BGer C 212/2006 |
BGer C 212/2006 vom 26.09.2007 |
Tribunale federale
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{T 7}
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C 212/06
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Arrêt du 26 septembre 2007
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Ire Cour de droit social
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Composition
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MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
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Widmer et Frésard.
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Greffier: M. Beauverd.
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Parties
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C.________,
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recourant, représenté par Me Nicolas Bornand, avocat, Terreaux 5, 2000 Neuchâtel,
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contre
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Service de l'emploi du canton de Neuchâtel, avenue Léopold-Robert 90, 2300 La Chaux-de-Fonds,
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intimé,
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Objet
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Assurance-chômage,
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recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 6 juillet 2006.
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Faits:
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A.
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C.________ a subi une peine privative de liberté du 24 janvier 2003 au 24 janvier 2004. Toutefois, il a bénéficié du régime de semi-liberté à partir du 22 octobre 2003. Il a requis une indemnité de chômage à partir du 26 janvier 2004.
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Invité par la Caisse de chômage du Syndicat industrie et bâtiment (actuellement: la Caisse de chômage UNIA; ci-après: la caisse) à statuer sur le cas, le Service de l'emploi du canton de Neuchâtel a rendu une décision, le 26 mars 2004, confirmée sur opposition le 9 juillet suivant, par laquelle il a rejeté la demande de prestations, motif pris que l'intéressé n'avait pas exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation et qu'il ne pouvait en outre se prévaloir d'un motif de libération des conditions relatives à la période de cotisation.
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Saisi d'un recours contre la décision sur opposition, le Département de l'économie publique (actuellement: le Département de l'économie) du canton de Neuchâtel l'a rejeté par décision du 5 novembre 2004.
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B.
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Statuant le 6 juillet 2006, le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel a rejeté le recours de l'intéressé contre cette dernière décision, ainsi que sa demande d'assistance judiciaire tendant à la désignation d'un avocat d'office.
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C.
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C.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation, en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'une indemnité de chômage dès le 26 janvier 2004, ainsi qu'au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure judiciaire cantonale. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement. Par ailleurs, il requiert l'assistance judiciaire pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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Le service de l'emploi conclut au rejet du recours, ce que propose aussi implicitement le département de l'économie. De son côté, le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a renoncé à présenter des déterminations.
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Considérant en droit:
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1.
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La loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
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2.
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En premier lieu, est litigieux le droit du recourant à une indemnité de chômage à partir du 26 janvier 2004. Les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 LACI) n'étant pas réalisées, il s'agit d'examiner, en particulier, si le recourant peut se prévaloir des règles sur la libération des conditions relatives à la période de cotisation (art. 14 LACI).
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2.1 Selon l'art. 14 al. 1 LACI, sont libérées des conditions relatives à la période de cotisation les personnes qui, dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI) et pendant plus de douze mois au total, n'étaient pas parties à un rapport de travail et, partant, n'ont pu remplir les conditions relatives à la période de cotisation, notamment parce qu'elles ont accompli une formation scolaire, une reconversion ou un perfectionnement professionnel, à la condition qu'elles aient été domiciliées en Suisse pendant dix ans au moins (let. a), ou parce qu'elles ont séjourné dans un établissement suisse de détention ou d'éducation au travail, ou dans une institution suisse de même nature (let. c).
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2.2 La juridiction cantonale a considéré que le motif de libération prévu à l'art. 14 al. 1 let. c LACI n'était pas réalisé en l'occurrence, du moment que la durée de l'empêchement était insuffisante, l'assuré ayant bénéficié du régime de semi-liberté dès le 22 octobre 2003, soit après neuf mois environ de détention.
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Ce point de vue est bien fondé. La jurisprudence considère en effet que l'exercice d'une activité lucrative est conciliable avec le régime de la semi-liberté (SVR 2004 IV no 33, consid. 6.3.2 p. 107, I 301/02). Aussi, dès le 22 octobre 2003, l'intéressé n'était-il plus empêché d'être partie à un rapport de travail en raison de la détention. Celle-ci ayant duré moins de douze mois, le recourant ne peut dès lors invoquer l'art. 14 al. 1 let. c LACI pour bénéficier de la libération des conditions relatives à la période de cotisation.
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2.3 Cela étant, il existe encore un autre motif pour lequel le recourant ne peut se prévaloir d'une cause de libération prévue à l'art. 14 al. 1 LACI.
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2.3.1 Selon la jurisprudence constante, il doit exister un lien de causalité entre les motifs de libération énumérés à cette disposition et l'absence d'une durée minimale de cotisation (ATF 125 V 123 consid. 2a p. 125, 121 V 336 consid. 5b p. 342 et la référence; SVR 1999 ALV no 7 p. 19 consid. 2a). La preuve stricte de la causalité, dans une acception scientifique, ne doit pas être exigée; l'existence d'un lien de causalité doit déjà être admise lorsqu'il apparaît crédible et concevable que l'une des circonstances énumérées à l'art. 14 al. 1 LACI a empêché l'intéressé d'exercer une activité soumise à cotisation (cf. ATF 121 V 336 consid. 5c/bb p. 344).
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2.3.2 En l'espèce, le recourant a été inscrit en qualité d'étudiant à la Faculté de droit de l'Université de Neuchâtel durant toute la période du délai-cadre applicable à la période de cotisation (du 26 janvier 2002 au 25 janvier 2004). La juridiction cantonale a jugé toutefois qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre cette formation au sens de l'art. 14 al. 1 let. a LACI (cf. ATF 122 V 43 consid. 3c/aa p. 44; DTA 2000 no 28 p. 146 consid. 1b) et l'absence de durée minimale de cotisation. Elle a considéré que l'absence de cotisation était imputable non pas à cette formation, mais à l'exercice d'une activité lucrative indépendante. Il ressortait en effet d'une lettre du 16 janvier 2004, adressée en complément de la demande d'indemnités de chômage, qu'avant la période d'incarcération, l'intéressé n'était pas partie à des rapports de travail mais avait un emploi de condition indépendante dans une entreprise inscrite en nom propre. Ces allégations ont été confirmées par la Caisse cantonale neuchâteloise de compensation qui a attesté, le 16 janvier 2004, que C.________ avait été affilié du 1er septembre 2002 au 31 décembre 2003 en qualité de personne de condition indépendante. Certes, dans son opposition à la décision du 26 mars 2004, l'intéressé a indiqué qu'il n'avait jamais exercé d'activité indépendante et que son inscription à la caisse de compensation en qualité d'indépendant n'était que fictive, son but étant de retirer le montant en capital de son avoir LPP afin de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Cette allégation étant en contradiction avec les premières déclarations, la juridiction cantonale s'est fondée sur celles-ci, conformément à la jurisprudence selon laquelle il faut leur accorder plus de poids qu'aux déclarations ultérieures divergentes, lesquelles peuvent avoir été influencées par un refus de prestations d'assurance (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47, 115 V 133 consid. 8c p. 143 et la référence).
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2.3.3 Le point de vue de la juridiction cantonale n'est pas critiquable. Le recourant a d'abord déclaré spontanément avoir exercé une activité lucrative indépendante. Ce n'est qu'après le refus de l'assurance-chômage de lui allouer une indemnité qu'il a allégué que l'activité indépendante était fictive et que son inscription à la caisse de compensation avait uniquement pour but d'obtenir le paiement en espèces de la prestation de sortie LPP. Il convient donc en l'occurrence de se fonder sur les premières déclarations du recourant. Au surplus, le procédé consistant à contourner la réglementation en matière de paiement en espèces de la prestation de sortie (cf. art. 5 al. 1 let. b LFLP) n'a pas à être protégé en vertu du principe « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » (art. 2 al. 2 CC; cf. ATF 114 II 79 consid. 3a p. 81, 109 II 20 consid. 2b p. 22, 108 II 25 consid. 3a p. 27).
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Vu ce qui précède, l'intimé était fondé, par sa décision sur opposition du 9 juillet 2004, à nier le droit du recourant à une indemnité de chômage. Le jugement attaqué n'est pas critiquable dans la mesure où il confirme cette décision.
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3.
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En second lieu, est litigieux le rejet par la juridiction cantonale de la demande de C.________ tendant à la désignation de Maître Bornand en qualité d'avocat d'office dans la procédure de recours de droit administratif.
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3.1 Le tribunal cantonal motive ce refus en se fondant sur le droit cantonal, plus particulièrement la loi neuchâteloise sur l'assistance judiciaire et administrative du 2 février 1999 (LAJA; RSN 161.3). Sous le titre « moment de la requête », l'art. 6 LAJA dispose que l'assistance peut être requise avant l'introduction de l'instance, ou en tout état de cause. Selon l'art. 12 LAJA, l'assistance prend effet le jour où elle a été requise et se termine, sauf retrait, à la fin de la procédure cantonale de recours (al. 1). L'autorité compétente peut, si elle le juge opportun, accorder l'assistance avec effet rétroactif (al. 2).
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En l'occurrence, le recours a été adressé à la juridiction cantonale le 8 décembre 2004 et la demande d'assistance judiciaire le 9 décembre suivant. Aussi, la juridiction cantonale a-t-elle considéré qu'à supposer que les conditions matérielles de l'assistance judiciaire fussent réalisées, celle-ci n'aurait pu être accordée qu'à partir du 9 décembre 2004, les conditions d'octroi avec effet rétroactif n'étant en l'occurrence pas remplies. Comme tout le travail du mandataire avait déjà été effectué avant cette date, le tribunal cantonal a rejeté la demande d'assistance judiciaire.
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3.2 Aux termes de l'art. 61 let. f LPGA, le droit de se faire assister par un conseil doit être garanti; lorsque les circonstances le justifient, l'assistance judiciaire gratuite est accordée au recourant.
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Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien art. 85 al. 2 let. f LAVS (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002), laquelle a gardé toute sa valeur en relation avec l'art. 61 let. f LPGA (cf. Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, p. 626 n. 86 ad art. 61), c'est le droit fédéral qui détermine si et à quelles conditions l'assistance judiciaire gratuite doit être accordée; en revanche, la fixation de l'indemnité allouée à l'avocat d'office dépend du droit cantonal (ATF 110 V 360 consid. 1b p. 362).
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En ce qui concerne le moment de la naissance du droit à l'assistance, le Tribunal fédéral a jugé que l'art. 4 aCst. ne conférait en principe aucun droit à l'octroi rétroactif de l'assistance judiciaire pour des frais qui sont déjà intervenus avant le dépôt de la demande d'assistance judiciaire (ATF 122 I 203). Toutefois, lorsque - comme en l'occurrence - le droit à l'assistance judiciaire est fondé sur une disposition légale fédérale qui va plus loin que la garantie constitutionnelle minimale, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que cette jurisprudence rendue à propos de l'art. 4 aCst. n'était pas applicable. Aussi a-t-il jugé qu'un prononcé cantonal en vertu duquel l'assistance judiciaire n'était accordée qu'à partir du moment où la demande y relative était présentée violait le droit fédéral (SVR 2000 UV no 3 p. 7, 1994 IV no 29 p. 75).
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3.3 Vu ce qui précède, le refus de la juridiction cantonale d'accorder l'assistance judiciaire n'est pas justifié, dans la mesure où il repose uniquement sur le motif que la requête y relative a été présentée postérieurement au dépôt du recours. Il convient donc, sur ce point, de renvoyer la cause à ladite juridiction pour qu'elle statue à nouveau sur la demande d'assistance judiciaire en procédure cantonale.
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4.
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Le recourant, qui est représenté par un avocat, obtient partiellement gain de cause. Il a droit, pour l'instance fédérale, à une indemnité de dépens réduite à la charge de l'Etat de Neuchâtel (art. 159 al. 1 et 3 OJ).
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Dans la mesure où elle vise aussi la dispense de payer des frais de procédure, la demande d'assistance judiciaire en procédure fédérale est sans objet au regard de l'art. 134 OJ et de la jurisprudence selon laquelle la procédure en matière de litiges portant sur l'assistance judiciaire est gratuite (SVR 2002 ALV no 3 p. 7 consid. 5, C 130/99). Par ailleurs, comme le recours apparaissait d'emblée voué à l'échec en tant qu'il était dirigé contre le refus de l'intimée de lui allouer une indemnité de chômage, le recourant n'a pas droit, au titre de l'assistance judiciaire, à la prise en charge de la part des honoraires d'avocat qui excède l'indemnité de dépens réduite (art. 152 al. 1 et 2 OJ).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est partiellement admis et le ch. 2 du dispositif du jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 6 juillet 2006 est annulé, la cause étant renvoyée audit tribunal pour qu'il statue à nouveau sur la requête d'assistance judiciaire.
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2.
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Il n'est pas perçu de frais de justice.
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3.
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L'Etat de Neuchâtel versera au recourant la somme de 1'000 fr. à titre d'indemnité de dépens réduite pour l'instance fédérale.
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4.
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La requête d'assistance judiciaire est rejetée pour la part des honoraires de l'avocat qui excède cette indemnité.
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5.
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Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, au Département de l'économie du canton de Neuchâtel et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
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Lucerne, le 26 septembre 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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p. le Président: Le Greffier:
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