Zurück zur Einstiegsseite Drucken
Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 7}
I 525/06
Arrêt du 1er mai 2007
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.
Parties
J.________,
recourant, représenté par Othman Bouslimi, Lic. en droit, Reiterstrasse 5 A, 3013 Berne,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 6 janvier 2006.
Faits:
A.
J.________, né en 1973 et père de cinq enfants, travaillait comme aide-garagiste au service de l'entreprise X.________. A la suite d'une chute sur glissade du marche-pied d'un camion, le 15 septembre 2000, il a subi une entorse de la cheville droite, puis des lombalgies. En raison de la persistance de celles-ci, il a été mis en arrêt de travail à 100% à partir du mois de novembre 2000.
Le 21 août 2001, J.________ a présenté une demande de prestations à l'assurance-invalidité. Selon les avis médicaux recueillis par l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI), l'assuré présentait des lombalgies chroniques non spécifiques persistantes liées notamment à des troubles statiques et dégénératifs rachidiens, mais sans déficit neurologique objectivable; du point de vue neurologique et rhumatologique, il disposait d'une capacité de travail de 50% dans une activité lourde et de 100% dans une activité légère (rapports des docteurs G.________ des 5 mars et 9 avril 2001 et O.________ des 28 novembre 2000 et 16 août 2002). Consultés pour une évaluation psychiatrique, les docteurs S.________ et R.________ du Service de psychiatrie du Département de psychiatrie adulte ont fait état d'un syndrome post-traumatique avec manifestation somatoforme, d'un état dépressif moyen sans syndrome somatique (F 32.10) chez une personnalité à traits psychotiques et paranoïdes (rapport du 22 juin 2001).
Après avoir chargé son Service médical régional (SMR) d'examiner l'assuré (cf. rapport du 18 décembre 2003), l'office AI a rejeté la demande de prestation par décision du 2 avril 2004. Il a considéré que l'assuré était en mesure d'exercer une activité adaptée à plein temps qui lui permettait de réaliser un revenu de 49'950 fr.; la perte de gain (de 3,17%) en résultant par comparaison avec le revenu obtenu avant l'invalidité n'était pas susceptible d'ouvrir le droit à une rente. Produisant un rapport (du 1er juin 2004) de son médecin traitant, le docteur C.________, J.________ s'est opposé au refus de l'office AI. Celui-ci a écarté l'opposition par décision du 17 février 2005, en retenant un degré d'invalidité de 4%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente ou à des mesures de reclassement.
B.
L'assuré a déféré cette décision au Tribunal des assurances du canton de Vaud, en concluant à l'allocation d'une rente entière d'invalidité. Au cours de l'instruction, il a produit un rapport du docteur I.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 10 juin 2005, qui atteste une incapacité de travail d'au moins 70% sur le plan psychiatrique. Après avoir requis l'avis du SMR (avis de la doctoresse V.________ du 25 juillet 2005), l'office AI a conclu au rejet du recours.
Statuant le 6 janvier 2006, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a débouté l'assuré. En bref, il s'est écarté des conclusions du docteur I.________, en retenant que l'assuré ne présentait pas de comorbidité psychiatrique et n'avait pas épuisé toutes ses ressources psychiques lui permettant de surmonter sa douleur, de sorte que le syndrome somatoforme douloureux dont il était atteint n'avait pas de caractère invalidant.
C.
J.________ a interjeté un recours de droit administratif contre le jugement cantonal dont il a demandé l'annulation, en concluant à l'octroi à tout le moins d'une demi-rente d'invalidité.
L'office AI a conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances a renoncé à se déterminer.
D.
En cours d'instance, J.________ a produit un nouveau rapport du docteur C.________ daté du 7 juin 2006, en concluant à ce que lui soit reconnu le droit à une rente entière d'invalidité, ainsi qu'un rapport du docteur A.________ daté du 31 novembre 2006.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
Par ailleurs, la loi fédérale du 16 décembre 2005 modifiant la loi fédérale sur l'assurance-invalidité est entrée en vigueur le 1er juillet 2006 (RO 2006 2003), apportant des modifications qui concernent notamment la procédure conduite devant le Tribunal de céans (art. 132 al. 2 et 134 OJ). Toutefois, le présent cas n'est pas soumis au nouveau droit, du moment que le recours de droit administratif a été formé avant le 1er juillet 2006 (ch. II let. c des dispositions transitoires relatives à la modification du 16 décembre 2005).
2.
