Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2P.35/2007 /fzc
Arrêt du 10 septembre 2007
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Wurzburger et Yersin.
Greffier: M. Dubey.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Jean-Charles Sommer, avocat,
contre
Département de l'économie et de la santé du canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 14, case postale 3984, 1211 Genève 3,
Tribunal administratif du canton de Genève, rue du Mont-Blanc 18, case postale 1956, 1211 Genève 1.
Objet
recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 19 décembre 2006.
Faits :
A.
X.________ a obtenu le brevet d'exploitant de taxis sans employé le 26 novembre 2003 ainsi qu'une carte professionnelle de chauffeur de taxi indépendant le 26 janvier 2004.
Le 30 janvier 2006, il a saisi le Service des autorisations et patentes du canton de Genève en vue d'obtenir une autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant. Par décision du 10 juillet 2006, le Département de l'économie et de la santé (ci-après: le Département) lui a refusé cette autorisation, parce que son permis de conduire lui avait été retiré une première fois le 6 juin 2003 pour un mois en raison d'un excès de vitesse de plus 30 km/h (marge de sécurité déduite) et une deuxième fois le 6 décembre 2005 pour six mois, fondé sur l'art. 16c LCR, en raison d'un excès de vitesse de 31 km/h (marge de sécurité déduite). Il a en revanche renoncé à lui retirer sa carte professionnelle, compte tenu du fait qu'aucune suspension ou révocation n'avait été prononcée à l'époque. Il pouvait par conséquent poursuivre son activité de taxi de service privé indépendant.
Le 2 août 2006, X.________ a interjeté recours contre la décision du 10 juillet 2006 auprès du Tribunal administratif du canton de Genève.
B.
Par arrêt du 19 décembre 2006, le Tribunal administratif a rejeté le recours. Contrairement à ce qu'affirmait l'intéressé, le principe de non-rétroactivité des lois n'avait pas été violé, du moment que les requêtes en vue de l'obtention de la carte professionnelle de chauffeur de taxi et celle en vue d'obtenir l'autorisation d'exploiter un taxi de service public étaient intervenues en 2006, soit plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi genevoise sur les taxis et limousines du 21 janvier 2005 (LTaxis ou loi sur les taxis et limousines; RSGE H 1 30, entrée en vigueur le 15 mai 2005). Le Département n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation en décidant que l'intéressé n'offrait pas les garanties de moralité et de comportement suffisantes pour obtenir l'autorisation requise.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler les décisions rendues le 10 juillet 2006 par le Département et le 19 décembre 2006 par le Tribunal administratif et d'ordonner à l'Etat de Genève de délivrer une autorisation d'exploiter un taxi de service public. Il se plaint de la violation de sa liberté économique et d'arbitraire.
Le Tribunal administratif se rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et renvoie à son arrêt. Le Département conclut au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 132 III 747 consid. 4 p. 748; art. 29 al. 1 LTF).
2.
2.1 Aux termes de l'art. 132 al. 1 LTF, la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) s'applique aux procédures introduites devant le Tribunal fédéral après son entrée en vigueur, le 1er janvier 2007; elle ne s'applique aux procédures de recours que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur (cf. arrêt 2A.105/2007 du 3 septembre 2007, consid. 1.1).
2.2 En l'espèce, l'arrêt attaqué a été rendu avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la nouvelle loi sur le Tribunal fédéral. Le présent recours doit dès lors être examiné au regard des dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943, tant en ce qui concerne l'admissibilité de la voie de droit qu'en ce qui concerne les délais de recours (Hansjörg Seiler, op. cit., n° 8 ad art. 132 LTF).
2.3 Le recourant a déposé à tort un recours en matière de droit public. Toutefois, conformément à la jurisprudence tirée de l'interdiction du formalisme excessif, l'intitulé erroné du mémoire de recours ne saurait préjuger de la voie ouverte, ni porter préjudice au recourant, pour autant que son écriture remplisse les conditions formelles de la voie de droit en cause (ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 124 I 223 consid. 1a p. 224; 122 I 351 consid. 1a p. 353; 121 I 173 consid. 3a p. 175/176; 120 Ib 379 consid. 1a p. 381 et les arrêts cités).
3.
3.1 S'agissant d'autorisation d'exploiter un taxi de service public dans le canton de Genève, la décision attaquée est fondée sur le droit cantonal; seul un recours de droit public peut être formé à son encontre. Déposé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la voie du recours de droit public et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés, le présent recours est en principe recevable au regard des art. 84 ss OJ.
3.2 Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 132 I 68 consid. 1.5 p. 71 et la jurisprudence citée). Dans la mesure où le recourant demande autre chose que l'annulation de l'arrêt attaqué, ses conclusions sont irrecevables.
3.3 En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261). En outre, dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst., l'intéressé ne peut se contenter de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir librement l'application du droit. Il doit préciser en quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposerait sur aucun motif sérieux et objectif, apparaîtrait insoutenable ou heurterait gravement le sens de la justice (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312; 125 I 492 consid. 1b p. 495 et la jurisprudence citée).
Le recourant estime judicieux que le Tribunal fédéral puisse donner une définition de l'honorabilité (art. 6 al. 2 lettre c LTaxis) qui s'imposerait aux autorités judiciaires genevoises. Il s'agirait d'une question juridique de principe. La notion de question juridique de principe est étrangère à la procédure régissant le recours de droit public. A cela s'ajoute qu'il n'appartient pas au Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit public de procéder à l'interprétation et l'application du droit cantonal à la place des autorités cantonales compétentes; il ne peut en sanctionner que le caractère éventuellement arbitraire ou contraire à la Constitution. Pour le surplus, le recourant n'expose pas en quoi le Tribunal administratif aurait fait preuve à son égard d'arbitraire ou violé le principe du procès équitable. Ne répondant pas aux exigences de motivation de l'art. 90 OJ, ce grief est irrecevable.
4.
Invoquant l'art. 27 Cst., le recourant fait valoir que le refus de lui délivrer l'autorisation d'exploiter un taxi de service public viole sa liberté économique en particulier les principes d'intérêt public et de proportionnalité.
4.1 Selon l'art. 27 Cst., la liberté économique est garantie (al. 1); elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (al. 2). Cette liberté protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (cf. Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I p. 1 ss, p. 176). Le Tribunal fédéral reconnaît aux chauffeurs de taxis indépendants le droit de se prévaloir de la liberté économique garantie par l'art. 27 Cst., même s'ils demandent de pouvoir faire un usage accru du domaine public pour l'exercice de leur profession (cf. arrêts 2P.8/2006, du 29 août 2006, consid. 2.2; 2P.39/2002, du 28 octobre 2002, consid. 3.1 et 2P.167/1999, du 25 mai 2000, consid. 2a, reproduit in: SJ 2001 I 65; voir aussi ATF 121 I 129 consid. 3b p. 131; 108 Ia 135 consid. 3 p. 136; 99 Ia 394 consid. 2b/aa, p. 398). Cet usage accru du domaine public peut cependant être réglementé par l'Etat; le législateur cantonal peut ainsi limiter le nombre de places de stationnement réservées aux taxis et déterminer le cercle des bénéficiaires de ces emplacements. Indépendamment de l'usage accru du domaine public, l'Etat peut soumettre l'exercice de la profession de chauffeur de taxi à l'obtention d'une autorisation pour lui permettre d'exercer un contrôle efficace de cette branche d'activité économique qui, par sa fonction et son importance, se rapproche d'un service public. Une telle exigence ne viole pas l'art. 27 Cst. mais constitue une mesure justifiée par l'intérêt public (arrêt 2P.83/2005 du 26 janvier 2006 in: JdT 2006 I 492; arrêt 2P.56/2002 du 18 juin 2002 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 2P. 167/1999 du 25 mai 2000 in: SJ 2001 I p. 65; ATF 99 Ia 394 consid. 2 et 3 p. 397 ss). Les normes créées à cette fin et leur mise en oeuvre doivent respecter le principe de proportionnalité et d'égalité (art. 36 al. 3 Cst.).
4.2 La loi sur les taxis et limousines sépare les autorisations d'exercer la profession (délivrée sous la forme d'une carte professionnelle de chauffeur de taxi; art. 5 ss LTaxis) de celle d'exploiter un service de transport de personnes (art. 9 ss LTaxis). L'art. 9 al. 1 LTaxis prévoit plusieurs types d'autorisations d'exploiter un service de transport de personnes. Pour les indépendants, il distingue l'autorisation d'exploiter un taxi de service privé, celle d'exploiter un taxi de service public et celle d'exploiter une limousine. Ces dernières ne sont délivrées que si le requérant est au bénéfice d'une carte professionnelle de chauffeur de taxi (art. 10 al. 1 lettre a, 11 al. 1 lettre a, 14 al. 1 lettre a LTaxis).
En l'espèce, le refus litigieux se fonde sur l'art. 6 al. 2 lettre c LTaxis selon lequel l'autorisation est délivrée par le Département lorsque le requérant en remplit les conditions, notamment lorsqu'il offre des garanties de moralité et de comportement suffisantes. L'art. 3 al. 3 lettre c du règlement d'exécution de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) (RTaxis; RS/GE H 1 30.01) prévoit que "le Département peut notamment considérer que n'offre pas les garanties de moralité et de comportement suffisantes le requérant qui, dans les 3 ans précédant le dépôt de la requête s'est vu infliger un retrait de permis de conduire en application des articles16c ou 16d LCR".
4.3 Le recourant soutient que la décision attaquée est guidée par des motifs prohibés de politique économique, ayant pour but de privilégier les grands garages de la profession. Comme il ne conteste pas avoir subi un retrait de permis de conduire en application de l'art. 16c LCR dans les trois ans qui ont précédé le dépôt de sa demande d'autorisation d'exploiter un taxi de service public, son grief, sans fondement et à la limite de la témérité, doit être rejeté.
Il se plaint également de la violation des principes d'intérêt public et de proportionnalité. Il n'expose toutefois pas en quoi l'arrêt du Tribunal administratif violerait ces principes. Ne répondant pas aux exigences de motivation imposées par l'art. 90 OJ, ce grief est irrecevable.
5.
Le recourant soutient que le jugement entrepris est arbitraire. Il serait insoutenable de lui refuser l'autorisation d'exploiter un taxi de service public sans lui retirer ou suspendre son autorisation d'exploiter un taxi de service privé, les garanties de moralité et de comportement à offrir pour obtenir les deux autorisations étant identiques.
5.1 Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou lorsqu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211). A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. De plus, il ne suffit pas que les motifs de l'arrêt attaqué soient insoutenables, encore faut-il que ce dernier soit arbitraire dans son résultat. Il n'y a en outre pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution que celle de l'autorité intimée paraît concevable, voire préférable (ATF 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 et la jurisprudence citée).
5.2 Il est vrai que les art. 10 et 11 al. 1 lettre a LTaxis prévoient que la carte professionnelle de chauffeur de taxi est une condition pour la délivrance du permis d'exploiter un taxi de service privé ou de service public. Dans les deux hypothèses en effet, l'autorisation d'exploiter n'est délivrée que si le requérant est au bénéfice d'une telle carte. Il ne fait pas non plus de doute que le recourant bénéficiait d'une telle carte lorsqu'il a sollicité la délivrance d'une autorisation d'exploiter un taxi de service public. Ces constatations ne conduisent pas encore à sanctionner pour arbitraire le résultat confirmé par le Tribunal administratif, comme le souhaite le recourant. Ce dernier perd de vue qu'il a bien commis des infractions graves aux règles de la circulation routière qui auraient dû, dans le cours ordinaire des choses, faire l'objet d'un examen sous l'angle de l'art. 46 LTaxis qui prévoit qu'"en cas de manquement aux devoirs imposés par la loi ou ses dispositions d'exécution par un chauffeur employé ou indépendant, le Département peut, en tenant compte de la gravité de l'infraction ou de sa réitération, prononcer à l'encontre du titulaire de la carte professionnelle de chauffeur de taxi a) la suspension de la carte professionnelle pour une durée de dix jours à six mois ou b) le retrait de la carte professionnelle".
A l'instar du Tribunal administratif, on ne saurait reprocher au Département, qui a négligé à l'époque de sanctionner les infractions à la circulation routière précitée, d'avoir renoncé au moment où il a découvert sa négligence à suspendre ou à retirer la carte professionnelle du recourant. De telles sanctions ayant pour effet, d'après l'art. 46 al. 2 LTaxis, de suspendre ou d'annuler l'autorisation d'exploiter un taxi, il pouvait y renoncer et en lieu et place refuser de délivrer l'autorisation d'exploiter un taxi de service public considérée comme plus intéressante. En autorisant le recourant à poursuivre son activité de taxi de service privé et en ménageant ainsi la source de ses revenus, une telle décision constituait une restriction moindre à la liberté économique du recourant et ne conduisait pas à un résultat arbitraire. Par conséquent, en confirmant le refus de délivrer au recourant l'autorisation d'exploiter un taxi de service public, le Tribunal administratif n'est pas tombé dans l'arbitraire.
6.
Enfin, le recourant se plaint de subir une double peine: pour les deux mêmes infractions à la loi sur la circulation routière, il aurait subi un retrait de permis et un refus d'autorisation d'exploiter un taxi de service public. Ce faisant, il se plaint de la violation du principe «ne bis in idem».
Selon la jurisprudence, le principe «ne bis in idem», qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, interdit qu'une personne soit pénalement poursuivie deux fois pour les mêmes faits. L'autorité de chose jugée et le principe «ne bis in idem» supposent qu'il y ait identité de l'objet de la procédure, de la personne visée et des faits retenus (ATF 123 II 464 consid. 2b p. 466; 120 IV 10 consid. 2b p. 12 s.; 118 IV 269 consid. 2 p. 271).
En l'espèce, comme l'a déjà constaté le Tribunal administratif, le recourant ne démontre pas en quoi le refus de délivrer une autorisation administrative dont il ne remplit pas les conditions légales d'octroi constituerait une sanction pénale. Son grief est par conséquent irrecevable.
7.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Succombant, le recourant doit supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). II n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Département de l'économie et de la santé et au Tribunal administratif du canton de Genève.
Lausanne, le 10 septembre 2007
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: