Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6P.202/2006
6S.458/2006 /rod
Arrêt du 27 avril 2007
Cour de cassation pénale
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Wiprächtiger et Mathys.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Claude-Alain Boillat,
avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 1014 Lausanne.
Objet
6P.202/2006
6S.458/2006
Fixation de la peine (art. 63 CP); violation grave de la LCR,
recours de droit public (6P.202/2006) et pourvoi en nullité (6S.458/2006) contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois du 15 juin 2006.
Faits :
A.
Le 9 mai 2005 vers 3 h 20, des gendarmes occupés par un contrôle ont informé leurs collègues qu'ils avaient vu passer une voiture de marque Maserati roulant très vite sur l'autoroute A1 en direction de Lausanne. Le gendarme dénonciateur, positionné sur la voie d'engagement d'Aubonne, a vu le véhicule signalé arriver à très vive allure et a tenté de le rejoindre, sans toutefois y parvenir malgré le fait qu'il ait roulé à la vitesse maximale de sa voiture de service. Il n'a rattrapé le véhicule pourchassé, conduit par X.________, qu'à l'échangeur d'Ecublens, soit après quinze kilomètres de poursuite.
B.
Par jugement du 29 mars 2006, le Tribunal de police de l'arrondissement de la Côte a reconnu X.________ coupable de violation grave des règles de la circulation et l'a condamné à la peine de 15 jours d'emprisonnement avec sursis pendant 5 ans ainsi qu'à une amende de 2'000 fr. avec délai d'épreuve et de radiation de deux ans.
Le tribunal a retenu que X.________ avait circulé à une vitesse supérieure à 162 km/h alors que la vitesse maximale autorisée était de 120 km/h.
C.
Le 15 juin 2006, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par X.________ contre ce jugement, qu'elle a confirmé. Elle a estimé que sur la base de l'ensemble des éléments à sa disposition, savoir principalement les déclarations et constatations du gendarme dénonciateur, l'autorité de première instance était fondée à retenir que X.________ avait circulé à une vitesse supérieure à 162 km/h et que, la vitesse étant ainsi établie, la condamnation de celui-ci ne viole pas la présomption d'innocence.
D.
X.________ forme un recours de droit public contre cet arrêt. Invoquant une violation de l'interdiction de l'arbitraire, de la présomption d'innocence et de son droit d'être entendu, il conclut, avec suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué. Il sollicite en outre l'effet suspensif.
E.
X.________ se pourvoit également en nullité contre cet arrêt. Invoquant une violation de l'art. 63 CP, il conclut, avec suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
F.
L'autorité cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt et n'a pas formulé d'observations, s'en remettant par ailleurs à justice en ce qui concerne la demande d'effet suspensif.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Or, conformément à l'art. 132 al. 1 LTF, cette loi ne s'applique aux procédures de recours que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur. C'est donc sur la base de l'ancien droit de procédure, en l'espèce les art. 84 ss OJ pour le recours de droit public et 268 ss PPF concernant le pourvoi en nullité, que doit être tranchée la présente cause.
I. Recours de droit public
2.
Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 26 consid. 2.1; 129 I 185 consid. 1.6 p. 189, 113 consid. 2. 1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76). Le Tribunal fédéral n'entre pas non plus en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).
3.
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué viole l'interdiction de l'arbitraire dans l'établissement des faits et l'appréciation des preuves. Il estime que l'arrêt attaqué repose sur des constatations arbitraires et contradictoires dans la mesure où il retient que le véhicule des gendarmes n'est pas parvenu à rejoindre le sien alors qu'il l'a finalement rattrapé. Il reproche en outre à l'arrêt attaqué de ne contenir aucune indication sur la vitesse du véhicule suiveur et de ne pas prendre en compte le fait que celui-ci était à l'arrêt au moment où il a commencé sa poursuite. Le recourant fait enfin valoir que l'on ne saurait considérer sa vitesse comme établie alors qu'il n'est pas fait mention d'un étalonnage spécifique du véhicule piloté par l'agent dénonciateur et que la mesure n'a pas été effectuée dans le respect des instructions du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC).
Une décision est arbitraire et donc contraire à l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole clairement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou contredit de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables, il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58). A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale apparaisse également concevable ou même préférable (ATF 128 II 259 consid. 5 p. 280; 127 I 54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les arrêts cités).
En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, une décision est entachée d'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un moyen de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des déductions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1; 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4a).
Il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que le véhicule de police a poursuivi, à la vitesse de 162 km/h, celui du recourant sur une distance de 15 kilomètres sans parvenir à le rattraper. Le rapport de gendarmerie précise que non seulement le véhicule suiveur n'a pas pu rattraper celui du recourant mais qu'il n'a même pas pu s'en rapprocher suffisamment pour pouvoir distinguer ses feux arrière caractéristiques, raison pour laquelle les policiers ont fait appel à une autre patrouille, qui s'est placée à proximité de l'échangeur d'Ecublens. Quelques instants plus tard, cette dernière a informé les policiers qui avaient pris en chasse le véhicule du recourant que celui-ci venait de passer à leur hauteur et avait fortement ralenti à l'approche de l'échangeur. Le véhicule suiveur était alors à une distance de l'ordre de 5 km de celui du recourant, qui a pu être interpellé à la hauteur de la jonction de St-Sulpice.
On constate immédiatement l'inanité de l'argument tiré par le recourant de la prétendue contradiction entre le fait que le véhicule des gendarmes n'est pas parvenu à rejoindre le sien et la constatation qu'il l'a finalement rattrapé. En effet, il est évident que le véhicule suiveur est resté à distance de celui du recourant jusqu'au moment où celui-ci a fortement ralenti, ce qui a permis aux gendarmes de le rattraper. On constate par ailleurs qu'au moment où le recourant a commencé de décélérer, une distance de l'ordre de 5 km le séparait de la voiture qui tentait de le rattraper. Dans ces circonstances, on ne saurait considérer comme arbitraire de n'avoir pas tenu compte du fait que le véhicule de police était à l'arrêt au moment où il a entamé sa poursuite. En effet, non seulement les gendarmes ne sont pas arrivés à rejoindre le recourant mais celui-ci est encore parvenu à mettre une distance non négligeable entre lui et le véhicule qui le suivait, de sorte qu'il n'était pas arbitraire d'admettre qu'il circulait pour le moins à la même vitesse que ce dernier.
Le recourant reproche en outre à l'autorité cantonale d'avoir fondé sa décision sur une mesure de vitesse qui n'avait pas été effectuée dans le respect des instructions techniques concernant les contrôles de vitesse du DETEC. Comme l'a relevé l'autorité cantonale, les instructions de ce genre constituent de simples recommandations, qui n'ont pas force de loi et ne lient ni le juge, ni les autorités administratives ou de police elles-mêmes (ATF 123 II 106 consid. 2e p. 113; 121 IV 64 consid. 3 p. 66; 102 IV 271). Le juge pénal n'est donc en principe pas restreint dans son pouvoir de libre appréciation des preuves et peut, sur la base d'une appréciation non arbitraire de l'ensemble des éléments à sa disposition, parvenir à la conclusion que le prévenu a circulé à la vitesse indiquée dans le rapport alors même qu'elle n'aurait pas été mesurée selon les recommandations émises dans ces instructions. Tel est le cas en l'espèce dès lors que, comme cela ressort des considérations qui précèdent, l'appréciation des preuves faite par l'autorité cantonale n'est pas arbitraire.
4.
Le recourant reproche par ailleurs aux juges cantonaux d'avoir violé le principe «in dubio pro reo» car ils auraient dû éprouver des doutes sérieux quant à la vitesse à laquelle il a circulé.
La présomption d'innocence, garantie par l'art. 32 al. 1 Cst. et par les art. 6 par. 2 CEDH et 14 par. 2 Pacte ONU II, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36). En tant que règles sur le fardeau de la preuve, ces principes signifient, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter à l'accusé. Comme règles de l'appréciation des preuves, ils sont violés lorsque le juge, qui s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des doutes quant à la culpabilité de l'accusé au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis. Le Tribunal fédéral examine librement si ces principes ont été violés en tant que règle sur le fardeau de la preuve, mais il n'examine que sous l'angle de l'arbitraire la question de savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle de l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38).
En l'espèce, il n'appert nullement, et le recourant ne le prétend d'ailleurs lui-même pas, que l'autorité cantonale aurait renversé le fardeau de la preuve, ni qu'elle aurait éprouvé un doute qu'elle aurait interprété en défaveur de l'accusé. La seule question soulevée par le recourant est celle de savoir si l'autorité cantonale aurait dû éprouver un doute, de sorte que son grief tiré de la violation de la présomption d'innocence se confond avec celui d'appréciation arbitraire des preuves, qui a déjà été examiné.
5.
Le recourant soutient, enfin, que le défaut de verbalisation des déclarations du passager de son véhicule, entendu en qualité de témoin par le tribunal de police, viole son droit d'être entendu.
Selon l'art. 325 du Code de procédure pénale vaudois (ci-après: CPP/VD), l'instruction principale est faite aux débats et elle est orale. Les dépositions des témoins sont verbalisées d'office s'il y a des raisons sérieuses de penser que leurs déclarations sont fausses (art. 339 et 351 al. 2 CPP/VD). En tout temps, le prévenu, respectivement son conseil, peuvent, par la voie incidente, réclamer la verbalisation d'éléments essentiels portant sur l'issue du litige et recourir contre un éventuel refus subséquent du juge (Laurent Moreillon/Denis Tappy, Verbalisation des déclarations de parties, de témoins ou d'experts en procédure pénale et en procédure civile, in JT 2000 III p. 18, spéc. p. 19; voir aussi Bernard Abrecht, L'absence de verbalisation des témoignages en procédure civile et pénale vaudoise est-elle compatible avec l'article 4 Cst. ?, in JT 1997 III p. 34, spéc. p. 43 s. et note des rédacteurs, p. 46, spéc. p. 48).
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend, de manière générale, le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2 a/aa p. 16). Il confère également aux parties le droit d'obtenir que les déclarations de parties, de témoins ou d'experts qui sont importantes pour l'issue du litige soient consignées dans un procès-verbal, tout au moins dans leur teneur essentielle (ATF 126 I 15 consid. 2 a/aa p. 16). Le Tribunal fédéral a admis que le droit d'être entendu était respecté dans la mesure où le prévenu pouvait en tout temps réclamer par la voie incidente la verbalisation d'éléments essentiels et recourir auprès d'une juridiction supérieure contre un éventuel refus (ATF 126 I 15 consid. 2a/bb p. 18 in fine).
En l'espèce, il appartenait donc au recourant de requérir la verbalisation du témoignage invoqué lors des débats, comme la procédure pénale vaudoise lui en donnait la faculté. Or, il n'appert pas, et lui-même ne prétend d'ailleurs pas, qu'il ait fait une requête en ce sens auprès du juge de première instance ni qu'il se soit plaint du défaut de verbalisation du témoignage en question dans la procédure de recours cantonale et ce bien qu'il ait été assisté d'un avocat. Ce grief est dès lors irrecevable faute d'épuisement des instances cantonales et le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable.
6.
Vu le sort du recours de droit public, les frais afférents à celui-ci doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ).
Enfin, la cause étant ainsi tranchée, la requête d'effet suspensif est devenue sans objet.
II. Pourvoi en nullité
7.
Le recourant a également formé un pourvoi en nullité contre cet arrêt. Il n'a toutefois pas effectué l'avance de frais dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet par ordonnance du 10 octobre 2006, ce qui entraîne, conformément à la menace figurant dans ladite ordonnance, l'irrecevabilité du pourvoi, les frais étant mis à la charge du recourant (art. 278 al. 1 PPF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit public est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Le pourvoi en nullité est irrecevable.
3.
Un émolument judiciaire global de 3000 fr. est mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal et au Ministère public du canton de Vaud.
Lausanne, le 27 avril 2007
Au nom de la Cour de cassation pénale
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: