévus par l'art. 444 al. 1 ch. 1 et 2 CPC/VD (art. 369 al. 4 CPC/VD; JT 1998 III 53), soit lorsque le déclinatoire aurait dû être prononcé d'office (ch. 1) et pour absence d'assignation régulière ou pour violation de l'art. 305 CPC/VD lorsque le jugement a été rendu par défaut (ch. 2). Interjeté, non pour ces motifs, mais pour arbitraire, le recours est recevable de ce chef.
2.
Le recourant conteste ses revenus et ses charges. Il soutient que l'autorité cantonale a versé dans l'arbitraire en prenant en compte dans ses ressources mensuelles, en plus des intérêts des prêts octroyés à A.________ SA et au dénommé B.________, 3'334 fr. d'intérêts perçus sur des "titres auprès de divers sociétés", alors qu'il s'agirait en réalité des mêmes revenus, qui auraient ainsi été comptabilisés deux fois. En outre, à partir de juin 2006, le disponible des époux serait, même si l'on s'en tient au revenu arbitrairement élevé retenu à son égard, de 5'256 fr. et non plus de 6'200 fr. L'autorité cantonale aurait aussi arbitrairement appliqué la méthode du minimum vital.
2.1 De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de façon choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une solution différente paraisse concevable, voire préférable; pour que la décision attaquée soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire, non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et les arrêts cités).
2.2
2.2.1 L'autorité cantonale a appliqué la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, qui consiste à évaluer les ressources respectives des conjoints, puis à calculer leurs charges en se fondant sur le minimum vital du droit des poursuites (art. 93 LP), élargi des dépenses incompressibles, enfin à répartir le solde disponible, après couverture de leurs charges respectives, de manière égale entre eux (arrêt 5C.180/2002 du 20 décembre 2002, consid. 5.2.2, in FamPra.ch 2003 p. 428 ss, 430 et les citations). La contribution due par l'époux débiteur équivaut donc au minimum vital de l'époux créancier auquel il convient d'ajouter la moitié du montant disponible, sous déduction des revenus de l'époux créancier (Jean-François Perrin, La méthode du minimum vital, in SJ 1993 p. 425 ss, 430).
En l'occurrence, l'autorité cantonale a retenu que l'épouse réalisait mensuellement un revenu de l'ordre de 3'500 fr., pour un minimum vital de 2'000 fr. Considérant les revenus et minima vitaux du mari selon différentes périodes, elle a estimé que le solde disponible à partager entre les époux était d'environ 6'200 fr. Dès lors, la pension due par le mari était approximativement de 3'100 fr. par mois. Ce calcul est à l'évidence insoutenable. Comme le relève à juste titre le recourant, la solution adoptée par l'autorité cantonale ne tient pas compte du fait que l'intimée dispose, après paiement de ses charges, d'un solde de 1'500 fr. par mois. Si l'on s'en tient aux montants - au demeurant contestés par le recourant - retenus par l'autorité cantonale, la contribution due par le mari se détermine ainsi: 2'000 fr. (minimum vital de l'épouse) + 3'100 fr. (moitié du disponible) - 3'500 fr. (revenus de l'épouse) = 1'600 fr. L'arrêt attaqué apparaît dès lors arbitraire pour ce motif déjà.
2.2.2 En ce qui concerne les revenus du mari, l'autorité cantonale a notamment retenu des intérêts créditeurs relatifs à deux prêts consentis, l'un à A.________ SA, l'autre au dénommé B.________. Ces intérêts représentaient respectivement 3'000 fr. (36'000 fr. : 12) et 238 fr. par mois en 2005, 3'237 fr. (16'182 fr. : 5) et 238 fr. par mois de janvier à mai 2006, enfin, 1'105 fr. (7'731 fr. : 7) et 238 fr. par mois dès juin 2006. L'autorité cantonale a en outre pris en compte une somme d'environ 3'334 fr. par mois (soit 40'000 fr. : 12) en tant que revenus de titres. S'agissant de ce dernier montant, elle s'est apparemment fondée sur la constatation du juge de première instance selon laquelle le mari détenait des titres auprès de diverses sociétés, dont les intérêts lui rapportaient environ 40'000 fr. par an. L'ordonnance du 8 novembre 2005 ne fait toutefois pas état, en plus de ces 40'000 fr., des intérêts créditeurs susmentionnés. En outre, les déclarations d'impôt produites au dossier mentionnent des rendements bruts de titres s'élevant à 43'135 fr.75 en 2003 et à 43'155 fr.90 en 2004, créances contre A.________ SA et contre le dénommé B.________ incluses. Ainsi, l'autorité cantonale a manifestement ajouté aux revenus du recourant des intérêts créditeurs déjà compris dans les rendements de ses titres. L'arrêt attaqué apparaît donc également arbitraire sur ce point.
2.2.3 Enfin, s'agissant du grief relatif au solde disponible des parties à partir de juin 2006, le montant de 6'200 fr. par mois retenu par l'arrêt attaqué représente une moyenne entre différentes périodes durant lesquelles tant les revenus que les charges des parties ont varié. S'il est exact qu'à partir de juin 2006, le disponible des époux était de 5'256 fr. ([revenus: 3'500 fr. + 14'477 fr.] - [minima vitaux: 2'000 fr. + 10721 fr.]), il s'élevait par exemple, en mai 2006, à 7'388 fr. ([revenus: 3'500 fr. + 16'609 fr.] - [minima vitaux: 2'000 fr. + 10'721 fr.]). Le grief du recourant ne saurait donc être admis. De toute façon, comme les revenus de celui-ci ont été arbitrairement constatés (cf. supra, consid. 2.2.2), il appartiendra à l'autorité cantonale de se prononcer à nouveau sur la question du solde disponible des conjoints.
3.
En conclusion, le recours se révèle fondé et doit être admis, ce qui entraîne l'annulation de l'arrêt attaqué. L'intimée supportera par conséquent les frais et dépens de la procédure (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé dans le sens des considérants.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera au recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal civil de l'arrondissement de l'Est Vaudois.
Lausanne, le 22 février 2007
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: