BGer U 152/2006
 
BGer U 152/2006 vom 10.04.2007
Tribunale federale
{T 7}
U 152/06
Arrêt du 10 avril 2007
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme Berset.
Parties
B.________,
recourant, représenté par Me Pierre-Henri Dubois, avocat, Faubourg du Lac 13, 2001 Neuchâtel,
contre
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents,
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 8 février 2006.
Faits:
A.
B.________, né en 1961, maçon, a été victime d'un accident de la circulation le 14 janvier 2000, entraînant des contusions multiples, notamment lombaires. Les examens radiologiques initiaux ont mis en évidence une fracture du plateau supérieur de D11, associée à un spondylolisthesis de L4 sur L5. L'évolution a été défavorable, malgré un traitement conservateur. Le 6 octobre 2000, l'assuré a subi en milieu hospitalier une spondylodèse postérieure L4-L5 doublée d'une greffe iliaque postérieure gauche.
Par la suite, le patient a séjourné à la Clinique X.________ du 26 octobre au 6 décembre 2000. Le séjour a été interrompu en raison d'une irritation radiculaire L5 droite occasionnée par une visse transpédiculaire. Aussi bien l'assuré a-t-il été opéré une seconde fois le 13 décembre 2000 afin de repositionner le matériel d'ostéosynthèse. La réadaptation s'est ensuite poursuivie à la Clinique X.________ du 9 janvier au 21 février 2001. Durant ce séjour, les médecins ont été confrontés à un patient très algique, fixé sur ses douleurs et incapable de reconnaître l'amélioration objective progressive de son état. Le patient a ensuite été adressé à la consultation de la douleur de l'hôpital Y.________. Le docteur W.________, responsable de cette unité, a tenté des blocs anesthésiques au niveau des facettes articulaires de L3-L4 et de L5/S1, mais sans succès.
A l'initiative de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel, une expertise médicale a été confiée au docteur B.________, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie. Dans son rapport du 13 mai 2002, l'expert a posé le diagnostic de lombalgies chroniques persistantes, de status après intervention pour spondylolisthesis L4-L5 par spondylodèse L4-L5, de reprise chirurgicale pour syndrome radiculaire L5 droit irritatif, de fracture-tassement du plateau vertébral supérieur de D11, actuellement consolidée. Selon l'expert, l'examen rhumatologique a permis de constater un rachis lombaire particulièrement enraidi et limité dans tous les axes. Il s'y ajoute un important syndrome vertébral lombaire étagé avec une difficulté d'évaluer avec précision le status neurologique du membre inférieur gauche, vu les algies. L'expert a noté que les signes de non-organicité décrits par Waddell dans les lombalgies étaient absents chez l'assuré dans une proportion de 5/5. Il a conclu que l'assuré était dans l'incapacité totale de reprendre sa profession antérieure dans le bâtiment, qui apparaissait formellement contre-indiquée. Il n'était en outre pas possible d'attester l'existence d'une capacité de travail résiduelle dans une profession adaptée, vu la persistance d'algies intenses et non simulées.
L'assuré a été examiné le 7 juin 2002 par le docteur E.________, spécialiste FMH en chirurgie et médecin-conseil de la CNA. En ce qui concerne les activités adaptées d'un point de vue médico-théorique, ce médecin a fait référence à des activités légères, sans position figée ou vicieuse du rachis, le patient devant pouvoir se dégourdir à sa guise et alterner les positions assise et debout, avec également la nécessité de pauses prolongées. Afin de déterminer les réelles capacités d'endurance de l'intéressé, le médecin-conseil a préconisé la réalisation de tests d'évaluation des capacités fonctionnelles à la Clinique Z.________.
L'assuré a séjourné dans cet établissement les 26 et 27 novembre 2002. Le 3 janvier 2003, la clinique a déposé un rapport signé par le docteur O.________, chef du service d'ergonomie, et F.________, physiothérapeute. Il en ressort, en substance, que les tests pratiqués ne permettaient pas de retenir une capacité résiduelle de travail, en raison de l'auto-limitation des capacités physiques présentée par l'intéressé. Les aptitudes de ce dernier ne pouvaient pas être réellement évaluées. Par comparaison avec d'autres cas semblables, une activité très légère à plein temps pouvait cependant être exigée de l'assuré.
Par décision du 3 mai 2004, la CNA a alloué à l'assuré une rente d'invalidité fondée sur une incapacité de gain de 28 %, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 23 %. Pour calculer l'invalidité, la CNA a retenu que l'assuré serait à même d'exercer une activité légère, en position essentiellement assise, toute la journée. Il pourrait réaliser ainsi un revenu mensuel de 3'750 fr. Comparé à un revenu sans invalidité de 5'240 fr., on obtient un taux (arrondi) d'invalidité de 28 %.
Par acte du 3 juin 2004, l'assuré s'est opposé à cette décision en se prévalant d'un rapport du 19 mai 2004 de la doctoresse N.________, spécialiste FMH en médecine interne/maladies rhumatismales. La CNA a rejeté cette opposition par une nouvelle décision du 7 septembre 2004.
B.
Par jugement du 8 février 2006, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition de la CNA.
C.
B.________ interjette un recours de droit administratif contre ce jugement dont il demande l'annulation en concluant, sous suite de frais et dépens, à la mise en oeuvre d'une expertise complémentaire en vue de déterminer la diminution de sa capacité de gain.
La CNA conclut au rejet du recours tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L' acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
2.
Est seul litigieux, en procédure fédérale, le taux d'incapacité de gain du recourant, plus spécialement le point de savoir si le recourant est ou non à même, malgré son atteinte à la santé, d'exercer à plein temps une activité légère. Le recourant ne remet pas en cause le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité. S'agissant des règles pertinentes, elles ont été exposées de manière détaillée par les premiers juges, de sorte que l'on peut, sur ce point, renvoyer au jugement attaqué.
3.
3.1 On est en présence d'appréciations médicales diamétralement opposées en ce qui concerne la capacité résiduelle de travail du recourant. Selon le docteur B.________, cette capacité est inexistante, vu la persistance des algies intenses et non simulées. Même des mesures d'ordre professionnel ne sont pas indiquées (« Le patient est beaucoup trop algique et handicapé pour pouvoir fréquenter un stage d'évaluation (et) même dans une activité adaptée et légère la capacité de travail de ce patient peut être également considérée comme voisine de zéro »). Les auteurs du rapport de la Clinique Z.________ parviennent quant à eux à la conclusion que l'assuré est en mesure, à tout le moins, d'exercer une activité très légère à plein temps.
3.2 Il n'y a pas de raison d'écarter d'emblée l'expertise du docteur B.________ au profit des conclusions de la Clinique Z.________. Certes, celle-ci a mis en évidence un manque de coopération de l'assuré. Mais cet élément, à lui seul, ne suffit pas à motiver le choix opéré par les premiers juges en faveur de ces conclusions. Le mandat confié à la clinique de réhabilitation n'avait pas pour but la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise médicale. Il s'agissait, comme cela ressort de la remarque préliminaire qui figure dans le rapport de la clinique, d'évaluer la capacité fonctionnelle de l'assuré (système Isernhagen, d'après les directives du Groupe Suisse de Travail pour la Réadaptation). Un éventuel manque de collaboration de l'assuré dans ce contexte n'est pas apte, comme tel, à renverser les conclusions d'une expertise médicale antérieure. Par ailleurs, les médecins de la clinique ont procédé par comparaison, en ce sens qu'en l'absence de tests pouvant être considérés comme fiables, ils ont, de manière théorique et en référence à des situations semblables, conclu à une capacité de travail résiduelle entière dans une activité très légère. Cette conclusion se fonde sur des données tirées de l'expérience médicale en général, qui ne saurait sans plus supplanter les constatations médicales d'un expert fondées principalement sur un examen clinique approfondi. On notera que le médecin-conseil de la CNA, qui a aussi pratiqué un examen clinique détaillé, préconisait une activité légère permettant des pauses prolongées avec la possibilité pour l'intéressé de se dégourdir; il n'envisageait donc certainement pas une activité à plein temps ou du moins pas avec un plein rendement.
3.3 Les motifs invoqués par les premiers juges en faveur des conclusions de la Clinique Z.________ ne sont pas déterminants. S'il est vrai que cette clinique et la Clinique X.________ ont fait état de signes de non-organicité, le docteur B.________ a pour sa part constaté l'absence de tels signes. Quant au fait que les médecins de la Clinique X.________ ont été confrontés à un patient très algique, fixé sur ses douleurs et incapable de reconnaître l'amélioration objective progressive de son état, il n'est pas non plus décisif : cet élément était connu du docteur B.________, qui l'a dûment pris en considération. Il en va de même en ce qui concerne la constatation du docteur G.________, chirurgien-chef à l'hôpital U.________, qui a noté dans un rapport du 12 octobre 2001 « une situation algique lombaire relativement diffuse qui ne trouve pas d'explication nette au niveau du squelette et des structures neurales vertébrales ». Cet avis était également connu de l'expert; il ne contient au demeurant aucune appréciation relative à la capacité de travail du patient.
3.4 Si le rapport de la Clinique Z.________ est de nature à jeter un doute sur le bien-fondé des conclusions du docteur B.________, il n'emporte pas la conviction que l'assuré est à même de travailler à plein temps dans une activité légère et sans limitation de rendement. En l'absence d'élément probant et décisif qui permettrait de départager les avis opposés en présence, il se justifie d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la décision sur opposition, et de renvoyer la cause à la CNA pour qu'elle mette en oeuvre une nouvelle expertise et rende une nouvelle décision.
4.
Vu la nature du litige, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recourant, qui obtient gain de cause et est représenté par un avocat, a droit à des dépens à la charge de l'intimé (art. 159 al. 1 OJ en relation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 8 février 2006, ainsi que la décision sur opposition du 7 septembre 2004, sont annulés, la cause étant renvoyée à la CNA pour complément d'instruction au sens des considérants.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
La CNA versera au recourant la somme de 2'500 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.
4.
Le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel est invité à statuer sur les dépens de la procédure cantonale au regard de l'issue de la procédure fédérale.
5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 10 avril 2007
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: