Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6A.96/2006 /rod
Arrêt du 29 mars 2007
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Zünd.
Greffier: M. Fink.
Parties
Service des automobiles et de la navigation,
1014 Lausanne,
recourant,
contre
X.________,
intimé, représenté par Me Astyanax Peca, avocat,
Tribunal administratif du canton de Vaud,
avenue Eugène-Rambert 15, 1014 Lausanne.
Objet
Retrait du permis de conduire,
recours de droit administratif [OJ] contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Vaud du 19 octobre 2006.
Faits :
A.
Le 9 juin 2005, vers 17 heures 55, X.________ circulait sur la chaussée lac de l'autoroute Lausanne-St-Maurice en direction de Villeneuve. Afin de sortir à Montreux, il s'est déplacé sur la bande d'arrêt d'urgence pour remonter les files de véhicules ralenties en raison d'un encombrement dû aux travaux dans le tunnel de Glion. Il a ainsi parcouru environ 100 m, à 20 km/h, selon ses dires. D'après le rapport de police, la chaussée était sèche.
Par une décision du 31 janvier 2006, le Service vaudois des automobiles (abrégé SAN) a ordonné le retrait du permis de conduire de l'intéressé durant un mois.
B.
Par un arrêt du 19 octobre 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud a admis le recours du contrevenant, considérant que la mise en danger était insignifiante et la faute bénigne. De plus, ce conducteur savait que des mesures dérogatoires avaient été mises en place sur la bande d'arrêt d'urgence et sa visibilité avait été masquée par un camion. Il s'était cru en droit d'agir au sens de l'erreur de droit. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal administratif a renoncé à toute mesure administrative vu le peu de gravité du cas.
C.
En temps utile, le SAN a saisi le Tribunal fédéral d'un recours de droit administratif tendant à l'annulation de l'arrêt du 19 octobre 2006 et à la confirmation du retrait du permis durant un mois. En résumé, selon cette autorité, l'infraction serait moyennement grave et devrait entraîner un retrait du permis obligatoire (art. 16b LCR). L'erreur de droit ne serait pas non plus admissible car l'intéressé n'avait pas de raison suffisante de se croire en droit d'agir (art. 20 aCP).
Le SAN a sollicité l'effet suspensif.
D.
Le Tribunal administratif a conclu au rejet du recours. D'après cette autorité, l'intensité de la mise en danger était douteuse et dans de nombreux cas analogues, en rapport avec les travaux dans les tunnels de Glion, le SAN n'avait pas recouru.
E.
L'intimé a conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens. En bref, d'après lui, la jurisprudence citée par le SAN (arrêt 6A.22/2005 du 31 mai 2005 rendu par la Cour de céans) se rapporterait à une situation différente. En effet, l'utilisation de la bande d'arrêt d'urgence aux abords des tunnels de Glion lors des travaux de 2004 était encore formellement interdite sur toute sa longueur. Or, en 2005, l'autorisation générale de circuler sur les 500 derniers mètres de celle-ci, avant la sortie de Montreux, avait été donnée. De plus, dans l'arrêt précité, le motocycliste fautif avait parcouru 1 km illicitement, non pas 100 m comme l'intimé. Celui-ci, informé par les médias des aménagements et de la tolérance de la police, aurait -de bonne foi- pu se croire en droit d'agir, d'autant plus qu'un camion lui avait peut-être masqué la signalisation correspondante.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt attaqué est antérieur à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la Loi sur le Tribunal fédéral (LTF; RO 2006 1205). Conformément à l'art. 132 al. 1 LTF, c'est ici sur la base de l'ancien droit de procédure, soit les art. 97 ss OJ, que la présente cause doit être tranchée.
2.
En 2004 puis 2005, les deux tunnels parallèles de l'autoroute A9 situés à Glion ont été successivement fermés plusieurs mois, pour des travaux visant la mise aux normes de sécurité. Cela a causé d'innombrables bouchons ou ralentissements. De nombreux usagers de l'autoroute ont utilisé la bande d'arrêt d'urgence afin d'atteindre rapidement la sortie. La police les a dénoncés pour dépassement par la droite et usage illicite de la bande d'arrêt d'urgence (art. 35 al. 1 LCR; 8 al. 1 et 36 al. 3 OCR). Le SAN a prononcé des retraits du permis de conduire. Certains conducteurs ont recouru au Tribunal administratif vaudois qui leur a donné gain de cause considérant que la mise en danger et la faute étaient trop bénignes pour justifier une mesure administrative. Parfois, cette autorité a admis l'erreur de droit car les médias avaient laissé croire à une certaine tolérance dans ce domaine. Dans quelques cas, un simple avertissement a été prononcé.
Le SAN a saisi le Tribunal fédéral d'une dizaine de recours.
3.
Dans sa séance du 11 janvier 2007, la Cour de céans a admis le recours du SAN dans une cause analogue à la présente affaire (arrêt 6A.53/2006 du 11 janvier 2007 destiné à la publication). Ses considérants sont en résumé les suivants.
3.1 L'interdiction du dépassement par la droite découle de l'art. 35 al. 1 LCR. Il y a dépassement lorsqu'un véhicule plus rapide rattrape un véhicule circulant plus lentement dans la même direction, le devance et poursuit sa route devant lui. Dans la règle, le fait de déboîter et de se rabattre n'est pas indispensable pour qu'il y ait dépassement (ATF 126 IV 192 consid. 2a p. 194; 115 IV 244 consid. 2; 114 IV 55 consid. 1). L'autorisation de devancer par la droite dans la circulation en files parallèles, prévue aux art. 8 al. 3 et 36 al. 5 OCR, n'entre pas en considération car la bande d'arrêt d'urgence ne constitue pas une voie de circulation mais une partie d'une telle voie. Elle peut être utilisée uniquement dans les conditions prévues à l'art. 36 al. 3 OCR (ATF 114 IV 55 consid. 2c).
3.2 Quant à la qualification de l'infraction, on distingue notamment l'infraction légère et celle qui est moyennement grave. Commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être reprochée (art. 16a al. 1 let. a LCR). Après une infraction légère, le permis est retiré pour un mois au moins au conducteur qui a fait l'objet d'un retrait de permis ou d'une autre mesure administrative au cours des deux années précédentes (al. 2). L'auteur d'une infraction légère fait l'objet d'un avertissement si, au cours des deux années précédentes, le permis ne lui a pas été retiré et qu'aucune autre mesure administrative n'a été prononcée (al. 3). En cas d'infraction particulièrement légère, il est renoncé à toute mesure administrative (al. 4).
En revanche, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, commet une infraction moyennement grave la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Après une infraction moyennement grave, le permis est retiré pour un mois au moins (art. 16b al. 2 let. a LCR).
3.3 La Cour de céans s'est référée à son arrêt 6A.22/2005 du 31 mai 2005 où a été jugée moyennement grave la faute d'un motocycliste qui avait, le soir, emprunté la bande d'arrêt d'urgence, sur une distance d'un kilomètre, pour remonter la colonne ralentie par les travaux de Glion, afin de sortir de l'autoroute. Même s'il roulait à 10 km/h, sa faute ne pouvait plus être qualifiée ni objectivement ni subjectivement de légère. La Cour a relevé que l'interdiction de dépasser par la droite constituait une règle élémentaire de la circulation qui doit être impérativement respectée car elle vise la sécurité du trafic routier et son bon déroulement. Le risque pour les autres usagers est réel puisqu'ils ne s'attendent pas, en principe, à être dépassés par la droite sur la bande d'arrêt d'urgence, ce qui peut entraîner des réactions inappropriées. En outre, on ne peut exclure qu'un véhicule en détresse se rabatte sur cette bande ou que les conducteurs le fassent en raison de l'intervention d'un véhicule prioritaire.
3.4 Enfin, la Cour de céans a souligné que le comportement en cause, s'il se généralise, peut entraîner un engorgement de la bande d'arrêt d'urgence elle-même. Cela pose des problèmes de priorité à la sortie entre les usagers qui ont patienté avant de pouvoir quitter l'autoroute et ceux qui arrivent sur leur droite en ayant illicitement utilisé la bande d'arrêt d'urgence.
4.
En l'espèce, la jurisprudence précitée s'applique au cas de l'intimé. Il ne conteste pas qu'il a utilisé la bande d'arrêt d'urgence, sur environ 100 m, pour atteindre la sortie de l'autoroute en dépassant par la droite des files de véhicules ralenties. Sa faute est moyennement grave, le risque créé ne paraît pas non plus particulièrement léger.
L'erreur de droit ne saurait être admise car l'intéressé n'avait pas de raison suffisante de se croire en droit d'agir comme il l'a fait (ATF 129 IV 238 consid. 3.1; 104 IV 217 consid. 2). Même si les informations des médias créent un doute, l'auteur ne peut pas se déclarer convaincu qu'il agit de façon licite. Il lui appartient de s'abstenir d'agir ou de se renseigner avant de le faire. En particulier, ici, la présence du camion masquant la vue aurait dû amener l'intimé à s'assurer que la signalisation particulière ne lui avait pas échappé, cela avant de déboîter.
Ainsi, l'arrêt attaqué, qui n'ordonne aucune mesure administrative, viole l'art. 16b LCR. Il est annulé. En conséquence, la Cour de céans prononce le retrait d'admonestation du permis de conduire de l'intimé durant un mois pour toutes les catégories et sous-catégories, à l'exception des catégories spéciales F, G et M (art. 114 al. 2 OJ). Le SAN fixera la date à laquelle ce retrait prendra effet.
Au surplus, la cause est renvoyée au Tribunal administratif vaudois pour le règlement des frais de la procédure cantonale ( art. 157 et 159 al. 6 OJ ).
5.
L'intimé, qui n'obtient pas gain de cause, supporte les frais de la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens au SAN (art. 159 al. 2 OJ).
La requête d'effet suspensif est sans objet.
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est admis et l'arrêt attaqué est annulé.
2.
Le permis de conduire de l'intimé est retiré pour une durée d'un mois.
3.
Un émolument judiciaire de 2000 francs est mis à la charge de l'intimé.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif vaudois afin qu'il statue à nouveau sur les frais de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, à l'intimé, ainsi qu'au Tribunal administratif vaudois et à l'Office fédéral des routes Division circulation routière.
Lausanne, le 29 mars 2007
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: