BGer 4A_228/2007 |
BGer 4A_228/2007 vom 01.10.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_228/2007 /ech
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Arrêt du 1er octobre 2007
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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MM. et Mme les juges Corboz, président, Kolly et Kiss.
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Greffier: M. Thélin.
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Parties
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X.________,
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défendeur et recourant, représenté par Me Dominique Warluzel,
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contre
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Société immobilière Y.________,
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demanderesse et intimée, représentée par Me Blaise Grosjean.
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Objet
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contrat de transfert immobilier; erreur essentielle
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recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 11 mai 2007 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Faits :
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A.
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Durant de nombreuses années, la Société immobilière Y.________, société anonyme, est demeurée propriétaire d'un bâtiment d'habitation sis à Genève, rue ...; elle avait pour but, surtout, de louer à ses propres actionnaires les appartements et garages existant dans ce bâtiment. Les actions étaient nominatives et incorporées dans des certificats indivisibles; chacun d'eux conférait le droit de prendre à bail l'un des appartements ou garages. X.________ était actionnaire et détenait deux certificats, soit un de dix-sept actions, n° 47, correspondant à un appartement de huit pièces avec balcon, et un d'une action, n° 74, correspondant à un garage.
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Dès 1995, dans un but d'optimisation fiscale, la société a envisagé de placer le bâtiment sous le régime de la propriété par étages, de se dissoudre et de se liquider en transférant la propriété de chaque appartement ou garage à son ayant droit. Elle a réalisé la première étape de ce processus. La dissolution n'est pas intervenue mais, lors de l'assemblée générale extraordinaire du 9 mai 2000, les statuts furent modifiés pour y introduire, notamment, les clauses nouvelles ci-après:
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Les actionnaires ont la possibilité de demander le transfert à leur nom de la part de copropriété correspondant, en vertu des statuts, aux actions qu'ils détiennent.
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Tous les frais et conséquences fiscales en découlant pour la société lui seront remboursés par l'actionnaire concerné.
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A l'issue de pourparlers avec l'administration fiscale cantonale, il fut certain que lors des transferts à intervenir jusqu'au 31 décembre 2001 au plus tard, le bénéfice de liquidation imposable serait déterminé sur la base d'une valeur vénale de 18'300'000 fr. pour la totalité des parts de copropriété. Le 29 mars 2001, la société distribua à tous les actionnaires un tableau indiquant, pour chacun d'eux, les montants d'impôt cantonal et communal et d'impôt fédéral direct qu'ils devraient lui rembourser s'ils exerçaient leur droit au transfert. Le tableau indiquait aussi le montant des droits de mutation. La société prévoyait d'acquitter l'impôt anticipé par une déclaration remplaçant le paiement effectif de cet impôt; c'est ce qu'indiquait une mention « sous réserve de la dérogation de l'AFC OIA art. 24 ». Le tableau portait aussi une mention « confidentiel SEO ». D'après ce document et en cas de transfert de l'appartement seulement, X.________ devrait rembourser, au titre de l'impôt cantonal et communal et de l'impôt fédéral direct incombant à la société, respectivement 24'948 fr.95 et 12'596 fr.05; il devrait aussi acquitter les droits de mutation et l'émolument du registre foncier par 10'585 fr.65, plus les frais de notaire qui n'étaient pas estimés.
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Par acte authentique daté du 14 et du 17 décembre 2001, la société a convenu avec X.________ de lui transférer la propriété du bien immatriculé au feuillet n° ... du registre foncier de Genève, section Eaux-Vives, soit la part de copropriété d'immeuble conférant le droit exclusif d'utilisation et d'aménagement de l'appartement concerné. Pour la perception des droits d'enregistrement, en se référant à la valeur totale de 18'300'000 fr. admise par l'autorité fiscale, les parties ont déclaré une valeur de 588'090 fr.70 pour la part concernée. L'inscription de l'acte au registre foncier est intervenue le 20 décembre 2001. Par l'intermédiaire du notaire, selon le décompte établi par celui-ci le 26 mars 2002, X.________ a payé 61'790 fr.40, cette somme comprenant les impôts, droits et frais précités, et les frais de création d'une cédule hypothécaire. X.________ a aussi restitué le certificat d'actions n° 47 correspondant à l'appartement. Le certificat relatif au garage était introuvable; c'est pourquoi la propriété de ce bien n'a pas été transférée avec celle de l'appartement.
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B.
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Le 11 juillet 2003, l'Administration fédérale des contributions a averti la société que le règlement de l'impôt anticipé par la procédure dite de la déclaration de la prestation imposable n'était pas admissible dans le cas de cinq actionnaires qui avaient leur domicile à l'étranger et qui, pour ce motif, ne pouvaient en principe pas récupérer l'impôt anticipé prélevé sur leurs revenus; cela concernait notamment X.________ qui était domicilié en Egypte. La société était tenue de verser l'impôt dans le délai de trente jours, au taux de 35% de la valeur des prestations faites à ces actionnaires. Elle s'est donc adressée à chacun d'eux pour leur réclamer le montant d'impôt correspondant à ce qu'ils avaient reçu. X.________ était ainsi prié de verser 153'546 fr.40 avant le 5 août 2003.
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X.________ s'est refusé au paiement en expliquant qu'il n'aurait pas demandé le transfert de son appartement s'il avait été informé du coût total de cette opération. Le 17 mai 2004, il a déclaré l'invalidation du contrat de transfert immobilier au motif qu'il l'avait conclu sous l'influence d'une erreur essentielle. Dans l'intervalle, la société avait acquitté le montant d'impôt précité et, de plus, des intérêts moratoires par 13'315 fr.25. En garantie de sa prétention contre X.________, elle avait obtenu du juge compétent le séquestre de l'immeuble, puis entrepris une poursuite pour dettes.
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C.
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Le 20 février 2004, la Société immobilière Y.________ a ouvert action contre X.________ devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Sa demande tendait au paiement de 153'546 fr.40, montant de l'impôt anticipé, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 11 août 2003, et de 1'713 fr.90 correspondant aux frais de séquestre, avec intérêts dès le 20 janvier 2004. La demande fut plus tard amplifiée de 13'315 fr.25, soit les intérêts moratoires versés en sus de l'impôt, avec intérêts dès le 18 mai 2004.
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Le défendeur a introduit une demande reconventionnelle. Le tribunal devait constater que le contrat de transfert immobilier avait été valablement invalidé, prendre acte de ce que le défendeur s'engageait à rétrocéder l'immeuble à la demanderesse contre restitution du certificat d'actions, et condamner celle-ci à lui payer 67'078 fr.80 avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er mai 2004, ainsi qu'à prendre en charge tous les frais de ce nouveau transfert immobilier.
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Le tribunal s'est prononcé le 9 novembre 2006. Il a condamné le défendeur à rembourser l'impôt anticipé et les intérêts moratoires, ceux-ci à concurrence de 8'013 fr.95 seulement, avec suite d'intérêts selon la demande principale; sur les frais de séquestre, il a rejeté cette demande; il a entièrement rejeté la demande reconventionnelle.
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Le défendeur ayant appelé à la Cour de justice, celle-ci a statué le 11 mai 2007. Elle a confirmé le jugement.
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D.
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Agissant par la voie du recours en matière civile avec des conclusions semblables à celles prises dans les instances antérieures, le défendeur requiert le Tribunal fédéral de rejeter la demande principale et d'accueillir la demande reconventionnelle.
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La demanderesse conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours est en principe recevable.
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Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF); il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF).
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Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Cette partie ne peut toutefois pas se borner à contredire les constatations litigieuses par ses propres allégations ou par l'exposé de sa propre appréciation des preuves; elle doit plutôt indiquer de façon précise en quoi ces constatations sont contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable; une critique qui ne satisfait pas à cette exigence est irrecevable (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 125 I 492 consid. 1b p. 495).
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2.
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A teneur de l'art. 23 CO, le contrat n'oblige pas celle des parties qui, au moment de conclure, se trouvait dans une erreur essentielle. Selon l'art. 24 al. 1 ch. 3 et 4 CO, parmi d'autres cas, il y a erreur essentielle lorsque l'un des cocontractants a promis une prestation notablement plus étendue qu'il ne le voulait (ch. 3), ou lorsqu'il s'est mépris sur des faits qu'il pouvait considérer, du point de vue de la loyauté en affaires, comme des éléments nécessaires du contrat (ch. 4). Dans cette seconde hypothèse, l'erreur a porté sur un point déterminé, considéré par la victime comme un élément nécessaire du contrat, et dont l'autre partie a reconnu ou pouvait reconnaître qu'il avait un tel caractère; il faut encore que l'erreur concernât un fait qu'il est objectivement justifié de considérer comme un élément essentiel. L'erreur peut consister dans la méconnaissance d'une situation juridique; l'erreur de droit n'est toutefois pas essentielle lorsqu'elle porte seulement sur les effets juridiques du contrat conclu (ATF 118 II 58 consid. 3b p. 63; voir aussi ATF 127 V 301 consid. 3c p. 307/308).
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Le défendeur reproche aux précédents juges d'avoir violé l'art. 23 CO en lui déniant le droit d'invalider l'acte de transfert immobilier pour cause d'erreur essentielle. Selon sa version des faits, il a conclu en sachant qu'il devrait rembourser à la demanderesse les montants d'impôt cantonal et communal et d'impôt fédéral direct qui lui avaient été annoncés; en revanche, il ignorait que cette partie devrait acquitter en outre, avant de le reporter sur lui, un montant d'impôt anticipé encore bien plus important.
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3.
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Les parties ont convenu que le défendeur acquerrait une part de copropriété d'immeuble appartenant à la demanderesse, en contrepartie des dix-sept actions incorporées dans le certificat n° 47 et du remboursement des impôts sur le bénéfice de liquidation à comptabiliser par cette partie-ci. Elles ont estimé la valeur des biens ainsi échangés à 588'090 fr.70. Il n'apparaît pas de le défendeur se soit trouvé dans l'erreur au sujet de cette valeur et il n'est pas allégué qu'une erreur ait été commise sur le montant des impôts précités.
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Pour le surplus, l'accord des parties ne portait aucunement sur l'imposition que le défendeur devrait supporter directement par suite de cette opération. A la différence de l'impôt cantonal et communal et de l'impôt fédéral direct, l'impôt anticipé ne grève pas la demanderesse à raison de son bénéfice de liquidation partielle; il grève le défendeur à raison du rendement qu'il retire personnellement des dix-sept actions, sous forme d'une prestation en nature - la part de copropriété d'immeuble - dont la valeur excède le simple remboursement du capital apporté initialement à la demanderesse. Cet impôt est perçu à la source, soit auprès de cette dernière partie, mais cela ne change rien à sa nature. En tant que le défendeur, selon ses affirmations, a omis de prévoir ledit impôt et qu'il se trouve entraîné dans une dépense notablement plus importante que celle envisagée, son erreur a porté sur un effet du contrat sans rapport avec la relation des parties. Conformément au raisonnement de la Cour de justice, elle n'est pas essentielle selon l'art. 24 al. 1 ch. 4 CO et elle ne peut donc pas justifier l'invalidation du contrat.
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4.
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L'art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur l'impôt anticipé (LIA; RS 642.21) exige que le débiteur d'une prestation imposable acquitte l'impôt et le retienne sur cette prestation; toute convention contraire, entre lui et le créancier de la prestation, est nulle. Si le débiteur a omis de retenir l'impôt ou s'il a fourni une prestation en nature qui ne se prêtait pas à la retenue, il doit réclamer au créancier le remboursement de l'impôt et, à cette fin, il jouit d'un droit d'action spécifique contre lui (ATF 131 III 546 consid. 2.1 p. 549). C'est sur cette base que la Cour de justice donne gain de cause à la demanderesse. Pour résister à la prétention élevée contre lui, le défendeur argue seulement de l'invalidité du contrat, moyen qui n'est pas concluant; du reste, on verra que la demanderesse n'encourt aucune responsabilité en rapport avec l'impôt anticipé.
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5.
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A l'appui de sa propre action en paiement, le défendeur énumère la liste des montants qu'il a déjà déboursés en relation avec le transfert immobilier, au total de 67'078 fr.80. Il réclame d'être « replacé dans la situation qui aurait été la sienne si le contrat n'avait jamais existé ». Selon son argumentation, la demanderesse savait ou devait savoir que son domicile se trouvait à l'étranger; en connaissance de ce fait, elle devait prévoir l'obligation d'acquitter effectivement l'impôt anticipé au taux de 35%, et il lui reproche une négligence grossière à ce sujet.
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On ne discerne guère le fondement juridique de cette action. Le défendeur se réfère à l'art. 26 al. 1 CO mais cette disposition concerne seulement les dommages-intérêts que la partie victime d'une erreur essentielle, obtenant pour ce motif la rescision du contrat, doit éventuellement à l'autre partie. La demanderesse n'a contracté aucun mandat en faveur des actionnaires candidats à acquérir leur appartement ou garage et, en particulier, elle ne s'est pas chargée de les renseigner au sujet de l'incidence de cette acquisition sur leur propre situation fiscale. Elle n'avait pas pour but de pratiquer le conseil fiscal et elle n'exerçait pas non plus cette activité de manière habituelle, ce qui exclut de lui imputer un devoir de diligence ou d'information à fonder sur le principe de la confiance (cf. ATF 124 III 155 consid. 3a p. 162). On ne peut donc lui reprocher aucun manquement propre à entraîner l'obligation de réparer un hypothétique dommage. Pour ce motif déjà, l'action reconventionnelle était vouée à l'échec.
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6.
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Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 6'000 fr.
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3.
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Le défendeur versera une indemnité de 7'000 fr. à la demanderesse à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 1er octobre 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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