BGer 4A_278/2007 |
BGer 4A_278/2007 vom 04.10.2007 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_278/2007 /ech
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Arrêt du 4 octobre 2007
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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M. et Mmes les juges Corboz, président, Klett et Kiss.
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Greffier: M. Thélin.
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Parties
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X.________,
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demandeur et recourant, représenté par Me Michel Bise,
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contre
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Y.________ SA,
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défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Bauer.
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Objet
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procédure civile; réforme
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recours en matière civile contre l'ordonnance prise le 13 juin 2007 par le juge instructeur de la Ire Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
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Faits :
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A.
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Le 19 décembre 2002, X.________ a ouvert action contre Y.________ SA devant le Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel. Il alléguait que les parties s'étaient liées par un contrat de travail; sa demande tendait au paiement de 5'000 fr. à titre de salaire brut et de 60'000 fr. à titre d'indemnité pour licenciement abusif, le tout avec intérêts au taux de 5% par an dès le 15 septembre 2002. La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
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Par ordonnance du 14 décembre 2006, le juge instructeur a ordonné la clôture de la procédure probatoire et assigné aux parties un délai pour le dépôt de leurs conclusions en cause. Ce délai, après que les parties l'eurent deux fois prorogé par des conventions soumises à la ratification du juge, expirait le 30 mars 2007.
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B.
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Par mémoire du 27 de ce mois, le demandeur a déclaré qu'il se réformait des actes instruits par lui-même dès et y compris la demande. Le surlendemain 29, une ordonnance du juge fixa au 20 avril 2007 le délai dans lequel le demandeur devrait consigner le montant des frais et dépens causés par la réforme, au montant de 4'200 fr. en tout, avec l'avertissement qu'à défaut, la réforme serait caduque et que la procédure reprendrait en l'état où elle se trouvait; pour le surplus, le délai de dépôt des conclusions en cause était suspendu.
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Le 14 mai 2007, le juge a averti les parties que les frais et dépens avaient été régulièrement consignés mais que la demande après réforme n'avait pas été déposée dans le délai légal; il en résultait que l'instance serait annulée et réputée non introduite. Les parties étaient autorisées à prendre position en vue de l'imputation définitive des frais et dépens. Le demandeur a contesté que le délai de la demande après réforme eût commencé de courir; à toutes fins utiles, il a renouvelé sa déclaration de réforme et demandé de nouveaux délais pour la consignation des frais et dépens et pour le dépôt d'une demande après réforme.
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Le juge instructeur a pris une ordonnance de classement le 13 juin 2007, constatant que, faute d'une nouvelle demande après la réforme de l'ensemble de la procédure, l'instance était annulée et réputée non introduite. L'ordonnance règle le sort des frais et dépens.
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C.
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Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de classement, de renvoyer la cause au juge instructeur et d'enjoindre à ce magistrat d'assigner un délai de dix jours pour le dépôt de la demande après réforme. Invoquant les art. 9 et 29 Cst., il soutient que l'ordonnance procède d'une application arbitraire de la loi et d'un formalisme excessif.
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La défenderesse conclut au rejet du recours.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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Le recours est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF), rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF). La valeur litigieuse excède le minimum légal de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. a LTF). Il est formé par une partie qui a pris part à l'instance précédente et se trouve éconduite de ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 à 3 LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
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Le recours peut être exercé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours; il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée (art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF; ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254). Il conduit son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Le recours n'est pas recevable pour violation du droit cantonal, hormis les droits constitutionnels cantonaux (art. 95 let. c LTF) et certaines dispositions sans pertinence en matière civile (art. 95 let. d LTF).
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2.
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Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit d'ailleurs pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse même préférable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 467 consid. 3.1 p. 473/474; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
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Le formalisme excessif, que la jurisprudence assimile à un déni de justice contraire à l'art. 29 al. 1 Cst., est réalisé lorsque des règles de procédure sont appliquées avec une rigueur que ne justifie aucun intérêt digne de protection, au point que la procédure devient une fin en soi et empêche ou complique de manière insoutenable l'application du droit. L'excès de formalisme peut résider dans la règle de comportement qui est imposée au plaideur ou dans la sanction qui est attachée à cette règle (ATF 132 I 249 consid. 5 p. 253; voir aussi ATF 130 V 177 consid. 5.4.1 p. 183; 125 I 166 p. 170 consid. 3a).
