Tribunale federale
Tribunal federal
{T 7}
I 733/06
Arrêt du 16 juillet 2007
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Lustenberger et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.
Parties
R.________, recourante, représentée par Me José Nogueira Esmoris, avocat, Cuesta de la Palloza,
1 - 3° Dcha., 15006 A Coruña, Espagne,
contre
Office AI pour les assurés résidant à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18, 1203 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours de droit administratif contre le jugement de la Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger du 12 juillet 2006.
Faits:
A.
Par décision du 1er mai 1996, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger (ci-après: l'office AI) a rejeté la demande de prestations de l'assurance-invalidité, présentée par R.________, ressortissante espagnole née en 1949 et domiciliée en Espagne. Il a considéré en bref que l'intéressée, qui avait travaillé en Suisse jusqu'à fin juillet 1991, avant de retourner dans son pays d'origine où elle n'avait pas repris d'activité lucrative, n'était pas invalide.
Le 9 juin 2004, R.________ a requis à nouveau des prestations de l'assurance-invalidité suisse. L'office AI a recueilli différentes pièces médicales, dont l'avis (du 15 juillet 2004) du Service médical de l'Institut national de la sécurité sociale espagnole (INSS).
Après avoir soumis le dossier à son service médical (avis de la doctoresse O.________ du 29 mars 2005), l'office AI a rejeté la demande de prestations, par décision du 12 avril 2005 à laquelle l'intéressée s'est opposée. Le 5 septembre 2005, l'office AI a rejeté l'opposition et confirmé sa position, en considérant que la requérante présentait une incapacité de travail dans l'accomplissement des tâches habituelles de 20%, taux insuffisant pour ouvrir droit à une rente d'invalidité.
B.
L'intéressée a déféré cette décision à la Commission fédérale de recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité pour les personnes résidant à l'étranger (aujourd'hui: Tribunal administratif fédéral), qui l'a déboutée par jugement du 12 juillet 2006.
C.
R.________ a interjeté un recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle a demandé l'annulation en concluant à l'octroi d'une rente entière, subsidiairement d'un trois-quarts, d'une demi ou d'un quart de rente.
L'office AI a conclu au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a renoncé à se déterminer.
Après avoir été invitée à verser une avance de frais, R.________ a précisé à la demande du Tribunal fédéral avoir effectué le versement requis au moyen d'un giro postal le 15 septembre 2006.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
2.
Le recours de droit administratif a été remis à la poste espagnole le 1er septembre 2006, soit après l'entrée en vigueur, au 1er juillet 2006, de la modification des art. 132 et 134 OJ introduite par la loi fédérale du 16 décembre 2005 portant modification de la LAI (RO 2006 2003). Ces dispositions dans leur teneur en vigueur à partir du 1er juillet 2006 s'appliquent dès lors au présent litige (let. c du ch. II de la modification du 16 décembre 2005 a contrario), qui porte sur le droit éventuel de la recourante à une rente de l'assurance-invalidité suisse.
2.1 Il en résulte d'une part que la procédure, qui a trait à des prestations de l'assurance-invalidité, est onéreuse (art. 134 2ème phrase OJ), raison pour laquelle la recourante a été invitée à fournir une avance de frais conformément à l'art. 150 al. 1 OJ, dans un délai de 14 jours dès la notification de la demande, le 6 septembre 2006. A cet égard, comme l'atteste le récépissé du 15 septembre 2006 de la poste espagnole produit par la recourante, elle a effectué à cette date un versement en argent liquide de 500 fr. (322,57 euros) auprès du bureau postal de X.________, avec ordre de virer ce montant, par giro postal, à la caisse du Tribunal fédéral.
En l'espèce, il y a lieu de considérer que le dépôt du mandat postal international auprès du bureau de poste espagnol est intervenu à temps (art. 26 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et l'Espagne du 13 octobre 1969, par analogie [arrêt non publié du Tribunal fédéral des assurances H 378/93 du 28 octobre 1994], en relation avec l'art. 20 de l'Accord sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 [RS 0.142.112.681]), soit dans le délai de 14 jours fixé pour le paiement du montant requis de 500 fr., même si la somme versée n'a été créditée sur le compte de Postfinance, Suisse, que le 21 septembre 2006, soit un jour après l'échéance du délai.
2.2 Il découle, d'autre part, de l'art. 132 al. 2 OJ que le Tribunal fédéral examine uniquement si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, si les faits pertinents ont été constatés de manière manifestement inexacte ou incomplète ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure, en relation avec les art. 104 let. a et b, ainsi que 105 al. 2 OJ.
3.
Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels en matière d'invalidité et son évaluation chez les assurés qui n'exerçaient pas d'activité lucrative avant d'être atteints dans leur santé physique, mentale ou psychique. Il précise également à juste titre que les dispositions de l'ALCP sont applicables à la présente procédure, mais que même après l'entrée en vigueur de l'accord au 1er juin 2002, le degré d'invalidité d'un assuré qui prétend une rente de l'assurance-invalidité suisse est déterminé exclusivement d'après le droit suisse (ATF 130 V 253 consid. 2.4 p. 257). Il suffit donc de renvoyer au jugement attaqué sur ces points.
4.
4.1 Se fondant sur le rapport du service médical de l'INSS du 15 juillet 2004 et l'avis de la doctoresse O.________ du 29 mars 2005, la Commission fédérale de recours a retenu que l'ensemble des pathologies dont est atteinte la recourante ne l'empêchait pas d'exercer normalement son activité de femme au foyer, la gravité des troubles allégués n'étant pas documentée.
Cette appréciation repose sur une constatation incomplète des faits pertinents au sens de l'art. 105 al. 2 OJ. Tout d'abord, après avoir posé les diagnostics de cardiopathie rhumatismale avec double lésion mitrale, hypercholestérolémie, spondylarthrose lombaire débutante, trouble dépressif récurrent modéré et fibromyalgie, le docteur M.________ du service médical de l'INSS a conclu à une «incapacité globale de 50%». Il a par ailleurs précisé que l'assurée présentait des limitations fonctionnelles pour effectuer des tâches impliquant un risque de lésions, une attention mentale et des efforts physiques importants. Si, à défaut de motivation sur ce point, le rapport entre ces limitations et l'incapacité globale de 50% n'est pas clair, du moins ne peut-on pas déduire des conclusions du médecin de l'INSS, comme l'ont fait les premiers juges, «qu'il n' y a aucun élément objectif qui puisse indiquer que l'assurée n'est plus apte à exercer une activité en tant que ménagère». Le rapport de la doctoresse O.________ ne permet pas non plus une telle constatation. Reprenant une partie des diagnostics posés par son confrère espagnol - sans toutefois discuter de son appréciation de l'incapacité de travail -, la médecin de l'office intimé conclut en effet à une invalidité de 20% dans un document intitulé «appréciation de l'invalidité» du 23 mars 2005, même si elle retient, six jours plus tard et sans plus amples précisions sur cette divergence, l'absence d'une cause d'incapacité de travail dans les activités ménagères en raison de la bonne compensation cardio-vasculaire et l'absence de lésion de type arthritique.
Cela étant, aucun des deux rapports sur lesquels s'est fondée l'autorité de recours de première instance ne permet de déterminer quelles sont les répercussions des atteintes à la santé dont font état leur auteur sur les activités usuelles de la recourante. Si les deux médecins en cause retiennent chacun le diagnostic de fibromyalgie, ils ne discutent cependant absolument pas des effets de ce trouble sur les capacités de la recourante. De leur côté, les premiers juges n'examinent pas le caractère invalidant de l'atteinte en cause, qui doit être apprécié en appliquant par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux (ATF 132 V 70 consid. 4.1). La simple référence que fait l'autorité de recours de première instance aux deux certificats médicaux relatifs à l'état psychique de la recourante (des 10 octobre 2002 et 10 juillet 2003), ne saurait suffire à cet égard, puisqu'ils portent sur le diagnostic de dépression réactive et ne permettent pas de fonder l'appréciation des premiers juges selon laquelle le trouble psychique n'est pas grave au point de justifier une incapacité marquante dans le cadre des activités ménagères usuelles, dès lors que leur auteur, le Chef de la section de psychiatrie de l'Hôpital universitaire Y.________, atteste une incapacité totale de travail pour tout type d'activité.
4.2 La Commission fédérale de recours s'est également référée à l'enquête sur les activités ménagères à laquelle a procédé l'administration pour fixer à 20% l'invalidité de la recourante, et en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des conclusions de l'intimé.
4.2.1 Pour évaluer l'invalidité des assurés travaillant dans le ménage, l'enquête sur les activités ménagères réalisée conformément aux directives administratives de l'OFAS (ch. 3090 ss de la Circulaire concernant l'invalidité et l'impotence de l'assurance-invalidité [CIIAI]) constitue en principe une base appropriée et en règle générale suffisante (SVR 2005 IV n° 21 p. 83 [I 249/04]). En rapport avec sa valeur probante, il est essentiel que le rapport d'enquête ait été établi par une personne qualifiée ayant connaissance de la situation locale et des limitations et handicaps résultant des diagnostics médicaux. Il y a par ailleurs lieu de tenir compte des indications de l'assuré et de consigner dans le rapport les éventuelles opinions divergentes des participants. Enfin, le texte du rapport doit apparaître plausible, être motivé et rédigé de manière suffisamment détaillée par rapport aux différentes limitations, de même qu'il doit correspondre aux indications relevées sur place (consid. 2.3.2 non publié au Recueil officiel, mais dans VSI 2003 p. 221, de l'ATF 129 V 67 [I 90/02]; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 693/06 du 20 décembre 2006). Savoir si un rapport d'enquête est conforme à ces exigences et revêt dès lors une valeur probante est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement.
4.2.2 Contrairement à ce qu'ont affirmé les premiers juges, l'enquête réalisée par l'intimé ne remplit en l'espèce pas les conditions rappelées ci-avant. Elle se compose en effet, d'une part, d'un questionnaire pour les assurés travaillant dans le ménage rempli par la recourante elle-même le 12 janvier 2005, dans lequel elle indiquait ne plus pouvoir faire la vaisselle, s'occuper de l'entretien de la maison et des vêtements (nettoyage et travaux de couture), ni entretenir le jardin et garder des animaux domestiques. Elle comprend, d'autre part, un formulaire intitulé «appréciation de l'invalidité», dont les différents postes ont été remplis par la doctoresse O.________ sur la base des seules pièces du dossier, sans entretien avec l'assurée. Outre le fait qu'il ne s'agit pas d'une enquête sur place au sens de l'art. 69 al. 2 RAI menée par une personne qualifiée, ladite appréciation n'est assortie d'aucune explication, de sorte qu'il n'est pas possible de comprendre les raisons pour lesquelles elle s'écarte des indications données par la recourante, lesquelles n'ont au demeurant pas été vérifiées. Si on peut admettre qu'en raison de circonstances liées au domicile à l'étranger de l'assurée, l'évaluation de l'invalidité dans les travaux habituels soit effectuée avec le concours d'un médecin et non d'un enquêteur qualifié - sur les conditions dans lesquelles le recours à un médecin est exceptionnellement nécessaire, voir VSI 2004 p. 137 (I 311/03) -, encore faut-il que celui-ci se détermine de manière circonstanciée et détaillée sur les limitations alléguées par l'assuré.
En conséquence, l'autorité de recours de première instance n'était pas en droit de se fonder sur l'appréciation de l'invalidité du 23 mars 2005, faute de valeur probante de ce moyen de preuve.
4.3 Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas possible, en l'état du dossier, de déterminer si, et dans l'affirmative dans quelle mesure, l'assurée est empêchée d'accomplir ses travaux habituels et présente une invalidité au sens de l'art. 8 al. 3 LPGA. Le jugement entrepris doit par conséquent être annulé et la cause renvoyée à l'intimé pour qu'il procède aux mesures d'instruction nécessaires et rende une nouvelle décision.
5.
La procédure est onéreuse (supra consid. 2.1), de sorte que l'intimé, qui succombe, doit en supporter les frais (art. 156 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ). Représentée par un avocat, la recourante a droit à des dépens à la charge de l'intimé (art. 159 al. 1 en relation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de droit administratif est admis en ce sens que le jugement de la Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les personnes résidant à l'étranger du 12 juillet 2006 et la décision de l'Office AI pour les assurés résidant à l'étranger du 5 septembre 2005 sont annulés, la cause étant renvoyée à cet office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
2.
Les frais de justice, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'avance de frais effectuée par la recourante, d'un montant de 500 fr., lui est restituée.
4.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2000 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'ensemble de la procédure.
5.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif fédéral et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 16 juillet 2007
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: