BGer 1B_39/2007 |
BGer 1B_39/2007 vom 23.03.2007 |
Tribunale federale
|
{T 0/2}
|
1B_39/2007 /col
|
Arrêt du 23 mars 2007
|
Ire Cour de droit public
|
Composition
|
MM. les Juges Féraud, Président,
|
Fonjallaz et Eusebio.
|
Greffier: M. Rittener.
|
Parties
|
A.________,
|
recourant, représenté par Maîtres Philippe Loretan et Stéphane Riand, avocats,
|
contre
|
Ministère public du Valais central,
|
route de Gravelone 1, case postale 2282, 1950 Sion 2,
|
Tribunal cantonal du canton du Valais,
|
Chambre pénale, Palais de Justice, 1950 Sion 2.
|
Objet
|
maintien en détention préventive,
|
recours en matière pénale contre la décision de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais, du 28 février 2007.
|
Faits:
|
A.
|
Le 9 février 2007, A.________ a été placé en détention préventive dans le cadre d'une instruction d'office ouverte contre lui pour lésions corporelles simples (art. 123 CP), menaces (art. 180 CP), viol (art. 190 CP) et infraction à l'art. 33 de la loi fédérale sur les armes (LArm; RS 514.54). Il lui est en substance reproché d'avoir forcé à plusieurs reprises son épouse, B.________, à entretenir des rapports sexuels en la menaçant de mort, de lui avoir asséné un fort coup de pied dans le mollet, d'avoir proféré diverses insultes à son encontre et de l'avoir menacée de violences physiques.
|
Le même jour, le Tribunal du district de Sion a rendu une décision de mesures protectrices de l'union conjugale prononçant notamment ce qui suit:
|
1. Les époux A.________ et B.________ sont autorisés à avoir un domicile séparé pour une durée indéterminée, l'épouse conservant le domicile conjugal.
|
2. Il est donné ordre à A.________ de quitter immédiatement le logement conjugal, en emportant sans délai ses affaires personnelles.
|
3. Il est fait interdiction à A.________ de revenir au logement familial, de s'approcher de B.________, de la suivre, de la harceler et de la surveiller.
|
4. Ces injonctions sont faites sous les sanctions de l'art. 292 CP, dont la teneur est la suivante: [...].
|
5. B.________ est autorisée à requérir le concours de la police pour faire exécuter la décision.
|
[...]
|
B.
|
A.________ a présenté une requête de mise en liberté provisoire, que le Juge d'instruction du Valais central a rejetée le 14 février 2007, invoquant un risque de collusion et un danger de réitération.
|
Le 19 février 2007, le Juge d'instruction a ordonné une expertise psychiatrique visant en particulier à déterminer si l'intéressé souffrait d'un trouble mental et s'il était susceptible de commettre à nouveau des actes punissables de même nature. L'expert mandaté a répondu que son rapport d'expertise serait remis avant la fin du mois de mai.
|
La décision de refus de mise en liberté provisoire a fait l'objet d'une plainte, que la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejetée par décision du 28 février 2007. Les juges cantonaux ont considéré qu'il existait un risque de récidive et qu'il y avait lieu de craindre que A.________ ne s'en prenne physiquement à ses proches en cas de libération provisoire, les injonctions du Tribunal de district ne paraissant pas suffisantes pour parer aux graves infractions dont la commission était redoutée. Le Tribunal cantonal estimait en outre qu'il se justifiait d'attendre le dépôt du rapport d'expertise, qui devait intervenir dans un délai de trois mois.
|
C.
|
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision et d'ordonner sa mise en liberté immédiate. Il invoque les dispositions de droit cantonal régissant la détention préventive ainsi que les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH. Il requiert en outre l'assistance judiciaire gratuite. Le Tribunal cantonal et le Ministère public ont renoncé à formuler des observations.
|
Le Tribunal fédéral considère en droit:
|
1.
|
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
|
2.
|
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale. La notion de décision rendue en matière pénale comprend toute décision fondée sur le droit pénal matériel ou sur le droit de procédure pénale. En d'autres termes, toute décision relative à la poursuite ou au jugement d'une infraction fondée sur le droit fédéral ou sur le droit cantonal est en principe susceptible d'un recours en matière pénale (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4111). La voie du recours en matière pénale est dès lors ouverte en l'espèce. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.
|
3.
|
A titre de moyen de preuve, le recourant requiert notamment son interrogatoire. Il s'agit d'une preuve nouvelle, qui n'avait pas été proposée devant l'autorité précédente. Dès lors que ce n'est pas la décision attaquée qui donne pour la première fois au recourant l'occasion de requérir ce moyen de preuve, celui-ci est irrecevable (art. 99 al. 1 LTF).
|
4.
|
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 72 du Code de procédure pénale valaisan du 22 février 1962 (CPP/VS; RS 312.0). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 72 ch. 1 let. a à c CPP/VS). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 70 consid. 4a). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; ATF 116 Ia 144 consid. 3; art. 72 ch. 1 in initio CPP/VS). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour la définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 131 I 217 consid. 2.1 p. 219, 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3, 112 Ia 162 consid. 3b).
|
5.
|
En l'espèce, le recourant ne remet pas en cause l'existence de charges suffisantes et renonce expressément à soumettre au Tribunal fédéral la question des soupçons de culpabilité. Il nie cependant l'existence d'un risque de récidive.
|
5.1 Selon la jurisprudence, le maintien en détention se justifie s'il y a lieu de présumer, avec une certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive. Il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation d'un tel risque: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367; 124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et les arrêts cités). La jurisprudence se montre toutefois moins stricte dans l'exigence de vraisemblance lorsqu'il s'agit de délits de violence graves ou de délits sexuels, car le risque à faire courir aux victimes potentielles est alors considéré comme trop important; en pareil cas, il convient de tenir compte de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271).
|
5.2 En l'occurrence, les actes dont le recourant est accusé sont objectivement graves, s'agissant notamment d'agressions sexuelles. Même si la vie commune est désormais suspendue par des mesures protectrices de l'union conjugale, il se justifie de faire preuve de prudence dans l'appréciation du risque de récidive en raison du caractère de l'intéressé et des menaces particulièrement graves qu'il a proférées. Il lui est en effet reproché d'avoir menacé d'étrangler son épouse, de lui "tirer une balle", de lui couper la tête ou encore de l'asperger d'essence pour lui mettre le feu. Certaines de ces menaces étaient également dirigées contre les deux enfants du couple. S'il est vraisemblable que de ces paroles ont été prononcées sous le coup de la colère, elles ne sont pas à négliger pour autant, dans la mesure où plusieurs personnes craignent que le recourant ne puisse se montrer violent. En effet, outre son épouse, au moins deux autres personnes ont exprimé des craintes à cet égard. Sa soeur, qui le décrit comme rancunier et impulsif, a dit avoir peur qu'il ne "se trouve dans un état de folie et qu'il commette l'irréparable". De même, un ami du recourant a estimé qu'il pouvait "voir rouge" et être violent.
|
Par ailleurs, il ressort du dossier que le recourant n'a pas pris conscience de la gravité des faits qu'on lui reproche. Il semble en effet trouver normal que son épouse se soit régulièrement soumise à lui sexuellement sans en avoir envie et "pour la paix du ménage". Un témoin a aussi exposé que le recourant n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse être séparé de sa femme et conserver de bonnes relations sans avoir de rapports sexuels avec elle. Les déclarations du recourant révèlent en outre assez clairement un caractère jaloux et possessif, l'intéressé s'estimant en droit d'exercer un contrôle presque absolu sur la vie de son épouse. Il convient également de relever que le recourant serait peu entouré à sa sortie de prison: il est en effet sous le coup d'une décision judiciaire lui ordonnant de quitter le domicile conjugal, il n'a que peu de contacts avec sa famille et des relations sociales très réduites. Enfin, le recourant a déclaré à plusieurs reprises qu'il éprouvait des regrets pour ses enfants mais pas pour sa femme.
|
Dans ces circonstances, il n'est pas exclu qu'il tente à nouveau d'entretenir des relations intimes avec son épouse sans se préoccuper de son consentement ou qu'il s'en prenne physiquement à elle. Ainsi, bien que l'on ne puisse se fonder que sur quelques déclarations, il y a lieu de considérer que c'est à juste titre que l'autorité intimée a retenu l'existence d'un risque de récidive, compte tenu du fait que le danger encouru par la victime potentielle apparaît en l'état comme relativement important. Le caractère impulsif et rancunier de l'intéressé, sa vie sociale réduite et le fait qu'il ne semble pas encore comprendre la situation font craindre que la décision de mesures protectrices de l'union conjugale ne suffise pas à parer ce risque.
|
5.3 Cela étant, le juge de la détention ne peut pas se borner à attendre le dépôt du rapport d'expertise - prévu en principe pour la fin du mois de mai - pour réexaminer la question du risque de réitération. On ne saurait en effet soumettre totalement la mise en liberté du prévenu aux contingences liées à l'administration d'une expertise psychiatrique. Dès lors, si les autorités cantonales entendent se fonder sur l'avis de l'expert-psychiatre pour évaluer cette question, il leur appartiendra de l'interpeller pour qu'il se prononce dans les meilleurs délais, le cas échéant en rendant des conclusions provisoires portant sur la dangerosité du recourant. Enfin, sur le vu des éléments qui fondent le risque de réitération et compte tenu du fait que le juge civil a interdit au recourant de revenir au logement familial et de s'approcher de son épouse, il se justifie de se monter particulièrement attentif à l'évolution de la situation, la détention préventive étant une atteinte grave à la liberté personnelle.
|
6.
|
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant requiert la désignation de Me Philippe Loretan en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu de donner droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
|
1.
|
Le recours est rejeté.
|
2.
|
La demande d'assistance judiciaire est admise.
|
3.
|
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
|
4.
|
Me Philippe Loretan, avocat à Sion, est désigné comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1500 fr.
|
5.
|
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du Valais central et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.
|
Lausanne, le 23 mars 2007
|
Au nom de la Ire Cour de droit public
|
du Tribunal fédéral suisse
|
Le président: Le greffier:
|