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3.
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A teneur des art. 194 à 201 CPC neuch., la partie qui entend corriger ou compléter sa procédure a le droit de se réformer des actes instruits par elle (art. 194). La réforme est déclarée oralement à l'audience ou par mémoire adressé au juge (art. 195 al. 1); elle met à néant les actes de la procédure jusqu'à celui auquel la partie a déclaré l'étendre (art. 196 al. 1). La même partie ne peut se réformer qu'une fois durant l'instance (art. 201). La partie qui se réforme est tenue de consigner au greffe le montant approximatif des frais et des dépens qui en résultent; le juge arrête ce montant et fixe un bref délai pour sa consignation (art. 197 al. 1 et 2). Si la consignation n'intervient pas dans le délai fixé, la réforme devient caduque et la procédure reprend en l'état où elle se trouvait (art. 197 al. 3).
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Si le demandeur se réforme de l'ensemble de la procédure, il est tenu de déposer sa nouvelle demande au greffe dans un délai de dix jours (art. 200 al. 1); à défaut, l'instance est annulée et réputée non introduite (art. 200 al. 2).
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4.
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Il est constant que le demandeur a déclaré se réformer de l'ensemble de la procédure, selon l'art. 200 al. 1 CPC neuch., et qu'il lui incombait de déposer une nouvelle demande destinée à remplacer celle introduite le 19 décembre 2002. L'ordonnance de classement est fondée sur l'art. 200 al. 2 CPC neuch.; le juge instructeur a considéré que le délai de dix jours s'était écoulé et il a constaté que le dépôt de cette nouvelle demande n'était pas intervenu. Le demandeur conteste, lui, que le délai se soit écoulé; il soutient que le juge instructeur devait, par une ordonnance, en fixer le point de départ. Il fonde cette thèse sur une opinion doctrinale (François Bohnet, Code de procédure civile neuchâtelois commenté, 2e éd., p. 343) et il se réfère aussi à une autre cause, dans laquelle un plaideur avait déclaré se réformer dès et y compris son mémoire de réplique; le juge lui avait assigné un délai de dix jours pour consigner les frais et dépens de réforme, d'une part, et déposer sa réplique après réforme, d'autre part. Le demandeur fait valoir que dans la présente affaire, l'ordonnance du 29 mars 2007, portant sur la consignation des frais et dépens et sur la suspension du délai de dépôt des conclusions en cause, ne contenait aucune disposition concernant le dépôt de la demande après réforme; de cela, il déduit que le délai de l'art. 200 al. 1 CPC neuch. n'a pas couru.
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Le précédent cité en référence n'était pas soumis à l'art. 200 CPC neuch. car la réforme n'était alors voulue que dès et y compris la réplique; la comparaison proposée par le demandeur, à l'appui de son argumentation, n'est donc pas concluante.
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D'après le texte de cette disposition légale, il n'est aucunement arbitraire de retenir que le délai de dix jours s'écoule dès la déclaration de réforme. Celle-ci déploie de plein droit les effets prévus à l'art. 196 al. 1 CPC neuch., soit l'annulation des actes de procédure visés; on ne discerne guère pourquoi elle serait inapte à déclencher le cours de ce délai. Il n'est guère difficile de déterminer son point de départ exact, même lorsque le mémoire de réforme est déposé par l'intermédiaire de la poste. Le demandeur affirme que l'on ne saurait exiger le dépôt de la nouvelle demande avant la consignation des frais et dépens prévue par l'art. 197 CPC neuch., cette consignation ayant pour effet de valider la déclaration de réforme et, avec elle, l'annulation de la demande initiale. A comprendre son raisonnement, la partie voulant se réformer ne doit pas être contrainte de déposer un mémoire de demande qui se révélerait inutile si la consignation des frais et dépens n'était pas ensuite opérée. Cette opinion ne convainc pas car il est tout à fait classique que des actes de procédure soient assujettis, sous peine de nullité, à l'observation de certains délais, et que de plus, leur efficacité soit soumise à une condition résolutoire ayant pour objet le versement de sûretés dont le montant est arrêté plus tard. Tel est le cas, par exemple, des recours que les plaideurs adressent au Tribunal fédéral (art. 62 et 100 LTF).
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Le demandeur expose que s'il n'avait pas consigné les frais et dépens selon l'ordonnance du 29 mars 2007, la déclaration de réforme serait simplement caduque en vertu de l'art. 197 al. 3 CPC neuch.; à son avis, dans cette hypothèse, l'instance subsisterait alors même que la demande nouvelle n'a pas été introduite. Il soutient que la consignation régulièrement opérée n'a pas pu, raisonnablement, nuire à sa situation dans le procès, et que la solution retenue par le juge instructeur dénote pour ce motif une application arbitraire des dispositions en cause. On ne sait cependant pas comment ce magistrat aurait statué si la consignation n'était pas intervenue; sur ce point, le demandeur ne peut qu'avancer des conjectures. Du reste, si vraiment il suffisait d'omettre la consignation des frais et dépens pour sauvegarder l'instance, il incombait au demandeur de retenir sa prestation; après que ce plaideur a au contraire validé la déclaration de réforme par la consignation du montant exigé, le juge instructeur ne viole par l'art. 9 Cst. en reconnaissant les effets légaux de cette même déclaration.
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5.
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Le demandeur expose que l'action tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement abusif est soumise à un délai de péremption de cent quatre-vingts jours selon l'art. 336b al. 2 CO, et que, ce délai étant expiré, l'annulation de l'instance entraîne la perte de cette action. Il conteste qu'une conséquence si rigoureuse soit justifiée par un intérêt digne de protection.
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Il est vrai que si le droit applicable soumet l'action à un délai de péremption, il incombe au titulaire de saisir le juge avant l'expiration de ce délai et, ensuite, de faire perdurer l'instance jusqu'à un jugement. Si, au contraire, le titulaire laisse l'instance s'éteindre d'après le droit de procédure qui la régit, et que le délai de péremption est entre-temps expiré, il est déchu de son droit car il ne peut plus entreprendre une nouvelle instance (Fabienne Hohl, Procédure civile, Berne 2001, vol. I, ch. 190 à 192 p. 55).
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L'art. 200 CPC neuch. doit se lire en relation avec les art. 158 et 159 CPC neuch. concernant l'introduction de l'instance et la litispendance. Le dépôt d'une demande introduit l'instance. Si la partie demanderesse se réforme jusqu'à et y compris sa demande, cela entraîne la mise à néant de cet acte et a priori, au regard de ces dispositions, l'extinction de l'instance. L'art. 200 CPC neuch. permet d'annuler la demande tout en laissant subsister l'instance pendant dix jours supplémentaires, jusqu'au dépôt d'une nouvelle demande destinée à remplacer celle annulée.
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Le délai de péremption prévu par l'art. 336b al. 2 CO a pour but de réduire autant que possible le laps d'insécurité pendant lequel l'employeur ignore si le travailleur licencié agira ou non (Ullin Streiff et Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, 6e éd., 2006, ch. 5 ad art. 336b CO, p. 714). Cela ne présente aucune particularité car les délais de péremption, plus encore que les délais de prescription, tendent généralement à favoriser la sécurité des relations juridiques et la solution rapide des litiges (Pierre Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., Berne 1997, p. 797 in fine). L'art. 200 CPC neuch. coordonne les règles de la réforme avec les objectifs et les exigences d'un éventuel délai de péremption. En présence d'un délai de ce genre, loin d'empêcher ou de compliquer l'application du droit auquel obéit l'action, cette disposition de procédure lui apporte son concours et la rigueur critiquée par le demandeur est la suite normale de l'inobservation d'un délai de péremption. Contrairement à son opinion, on ne voit donc aucun formalise excessif dans l'annulation de l'instance.
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6.
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Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 3'000 fr.
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3.
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Le demandeur acquittera une indemnité de 3'500 fr. due à la défenderesse à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 4 octobre 2007
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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