2.1 Le litige porte sur le droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité. Il s'agit, en particulier, de déterminer si J.________ souffre d'une atteinte invalidante à sa santé psychique, étant précisé que l'évaluation de sa capacité de travail sur le plan physique (100% dans une activité adaptée telle que décrite par le rapport du SMR du 23 décembre 2003) n'est pas controversée et ne prête pas à discussion.
2.2 La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant des modifications législatives notamment dans le droit de l'assurance-invalidité. Du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge des assurances se fonde en principe, pour apprécier une cause, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision sur opposition litigieuse (ATF 129 V 4 consid. 1.2, 169 consid. 1, 356 consid. 1, et les arrêts cités).
2.3 Dans la mesure où l'incapacité de travail du recourant a débuté en 2000, ces principes de droit intertemporel auraient commandé l'examen du bien-fondé de la décision du 17 février 2005 à la lumière des anciennes dispositions de la LAI pour la période s'étendant jusqu'au 31 décembre 2002, et le cas échéant, au regard des nouvelles dispositions de la LPGA pour la période postérieure (voir ATF 130 V 332 sv. consid. 2.2 et 2.3). Les premiers juges ont fait application du nouveau droit, ce qui reste toutefois sans incidence sur le sort de cette procédure, puisque les normes de la LPGA sur l'incapacité de travail (art. 6), l'incapacité de gain (art. 7), l'invalidité (art. 8) et l'évaluation du taux d'invalidité (art. 16) correspondent aux notions précédentes dans l'assurance-invalidité telles que développées jusque-là par la jurisprudence (ATF 130 V 343). Sur ces différents points, il suffit donc de renvoyer au jugement entrepris. On peut en faire de même en ce qui concerne les principes jurisprudentiels relatifs à la valeur probante d'un rapport médical, ainsi que la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux (ATF 131 V 50, 130 V 352), rappelés correctement et de manière complète par la juridiction cantonale.
3.
Le recourant reproche essentiellement aux premiers juges de s'être écartés de l'expertise du docteur I.________ selon laquelle il présenterait une comorbidité psychiatrique, contrairement à ce qu'ont retenu les médecins du SMR. Ce grief est mal fondé puisque, comme l'a retenu à juste titre la juridiction cantonale, l'appréciation du docteur I.________ n'apparaît pas convaincante sur plusieurs points.
3.1 D'une part, le psychiatre pose à titre de comorbidité psychiatrique le diagnostic de trouble dépressif majeur, épisode isolé, en rémission partielle, d'intensité actuelle mineure, avec caractéristiques psychotiques (F 32.4), qu'il déduit des résultats de l'hétéro-évaluation au moyen de l'échelle de Hamilton (p. 13 sv. de l'expertise). Ces résultats font toutefois apparaître un score de 13 points, «révélateur d'un état dépressif mineur», sans que le médecin explique pourquoi il s'écarte du diagnostic d'état dépressif moyen sans syndrome somatique posé antérieurement tant par les docteurs S.________ et R.________ que par les médecins du SMR. Or, comme le relève la doctoresse V.________ (cf. avis du 25 juillet 2005), l'état du recourant est resté stationnaire depuis l'examen effectué par ces médecins, sous réserve des éléments hétéro-agressifs relevés par le docteur I.________ qui ne correspondent cependant pas à des symptômes dépressifs. A défaut de motivation suffisante, on ne saurait dès lors retenir que le recourant présente un état dépressif d'une intensité telle qu'il ne constituerait plus une manifestation (réactive) d'accompagnement des troubles somatoformes douloureux (cf. ATF 130 V 358 consid. 3.3.1 in fine; Meyer-Blaser, Der Rechtsbegriff der Arbeitsunfähigkeit und seine Bedeutung in der Sozialversicherung, in: Schmerz und Arbeisunfähigkeit, St.-Gall 2003, p. 81, note 135).
En ce qui concerne, d'autre part, le diagnostic différentiel posé par le médecin, il doit également être écarté parce que les constatations y relatives n'apparaissent nullement convaincantes. Le docteur I.________ déduit en effet de la seule mention, par l'assuré, d'hallucinations acoustico-verbales, la possibilité d'une schizophrénie de type paranoïde (p. 14 de l'expertise), alors qu'il ne s'agit là que d'un symptôme parmi nombre d'autres qui permettent de poser un tel diagnostic. Entre autres caractéristiques de cette atteinte, dont la présence est expressément niée en l'occurrence par le médecin (p. 11 de l'expertise), on peut mentionner le délire, les troubles perceptifs et le trouble formel de la pensée (American psychiatric association, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4ème éd., traduction française par J.-D. Guelfi et al., Paris 1996, p. 344 ss).
L'avis du docteur I.________ ne peut pas non plus être suivi lorsque le médecin explique que les traits prémorbides de type limite-abandonique de l'assuré devraient être pris en compte à titre de comorbidité de la personnalité, parce que ces caractéristiques de la personnalité n'atteignent pas le seuil d'un trouble de la personnalité.
3.2 D'autre part, à la lecture de l'expertise du docteur I.________, on ne saurait retenir la présence de critères dont le cumul permet, en l'absence d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importante, d'admettre, à titre exceptionnel - surtout quand il s'agit, comme en l'espèce, de jeunes assurés (cf. Meyer-Blaser, op. cit., p. 87) - le caractère invalidant des troubles somatoformes douloureux.
Compte tenu des douleurs chroniques au dos diagnostiqués dont a notamment fait état le docteur G.________ (lombalgies chroniques non spécifiques persistantes liées notamment à des troubles statiques et dégénératifs rachidiens; rapports des 5 mars et 9 avril 2001), on peut tenir l'existence d'affections corporelles chroniques comme étant établie en l'espèce. On ne peut en dire de même, en revanche, du facteur de la perte d'intégration sociale. Si le docteur I.________ mentionne certes que l'assuré décrit un repli et un retrait importants, avec des contacts familiaux restreints au strict nécessaire, le médecin fait cependant état d'un cadre familial conservé (p. 16 de l'expertise), l'assuré pouvant en particulier compter sur l'aide de sa soeur qu'il voit du reste régulièrement une fois par semaine, de même que ses frères (p. 9 de l'expertise). Quant à l'absence de loisirs et d'une activité occupationnelle, qui dénoterait également selon l'expert la perte d'intégration sociale, cet élément n'apparaît pas pertinent, puisque le recourant n'a jamais indiqué avoir été contraint d'abandonner d'éventuels loisirs ou activités exercés par le passé en raison de ses problèmes de santé. Par ailleurs, dès lors que le docteur I.________ parvient à la conclusion qu'une prise en charge psychiatrique à laquelle le recourant semble vouloir souscrire (p. 19 de l'expertise) et un traitement antidépresseur seraient indiqués, il n'y a pas lieu de conclure à l'existence d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique ou à l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art. Selon le psychiatre, le recourant disposerait en outre de ressources résiduelles qu'il pourrait encore mettre à profit (dans le sens d'une réhabilitation progressive), ce qui constitue également un indice que celui-ci n'a pas épuisé toutes ses ressources psychiques.
Enfin, les autres éléments relevés par le docteur I.________ (sous le titre «critères de refus de rente de Mosimann») en faveur de l'acceptation d'une rente n'apparaissent pas plausibles au regard des autres pièces médicales au dossier. Ainsi l'expert nie-t-il une divergence entre les informations données par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, alors que le médecin traitant (rapport du docteur C.________ du 1er juin 2004) et les médecins du SMR (rapport du 18 décembre 2003) ont mentionné une discordance (majeure) entre les plaintes de l'assuré et les constatations objectives. Par ailleurs, le docteur I.________ note la motivation de l'assuré à suivre des mesures de placement, alors que le collaborateur de la division administrative de l'office AI indiquait, dans son rapport du 22 mars 2004 une «motivation professionnelle devenue quasi inexistante»; l'assuré s'était certes déclaré prêt à se soumettre à un processus d'aide au placement, mais avait souligné qu'il serait contraint de mettre en évidence le caractère invalidant de son atteinte dorsale en présence d'un employeur potentiel, adoptant par ailleurs une attitude fortement démonstrative.
3.3 Dans ces circonstances, on doit nier - d'un point de vue juridique - qu'une mise en valeur de la capacité de travail du recourant, jugée complète au plan somatique dans une activité adaptée, ne puisse plus entièrement être exigée de lui.
On précisera encore à cet égard qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération les nouveaux avis médicaux produits par le recourant après l'échéance du délai de recours, en dehors de toute mesure d'instruction complémentaire ou échange d'écritures ordonnés par le Tribunal de céans; ceux-ci ne constituent pas un fait nouveau ou une preuve concluante au sens de l'art. 137 let. b OJ (cf. ATF 127 V 357 consid. 4), mais une nouvelle appréciation médicale d'une situation déjà connue.
4.
L'évaluation de l'invalidité effectuée par les premiers juges à la suite de l'intimée n'est pas contestée par le recourant et n'apparaît du reste pas critiquable au vu des pièces du dossier.
Il s'ensuit que le recours est mal fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 1er mai 2007
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: