BGer I 176/2006
 
BGer I 176/2006 vom 26.02.2007
Tribunale federale
{T 7}
I 176/06
Arrêt du 26 février 2007
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffier: M. Piguet.
Parties
Office cantonal AI Genève, rue de Lyon 97,
1203 Genève,
recourant,
contre
C.________, 1969,
intimée, représentée par Me Daniel A. Meyer, avocat,
rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève.
Objet
Assurance-invalidité,
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 17 janvier 2006.
Faits:
A.
C.________, travaillait en qualité de femme de chambre pour le compte de l'hôtel X.________. Souffrant notamment de fibromyalgie et de dépression, elle a cessé de travailler à partir du 16 mars 1999 et n'a plus repris d'activité lucrative depuis lors.
Le 10 juillet 2000, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci‑après: l'office AI). Se fondant sur un rapport du 20 juillet 2000 du docteur B.________, médecin-traitant, qui retenait une incapacité de travail de 10 % dans une activité adaptée, l'office AI a, par décision du 28 mars 2001, rejeté la demande de prestations. La Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI (aujourd'hui: Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève) a admis le recours formé contre cette décision et renvoyé la cause à l'office AI pour qu'il mette en oeuvre une expertise pluridisciplinaire et rende une nouvelle décision (jugement du 4 juillet 2002).
L'office AI a confié la réalisation de cette expertise à la Policlinique médicale universitaire de Lausanne agissant à titre de Centre médical d'observation de l'Assurance-invalidité (COMAI). Dans leur rapport établi le 25 février 2004, les experts ont notamment retenu les diagnostics de trouble somatoforme douloureux persistant sous forme de fibromyalgie, de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen à sévère, et de personnalité à traits dépendants et histrioniques. La capacité résiduelle de travail était diminuée de 50 % dans une activité adaptée, avant tout pour des raisons d'ordre psychique.
Par décision du 26 avril 2005, confirmée sur opposition le 6 octobre suivant, l'office AI a rejeté la demande de prestations, motif pris que le trouble somatoforme douloureux persistant présenté par l'assurée n'avait pas valeur de maladie dans le cas particulier.
B.
Par jugement du 17 janvier 2006, le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève a admis le recours formé par C.________ contre la décision sur opposition du 6 octobre 2005. En résumé, il a considéré que l'assurée présentait un état dépressif, non réactionnel à la symptomatologie douloureuse, d'une intensité suffisamment importante pour occasionner une incapacité de travail de 50 % et alloué une demi-rente d'invalidité à partir du 1er septembre 2003.
C.
L'office AI a interjeté recours de droit administratif contre ce jugement dont il a demandé l'annulation.
C.________ a conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en a proposé l'admission.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
2.
Le litige porte sur le droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité, singulièrement sur le taux d'invalidité à la base de cette prestation. Selon l'art. 132 al. 1 OJ dans sa version selon le ch. III de la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la LAI (en vigueur depuis le 1er juillet 2006), dans une procédure concernant l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal de céans peut aussi examiner l'inopportunité de la décision attaquée et n'est pas lié par la constatation de l'état de fait de l'autorité cantonale de recours. En vertu de l'art. 132 al. 2 OJ, ces dérogations ne sont cependant pas applicables lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne les prestations de l'assurance-invalidité. Selon le ch. II let. c de la loi fédérale du 16 décembre 2005, l'ancien droit s'applique aux recours pendants au moment de l'entrée en vigueur de la modification. Dès lors que le recours est antérieur au 1er juillet 2006, le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral résulte de l'ancien art. 132 OJ, dont la teneur correspond à celle du nouvel al. 1.
3.
La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, de même que les modifications de la LAI du 21 mars 2003 (4ème révision), entrée en vigueur le 1er janvier 2004, ont entraîné la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine de l'assurance-invalidité. Conformément au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445), le droit litigieux doit être examiné à l'aune des dispositions de la LAI en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, pour la période courant jusqu'à cette date, puis à celle de la nouvelle réglementation pour la période postérieure au 1er janvier 2003, respectivement au 1er janvier 2004, étant précisé que le juge n'a pas à prendre en considération les modifications de droit ou de l'état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse du 6 octobre 2005 (ATF 129 V 1 consid. 1.2 p. 4). Cela étant, les notions et les principes développés jusqu'alors par la jurisprudence en matière d'évaluation de l'invalidité n'ont pas été modifiés par l'entrée en vigueur de la LPGA ou de la 4ème révision de la LAI (voir ATF 130 V 343). On peut dès lors sans autre renvoyer au jugement entrepris, lequel expose correctement les dispositions légales ainsi que les principes jurisprudentiels en matière d'évaluation de l'invalidité.
4.
En substance, l'office recourant, dont l'opinion est partagée par l'OFAS, fait grief aux premiers juges d'avoir appliqué de manière erronée les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux, lesquels sont également applicables lorsqu'il s'agit d'apprécier le caractère invalidant d'une fibromyalgie (ATF 132 V 65). D'une part, il ressortait de l'expertise réalisée par le COMAI que l'assurée ne présentait pas de comorbidité psychiatrique importante par sa gravité et sa durée. L'état dépressif était réactionnel à la fibromyalgie et ne pouvait faire l'objet, au regard de son degré de gravité, d'un diagnostic en soi; les traits de personnalité dépendants et histrioniques n'avaient quant à eux certainement pas valeur de pathologie. D'autre part, il convenait de nier la réalisation des autres critères cumulatifs pouvant justifier le caractère durablement invalidant d'un trouble somatoforme douloureux. En tant que sur le plan médical, l'assurée était encore susceptible de mettre à profit une capacité de travail de 50 %, l'office recourant pouvait considérer qu'elle disposait encore des ressources psychiques et adaptatives nécessaires pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. C'est dès lors à bon droit qu'il a estimé que les atteintes à la santé diagnostiquées chez l'assurée ne revêtaient pas le degré de gravité et d'intensité requis pour être qualifiées d'invalidantes au sens des art. 8 LPGA et 4 LAI.
5.
5.1 En l'espèce, les experts du COMAI ont indiqué que les plaintes rapportées par l'assurée depuis de nombreuses années portaient sur des douleurs diffuses musculo-squelettiques touchant principalement le rachis ainsi que les articulations des épaules, des genoux et des chevilles. Les radiographies de la colonne cervico-lombaire montraient de discrets troubles de la statique et dégénératifs lombaires qui n'expliquaient que difficilement l'ensemble de la symptomatologie douloureuse et son intensité. Celle-ci paraissait non spécifique, à savoir qu'il n'y avait pas d'élément pour une origine tumorale, métabolique ou inflammatoire qui pouvait expliquer les douleurs, en particulier une connectivite ou une spondyloarthropathie. Malgré l'absence de signes comportementaux, il était possible de retenir le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme persistant sous forme de fibromyalgie avec extension des douleurs au niveau des quatre quadrants du corps, la présence de 18 points de fibromyalgie et de céphalées, sans anomalies biologiques décelables. D'un point de vue purement rhumatologique, la capacité de travail était préservée dans une activité adaptée, pour autant que l'assurée ne soit pas contrainte d'effectuer des travaux lourds avec port de charges. Par contre, l'activité de femme de ménage semblait difficilement exigible et non adaptée à son état physique, en raison du travail lourd qu'elle implique. L'assurée souffrait par ailleurs de troubles psychiques. Elle présentait en effet un trouble dépressif récurrent, l'épisode actuel étant jugé moyen à sévère, sans symptômes psychotiques. La symptomatologie survenait dans un climat de conflit conjugal et était probablement exacerbée par une personnalité à traits dépendants et histrioniques.
L'atteinte à la santé physique mais surtout psychique conduisait à une diminution de la capacité de travail de l'assurée de l'ordre de 50 %. Les experts étaient d'avis que la capacité de travail dans une activité lourde de femme de chambre était nulle, mais ne concluaient pas d'emblée à une incapacité de travail totale et définitive.
5.2 Rien ne justifie en l'occurrence de s'écarter des constatations et conclusions de l'expertise du COMAI. Celle-ci opère une distinction claire et précise entre la symptomatologie douloureuse, qui n'entraîne pas en elle-même d'incapacité de travail dans une activité adaptée, et les troubles psychiques, singulièrement l'état dépressif. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont admis en l'espèce l'existence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée, propre à entraîner une limitation de la capacité de travail de l'assurée.
Les arguments du recourant et de l'OFAS ne sauraient rien y changer. Certes, il est exact que selon la doctrine médicale, sur laquelle se fonde le Tribunal fédéral, les états dépressifs constituent des manifestations (réactives) d'accompagnement des troubles somatoformes douloureux, de sorte qu'ils ne sauraient, en principe, faire l'objet d'un diagnostic séparé, sauf à présenter les caractères de sévérité susceptibles de les distinguer sans conteste d'un tel trouble (ATF 130 V 352 consid. 3.3.1 in fine p. 358; voir aussi arrêt I 805/04 du 20 avril 2006, consid. 5.2.1 et les références, confirmé par les arrêts I 224/06 du 3 juillet 2006, consid. 1.2, I 297/05 du 17 juillet 2006, consid. 3.1, I 156/05 du 24 août 2006, consid. 2, I 582/05 du 5 octobre 2006, consid. 2, I 767/05 du 17 novembre 2006, consid. 6 et I 290/06 du 22 janvier 2007, consid. 2).
En l'espèce, un lien de cause à effet entre la fibromyalgie et l'état dépressif touchant l'assurée ne ressort nullement de l'expertise. Au contraire, l'anamnèse a révélé dans le cas particulier une prédisposition de l'assurée à développer des épisodes dépressifs à répétition. Le caractère fluctuant de cette pathologie ressort d'ailleurs de diverses pièces médicales versées au dossier. Ainsi, les docteurs R.________ (rapport du 7 septembre 2001) et O.________ (rapport du 9 mai 2003) faisaient état d'une pleine capacité de travail sur le plan psychiatrique en 2001 et 2003, alors que le docteur A.________ mettait en évidence en 2002 une décompensation de l'état dépressif chronique (rapport du 27 mai 2002).
A défaut d'éléments contraires, et conformément aux conclusions de l'expertise, il convient de retenir que l'assurée dispose d'une capacité de travail réduite de moitié en raison principalement d'un état dépressif récurrent, dont l'épisode actuel, de degré moyen à sévère, a débuté au mois de septembre 2003 (rapport du docteur O.________ du 6 décembre 2004) et perdurait près de deux ans plus tard (rapports des docteurs A.________ du 1er juillet 2005 et O.________ du 4 juillet 2005). En tant que le calcul du degré d'invalidité et le moment de la naissance du droit à la rente ne sont par ailleurs pas contestés, ni contestables, la Cour de céans ne peut que confirmer le jugement entrepris.
Mal fondé, le recours doit par conséquent être rejeté.
6.
L'assurée, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale à charge de l'office recourant (art. 159 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le recourant versera à l'intimée la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 26 février 2007
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier: