Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5P.37/2007 /frs
Arrêt du 10 mai 2007
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Hohl et Zappelli, Juge suppléant.
Greffière: Mme Jordan.
Parties
Dame X.________,
recourante, représentée par Me Monica Kohler, avocate,
contre
X.________,
intimé,
représenté par Me Marlène Pally, avocate,
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
art. 9 Cst. (modification d'un jugement de divorce),
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 11 décembre 2006.
Faits :
A.
Dame X.________ et X.________ se sont mariés le 10 juin 1988. Ils ont eu trois enfants: A.________, née le 9 septembre 1990, B.________, né le 30 mars 1992, et C.________, né le 6 octobre 1994.
Dame X.________ s'est remariée en juillet 2005 avec Y.________, dont elle avait eu un enfant en novembre 2002.
B.
Par jugement du 14 décembre 2000, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé le divorce des époux X.________. Ratifiant une convention des parties réglant l'ensemble des effets accessoires, il a notamment attribué aux deux parents l'autorité parentale conjointe ainsi que la garde alternée sur leurs trois enfants, précisant que ceux-ci passeraient en moyenne, chaque semaine, quatre jours chez leur mère et trois jours chez leur père. Il a en outre astreint ce dernier à verser à chaque enfant une contribution d'entretien mensuelle, indexable, de 600 fr. jusqu'à 7 ans, de 700 fr. jusqu'à 12 ans, de 800 fr. jusqu'à 15 ans et de 900 fr. jusqu'à la majorité, voire jusqu'à 25 ans en cas d'études sérieuses et régulières.
C.
C.a Le 19 mai 2005, dame X.________ a agi en modification du jugement de divorce. Elle a conclu, en particulier, à ce que la garde et l'autorité parentale lui soient confiées, un droit de visite - à exercer le mercredi de midi à 17 h, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires - étant réservé au père. Elle a par ailleurs demandé que les aliments soient fixés à 800 fr. jusqu'à 12 ans, 1'000 fr. jusqu'à 15 ans et 1'200 fr. jusqu'à la majorité, voire au-delà, mais jusqu'à 25 ans au maximum. Elle a enfin renoncé à la contribution de 500 fr. à son propre entretien que son ex-époux s'était engagé à payer jusqu'à ce que leur dernier enfant soit majeur. X.________ s'est opposé à l'action.
C.b Statuant le 10 mai 2006, le Tribunal de première instance du canton de Genève a donné acte aux parties de ce que la contribution à l'entretien de l'ex-épouse s'était éteinte par le remariage de l'intéressée. Pour le surplus, il a débouté la demanderesse de toutes ses conclusions.
C.c Par arrêt du 11 décembre 2006, la Chambre civile de la Cour de justice a rejeté l'appel interjeté par dame X.________ et confirmé le jugement de première instance.
En bref, elle a considéré que la mère n'avait pas démontré que l'autorité parentale conjointe aurait engendré des difficultés spécifiques ayant nui aux enfants; les faits qu'elle alléguait, anecdotiques pour la plupart, ne permettaient pas non plus de douter des capacités parentales du père. Plus particulièrement, elle n'avait établi aucun de ses griefs relatifs aux activités de loisirs, aux mesures de sécurité en voiture ainsi qu'au suivi des devoirs, les enfants ne semblant au demeurant pas rencontrer de problèmes scolaires précis. L'on ne pouvait par ailleurs pas reprocher au père de n'avoir pas pris toutes les mesures de sécurité s'agissant de l'incident survenu lors du maniement d'un fusil à plomb ainsi qu'à la piscine. Enfin, rien n'indiquait que la confiance qu'il accordait aux enfants, en leur permettant d'aller en ville sans lui ou en les laissant seuls à la maison, pour de courts laps de temps, n'était pas méritée. A cela s'ajoutait que le rapport du Service de Protection de la Jeunesse (ci-après: SPJ) ne concluait à l'attribution des droits parentaux à la mère qu'en raison de l'opposition de cette dernière à maintenir une autorité et une garde partagées. Le SPJ n'avait en effet relevé aucune carence dans le comportement du père qui aurait commandé que l'autorité parentale lui soit retirée. Au contraire, il avait constaté l'adéquation et l'investissement de chacun des parents dans la prise en charge et l'éducation des enfants, de même que la complémentarité de leurs conceptions éducatives. Il soulignait en outre que, dans l'intérêt des enfants, les parents devaient se soutenir dans leur éducation et faire valoir auprès d'eux l'apport essentiel de chacun, sans s'exclure l'un l'autre. Enfin, la mère ne pouvait se prévaloir de l'absence de dialogue entre les parties pour fonder sa demande, dès lors qu'elle en était partiellement responsable.
-:-
S'agissant de la garde, après avoir admis que l'audition des enfants ne s'imposait pas dans le cas particulier, l'autorité cantonale a considéré que, si leur situation avait évolué dès lors qu'ils fréquentaient moins souvent leur père, cette évolution de l'exercice du droit de garde était à placer, selon le rapport du SPJ, dans le contexte des tensions parentales actuelles et du conflit de loyauté que celles-là généraient chez les enfants; elle n'était ni admise ni dans l'intérêt des enfants, lesquels avaient besoin de la présence de leurs deux parents, ce qui justifiait le maintien du droit de garde tel qu'arrêté dans le jugement de divorce.
Cela étant, les juges cantonaux ont estimé inutile de réexaminer la question des aliments dont la quotité était au demeurant toujours conforme à la situation financière des parties.
D.
Dame X.________ exerce parallèlement un recours en réforme et un recours de droit public au Tribunal fédéral. Dans ce dernier, elle conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
L'autorité cantonale et l'intimé n'ont pas été invités à répondre.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'arrêt attaqué ayant été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), l'ancienne loi d'organisation judiciaire (OJ) est applicable à la présente cause (art. 132 al. 1 LTF).
2.
Conformément au principe de l'art. 57 al. 5 OJ, il convient d'examiner en premier le recours de droit public.
3.
Déposé en temps utile - compte tenu des féries de Noël (art. 34 al. 1 let. c OJ) - contre une décision en matière de modification de jugement de divorce, prise en dernière instance cantonale, pour arbitraire dans l'appréciation des preuves et la constatation des faits, le recours est recevable sous l'angle des art. 89 al. 1, 86 al. 1 et 84 al. 1 let. a et al. 2 OJ.
4.
La recourante se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves.
4.1 De jurisprudence constante, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275); il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 126 III 438 consid. 3 p. 440). En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation des faits, le Tribunal fédéral se montre réservé, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la matière aux autorités cantonales (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 104 Ia 381 consid. 9 p. 399); il n'intervient pour violation de l'art. 9 Cst. que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans motif sérieux de tenir compte d'un moyen de preuve pertinent ou encore s'il a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités).
4.2 Selon la recourante, la Chambre civile aurait arbitrairement retenu que l'incident ayant occasionné des lésions oculaires irréversibles à C.________ et celui au cours duquel B.________ a failli provoquer un accident à la piscine n'avaient pas été datés.
Ce grief tombe à faux. L'autorité cantonale n'a rien constaté de tel. Elle s'est bornée à rappeler les constatations des premiers juges sur ce point. Au demeurant, en relevant l'absence de datation, ces derniers ne visaient pas les événements invoqués par la recourante, lesquels ont été expressément datés, mais diverses autres négligences prétendument commises par l'intimé dans la surveillance et l'éducation de ses enfants.
4.3 La recourante soutient que, contrairement aux considérations de la Cour de justice, les incidents susmentionnés n'étaient pas anecdotiques. Que des enfants aient pu jouer seuls et sans surveillance avec un fusil à plomb au point de blesser l'un d'eux et que B.________ ait pu, au mépris des règlements de piscine, pousser un camarade dans l'eau, mettant aussi en danger une personne qui nageait, ne pouvaient que conduire à douter des aptitudes éducatives du père.
Ce faisant, la recourante s'en prend à l'appréciation juridique des faits constatés, question qui relève du recours en réforme (art. 43 al. 4 OJ). Partant, son moyen est irrecevable dans le présent recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ).
4.4 La recourante reproche à l'autorité cantonale de ne pas avoir constaté que l'intimé avait déjà sollicité une modification du jugement de divorce en mai 2002; cette circonstance démontrerait que les relations entre les parties s'étaient à ce point dégradées qu'il était vain de continuer à espérer qu'elles comprennent la nécessité de mettre un terme à leurs divergences pour le bien de leurs enfants.
On ne voit pas en quoi la constatation formelle de l'existence de cette procédure serait pertinente en l'espèce. La Chambre civile n'a pas méconnu les profondes dissensions entre les parties au sujet de l'éducation des enfants et le climat de tension qui engendrait un conflit de loyauté chez ces derniers. Que ces divergences aient existé depuis 2002 n'empêchait au demeurant pas d'espérer leur disparition dans l'intérêt des enfants.
5.
La recourante fait grief à la cour cantonale de s'être écartée sans motif clair et sans raison sérieuse du rapport établi par le SPJ. Elle soutient qu'il était arbitraire de considérer que c'est son seul refus de maintenir l'autorité parentale et la garde partagées qui a motivé les conclusions du SPJ quant à l'attribution des droits parentaux. Elle cite à cet égard de nombreux passages du rapport dont elle estime qu'ils fondaient la solution proposée.
5.1 L'appréciation in concreto de la valeur probante d'une expertise ressortit au fait. Le juge n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert. Toutefois, il ne saurait s'en écarter sans raison sérieuse et doit motiver sa décision à cet égard (ATF 122 V 157 consid. I/1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 consid. 1c p. 146 et les arrêts cités).
5.2 En l'occurrence, si la Chambre civile s'est fondée sur le contenu du rapport du SPJ, elle n'en a pas suivi les conclusions quant à l'attribution des droits parentaux, motif pris que celles-là n'avaient été prises qu'en raison de l'opposition de la mère à maintenir une autorité et une garde partagées. Cette appréciation n'est pas insoutenable. Le rapport précité conclut certes au transfert de l'autorité parentale et de la garde à la mère. Il le fait toutefois avec plusieurs réserves qui vont dans le sens d'un maintien de la réglementation prévue par le jugement de divorce et en atténuent ainsi la portée. Il retient en effet, d'une part, qu'il n'existe « pas d'élément susceptible de restreindre les relations personnelles [du père] en faveur de ses enfants ». Il souligne, d'autre part, qu'en cas d'octroi de l'autorité parentale à la mère, celle-ci devrait consulter et informer le père pour toutes les décisions relatives aux enfants. Il insiste, de tierce part, pour que le droit de visite du père ne soit pas restreint au droit de visite usuel, mais que des rencontres supplémentaires soient prévues. Contrairement aux affirmations de la recourante, il retient enfin, à diverses reprises, que l'attitude de cette dernière est la cause prépondérante des difficultés actuelles de communication entre les parents et mentionne expressément à l'appui des conclusions le refus de la mère de poursuivre l'autorité parentale.
Autant que la recourante reproche par ailleurs à l'autorité cantonale d'être tombée dans l'arbitraire en imposant le maintien d'un système devenu impraticable en raison de la mésentente persistante entre les parties et en refusant d'adapter les pensions alimentaires, elle s'en prend à l'application du droit fédéral, dont la violation ne peut être examinée que dans le cadre d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ).
6.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé qui n'a pas été invité à répondre ( art. 159 al. 1 et 2 OJ ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 10 mai 2007
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: