Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_99/2007 /col
Arrêt du 26 septembre 2007
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Fonjallaz
et Eusebio.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Stéphane Riand, avocat,
contre
Nicolas Dubuis, Juge d'instruction, Office du Juge d'instruction cantonal, Palais de Justice, 1950 Sion 2,
intimé,
Président du Tribunal cantonal du canton du Valais, case postale, 1950 Sion 2.
Objet
procédure pénale; récusation,
recours en matière pénale contre l'arrêt du Président du Tribunal cantonal du canton du Valais du 4 mai 2007.
Faits:
A.
Le 22 juillet 2003, le Juge d'instruction des affaires économiques du canton du Valais, Nicolas Dubuis, a ouvert une instruction pénale d'office contre A.________ pour abus de confiance, voire pour gestion déloyale et blanchiment d'argent. Celui-ci était soupçonné d'avoir utilisé à son profit des biens, sommes d'argent et autres valeurs patrimoniales au détriment de la Caisse de retraite et de prévoyance du personnel enseignant du canton du Valais, dont il était le président.
Le 12 mars 2007, A.________ a demandé la récusation du juge d'instruction Nicolas Dubuis au motif que ce dernier aurait transmis à l'Inspection cantonale des finances un rapport rédigé par ses soins, qui aurait servi de base à des propos mensongers le concernant tenus à l'occasion d'une conférence de presse donnée par le Conseil d'Etat du canton du Valais le 30 mars 2004. Il n'aurait pris connaissance de ce fait que le 3 mars 2007 en consultant le procès-verbal d'audition de C.________ du 14 décembre 2006 versé dans la procédure pénale pour atteinte à l'honneur ouverte sur plainte de sa part contre inconnu par le Juge d'instruction pénale Jean-Nicolas Délez à la suite de ces faits. A titre de moyens de preuve, il sollicitait plusieurs auditions ainsi que la production de diverses pièces.
Statuant par décision du 4 mai 2007, le Président du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté la demande de récusation dans la mesure où elle était recevable.
B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale et subsidiairement par celle du recours constitutionnel, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette décision. Dans le cadre du recours en matière pénale, il conclut également au renvoi du dossier portant sur la récusation du juge d'instruction Nicolas Dubuis au Président du Tribunal cantonal pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Invoquant les art. 29 al. 2, 30 al. 1 et 32 al. 1 Cst. et 6 CEDH, il dénonce à divers titres une violation de son droit à un procès équitable, de son droit d'être entendu, de son droit à être traduit devant un tribunal indépendant et impartial établi par la loi et de la présomption d'innocence. Il requiert l'assistance judiciaire.
Le Président du Tribunal cantonal s'est déterminé brièvement. Le juge d'instruction Nicolas Dubuis se réfère aux observations formulées le 22 mars 2007 en réponse à la requête de récusation.
Invité à répliquer, A.________ a persisté dans les conclusions de son recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Conformément aux art. 78 al. 1 et 92 al. 1 LTF, une décision relative à la récusation d'un juge d'instruction pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours matière pénale. L'auteur débouté de la demande de récusation a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le recourant a agi dans le délai de trente jours prescrit à l'art. 100 al. 1 LTF. L'arrêt attaqué est rendu en dernière instance cantonale, puisque le droit de procédure valaisan ne prévoit pas encore d'instance statuant sur recours au sens de l'art. 80 al. 2 LTF.
2.
Le recourant peut être renvoyé aux considérations émises dans les précédents arrêts le concernant, s'agissant des conditions auxquelles peut être exigée la récusation d'un juge d'instruction pénale (cf. arrêts 1P.813/2006 du 13 mars 2007 consid. 4.1 et 1P.619/2003 du 26 novembre 2003 consid. 4.1).
3.
A.________ voit un motif de récusation du juge d'instruction Nicolas Dubuis dans le fait que ce dernier aurait communiqué à l'Inspection cantonale des finances un rapport qui aurait servi de base à des propos mensongers et diffamatoires tenus à son endroit lors de la conférence de presse donnée par le Conseil d'Etat le 30 mars 2004. Il se réfère à cet égard aux déclarations de l'ancien chef de l'information de l'Etat du Valais, C.________, faites le 14 décembre 2006 dans le cadre de la procédure pénale pour atteinte à l'honneur instruite contre inconnu sur plainte de sa part par le juge d'instruction Jean-Nicolas Délez. Le Président du Tribunal cantonal a considéré que l'existence d'un tel rapport n'était pas établie, au vu des déclarations du chef du service de l'Inspection cantonale des finances, F.________, et de la déposition de C.________ qui démontrait sa méconnaissance des circonstances ayant entouré la rédaction du rapport établi par ce service le 24 mars 2004.
Le recourant prétend que le Président du Tribunal cantonal aurait fait preuve d'arbitraire en préférant les déclarations de F.________ à celles de C.________; selon lui, les déclarations du chef du service de l'Inspection cantonale des finances seraient entachées d'un vice de forme puisque le procès-verbal de son audition versé au dossier de la procédure pénale instruite par le juge d'instruction Jean-Nicolas Délez mentionne deux dates différentes. Il en déduit que ces déclarations auraient été faites dans le cadre de la procédure pénale instruite sur plainte de E.________ par le juge d'instruction Géraldine Gianadda et reprises telles quelles dans la procédure pénale qu'il a initiée. On ne voit cependant pas en quoi cette irrégularité formelle affecterait la matérialité des propos de F.________, dont ce dernier a confirmé ultérieurement la teneur en date du 20 mars 2007. Le Président du Tribunal cantonal a d'ailleurs relevé que sa décision n'aurait pas été différente s'il avait pris en compte les déclarations faites dans la procédure pénale conduite par le juge d'instruction Jean-Nicolas Délez sur plainte du recourant plutôt que celles tenues dans la procédure pénale instruite sur plainte de E.________.
Le recourant estime que la décision d'écarter les déclarations de C.________ ne tiendrait compte ni des qualifications particulières de leur auteur en tant qu'expert en information ni du rôle de premier plan qu'il a tenu dans l'organisation de la conférence de presse du 30 mars 2004 et la gestion de l'information donnée à cette occasion. Il ne prétend toutefois pas que C.________ aurait pris une part active dans l'élaboration du rapport de l'Inspection cantonale des finances du 24 mars 2004 dont la teneur a été dévoilée lors de la conférence de presse et qu'il en connaissait les sources mieux que le responsable de ce service. Les déclarations de F.________ sont au surplus corroborées par celles du juge d'instruction Nicolas Dubuis qui a nié avoir transmis un rapport à l'Inspection des finances, alors que celles de C.________ sont sujettes à caution. Celui-ci a en effet affirmé que le contenu de la conférence de presse provenait dans les grandes lignes du rapport du juge d'instruction Nicolas Dubuis qui avait fait interdiction à toute personne en possession dudit rapport d'en faire état ou d'en divulguer le contenu jusqu'au mardi 30 mars 2004 à 18h00. Or, cette interdiction visait le rapport établi le 24 mars 2004 par l'Inspection cantonale des finances et ne concernait en aucun cas un rapport dont le magistrat intimé aurait prétendument été l'auteur et qu'il aurait transmis audit service pour préparer son rapport. Le recourant ne s'exprime aucunement sur ce point, auquel le Président du Tribunal cantonal pouvait sans arbitraire attacher un certain poids dans l'appréciation qu'il devait faire de la crédibilité des déclarations contradictoires respectives.
Cela étant, on ne voit pas ce qu'il y a d'insoutenable de privilégier les déclarations du responsable du service de l'Inspection cantonale des finances qui a établi le rapport du 24 mars 2004 plutôt que celles de l'ancien chef de l'information de l'Etat du Valais qui a organisé la conférence de presse du 30 mars 2004. Le Président du Tribunal cantonal n'a à tout le moins pas fait preuve d'arbitraire en considérant que le motif de récusation allégué n'était pas établi et en écartant la demande.
Le recourant semble il est vrai soutenir que face aux déclarations contradictoires de F.________ et de C.________, le Président du Tribunal cantonal aurait dû procéder à l'administration de certaines des preuves offertes, sans toutefois préciser lesquelles. Il est douteux qu'ainsi formulé, le grief de violation du droit d'être entendu respecte les exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF. Peu importe en définitive. Le droit de faire administrer les preuves déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. n'est en effet pas absolu, mais il ne porte que sur celles qui apparaissent utiles à l'établissement des faits pertinents. L'autorité de décision peut donc se livrer à une appréciation anticipée de la pertinence du fait à prouver et de l'utilité du moyen de preuve offert et, sur cette base, refuser de l'administrer. Ce refus ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation à laquelle l'autorité a ainsi procédé est entachée d'arbitraire (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les arrêts cités). Dans le cas particulier, le Président du Tribunal cantonal pouvait se dispenser d'entendre F.________ puisque ce dernier avait été expressément interpellé sur les déclarations de C.________ dans le cadre de la procédure pénale instruite sur plainte de E.________ et les avait réfutées. Le juge d'instruction Nicolas Dubuis s'est déterminé par écrit sur sa récusation de sorte que son audition ne s'imposait pas davantage. Certes, le Président du Tribunal cantonal aurait pu entendre C.________ pour préciser notamment d'où il tenait les informations selon lesquelles l'Inspection cantonale des finances se serait basée sur un rapport du juge d'instruction Nicolas Dubuis pour établir son propre rapport du 24 mars 2004. Toutefois, compte tenu des éléments en sa possession qui faisaient apparaître cette version des faits pour invraisemblable, il pouvait sans faire preuve d'arbitraire admettre qu'une telle mesure d'instruction ne se justifiait pas. Le recourant ne prétend au surplus pas que le dossier de la procédure pénale instruite contre inconnu sur plainte de sa part, auquel il a eu accès, comporterait des éléments pertinents pour l'issue de la demande de récusation, que le Président du Tribunal cantonal aurait méconnus. L'apport à la procédure de récusation de ce dossier n'aurait donc pas conduit à une autre appréciation que celle à laquelle ce magistrat est parvenue sur la base des éléments à sa disposition. Le fait que le Président du Tribunal cantonal ait statué sans avoir eu connaissance de ce dossier n'emporte aucune violation du droit d'être entendu.
Enfin, le recourant reproche en vain au Président du Tribunal cantonal de s'être fondé sur des pièces issues de la procédure pénale ouverte sur plainte de E.________, qui ne lui ont pas été communiquées, pour écarter sa demande de récusation. Ces pièces étaient annexées aux déterminations du juge d'instruction Nicolas Dubuis sur la requête de récusation dont il faisait l'objet. Le recourant a reçu une copie de ces déterminations et a immédiatement réagi en déposant des observations sans requérir pour autant la production des pièces qui les accompagnaient. Ses observations spontanées n'ont par ailleurs pas été écartées du dossier de récusation. Dans ces circonstances, le droit d'être entendu du recourant tel qu'il découle des art. 29 al. 2 Cst. et 6 § 1 CEDH n'a pas été violé (cf. ATF 132 I 42 consid. 3.3.4 p. 47; arrêt 1P.245/2006 du 12 juillet 2006 consid. 2).
4.
Le recourant voit enfin dans le fait que le juge d'instruction Nicolas Dubuis s'est référé à des déclarations faites dans une procédure pénale qu'il n'instruit pas la démonstration de la collusion existant entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir politique. Cet élément n'a toutefois pas été invoqué devant le Président du Tribunal cantonal pour justifier la récusation de l'intimé, de sorte que sa recevabilité est douteuse. Peu importe car il n'est de toute manière pas de nature à établir un soupçon fondé de prévention de ce magistrat à l'égard du recourant. Dès lors que le motif de récusation formulé à son endroit se fondait sur des propos tenus dans une autre procédure pénale que celle qu'il instruisait, il était normal que le juge d'instruction Nicolas Dubuis se fasse communiquer le dossier en question et se réfère à des pièces qui y étaient contenues afin de pouvoir préparer au mieux sa prise de position. Le recourant ne prétend d'ailleurs pas que ce magistrat aurait commis une erreur de procédure en agissant de la sorte.
5.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est recevable. Celui-ci étant d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit également être écartée ( art. 64 al. 1 et 2 LTF ). Le recourant, qui succombe, prendra en charge les frais du présent arrêt ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au magistrat intimé et au Président du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 26 septembre 2007
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: