Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_255/2007 /rod
Arrêt du 11 octobre 2007
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari et Zünd.
Greffier: M. Vallat.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Laurent Maire, avocat,
contre
A.________, représenté par Me Yvan Henzer, avocat,
B.________,
C.________,
intimés,
Ministère public du canton de Vaud, case postale, 1014 Lausanne.
Objet
Ordonnance de non-lieu (lésions corporelles simples, etc.),
recours en matière pénale contre l'arrêt du Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 15 février 2007 (PE05.010237 DJA).
Faits :
A.
X.________ a déposé plainte contre trois employés d'une discothèque, soit C.________ (directeur d'exploitation) pour injure, B.________ (technicien de l'établissement) pour lésions corporelles simples et A.________ (responsable de la sécurité) pour voies de fait et menaces. En résumé, le plaignant accuse les intimés, de l'avoir brutalisé pour lui interdire l'accès à la salle. Il était sous l'emprise de l'alcool et voulait pénétrer par une sortie de secours. L'altercation a eu lieu le 13 mars 2005.
Par une ordonnance du 11 décembre 2006, le Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne a prononcé un non-lieu et mis à la charge du plaignant une partie des frais ainsi qu'une indemnité de dépens pénaux de 500 fr. due à l'un des employés.
B.
Dans sa séance du 15 février 2007, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis le recours du plaignant. L'ordonnance de non-lieu a été réformée en ce sens que les frais d'enquête ont été laissés à la charge de l'Etat et qu'il n'a pas été alloué de dépens.
En bref, d'après le Tribunal d'accusation, il ressortait clairement des déclarations, notamment de témoins, que le plaignant - sous l'influence de l'alcool - s'était montré agressif et insultant, qu'il avait dû être maîtrisé par B.________ puis par A.________. B.________ l'aurait « mis à terre » après que le plaignant lui eut jeté un verre de bière à la figure. Aucun élément ne corroborait les déclarations du plaignant selon lesquelles le technicien l'aurait en outre frappé, au visage en particulier. A.________ se serait « contenté » de maîtriser le plaignant et ne lui aurait donné qu'un coup de poing au ventre, pour l'empêcher de frapper C.________. Il aurait agi de manière conforme à son devoir de fonction au sens de l'ancien art. 32 CP (actes licites - loi, devoir de fonction ou de profession). En définitive, aucun élément propre à démontrer la commission d'une infraction n'aurait été révélé par l'enquête.
C.
En temps utile, le plaignant a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière pénale tendant principalement à l'annulation de l'arrêt du 15 février 2007 et au renvoi en jugement des intimés, subsidiairement au renvoi du dossier au Tribunal d'accusation et, plus subsidiairement, au juge d'instruction, le tout sous suite de frais et dépens.
Le recourant fait valoir la violation du droit d'être entendu, la violation de l'ancien art. 32 CP et une appréciation arbitraire des faits.
D.
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public et la cour cantonale ont renoncé à déposer une réponse, se référant l'un et l'autre aux considérants de l'arrêt entrepris. A.________ a conclu, avec suite de dépens, au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
Aux termes de l'art. 81 let. b ch. 5 LTF, la victime a qualité pour former un recours en matière pénale si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles.
Selon l'art. 2 al. 1 LAVI, est une victime toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique. D'après la jurisprudence, tant que les faits ne sont pas définitivement établis, il faut se fonder sur les allégués de celui qui se prétend victime pour déterminer s'il l'est ou non (ATF 126 IV 147 consid. 1; Cédric Mizel, La qualité de victime LAVI et la mesure actuelle des droits qui en découlent, JdT 2003 p. 51 ch. 17a).
En l'espèce, le recourant soutient qu'il a subi des voies de fait et des lésions corporelles simples (lésions diverses relevées dans un certificat médical) et qu'il a été suivi par un thérapeute victimologue. On peut lui reconnaître la qualité de victime dans le cadre du présent recours et admettre qu'à ce stade de l'action pénale il pouvait s'abstenir de préciser ses conclusions civiles et d'indiquer quels effets la décision attaquée aurait sur le jugement de celles-ci (ATF 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et la jurisprudence citée).
2.
Le recours au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF) y compris les droits constitutionnels. Les constatations portant sur les faits ne peuvent être critiquées que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (voir Message du 28 février 2001 relatif à la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale; FF 2001 4000 ss, 4135), ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF. De plus, la correction du vice doit être susceptible d'influencer le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
Selon la jurisprudence, il n'y a pas d'arbitraire - prohibé par l'art. 9 Cst. - du seul fait qu'une décision apparaît discutable ou même critiquable. Il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, non seulement quant à sa motivation mais encore dans son résultat (ATF 131 I 57 consid. 2 p. 61). Lorsque le recourant s'en prend à l'appréciation des preuves et à l'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis sans raison sérieuse de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a effectué des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1)
3.
Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., car la décision attaquée et surtout l'ordonnance du Juge d'instruction seraient insuffisamment motivées. Quant au grief d'arbitraire, il concède qu'il est la conséquence directe de la violation du droit d'être entendu (mémoire p. 14 ch. 51). Ce lien permet d'examiner ces deux griefs dans le même considérant.
3.1 En se référant à plusieurs témoignages pour l'essentiel concordants recueillis au terme d'une instruction approfondie, le Tribunal d'accusation est parvenu à des constatations de fait qui ne divergent guère de la version du recourant. En effet, celui-ci ne conteste pas clairement avoir voulu forcer l'entrée de la discothèque (par une sortie de secours) alors qu'il était sous l'influence de l'alcool, ni avoir jeté une bière à la figure de l'un des intimés. Dans ces circonstances, il n'était pas arbitraire de se fier aux témoignages d'après lesquels le plaignant était à l'origine de l'altercation, qu'il avait dû être maîtrisé et qu'un coup de poing au ventre lui avait été donné alors qu'il allait s'en prendre au directeur d'exploitation.
Fondé sur un certificat médical établi le lendemain des événements, l'intéressé affirme qu'il a été frappé au visage. Faute de déclarations des témoins dans ce sens et compte tenu des 8 heures écoulées entre les faits et les constatations médicales, le Tribunal d'accusation a rejeté ses allégations sur ce point. Selon le blessé, cela signifierait qu'il se serait « automutilé » ou battu avec d'autres personnes entre l'altercation et la visite chez le médecin » (mémoire p. 7 ch. 18). Il estime ce scénario invraisemblable et improbable. Au regard de son caractère largement appellatoire, cette argumentation qui tend à opposer sa propre version à celle retenue par les premiers juges est à la limite de la recevabilité. De toutes manières, l'état d'ébriété avéré dans lequel il se trouvait peut aussi être à l'origine des blessures évoquées et constatées seulement huit heures plus tard (lésions sur le visage, hématome à l'oeil et à la paupière, plaie à la muqueuse jugale, tuméfaction aux cervicales, fracture du pouce droit) dont le recourant lui-même souligne le caractère peu apparent en les qualifiant de « discrètes ».
Dans ces conditions, l'état de fait retenu par les juges cantonaux n'apparaît pas insoutenable et l'arrêt attaqué échappe au grief d'arbitraire sur ce point.
3.2 Quant au grief de violation du droit d'être entendu, il doit être rejeté faute de motivation suffisante. En effet, le recourant a pu développer tous ses arguments, malgré les lacunes qu'il estimait entacher la décision attaquée.
3.3 Il résulte de ce qui précède que l'on ne saurait faire grief à la cour cantonale d'avoir jugé que le non-lieu était justifié en ce qui concerne l'accusation d'injures portée contre C.________ (aucun élément du dossier ne permet d'établir qu'elles ont été proférées) et celle de lésions corporelles simples à l'égard de B.________.
Il convient encore d'examiner ce qu'il en est des voies de faits et des menaces reprochées à A.________, dont il n'est pas contesté qu'il a frappé le recourant du poing au ventre.
4.
La cour cantonale a jugé que A.________ aurait agi de manière conforme à son devoir de fonction au sens de l'ancien art. 32 CP, pour repousser l'attaque dirigée contre C.________.
4.1 L'exercice d'une profession déterminée ne suffit pas pour supprimer le caractère illicite d'un acte car celui qui l'exerce ne jouit pas pour autant de droits plus étendus que les autres citoyens; encore faut-il pour rendre l'acte licite que le devoir de profession invoqué découle d'une norme juridique, écrite ou non (Kurt Seelmann, Strafgesetzbuch I, Niggli/Wiprächtiger [Hrsg.], Bâle/Genève/Munich 2003, Art. 32, n. 9). Selon la jurisprudence, on peut admettre l'existence de faits justificatifs non prévus par la loi lorsque pour sauvegarder des intérêts légitimes l'auteur a usé de moyens nécessaires et adaptés au but visé, que l'acte (ordinairement illicite) constitue la seule voie possible et qu'il apparaisse manifestement moins important que les intérêts dont l'auteur à voulu assurer la sauvegarde (ATF 113 IV 4 consid. 3 p. 6 s. et les références citées).
4.2 On ne voit pas qu'une norme particulière écrite ou non écrite légitimerait de manière générale le responsable ou d'autres employés de la sécurité d'un établissement public à user de violence et à frapper un client, fût-il importun ou indésirable. Dans les circonstances du cas d'espèce, où A.________ aurait frappé le recourant pour l'empêcher de s'en prendre physiquement à C.________, seule la légitime défense exercée par un tiers (ancien art. 33 al. 1 dernière phrase CP) pourrait entrer en ligne de compte. Or, le déroulement des faits tel qu'il ressort de l'arrêt cantonal ne permet pas, en l'état du dossier, d'affirmer que le comportement du recourant à l'égard de C.________ mettait si immédiatement et gravement en péril l'intégrité corporelle de ce dernier que le coup de poing dans le ventre asséné par A.________ avec suffisamment de force pour « plier en deux » la victime aurait constitué un moyen proportionné aux circonstances. Un excès de légitime défense (ancien art. 33 al. 2 CP) est d'autant moins exclu que l'on peut attendre du responsable de la sécurité d'un établissement public qu'il soit en mesure de gérer de telles situations conflictuelles avec un minimum de violence et n'en vienne aux coups qu'en toute dernière extrémité.
Il s'ensuit qu'en l'état du dossier un verdict de culpabilité à l'égard de A.________ n'est pas si manifestement exclu qu'un non-lieu puisse se justifier.
5.
Le recourant obtient partiellement gain de cause. L'intimé A.________ succombe dans la même mesure. Il y a lieu de répartir les frais entre les deux intéressés (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant, qui est assisté d'un mandataire peut prétendre une indemnité de dépens réduite, qu'il y a lieu de faire supporter à A.________ ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis partiellement. L'arrêt cantonal est annulé en tant qu'il confirme le non-lieu en faveur de A.________. Il est confirmé pour le surplus.
2.
L'émolument judiciaire de 4000 francs est réparti à raison de 3000 francs à la charge du recourant et de 1000 francs à celle de l'intimé A.________.
3.
A.________ versera à X.________ la somme de 1500 francs à titre de dépens pour la procédure fédérale.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, aux intimés, au Ministère public et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 11 octobre 2007
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: