Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.24/2007 /ech
Arrêt du 26 avril 2007
Ire Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Thélin.
Parties
A.________,
B.________,
C.________,
défendeurs et recourants,
représentés par Me Christophe Zellweger,
contre
Banque X.________,
demanderesse et intimée, représentée par Me Serge Fasel.
Objet
engagement solidaire à fin de garantie
recours en réforme contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2006 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Faits :
A.
Dès le 26 mai 1997, la Banque X.________ a ouvert un crédit en compte courant à N.________ Sàrl et à ses deux associés gérants, A.________ et D.________. Tous trois traitaient avec la banque en qualité de « codébiteurs solidaires »; les associés signèrent les documents d'ouverture tant pour la société qu'en leur propre nom. Le crédit s'élevait à 25'000 fr. au maximum et il était destiné au fonds de roulement de la société. Il pouvait être dénoncé en tout temps, conformément aux conditions générales de la banque; le taux d'intérêts était fixé à 6,5% par an.
Le montant maximum fut porté à 50'000 fr. dès le 19 mai 2000. A.________, alors unique associé gérant, signa derechef en qualité de codébiteur solidaire, au nom de la société et en son propre nom.
N.________ Sàrl fut transformée en société anonyme dès le 24 octobre 2000; A.________, B.________ et C.________ étaient désormais actionnaires et administrateurs avec droit de signature collective à deux. Le crédit fut porté à 80'000 fr. le 4 janvier 2001. La société et les trois administrateurs étaient codébiteurs solidaires. A.________ et C.________ signèrent pour la société et en leur propre nom; B.________ signa en son propre nom.
La faillite de N.________ SA est survenue le 27 novembre 2001. Dès juillet 2002, la banque s'est adressée à A.________, B.________ et C.________ en vue d'obtenir d'eux le remboursement du crédit; des pourparlers se sont poursuivis jusqu'au début de 2003 mais n'ont pas abouti. Au 10 juin 2004, le solde du compte courant s'élevait à 112'755 fr.55 en faveur de la banque.
Le 28 juin 2004, celle-ci a fait notifier des commandements de payer à chacun des trois administrateurs, tendant au recouvrement de ce dernier montant, avec intérêts au taux de 6,5% par an dès le 11 juin 2004. Les débiteurs ont formé opposition.
B.
Le 19 juillet 2004, la Banque X.________ a ouvert action contre A.________, B.________ et C.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait à la condamnation des défendeurs, solidairement entre eux, au paiement de 112'755 fr.55 avec intérêts au taux de 6,5% par an dès le 11 juin 2004. La demande tendait en outre à la levée des oppositions.
Procédant conjointement, les défendeurs ont conclu au rejet de l'action.
Le tribunal s'est prononcé le 2 mars 2006; il a donné entièrement gain de cause à la demanderesse.
Les défendeurs ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a rendu son arrêt le 17 novembre 2006. Elle a annulé le jugement. Statuant à nouveau, elle a condamné les défendeurs à payer, solidairement entre eux, 102'470 fr.10 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 4 juillet 2002, mais elle n'a pas levé, même partiellement, leurs oppositions aux commandements de payer. A l'instar du premier juge, la Cour a retenu l'existence d'une reprise cumulative de dette entre N.________ SA et les trois défendeurs, la dette ayant pour objet le remboursement du crédit. Les défendeurs n'étaient pas fondés à contester leur engagement à titre personnel, ni, subsidiairement, à soutenir qu'ils avaient souscrit un cautionnement en faveur de N.________ SA et que la forme légale n'avait pas été observée. Ils n'avaient non plus aucune créance en dommages-intérêts qui pût compenser le remboursement du crédit. Celui-ci était devenu exigible, contre les défendeurs, le 4 juillet 2002. Le solde du compte s'élevait alors à 102'470 fr.10 et depuis cette date, la demanderesse ne pouvait pas prétendre à des intérêts supérieurs au taux légal.
C.
Agissant conjointement par la voie du recours en réforme, les défendeurs requièrent le Tribunal fédéral de modifier l'arrêt de la Cour de justice en ce sens que l'action soit entièrement rejetée.
La demanderesse conclut au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt dont est recours a été rendu avant l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2007, de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RO 2006 p. 1242). En vertu de l'art. 132 al. 1 de cette loi, la cause demeure soumise à la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ).
2.
Le recours est formé par trois parties qui ont succombé dans des conclusions concernant leurs situations juridiques personnelles. Il est dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal suprême (art. 48 al. 1 OJ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est en principe recevable.
Le recours en réforme peut être exercé pour violation du droit fédéral, à l'exclusion des droits constitutionnels et du droit cantonal (art. 43 al. 1 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste ou qu'il soit nécessaire de compléter, sur des points accessoires, les constatations de l'autorité cantonale sur la base du dossier (art. 63 al. 2, 64 al. 2 OJ).
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation des parties (art. 63 al. 1 OJ) et il apprécie librement la portée juridique des faits (art. 43 al. 4, 63 al. 3 OJ); néanmoins, d'ordinaire, il se prononce seulement sur les questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. c OJ concernant la motivation du recours (ATF 117 II 199 consid. 1 p. 200; 116 II 92 consid. 2 p. 94).
3.
Il est constant que la demanderesse a mis des fonds à la disposition de N.________ SA et qu'elle pouvait prétendre à leur remboursement par cette personne morale. Le litige porte sur le point de savoir si elle peut exiger ce remboursement aussi des trois défendeurs, solidairement entre eux et avec la société. A titre principal, ces derniers prétendent n'avoir agi qu'au nom de la société et ils contestent tout engagement personnel; à titre subsidiaire, ils prétendent avoir souscrit un cautionnement en faveur de la société, cependant sans que la forme légale fût observée, de sorte qu'ils ne sont pas non plus obligés. Ils contestent la reprise cumulative de dette retenue par la Cour de justice.
4.
Les constatations de cette autorité doivent être complétées conformément à l'art. 63 al. 2 OJ, dans la mesure où son prononcé mentionne un « acte de crédit » du 4 janvier 2001 qui n'est pas décrit de façon suffisamment détaillée. A cette date, la demanderesse a établi de nouveaux documents d'ouverture du crédit. Le document principal se présentait comme une lettre de trois pages adressée par la demanderesse à N.________ SA et aux trois défendeurs « en [leur] qualité de codébiteurs solidaires ». Au bas de chaque page, sous l'expression « bon pour accord » apposée avec un tampon, la raison sociale « N.________ SA » et les noms de chacune des personnes physiques étaient dactylographiés. A chaque page, A.________ a placé sa signature manuscrite deux fois, soit une superposée à la raison sociale et une superposée à son propre nom; C.________ a agi de façon identique et B.________ n'a signé qu'une fois à chaque page, sur son nom.
Au regard du principe de la confiance qui régit l'interprétation des manifestations de volonté (ATF 132 III 24 consid. 4 p. 27/28; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611), ce mode de faire signifiait que les défendeurs acceptaient les propositions de la demanderesse non seulement au nom de la personne morale dont ils étaient organes mais aussi en leur propre nom. Il importe peu que les défendeurs, selon leurs affirmations, n'aient alors pas voulu prendre un engagement personnel ou pas compris qu'ils prenaient un tel engagement.
5.
Il reste à déterminer si l'acceptation des défendeurs obligeait ceux-ci à rembourser eux-mêmes le crédit, conformément à l'appréciation de la Cour de justice, ou si elle impliquait seulement un cautionnement en faveur de N.________ SA, selon leur propre thèse. Le crédit était ouvert sur un compte courant de cette société, à l'usage de celle-ci, et l'engagement des défendeurs n'avait pas de but autre que garantir à la demanderesse le remboursement des fonds dans l'éventualité où la société ne fournirait pas elle-même cette prestation.
Une personne peut garantir le paiement d'un tiers débiteur en s'obligeant par un contrat de cautionnement conclu entre lui et le créancier, selon l'art. 492 al. 1 CO. Ce but peut cependant aussi être réalisé avec d'autres instruments juridiques tels que la promesse de porte-fort (art. 111 CO) ou l'engagement solidaire; ce dernier est dit reprise cumulative de dette s'il intervient alors que le débiteur s'est déjà obligé (Philippe Meier, Commentaire romand, ch. 32 p. 2528). L'engagement solidaire naît lorsque le garant déclare au créancier qu'il pourra être recherché au même titre et pour les mêmes prestations que le débiteur; ce dernier et le garant sont alors tenus solidairement selon 143 al. 1 CO (ATF 129 III 702 consid. 2.1 p. 704). L'expression « codébiteurs solidaires », utilisée dans la lettre du 4 janvier 2001 et acceptée par les défendeurs, signifie en principe que ces derniers s'obligeaient de cette manière.
En vertu de l'art. 493 al. 2 CO, une personne physique ne peut s'obliger par cautionnement qu'en émettant une déclaration revêtue de la forme authentique, alors que la promesse de porte-fort ou l'engagement solidaire sont des actes qui ne supposent aucune forme particulière (art. 11 al. 1 CO). En optant pour l'une ou l'autre de ces deux garanties-ci, les parties peuvent éviter les difficultés ou inconvénients de la forme authentique et l'obligation du garant n'en est pas moins valable. Si, à ce sujet, une volonté commune des parties ne peut pas être constatée, c'est le principe de la confiance qui détermine le type de garantie adopté par elles. Cependant, compte tenu que dans le cautionnement, la forme authentique est requise pour la protection du garant contre des engagements auxquels celui-ci n'aurait pas mûrement réfléchi, le juge n'admet qu'avec retenue le choix des parties en faveur de la promesse de porte-fort ou de l'engagement solidaire; dans le doute, indépendamment des termes dans lesquels une personne physique a déclaré qu'elle garantirait l'obligation d'un tiers, cette personne est réputée avoir contracté un cautionnement (ATF 129 III 702 consid. 2.3 p. 705 et consid. 2.5 p. 709).
Lorsque, comme en l'espèce, une personne physique promet explicitement un engagement solidaire, elle n'assume l'obligation correspondante que si une condition supplémentaire est réalisée. Il faut que par suite de sa formation ou de ses activités, cette personne soit rompue aux contrats de sûreté et connaisse le vocabulaire juridique suisse usité dans ce domaine. Sinon, l'accord des parties doit attester que le garant connaissait réellement la portée de son engagement et l'accord doit aussi révéler les motifs qui ont détourné les parties de conclure un cautionnement (ATF 129 III 702 consid. 2.4.2 et 2.4.3 p. 708). Outre ces hypothèses, l'engagement solidaire est encore admis, à l'exclusion du cautionnement, lorsque le garant a un intérêt direct et matériel dans l'affaire à conclure entre le débiteur et le créancier, et que ce dernier a connaissance de cet intérêt et qu'il peut donc apercevoir le motif pour lequel le garant se déclare prêt à assumer une obligation identique à celle du débiteur. Il en va ainsi, notamment, lorsque le débiteur est lié au garant par un contrat de société et que l'affaire concourt à la réalisation de leur but commun (ATF 129 III 702 consid. 2.6 p. 710).
Le crédit ouvert par la demanderesse était destiné au fonds de roulement et donc aux opérations d'une société anonyme dont les trois défendeurs étaient actionnaires et administrateurs. Leur intérêt personnel et matériel, dans cette affaire, est donc indiscutable; d'un point de vue économique, ils n'intercédaient pas pour un tiers débiteur mais ils agissaient aux fins de leur propre activité commerciale. Ainsi, la Cour de justice retient à bon droit qu'ils se sont engagés solidairement avec cette société anonyme, conformément aux termes de leur accord avec la demanderesse. Pour contester leur intérêt personnel, les défendeurs se réfèrent à un précédent (ATF 125 III 305) où le garant, qui était certes l'actionnaire unique de la société débitrice, n'avait pas déclaré s'engager solidairement avec cette dernière; il avait fait une promesse de porte-fort qui, faute d'être indépendante de l'obligation garantie, était en réalité un cautionnement. Dans ce contexte juridique différent, l'arrêt indique textuellement que l'existence ou l'inexistence d'un intérêt propre et direct du garant, dans l'affaire conclue avec le créancier, ne jouait pas de rôle décisif (ATF 125 III 305 p. 310 in fine). Contrairement à l'argumentation présentée, on ne peut donc pas déduire de cet arrêt que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'actionnaire d'une société ne poursuive pas un intérêt personnel et matériel lorsqu'il garantit une obligation de cette même société.
L'engagement des défendeurs n'étant pas soumis aux règles du cautionnement, l'art. 493 al. 2 CO ne fait pas obstacle à l'action intentée contre eux.
6.
Le recours se révèle mal fondé, ce qui conduit à son rejet. Les défendeurs succombent entièrement dans l'instance de réforme et ils doivent donc supporter en entier les frais et dépens de cette instance; contrairement à leur opinion, il importe peu qu'ils aient obtenu partiellement gain de cause dans l'instance précédente.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les défendeurs acquitteront un émolument judiciaire de 5'000 fr.
3.
Les défendeurs acquitteront, solidairement entre eux, une indemnité de 6'000 fr. due à la demanderesse à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 26 avril 2007
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: