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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_14/2007 /frs
Arrêt du 14 mai 2007
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffier: M. Fellay.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Christophe Oberson, avocat,
contre
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS,
Service de prévoyance et d'aide sociales du canton de Vaud,
Office des poursuites d'Yverdon-Orbe-la Vallée, case postale, 1400 Yverdon-les-Bains.
Objet
avis de saisie,
recours en matière civile contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud, en qualité d'autorité supérieure de surveillance, du 22 janvier 2007.
Faits :
A.
A.a X.________ a bénéficié de l'aide sociale du 1er octobre 1991 au 30 juin 2004 pour un montant total de 630'925 fr. 45. Compte tenu d'un remboursement partiel, à hauteur de 39'262 fr., la dette sociale s'élève actuellement à 591'663 fr. 45.
Le 30 septembre 2004, la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: CCVD) a fait savoir au Centre social régional d'Yverdon-les-Bains que X.________ avait droit, pour la période du 1er décembre 1990 au 30 juin 2004 à un "rétroactif" de 128'212 fr. 50. Ayant refusé de signer le formulaire de compensation avec des paiements rétroactifs de l'AVS/AI remis à cette occasion, le prénommé s'est vu octroyer, le 11 octobre 2004, une rente rétroactive de 128'212 fr. 50. Par décision du 17 janvier 2005, le Service de prévoyance et d'aide sociales du canton de Vaud (ci-après: SPAS) lui a ordonné de restituer cette somme à l'Etat de Vaud.
Le 18 février 2005, le SPAS s'est également opposé au versement en mains de X.________ d'arriérés de rentes AI de 53'724 fr. pour la période du 1er septembre 1998 au 30 juin 2004 et de 69'779 fr. 50 pour la période du 1er décembre 1990 au 31 mai 1998. Son opposition a été vaine car, selon un jugement du Tribunal cantonal des assurances du 10 février 2006, le droit cantonal en vigueur ne lui reconnaissait pas un droit au versement direct des arriérés de rentes. Le 14 mars 2005, le SPAS a derechef ordonné à l'intéressé de rembourser à l'Etat de Vaud les montants précités, étant précisé que le montant de 69'779 fr. 50 a été réduit à 61'739 fr. 50 en instance de recours.
A.b Le 3 août 2005, sur requête du SPAS, l'Office des poursuites d'Yverdon-les-Bains a notifié à X.________ un commandement de payer la somme de 128'212 fr. 50 sans intérêt (poursuite n° xxxx), indiquant comme cause de l'obligation: "prestations de l'Aide sociale vaudoise (ASV) accordée par l'intermédiaire du Centre social régional d'Yverdon-Grandson de 1991 au 30 juin 2004 en avance sur les prestations de l'AI selon décision de restitution du 17.01.2005".
L'opposition formée par le poursuivi audit commandement de payer ayant été levée définitivement le 13 octobre 2005 et le créancier ayant requis la continuation de la poursuite le 20 juin 2006, l'office des poursuites a adressé à la CCVD, le 21 juin 2006, un avis de saisie portant sur la créance du poursuivi de 128'212 fr. 50.
B.
Par acte du 26 juin 2006, le poursuivi a déposé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'avis de saisie. La CCVD en a fait de même, en invoquant l'insaisissabilité des rentes AI (art. 92 al. 1 ch. 9a LP), tout en réservant l'abus de droit.
Par prononcé du 3 octobre 2006, le Président du Tribunal d'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, statuant en qualité d'autorité cantonale inférieure de surveillance, a rejeté les deux plaintes. Il a considéré en substance que si les rentes en question étaient en principe insaisissables, elles pouvaient néanmoins entrer en ligne de compte en présence d'autres ressources du débiteur et il fallait réserver l'abus de droit; il était choquant en l'espèce que le poursuivi s'oppose à la saisie alors qu'il avait bénéficié pour la presque totalité de la période concernée d'une aide financière des services sociaux couvrant son minimum vital. Le président du tribunal a donc retenu un abus de droit manifeste de la part de l'intéressé et confirmé la saisie du rétroactif AI, sous réserve d'une rectification du montant de celle-ci par les soins de l'office pour tenir compte du fait que les périodes couvertes par les prestations des services sociaux et celles de l'assurance-invalidité n'étaient pas identiques.
Sur recours du poursuivi, qui contestait la qualité de créancier du SPAS et la saisissabilité de sa propre créance à l'égard de la CCVD, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois, statuant comme autorité supérieure de surveillance, a maintenu le prononcé de l'autorité inférieure par arrêt du 22 janvier 2007.
C.
Par acte du 2 février 2007, le poursuivi a interjeté un recours en matière civile concluant, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale et de l'avis de saisie, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il a également sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire.
Le créancier poursuivant a déclaré se rallier entièrement à l'arrêt attaqué. La CCVD a proposé le rejet du recours sur le fond s'agissant du principe de la saisissabilité des prestations rétroactives de l'AI et préavisé "pour la limitation à Fr. 121'010.50 au maximum du montant saisissable", l'avis de saisie étant modifié dans cette mesure. La cour cantonale s'est référée à son arrêt.
Par ordonnances des 6 et 28 février 2007, l'effet suspensif a été attribué au recours en ce sens que le montant saisi (128'212 fr. 50) ne soit pas versé au créancier.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La cour cantonale a prononcé son arrêt à huis clos le 20 novembre 2006. En vertu de l'art. 472 al. 3 CPC/VD, celui-ci a donc pris date du jour de l'envoi pour notification d'une copie aux parties, soit le 22 janvier 2007. Comme l'acte attaqué a ainsi été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006, 1242), de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).
2.
2.1 Interjeté par la partie qui a été déboutée de ses conclusions prises dans l'instance précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite, soit en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF), par une autorité cantonale de surveillance statuant en dernière instance (art. 74 al. 2 let. c et 75 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
2.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées (art. 97 al. 1 LTF), faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
-:-
Le recourant conteste les faits arrêtés par la cour cantonale sur un seul point: le montant retenu de 630'925 fr. qu'il aurait perçu à titre d'aide sociale pour la période du 1er octobre 1991 au 30 juin 2004. Il affirme qu'il a toujours démenti avoir touché un tel montant, lequel n'aurait d'ailleurs jamais pu être prouvé dans son entier et dans le détail. Ce faisant, il n'explique pas de manière circonstanciée, comme exigé par la loi, en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. Le Tribunal fédéral s'en tient donc aux faits établis par la cour cantonale.
2.3 Le chef de conclusions de l'intimée CCVD tendant à la limitation à Fr. 121'010.50 au maximum du montant saisissable et à la réforme dans ce sens de l'avis de saisie est irrecevable. Cette partie ayant renoncé à recourir elle-même, elle doit en effet se contenter de prendre position sur le recours de la partie adverse, sans pouvoir formuler de conclusions au fond (cf. Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001; FF 2001, p. 4139/4140).
3.
Le recourant soutient que l'arrêt attaqué doit être annulé pour le motif que les prestations de l'AI, qu'il s'agisse de rentes mensuelles ou de rétroactifs, sont dans tous les cas absolument insaisissables en vertu de l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP. Leur saisie constituerait une décision nulle au sens de l'art. 22 LP.
3.1 Aux termes de l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP, les rentes au sens de l'art. 50 de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité sont insaisissables. S'il en est ainsi, c'est parce que la Constitution (art. 112 al. 2 let. b Cst.) dispose que ces rentes doivent couvrir les besoins vitaux de manière appropriée (ATF 130 III 400 consid. 3.3.4 p. 405 et les références).
Les rentes en question peuvent néanmoins entrer en ligne de compte dans le calcul d'une saisie de revenus si le débiteur dispose d'autres ressources, car elles s'ajoutent aux revenus relativement saisissables au sens de l'art. 93 al. 1 LP et permettent ainsi d'augmenter la part de revenu saisissable: le débiteur peut en effet subvenir à une partie de son entretien au moyen de la rente insaisissable et n'a plus besoin, le cas échéant, de tout son revenu pour couvrir la part restante du minimum vital (ATF 104 III 38 consid. 1 p. 40; Michel Ochsner, Commentaire romand de la LP, n. 156 ss ad art. 92 LP; P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 189 ad art. 92 LP). L'insaisissabilité instituée par l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP a donc seulement pour effet que les rentes concernées ne peuvent pas être saisies; elle ne permet pas au débiteur d'exiger, en plus de ces dernières, la part de son revenu correspondant à son minimum vital (Ochsner, loc. cit., n. 160 ad art. 92 LP).
L'insaisissabilité a encore une autre limite, qui découle de l'interdiction de l'abus de droit, les règles de l'insaisissabilité absolue étant également soumises au principe de la bonne foi (Message concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 8 mai 1991, p. 89). Ainsi, dans l'hypothèse où le poursuivi, créancier de prestations insaisissables, disposerait d'autres sources de revenus localisées à l'étranger, l'interdiction de l'abus de droit le contraindrait à supporter une saisie de ces prestations en principe insaisissables; il en irait de même pour un débiteur qui mènerait un grand train de vie grâce aux revenus ou à la fortune de son conjoint, alors que lui-même ne serait bénéficiaire que de ressources insaisissables selon l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP (Ochsner, loc. cit., n. 161 ad art. 92 LP).
3.2 Au vu de ce qui précède, c'est à tort que le recourant se prévaut d'une insaisissabilité absolue "dans tous les cas" et reproche à la cour cantonale d'admettre que le principe de l'insaisissabilité des rentes et prestations visées par l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP est limité des deux manières qui viennent d'être évoquées.
3.3 La saisie du rétroactif AI a été confirmée en l'espèce parce que le comportement du recourant a été jugé constitutif d'un abus de droit. La cour cantonale s'est ralliée, sur ce point, à l'avis de l'autorité inférieure de surveillance. En substance, le recourant s'opposait à la saisie alors qu'il avait bénéficié pour la presque totalité de la période concernée d'une aide financière des services sociaux couvrant son minimum vital; il invoquait donc le bénéfice de l'art. 92 LP dans une situation qui n'était pas celle visée et voulue par le législateur, cherchant à encaisser un montant destiné à couvrir des besoins pour lesquels il avait déjà bénéficié de prestations de l'Etat, prestations dont il savait au demeurant qu'elles lui étaient versées à titre d'avance; son comportement, qui constituait un abus de droit manifeste, au détriment de ses créanciers et de la collectivité, ne méritait par conséquent pas la protection de la loi.
Le recourant conteste l'abus de droit en se prévalant d'une "situation personnelle tout autre" que les cas dont il a été question plus haut (consid. 3.1) et caractérisée par des conditions d'existence pénibles. La cour cantonale n'a pas ignoré cette situation dès lors qu'elle a dénié au recourant le droit d'invoquer le bénéfice de l'art. 92 LP "même dans une situation financière qui n'est pas favorable". Sur ce point, le recourant n'expose pas en quoi la décision attaquée violerait le droit (art. 42 al. 2 LTF); il se contente d'alléguer des faits sans démontrer que ceux établis par la cour cantonale l'auraient été de façon manifestement inexacte ou en violation du droit (art. 97 al. 1 LTF). Au demeurant, il n'a pas réfuté devant la cour cantonale l'hypothèse de l'autorité inférieure de surveillance (prononcé du 3 octobre 2006, p. 10) selon laquelle il percevait des prestations supérieures à son minimum vital depuis que son invalidité avait été reconnue.
C'est par ailleurs à tort que le recourant tente de fonder sa bonne foi sur la décision du Tribunal cantonal des assurances du 10 février 2006 jugeant que les arriérés de rentes AI avaient été versés à bon droit à l'assuré et non au SPAS. Cette décision était en effet motivée uniquement par le fait que ce dernier ne disposait pas, selon le droit cantonal en vigueur, d'un droit au versement direct des arriérés de rentes; le tribunal concerné ne s'est pas prononcé, et n'avait pas à le faire, sur la question de savoir si le montant de l'arriéré devait ou non servir, en tout ou en partie, au désintéressement des créanciers du recourant ou s'il devait être considéré comme absolument insaisissable en vertu de l'art. 92 LP.
3.4 La cour cantonale s'est demandé si, au regard de l'art. 22 de loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA; RS 830.1), les rentes versées rétroactivement ne devraient pas échapper par principe à l'application de l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP. La disposition invoquée prévoit en effet qu'à la différence du droit aux prestations, qui est incessible et ne peut être mis en gage (al. 1), les prestations accordées rétroactivement peuvent, elles, être cédées, notamment à une institution d'aide sociale publique dans la mesure des avances consenties (let. a). La protection accordée par le législateur apparaîtrait ainsi moins forte lorsqu'il s'agit d'un paiement fait à titre rétroactif. La cour cantonale a toutefois laissé la question indécise, car le recours devait être rejeté pour le motif tiré de l'abus de droit (cf. consid. 3.3 ci-dessus). Cela étant, c'est en vain que le recourant critique la "construction juridique de la Cour intimée relative à l'art. 22 al. 2 LPGA".
4.
Dans un dernier grief, le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir examiné la question de savoir si le SPAS pouvait en l'espèce se voir reconnaître la qualité de créancier.
La cour cantonale a considéré que cette question ne pouvait pas être examinée dans la procédure de plainte pendante.
Le grief du recourant doit être rejeté dès lors que, selon la jurisprudence, il n'incombe pas aux autorités de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite d'examiner les questions de droit matériel, dont celle de la qualité de créancier (ATF 115 III 18 consid. 3b p. 21, 113 III 2 consid. 2b p. 3).
5.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
L'échec prévisible des conclusions du recourant commande le rejet de sa demande d'assistance judiciaire (art. 64 al. 1 LTF). Vu la situation obérée du recourant, objet actuellement de poursuites pour plus de 139'000 fr. et de 23 actes de défaut de biens délivrés de juin 2002 à octobre 2006 pour un total de plus de 23'000 fr. (cf. annexes au recours), il peut être renoncé à la perception d'un émolument judiciaire.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, à l'Office des poursuites d'Yverdon-Orbe-la Vallée et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 14 mai 2007
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: