Tribunale federale
Tribunal federal
{T 1/2}
2A.496/2006
2A.497/2006 /viz
Arrêt du 15 octobre 2007
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Wurzburger, Yersin et Karlen.
Greffier: M. Addy.
Parties
2A.496/2006
Fédération laitière valaisanne,
recourante, représentée par Mes Sébastien Fanti, Frédéric Pitteloud et Blaise Fontannaz, avocats,
contre
Cremo SA,
intimée, représentée par Me Jacques Meyer, avocat,
Commission de recours du Département fédéral
de l'économie, p.a. Tribunal fédéral administratif,
case postale, 3000 Berne 14,
et
2A.497/2006
Fédération laitière valaisanne,
recourante, représentée par Mes Sébastien Fanti, Frédéric Pitteloud et Blaise Fontannaz, avocats,
contre
1. Strähl Käse AG,
2. Seiler Käserei AG,
3. Käsereigenossenschaft Linden-Wittenbach,
4. Burger Käse AG,
représentée par Jörg Blum, avocat,
5. Rutz Käse AG,
6. Fédération des coopératives Migros,
7. Association Raclette Suisse,
intimées, représentées par Me Jürg Simon, avocat,
Commission de recours du Département fédéral
de l'économie, p.a. Tribunal fédéral administratif,
case postale, 3000 Berne 14,
Office fédéral de l'agriculture, 3003 Berne
Objet
2A.496/2006; 2A.497/2006
appellation d'origine protégée AOP
Composition
recours de droit administratif contre les deux décisions de la Commission de recours du Département fédéral de l'économie du 27 juin 2006.
Faits :
A.
A la suite d'une demande déposée le 1er juillet 1997 par la Fédération laitière valaisanne (FLV) et après différentes péripéties de procédure, l'Office fédéral de l'agriculture (ci-après: l'Office fédéral) a mis en consultation auprès des autorités fédérales et cantonales concernées, le 12 juillet 2001, l'enregistrement comme appellation d'origine contrôlée de la dénomination "Raclette du Valais" ("Walliser Raclette"); le projet de cahier des charges précisait que le terme "raclette" était également protégé, de même que les spécifications "à rebibes" ("Hobelkäse") et "à la coupe" (sic) ("Schnittkäse") utilisées en combinaison avec la dénomination principale. Trois cantons (Valais, Schwyz et Zoug) ont proposé d'admettre la demande, tandis que huit cantons (Berne, Fribourg, Grisons, Lucerne, Obwald, Saint-Gall, Thurgovie et Vaud), ainsi que l'Office fédéral de la santé publique (OFS) et l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) se sont prononcés contre l'enregistrement, du moins contre la protection du terme "raclette" pris isolément.
Par décision du 9 novembre 2001, l'Office fédéral a admis la demande d'enregistrement précitée avec le cahier des charges suivant (art. 1er, dans sa version en français):
1. Raclette du Valais AOC. Le terme Raclette est protégé.
2. Les spécifications "à la coupe" et "à rebibes" en combinaison avec l'appellation d'origine contrôlée "Raclette du Valais" sont également protégées.
Cette décision retenait notamment que, sur le vu des éléments au dossier historique, la dénomination "Raclette du Valais" désignait aussi bien un mets traditionnel valaisan au fromage fondu que le fromage lui-même au lait cru et à la pâte mi-dure utilisé pour la confection de ce mets; que le terme "raclette", dérivé du patois franco-provençal valaisan "raclà", avait progressivement acquis au cours des XIX-XXèmes siècles cette double signification; que la dénomination "Fromage à raclette valaisan" était protégée comme appellation d'origine par l'Ordonnance du 10 décembre 1981 réglant la désignation des fromages suisses (RO 1982 I 3; ci-après citée: ordonnance DFI du 10 décembre 1981); qu'une enquête réalisée en septembre 1999 à la demande de l'Office fédéral auprès de 500 personnes montrait qu'une majorité de consommateurs suisses associait le terme "raclette" à une origine valaisanne; que les désignations "Raclette du Valais" et "Raclette" n'étaient dès lors pas génériques, mais pouvaient être considérées comme des dénominations traditionnelles et, à ce titre, enregistrées comme des appellations d'origine contrôlées au sens de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance du 28 mai 1997 concernant la protection des appellations d'origine et des indications géographiques agricoles et des produits agricoles transformés (Ordonnance sur les AOP et les IGP, RS 910.12).
B.
La décision précitée de l'Office fédéral a fait l'objet de cinquante oppositions émanant de corporations publiques (cantons, communes), de différentes sociétés commerciales (fromagères ou de distribution) et de Raclette Suisse, association sise à Berne regroupant la quasi totalité des producteurs suisses de fromage à raclette sis hors le canton du Valais. Les opposants contestaient en particulier l'enregistrement des spécifications "à la coupe" et "à rebibes" en combinaison avec la dénomination principale, de même que la protection accordée au terme "raclette" pris isolément; ils faisaient notamment valoir que ce dernier ne pouvait pas être enregistré sous la forme d'une dénomination traditionnelle, car il ne désignait pas un produit agricole transformé, soit un fromage, mais un mets, un plat ou une recette à base de fromage fondu servi avec des pommes de terre et différents condiments (cornichons, oignons, etc.); ils mettaient également en doute les conclusions de l'enquête d'opinion utilisée pour établir le caractère prétendument traditionnel de la dénomination litigieuse, au motif que les questions posées étaient mal formulées et ne permettaient pas de savoir si les personnes interrogées établissaient une relation entre le Valais et l'évocation du terme "raclette" au sens du plat traditionnel valaisan à base de fromage fondu ou au sens du fromage utilisé pour la préparation de ce mets; enfin, ils soutenaient que la dénomination "Raclette" ne pouvait en toute hypothèse pas être enregistrée, car elle avait un caractère générique (notamment attesté par un avis de droit du professeur Bernard Dutoit, du 26 mai 1986, intitulé "La protection de l'appellation 'fromage à raclette valaisan' ") et sa protection comme appellation d'origine violait les principes de la bonne foi et de la garantie de la propriété.
L'Office fédéral a joint les différentes oppositions dans une seule procédure et a ordonné les mesures d'instruction utiles. Il a notamment confié à l'Institut IHA-GfK le soin de réaliser une nouvelle enquête d'opinion destinée à éclaircir les rapports existants, dans l'esprit des publics valaisan et suisse (professionnels et consommateurs), entre la dénomination litigieuse "Raclette" et le Valais (rapport du 16 janvier 2003 établi sur la base d'un échantillon de 1'101 personnes interrogées en décembre 2002).
Le canton du Valais et la Fédération laitière valaisanne ont conclu au rejet des oppositions, en déposant des avis de droit des professeurs François Dessemontet (du 5 juillet 2002) et Etienne Grisel (du 2 août 2002) à l'appui de leurs déterminations.
Par décision du 3 novembre 2003 (rédigée simultanément en allemand et en français), l'Office fédéral a très partiellement admis deux des oppositions dont il était saisi sur des points accessoires du cahier des charges (soit les art. 4 et 11 réglant la teneur en eau et la maturation du fromage), et a déclaré les autres oppositions irrecevables (pour 22 d'entre elles) ou sans objet (pour 2 d'entre elles) ou les a entièrement rejetées (pour 24 d'entre elles). Il a notamment estimé que l'usage de consommer du fromage fondu au feu de bois était documenté depuis 1574 en Valais; que depuis la deuxième moitié du XIXème siècle, ce mets à base de fromage était connu dans les différents patois valaisans sous les noms de "rutschia", "ràchia" ("râchia") ou "râcla" qui dérivaient étymologiquement du terme français "raclette" désignant un petit racloir; que peu à peu, ces différentes désignations s'étaient francisées en "râclette" puis "raclette"; que les premiers documents écrits attestant l'utilisation du terme "raclette" en Valais remontaient aux années 1870; qu'à compter du XXème siècle, ce terme avait progressivement été utilisé pour désigner indistinctement aussi bien le mets à base de fromage fondu que le fromage servant à sa préparation; que cette double signification était actuellement attestée par "Le Petit Larousse Illustré" (édition 1995); qu'au vu du dossier historique, la dénomination litigieuse "Raclette" se rattachait donc bien au Valais; qu'en dépit de certains éléments attestant un début de dégénérescence (absence de la dénomination litigieuse dans l'ancienne ordonnance réglant la désignation des fromages suisses ainsi que dans les conventions internationales), les sondages d'opinion réalisés en 1999 et 2002 démontraient qu'un grand nombre de producteurs et de consommateurs valaisans et suisses associaient encore le terme litigieux à une provenance valaisanne; que son caractère de dénomination traditionnelle devait dès lors être tenu pour établi; qu'au surplus, la protection conférée par l'enregistrement litigieux ne portait atteinte ni à la garantie de la propriété, ni au principe de la bonne foi, faute de droit acquis découlant de la législation applicable ou de promesses faites par une autorité compétente.
C.
C.a De nombreuses parties opposantes ont recouru, tantôt en langue allemande, tantôt en français, contre la décision sur opposition précitée (du 3 novembre 2003) de l'Office fédéral.
Le 20 avril 2005, la Commission de recours du Département fédéral de l'économie (ci-après: la Commission fédérale de recours) a préjudiciellement déclaré irrecevables plusieurs de ces pourvois en raison de l'absence de qualité pour recourir de leurs auteurs, notamment des cantons (Fribourg, Berne et les Grisons). Le Tribunal fédéral a confirmé les décisions d'irrecevabilité portées devant lui dans deux arrêts du 14 novembre 2005 (causes jointes 2A.309/2005, 2A.333/2005 et 2A.334/2005 partiellement publiées aux ATF 131 II 753; cause 2A.359/2005).
C.b A l'issue des décisions préjudicielles précitées, sont restés pendants devant la Commission fédérale de recours les pourvois formés par six sociétés fromagères (Cremo SA, à Villars-sur-Glâne; Strähl Käse AG, à Siegershausen; Seiler Käserei AG, à Sarnen; Käsereigenossenschaft, à Wittenbach; Burger Käse AG, à Ennetmoos; Rutz Käse AG, à Wittenbach) ainsi que par la Fédération des coopératives Migros, à Zurich et par l'association Raclette suisse. Pour l'essentiel, les recourants concluaient, à titre principal, à l'annulation de la décision sur opposition attaquée et au renvoi de leur cause à l'Office fédéral pour nouvelle décision après réparation de plusieurs vices formels invoqués; ceux-ci tenaient principalement à des violations du droit d'être entendu (certaines pièces versées au dossier n'avaient pas été soumises aux parties avant qu'il ne soit statué sur leur opposition) et de certaines règles applicables en matière de récusation des fonctionnaires (en raison de la participation supposée à la décision litigieuse d'un ancien vice-directeur de l'Office fédéral dont de récentes déclarations dans la presse laissaient apparaître des motifs de prévention). Sur le fond du litige, les recourants reprenaient les arguments formulés en procédure d'opposition et demandaient, à titre subsidiaire, l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle étendait la protection de l'enregistrement litigieux, d'une part, au terme "raclette" pris isolément et, d'autre part, aux spécifications "à la coupe" et "à rebibes" en combinaison avec l'appellation d'origine contrôlée "Raclette du Valais".
La Fédération laitière valaisanne a conclu au rejet des recours, en réfutant l'ensemble des griefs formels et matériels soulevés par les recourants. A l'appui de sa détermination, elle déposait un avis de droit complémentaire (du 16 avril 2004) du professeur Dessemontet.
C.c Par deux décisions (sur recours) séparées du 27 juin 2006, l'une rédigée en allemand après jonction des procédures de recours instruites dans cette langue (causes Strähl Käse AG et consorts), l'autre en français pour le seul recours formé dans cette langue (soit celui déposé par Cremo SA), la Commission fédérale de recours a partiellement admis les pourvois dont elle était saisie et annulé les décisions attaquées, en ce sens qu'elle a subordonné l'enregistrement de la dénomination "Raclette du Valais" ("Walliser Raclette") comme appellation d'origine contrôlée à la suppression, à l'art. 1er al. 1 du cahier des charges, de la phrase "Le terme Raclette est protégé" ("Die Bezeichnung Raclette wird geschützt"). Les recours ont été rejetés pour le surplus.
En bref, la Commission fédérale de recours a estimé qu'au vu notamment des pièces constituant le dossier historique (extraits d'ouvrages scientifiques, littéraires ou culinaires; coupures de presse; références lexicales; articles publicitaires; documents officiels; etc.), le terme "raclette" était certes traditionnellement utilisé en Valais et en Suisse pour désigner le mets d'origine valaisanne à base de fromage fondu, mais non le fromage lui-même; que son emploi pour désigner le fromage était récent et résultait apparemment de l'ellipse de la locution "fromage à raclette"; qu'auparavant, le fromage utilisé pour la raclette était plutôt désigné en Valais soit par son lieu d'origine (fromage de Bagnes, de Conches, d'Orsières, etc.), soit par les locutions "fromage à raclette", "fromage du Valais" ou "fromage à raclette valaisan"; que la forme elliptique "raclette" avait notamment été consacrée dans des décrets français des 20 juin 1984 et 30 décembre 1998 (voir infra consid. 8.2.1); qu'au surplus, cet usage récent du terme ne désignait pas spécifiquement le fromage gras valaisan au lait cru utilisé pour la raclette, mais tout fromage à raclette indépendamment de sa provenance, comme le confirmait notamment certaines références lexicales (par exemple les dictionnaires "Robert" et "Larousse" ou "Le Larousse des fromages"); que les documents produits par la Fédération laitière valaisanne pour démontrer le contraire étaient récents et reflétaient des opinions isolées ou peu convaincantes (notamment la définition contenue dans le "Dictionnaire suisse romand", édité en 1997); que les enquêtes d'opinion versées au dossier étaient pour partie entachées de vices méthodologiques et ne permettaient en toute hypothèse pas d'aboutir à une autre conclusion; que l'exemple de la dénomination "Feta" reconnue comme traditionnelle en droit communautaire pour désigner le fromage grec du même nom (arrêt de la Cour de justice des communautés européennes [CJCE] du 25 octobre 2005, Allemagne et Danemark c/ Commission, C-465/02 et C-466/02, Rec. p. I-9115) ne pouvait pas être pris comme terme de comparaison, car les situations étaient sensiblement différentes.
D.
La Fédération laitière valaisanne conteste par la voie de deux recours de droit administratif séparés (en français et de teneur identique) les décisions précitées de la Commission fédérale de recours, en concluant à leur réforme, sous suite de frais et dépens, en ce sens que la dénomination "Raclette" soit également protégée pour elle-même, conformément à ce que prévoyait l'art. 1er al. 1 du cahier des charges approuvé par l'Office fédéral. Elle se plaint principalement d'une violation du droit d'être entendu (pour motivation insuffisante des décisions attaquées), d'une mauvaise constatation et appréciation des faits pertinents, et d'une application erronée du droit applicable. Elle fait en particulier valoir que la reconnaissance d'une dénomination traditionnelle au sens de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP ne suppose pas nécessairement que ladite dénomination soit "le fruit d'un usage long et immémorial", si bien que l'emploi prétendument récent du terme "raclette" pour désigner un fromage ne saurait faire obstacle à son enregistrement comme appellation d'origine; elle soutient également, comme devant les instances précédentes, qu'il y a de toute façon "coïncidence totale", dans le cas particulier, entre les deux significations du terme litigieux, celui-ci désignant "depuis toujours" aussi bien le mets traditionnel valaisan à base de fromage fondu que le fromage lui-même; elle insiste aussi sur certaines spécificités propres à établir l'originalité et la typicité du fromage à raclette valaisan par rapport aux produits concurrents fabriqués à l'étranger ou dans d'autres cantons suisses, tenant en particulier à l'utilisation de lait cru pour sa production et au caractère artisanal de celle-ci; enfin, elle relève, en se fondant sur les enquêtes d'opinion mises en oeuvre, que le terme "raclette" n'a pas subi de dégénérescence.
A la demande de la Fédération laitière valaisanne, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a suspendu les procédures de recours (répertoriées sous 2A.496/2006 pour la cause en français [FLV c/ Cremo SA] et 2A.497/2006 pour les causes en allemand [FLV c/ Strähl Käse AG et consorts]) jusqu'au 31 janvier 2007, afin que les parties puissent entreprendre des pourparlers en vue de trouver une solution amiable au litige. A l'échéance du délai, les procédures ont été reprises et les intimées invitées à se déterminer sur les recours.
Cremo SA conclut au rejet des recours formés dans les causes 2A.496/2006 et 2A.497/2007, et à la confirmation des décisions attaquées, sous suite de frais et dépens. Les sociétés fromagères Strähl Käse AG, Seiler Käserei AG, Käsereigenossenschaft, Burger Käse AG, Rutz Käse AG, ainsi que la Fédération des coopératives Migros et l'association Raclette suisse concluent au rejet, dans la mesure où il est recevable, du recours formé dans la cause 2A.497/2006, sous suite de frais et dépens. Sur le fond, l'argumentation des parties intimées est similaire aux motifs qu'elles avaient précédemment développés dans les procédures d'opposition puis de recours. L'Office fédéral se prononce en faveur de l'admission des recours, tandis que la Commission fédérale de recours a renoncé à se déterminer.
Les moyens des parties seront, autant que de besoin, exposés plus en détail dans les considérants ci-après.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007, de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RO 2006 1205 - RS 173.110), a entraîné l'abrogation de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ) (cf. art. 131 al. 1 LTF). Comme les décisions attaquées ont été rendues avant le 31 décembre 2006, cette dernière loi reste néanmoins encore applicable au présent litige à titre de réglementation transitoire (cf. art. 132 al. 1 LTF a contrario).
2.
Les deux recours formés par la Fédération laitière valaisanne dans les causes 2A.496/2006 et 2A.497/2006 sont identiques, tandis que les déterminations des parties intimées se recoupent très largement (certaines sont même identiques). Il convient dès lors de joindre les procédures et de statuer dans un seul et même arrêt (cf. art. 40 OJ et 24 PCF; ATF 127 V 29 consid. 1 p. 33, 156 consid. 1 p. 157; 123 II 18 consid. 1 p. 20 et les arrêts cités). Celui-ci sera rédigé en français, les deux recours ayant été formés dans cette langue (cf. art. 37 al. 3 OJ).
3.
Dirigés contre des décisions rendues par une commission fédérale de recours en application du droit public fédéral (en particulier l'ordonnance sur les AOP et les IGP), les recours formés par la Fédération laitière valaisanne sont recevables au regard des art. 97 al. 1 et 98 lettre e OJ. Ils ne relèvent, par ailleurs, d'aucun des motifs d'irrecevabilité prévus aux art. 99 à 102 OJ.
En tant que groupement de producteurs de fromage à raclette dont la représentativité a été jugée suffisante par les instances précédentes pour déposer une demande d'enregistrement au sens de l'art. 6 al. 2 lettre a de l'ordonnance sur les AOP et les IGP, la Fédération laitière valaisanne est atteinte par les décisions attaquées et dispose d'un intérêt digne de protection à en obtenir l'annulation ou la modification; elle a dès lors qualité pour recourir au sens de l'art. 103 lettre a OJ.
Pour le surplus, formés en temps utile et dans les formes prescrites (cf. art. 106 ss OJ), les recours sont recevables.
4.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation. Le recours de droit administratif peut également être formé pour constatation inexacte ou incomplète de faits pertinents ( art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ ).
Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen. En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'occurrence, contre les décisions d'une autorité judiciaire, il est lié par les faits constatés dans celles-ci, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure ( art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité des décisions entreprises, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).
5.
5.1 La recourante reproche aux premiers juges d'avoir pour une grande part fondé leur raisonnement juridique (subsomption; partie "considérant en droit" des décisions attaquées) sur des faits non exposés dans l'état de fait (partie "vu les faits suivants" des décisions). Elle en déduit que les décisions attaquées ne mentionnent pas les faits pertinents sur lesquelles elles reposent et qu'elles sont dès lors insuffisamment motivées, en violation des garanties déduites du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.).
5.1.1 Selon la jurisprudence, le droit d'être entendu comporte notamment l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que ses destinataires et toutes les personne intéressées puissent la comprendre et l'attaquer utilement en connaissance de cause s'il y a lieu, et qu'une instance de recours soit en mesure, si elle est saisie, d'exercer pleinement son contrôle (cf. ATF 126 I 15 consid. 2a/aa, 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a; 124 V 181 consid. 1a). Le principe de la libre appréciation des preuves - applicable devant la Commission fédérale de recours (cf. art. 40 PCF en liaison avec les art. 19 et 49 PA ) - ne dispense pas le juge de l'obligation d'établir et de présenter avec précision les faits déterminants pour la solution du litige, si nécessaire en démêlant avec soin le résultat de l'administration des preuves (cf. ATF 123 II 49 consid. 6 p. 54/55). En exposant les faits, le juge s'abstiendra de les apprécier ou de les qualifier sur le plan juridique; il se contentera de les énoncer d'une manière aussi neutre et objective que possible et ne présentera pour établis que les faits avérés et non contestés; les éventuels points de désaccord seront exposés comme tels dans l'état de fait; ils seront tranchés dans la discussion juridique, avec l'indication des éléments et des motifs ayant conduit le juge à retenir telle thèse ou telle version plutôt que telle autre. Le juge n'est cependant pas tenu d'exposer et de discuter tous les faits ressortant de l'instruction; il peut au contraire se limiter à retranscrire ceux qui, sans arbitraire, apparaissent pertinents pour la solution du litige (cf. ATF 121 I 54 consid. 2c et les arrêts cités). En règle générale, l'étendue de l'obligation de motiver dépend de la complexité de l'affaire à juger, de la liberté d'appréciation dont jouit le juge et de la potentielle gravité des conséquences de sa décision (cf. ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 107).
5.1.2 En l'espèce, il est exact que la Commission fédérale de recours n'a pas relaté dans l'état de fait de ses décisions l'ensemble des pièces recueillies lors de l'instruction, notamment celles versées au dossier historique par la recourante et destinées à démontrer le caractère traditionnel de la dénomination "Raclette". Cette manière de faire n'apparaît cependant pas critiquable dans les circonstances de l'espèce. Certes, une brève mention dans l'état de fait des principales pièces utiles à la solution du litige était éventuellement de nature à améliorer la lisibilité des décisions. En revanche, un inventaire exhaustif de ces mêmes pièces dans les faits, avec indication de leur contenu, comme semble le suggérer la recourante, se serait apparenté à un exercice laborieux qui n'aurait rien apporté de plus à la compréhension du cas. En effet, la motivation des décisions attaquées impliquait en toute hypothèse, pour être complète et intelligible, de largement revenir, au stade de la discussion juridique, sur les nombreux éléments formant le dossier historique afin de démêler et d'exposer les faits pertinents pour l'issue du litige - à propos desquels les parties avaient une lecture différente - et de les apprécier et les qualifier à la lumière du droit applicable et des arguments des parties. Or, la Commission fédérale de recours n'a pas manqué de faire état, dans les considérants en droit de ses décisions, des pièces sur lesquelles elle a effectivement fondé son appréciation, allant jusqu'à en reproduire de larges extraits; dans le même temps, elle a également expliqué de manière circonstanciée les motifs pour lesquels elle décidait d'accorder ou au contraire de ne pas accorder d'importance à telle ou telle pièce ou de privilégier telle pièce ou tel ensemble de pièces par rapport à tel autre (cf. décisions attaquées, consid. 5.3 à 5.6, p. 28 à 38 [en français] et consid. 6.2 à 6.6, p. 46 à 58 [en allemand]). La recourante était donc parfaitement à même de comprendre les faits pertinents et les motifs retenus par les premiers juges et de contester les décisions attaquées dans toute la mesure utile.
5.1.3 Partant, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu tombe à faux.
5.2 La recourante prétend également que les faits ont été constatés d'une manière inexacte et incomplète. Il est douteux que cette critique toute générale soit topique et donc recevable, en ce sens qu'elle ne permet pas de comprendre précisément sur quels points ou pour quelles raisons les faits sont contestés par la recourante (cf. ATF 123 V 335 consid. 1a p. 336; 118 Ib 134 consid. 2 p. 135 ss). Quoi qu'il en soit, il apparaît à la lecture du recours que, nonobstant sa formulation, le grief ne porte pas tellement sur l'établissement des faits (point qui lie en principe le Tribunal fédéral; cf. supra consid. 4), mais plutôt sur la manière dont ceux-ci ont été appréciés et qualifiés juridiquement par la Commission fédérale de recours (question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement). En particulier, ne relèvent, à proprement parler, pas du fait, mais du droit, les développements critiques de la recourante à propos de la valeur probante de certaines pièces au dossier, notamment les sondages d'opinion destinés à évaluer la perception du terme "raclette" dans le public (méthodologie utilisée; manière d'interpréter les résultats; etc.). Par ailleurs, les constatations des premiers juges concernant l'utilisation du terme "raclette" dans le temps et son évolution sémantique sont quasiment indissociables de la qualification juridique des faits litigieux (caractère traditionnel ou non de l'appellation contestée; éventuelle dégénérescence de celle-ci; etc.); les objections de la recourante s'y rapportant seront dès lors examinées ci-après avec la discussion de l'affaire au fond.
6.
6.1 L'objet de la contestation porte sur l'enregistrement de la dénomination "Raclette du Valais" ("Walliser Raclette") comme appellation d'origine protégée (ou contrôlée, les termes sont synonymes: cf. message concernant le paquet agricole 95, du 27 juin 1995, in: FF 1995 IV p. 621 ss, p. 654). Comme telle, l'admission de cette dénomination n'est pas (ou plus) litigieuse à ce stade de la procédure, pas davantage que la protection accordée aux spécifications "à la coupe" et "à rebibes" utilisées avec ladite dénomination. Le litige porte seulement sur un point particulier du cahier des charges, soit l'art. 1er al. 1 qui prévoit ceci: "Le terme raclette est protégé". C'est le refus d'étendre la protection conférée par l'enregistrement à ce terme pris isolément et pour lui-même que conteste la recourante. Le litige revient donc à examiner si la dénomination "Raclette" mérite d'être enregistrée comme appellation d'origine protégée.
6.2 Aux termes de l'art. 14 al. 1 lettre d de la loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture (Loi sur l'agriculture, LAgr; RS 910.1), le Conseil fédéral peut, pour garantir la crédibilité des désignations et pour promouvoir la qualité et l'écoulement des produits agricoles et des produits agricoles transformés, édicter des dispositions sur la désignation des produits se distinguant par leur origine. Il établit un registre des appellations d'origine et des indications géographiques (art. 16 al. 1 LAgr) et réglemente notamment les points suivants (énumérés à l'art. 16 al. 2 LAgr): les qualités exigées du requérant (lettre a); les conditions de l'enregistrement, en particulier les exigences du cahier des charges (lettre b); les procédures d'enregistrement et d'opposition (lettre c); le contrôle (lettre d). D'après l'art. 16 al. 3 LAgr, les appellations d'origine et les indications géographiques enregistrées ne peuvent être utilisées comme nom générique et les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellation d'origine ou indication géographique. Le Conseil fédéral arrête les dispositions d'exécution nécessaires de la loi sur l'agriculture, à moins que celle-ci ne réglemente autrement cette compétence (art. 177 al. 1 LAgr); il peut déléguer la tâche d'édicter des dispositions dont le caractère est avant tout technique ou administratif au département ou à des services et à des offices qui lui sont subordonnés (art. 177 al. 2 LAgr).
C'est en se fondant sur les délégations de compétence contenues aux art. 14 al. 1 lettre d, 16 et 177 (précités) LAgr que le Conseil fédéral a édicté l'ordonnance sur les AOP et les IGP. Au titre de ses dispositions générales (section 1, art. 1 ss), cette ordonnance dispose notamment ceci:
art. 1 Principe
1 Les appellations d'origine et les indications géographiques des produits agricoles et des produits agricoles transformés qui sont inscrites dans le registre fédéral sont protégées.
2 Elles ne peuvent être utilisées qu'aux conditions fixées par la présente ordonnance.
3 (...).
art. 2 Appellation d'origine
1 Peut être enregistré comme appellation d'origine le nom d'une région ou d'un lieu qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé:
a. originaire de cette région ou de ce lieu;
b. dont la qualité ou les caractères sont dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains; et
c. qui est produit, transformé et élaboré dans une aire géographique délimitée.
2 Les dénominations traditionnelles des produits agricoles qui remplissent les conditions fixées à l'al. 1 peuvent être enregistrées comme appellations d'origine.
art. 3 Indication géographique
1 Peut être enregistré comme indication géographique le nom d'une région ou d'un lieu qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé:
a. originaire de cette région ou de ce lieu;
b. dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique; et
c. qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée.
art. 4 Nom générique
1 Un nom générique ne peut être enregistré comme appellation d'origine ou indication géographique.
2 Par nom générique, on entend la dénomination d'un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenu un nom commun qui le désigne.
3 Pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte:
a. de l'opinion des producteurs et des consommateurs, notamment dans la région où le nom a son origine;
b. des législations cantonales.
La section 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP (art. 5 ss) règle la procédure d'enregistrement comme telle (qualité pour déposer la demande et contenu de celle-ci; cahier des charges; consultation; décision; publication et opposition; etc.).
6.3 Il découle des dispositions précitées que seul le nom d'une région ou d'un lieu servant à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé est susceptible d'être enregistré comme appellation d'origine au sens de l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP. A l'instar des indications géographiques (cf. art. 3 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP), l'objet de la protection est en effet spécifiquement un nom géographique (cf. Simon Holzer, Geschützte Ursprungsbezeichnungen [GUB] und geschützte geographische Angaben [GGA] landwirtschaftlicher Erzeugnisse, Berne 2005, p. 253/254). Peu importe que ce nom soit présenté sous une forme substantive ou adjective ou encore d'une autre manière (cf. Holzer, op. cit., p. 254; Lorenz Hirt, Der Schutz schweizerischer Herkunftsangaben, Berne 2003, p. 129; Isabelle Pasche, Le système de protection des appellations d'origine et des indications géographiques de produits agricoles: premières expériences et commentaires, in: Communications de droit agraire, 2001, p. 3 ss, p. 6 s.) Le cas échéant, il peut même être associé à un nom générique (Holzer, eod. loc.; Hirt, op. cit., p. 130). Il doit cependant impérativement désigner une région ou un lieu précisément localisés, et non une vague aire géographique définie par un type de paysage, comme les mentions "Montagne" ou "Les Alpes" (cf. Holzer, eod. loc.).
En l'espèce, il est constant que la dénomination litigieuse "Raclette" ne désigne pas le nom d'une région ou d'un lieu géographique spécifique au sens de l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP. Son enregistrement comme appellation d'origine protégée n'est dès lors envisageable qu'au titre d'une dénomination traditionnelle au sens de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP.
6.4 La dénomination traditionnelle se présente comme une forme particulière d'appellation d'origine, en ce sens qu'elle permet de protéger des produits agricoles provenant d'une région ou d'un lieu déterminés, sans faire explicitement et directement référence à leur provenance. Il s'agit en quelque sorte d'une exception au régime ordinaire des appellations d'origine et des indications géographiques (cf. Hirt, op. cit., p. 118 [note de bas de page 611] et 120). Le Conseil fédéral a réservé ce privilège aux seules appellations d'origine (cf. art. 3 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP a contrario), sans qu'il n'existe apparemment de motif objectif justifiant de ne pas le prévoir également pour les indications géographiques (cf. Holzer, op. cit., p. 255 s. et les références à la doctrine citées). Dans un premier temps, il semble que le législateur nourrissait des doutes sur l'opportunité même de protéger les dénominations traditionnelles (cf. message précité concernant le paquet agricole 95, p. 646; sur la genèse de l'ordonnance sur les AOP et les IGP, cf. Hirt, op. cit., p. 110 ss et Holzer, op. cit., p. 235 ss).
L'enregistrement d'une appellation d'origine protégée suppose que la dénomination se soit faite connaître par le temps et l'usage - d'où elle tire son caractère traditionnel - comme une référence indirecte à la région ou au lieu de provenance du produit à protéger (cf. Holzer, op. cit., p. 256; David Meisser/David Aschmann, Herkunftsangaben und andere geographische Bezeichnungen, in: Schweizerisches Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, vol. III/2, éd. par Roland von Büren/Lucas David, Bâle 2005, p. 300; Hirt, op. cit., p. 120 et 129). La notion de dénomination traditionnelle recouvre aussi bien des dénominations dépourvues de toute connotation géographique mais qui se sont néanmoins indirectement imposées comme des indications de provenance (dénominations traditionnelles non géographiques), que des dénominations parées d'un certain contenu géographique mais ne renvoyant toutefois qu'indirectement à une région ou un lieu déterminés (dénominations traditionnelles géographiques); certaines dénominations traditionnelles géographiques peuvent même renvoyer (indirectement) à une indication de provenance en tout ou partie différente de l'aire géographique (directement) suggérée par leur nom (cf. Holzer, eod. loc., et les exemples cités du "Stilton Cheese" et du "Gruyère"; Hirt, op. cit., p. 120; Pasche, op. cit., p. 7). Il doit dans tous les cas exister entre la dénomination traditionnelle et l'indication de provenance à laquelle il est (indirectement) fait référence un lien étroit (cf. Andrea E. Flury, Grundprobleme des Rechts der geographischen Herkunftsbezeichnungen, thèse Saint-Gall 2003, p. 21). En outre, le caractère traditionnel exigé ne doit pas seulement concerner la dénomination comme telle, mais également - même si la norme visée ne le dit pas expressément - le produit qu'elle désigne (cf. Hirt, eod. loc., note de bas de page 628). Enfin, comme une dénomination traditionnelle offre la même protection qu'une appellation d'origine désignant un lieu ou une région, l'enregistrement de celle-là est soumis aux mêmes conditions que celle-ci, énumérées à l'art. 2 al. 1 par renvoi de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP. A cet égard, la demande doit contenir les éléments énumérés à l'art. 6 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP, à savoir, notamment: le nom du groupement demandeur et la preuve de sa représentativité; le dossier historique et la traçabilité du produit; les preuves de la typicité du produit liée au terroir; la description des méthodes locales, loyales et constantes si elles existent (sur ces conditions, cf. Holzer, op. cit., p. 268 ss; Hirt, op. cit., p. 118 ss, 126 ss).
En résumé, la notion - déterminante pour le cas d'espèce - de dénomination traditionnelle peut se définir comme une forme à part entière d'appellation d'origine protégée qui ne fait pas directement référence à la région ou au lieu de provenance du produit agricole à protéger, mais qui, grâce à une notoriété ou une réputation acquise par l'usage et le temps, est perçue comme une référence indirecte à une telle région ou un tel lieu. Son enregistrement est, pour le surplus, soumis aux mêmes conditions (formelles et matérielles) que celles prévues pour les appellations d'origine protégée ordinaires.
6.5 Dans le cas d'espèce, il n'est pas contesté que la demande d'enregistrement litigieuse remplit toutes les conditions formelles exigées par la réglementation applicable, en particulier que la Fédération laitière valaisanne est un groupement de producteurs jouissant de la représentativité nécessaire pour déposer une telle demande au sens de l'art. 5 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP. Il est également admis que le produit visé par cette demande, soit le fromage à raclette valaisan, possède des qualités et des caractères spécifiques liés au terroir, sous la forme aussi bien de facteurs naturels (climat, topographie, végétation, etc.) qu'humains; ces derniers tiennent notamment à un savoir-faire et des méthodes de fabrication particulières et établies de longue date qui confèrent au produit une originalité le distinguant d'autres produits analogues présents sur le marché (production décentralisée et artisanale; utilisation de lait cru pour sa fabrication; durée de mûrissement relativement longue; marquage au talon du nom de la région de fabrication selon une pratique ancienne et propre au Valais).
En fait, les raisons du refus opposé à la recourante ne sont pas liées aux conditions prévues à l'art. 2 al. 1 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP (applicables par renvoi de l'al. 2 de cette norme) en tant que celles-ci se rapportent au produit lui-même: ce n'est ni l'origine du fromage décrit dans le cahier des charges, ni sa qualité ou ses caractères, ni la délimitation de son aire de production qui posent problème. Au reste, si l'une de ces conditions faisait défaut, la dénomination "Raclette du Valais" n'aurait pas pu être enregistrée comme appellation d'origine protégée. L'objet du litige se situe ailleurs et porte sur le caractère véritablement traditionnel, au sens de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP, de la dénomination "Raclette".
7.
7.1 Sur la base des pièces au dossier, en particulier les éléments formant le dossier historique, la Commission fédérale de recours a considéré que la dénomination litigieuse n'était pas traditionnelle; elle désignait certes depuis longtemps le plat connu d'origine valaisanne à base de fromage fondu, mais non, ont estimé les premiers juges, le fromage gras valaisan au lait cru décrit dans le cahier des charges établi par la Fédération laitière valaisanne; c'est seulement récemment, selon la Commission fédérale de recours, que le terme "raclette" est également utilisé pour désigner le fromage (valaisan ou non) servant à la préparation du mets homonyme.
La recourante admet que seul peut être enregistré comme appellation d'origine contrôlée un produit agricole (en l'occurrence un produit agricole transformé), à l'exception d'un mets. Elle soutient cependant qu'une dénomination peut être considérée comme traditionnelle même si son usage est récent. Elle se réfère à cet égard à un arrêt de la Commission fédérale de recours rendu le 27 février 2004, dans la cause Fédération des coopératives Migros c/ Association charcuterie vaudoise AOC et IGP (dénomination "Saucisse aux choux vaudoise").
7.2 Le point de vue de la recourante se heurte au texte même de l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP. Le qualificatif "traditionnel", issu du latin "traditio" (en français "tradition"), renvoie en effet à l'idée de la transmission de "génération en génération" ou de "siècle en siècle" d'un savoir (une doctrine, une pratique, une croyance, une coutume, etc.) venu d'un passé relativement lointain voire légendaire; dans les domaines particuliers de la connaissance, des techniques, des arts, des moeurs etc., la notion de tradition évoque une manière de penser, de faire ou d'agir qui est un "héritage du passé" (cf. Le Grand Robert de la langue française, version électronique, éd. 2005). Les qualificatifs utilisés dans les versions allemande ("traditionnelle [Bezeichnung]") et italienne ("[denominazioni] tradizionali") de la norme, qui reposent sur la même étymologie latine, n'ont pas un sens différent (cf. Duden, Deutsches Universalwörterbuch, 4ème éd., Mannheim 2001; Dizionario Devoto Oli della lingua italiana, version électronique, éd. 2004-2005). Contrairement à l'opinion de la recourante, une dénomination traditionnelle ne saurait donc, par nature, être récente. Elle n'est d'ailleurs pas destinée à protéger des produits nouveaux (cf. Guide pour le dépôt d'une appellation d'origine protégée [AOP] ou d'une indication géographique protégée [IGP], document élaboré par l'Office fédéral en juin 2001, état au 8 août 2007, p. 5; ce document est disponible sur le site internet de l'Office fédéral [www.blw.admin.ch/themen/00013/00085/00094/index.html?lang=fr]).
Au reste, la recourante ne mentionne aucune référence de doctrine à l'appui de sa thèse et les auteurs qui se sont exprimés sur la question sont apparemment unanimes pour considérer qu'une dénomination traditionnelle ne peut être enregistrée que si elle est connue et utilisée depuis un certain temps. Ainsi, Holzer (op. cit., p. 256) parle à ce propos d'une utilisation de longue date ("dank langjährigen redlichen Gebrauchs"), tandis que Meisser/Aschmann (op. cit., p. 300) évoquent un usage d'une certaine durée et bénéficiant d'une certaine diffusion ("eine gewisse Gebrauchsdauer [und] eine gewisse Verbreitung"). Hirt (op. cit., p. 120 et 129) déduit même de l'expresse référence au caractère traditionnel de la dénomination que celle-ci doit être connue et que son enregistrement comme appellation d'origine protégée doit rester l'exception.
Enfin, c'est en vain que la recourante se réfère à la jurisprudence de la Commission fédérale de recours dans l'affaire "Saucisse aux choux vaudoise". Ce cas n'avait en effet pas trait aux appellations d'origine, mais relevait des indications géographiques pour lesquelles il n'existe précisément pas, comme on l'a vu (supra consid. 6.4, premier paragraphe), d'exception en faveur des dénominations traditionnelles, soit de possibilité de faire enregistrer et protéger un produit ne désignant pas le nom d'une région ou d'un lieu déterminés. La jurisprudence invoquée par la recourante n'est dès lors d'aucune utilité pour cerner le sens et la portée de la notion de dénomination traditionnelle.
7.3 Il s'ensuit que la dénomination litigieuse ne peut être considérée comme traditionnelle, au sens défini ci-avant (supra consid. 6.4), que si son utilisation pour désigner le fromage décrit dans le cahier des charges établi par la Fédération laitière valaisanne est attestée, sinon de longue date, comme l'a jugé la Commission fédérale de recours, du moins depuis un certain temps déjà. La réponse à cette question se trouve dans le dossier historique qui doit notamment permettre d'apporter la preuve de l'usage et de la notoriété de la dénomination traditionnelle et du produit qu'elle désigne (cf. art. 6 al. 2 lettre d de l'ordonnance sur les AOP et les IGP; Hirt, op. cit., p. 133; Pasche, op. cit., p. 11; guide précité établi par l'Office fédéral, p. 9).
8.
8.1 Les premiers écrits référencés dans le dossier historique ne mentionnent pas le terme "raclette", mais se limitent à l'évocation d'une pratique culinaire présentée comme traditionnelle en Valais et consistant à faire fondre ou rôtir du fromage gras d'alpage au feu de bois. La description la plus ancienne de ce mets actuellement connue date de 1574 (lettre du médecin et pharmacien sédunois Gaspar Ambüel, dit Collinus, à un certain Conrad Gessner, ami d'Erasme); d'autres ont suivi (cf. les références à l'abbé Clément, "Walliser Volkskunde des 18. Jahrhunderts" [année 1768] et à l'avocat et médecin Hildebrand Schiner, dans son ouvrage "Description du Département du Simplon" [publié en 1812]). La première attestation écrite de l'utilisation du terme "raclette" (plus précisément: "râclette") remonte apparemment à un ouvrage publié en 1874 par l'historien Eugène Rambert ("Les Alpes Suisses", vol. 2, intitulé "De Schwyz à Schwyz par Sion"). Mais aussi bien dans cet ouvrage que dans les écrits postérieurs répertoriés dans le dossier historique, le terme n'est utilisé, pendant tout le XIXème siècle, que pour désigner le seul mets valaisan, à l'exception du fromage servant à sa préparation (cf. les références aux journaux "Le Villageois" [édition du 15 mars 1875] et "Ami du peuple" [éditions du 18 mai 1879 et 31 octobre 1880]; cf. aussi les références aux ouvrages des écrivains Victor Tissot ["La Suisse inconnue", publié en 1888] et Louis Courthion ["Le peuple du Valais", publié en 1902]).
Les pièces relatives au XXème siècle confirment ce sens univoque du mot litigieux dans le langage - y compris dans la locution "fromage à raclette" -, du moins jusque vers le milieu ou la fin des années 1970 (cf. la référence, dans le dossier historique, à l'exposition cantonale organisée à Sion en 1909, où la raclette est déclarée "mets national valaisan"; cf. les articles de presse publiés dans le journal illustré "La Patrie suisse" [1938 p. 396 s.], dans la "Gazette du Valais" [article intitulé "Les fromages à fondue et à raclettes", 16 octobre 1920], dans le "Walliser Bote" [6 mai 1925], dans le quotidien jurassien "Le Démocrate" [article signé Charles Beuchat, du 18 août 1955], dans la "Feuille d'avis de Lausanne" [30 juin 1960] et dans la "Gazette de Lausanne" [article intitulé "Eloge de la raclette" signé par Cyrille Michelet, 1965]; voir aussi les publications du docteur Henri Wuilloud, "L'agriculture en Valais" [1923] et "Harmonies valaisannes" [1961], de C. Fellay, inspecteur de laiterie, "La fabrication d'un bon fromage gras de montagne: le fromage à raclette" [in: rapport triennal de l'Ecole cantonale d'agriculture de Châteauneuf, 1929-1932], du professeur Ernst Laur, "Le paysan suisse, sa patrie et son oeuvre" [éd. en 1939 par l'USP], d'Albert Molk, "Anthologie de la raclette" [1952], de Bojen Olsommer, "En Valais, coup d'oeil sur la gastronomie", in: "Le pays romand" [1955], du géographe Jean Loup, "Pasteurs et agriculteurs valaisans, Contribution à l'étude des problèmes montagnards" [thèse, Grenoble, 1965], de Pierre Androuët, "Propos de l'ordre de la channe" [1973], et de Cyrille Michelet, "Le fromage à raclette et sa lointaine origine, anthologie de la raclette" [1974]). En réalité, le dossier historique joint à la demande d'enregistrement ne contient que peu de références indiquant que le terme "raclette" est également utilisé seul pour désigner le fromage servant à la préparation du plat homonyme (cf. en particulier, "Petit Larousse Illustré" [édition 1995] et un ouvrage de Nancy Eekhof-Stork intitulé "Les Fromages" [Bruxelles/Paris, 1978]). Durant la procédure d'opposition, les parties ont cependant produit un certain nombre de pièces attestant un tel usage du terme litigieux, apparemment comme ellipse de la locution "fromage à raclette" (principalement des coupures de presse, des articles publicitaires et des extraits de page internet): l'Etat du Valais voulait par là démontrer que le terme "raclette" ne désigne pas seulement le mets traditionnel valaisan, mais aussi le fromage utilisé pour sa confection, tandis que les opposants entendaient ainsi prouver que l'emploi dudit terme pour désigner un fromage est récent et vise n'importe quel fromage à raclette, sans égard à sa provenance valaisanne, suisse ou étrangère.
8.2
8.2.1 Au vu des pièces au dossier, il faut admettre, avec la recourante, l'origine ancienne voire ancestrale de la raclette entendue comme l'une des manières traditionnelles d'apprêter et de consommer du fromage gras d'alpage en Valais. En revanche, il apparaît que le terme "raclette" lui-même - dont l'étymologie française n'est pas contestée - ne s'est imposé dans le langage que dans la deuxième partie du XIXème siècle (première attestation écrite: 1874) et qu'il n'a jusqu'à très récemment été utilisé que par référence au mets.
Il ressort en effet des constatations des premiers juges, fondées sur le dossier historique proprement dit mais aussi les nombreuses pièces produites par les parties durant l'instruction, que ce n'est que depuis une vingtaine d'années environ avant le dépôt de la demande d'enregistrement (soit vers le milieu ou la fin des années 1970) que le terme litigieux est parfois aussi utilisé, tantôt au masculin, tantôt au féminin, pour désigner le fromage servant à la préparation du mets homonyme. Ce point est confirmé par l'évolution sémantique du terme attestée par la comparaison des définitions données dans les dictionnaires Robert et Larousse entre les années 1972 et 2002: alors que les premières éditions de ces ouvrages ne faisaient référence qu'au mets d'origine valaisanne à base de fromage fondu, les définitions du mot données vers la fin des années 1980 ont précisé que celui-ci désignait aussi le fromage utilisé pour préparer un tel mets (cf. arrêt attaqué, consid. 5.5 [en français]).
Il y a tout lieu de penser, comme le relève la Commission fédérale de recours et comme en convient la recourante, que cette nouvelle acception du mot "raclette" dans la langue n'a, très vraisemblablement, fait qu'entériner un usage elliptique de la locution "fromage à raclette". Un tel usage a été expressément consacré en France par un décret du 20 juin 1984, puis par un décret 88-1206 du 30 décembre 1998 (cf. l'annexe à ce dernier décret qui énonce comme catégories de fromage le "fromage à raclette ou raclette" et le "petit fromage à raclette ou petite raclette"). Dans la même période, la législation suisse distinguait pour sa part entre les dénominations "Fromage à raclette valaisan" et "Fromage à raclette" (cf. art. 1er de l'ordonnance DFI du 10 décembre 1981, en vigueur jusqu'au 1er mai 2002 [RO 2002 I 848]). Le premier produit était considéré comme un fromage avec appellation d'origine et devait contenir, incrustée dans la croûte, l'une des appellations d'origine énumérées à l'annexe 1 à l'ordonnance (Anniviers, Arbey, Arbignon, Arolla, etc.); en outre, il devait être fabriqué avec du lait cru dans l'une des régions du Valais désignées et sa maturation devait prendre fin "au plus tôt au bout de 90 jours" (chiffre 1.5 de l'annexe 1 à l'ordonnance, lettres a, c et e). Quant au "Fromage à raclette", il était classé dans la catégorie des fromages de sorte et pouvait être fabriqué dans toute la Suisse, avec du lait pasteurisé ou du lait cru; il était à maturation "au plus tôt au bout de 60 jours" et devait être marqué de "l'incrustation suivante au moins une fois sur le talon du fromage en caractères de 2 cm de haute: «RACLETTE»" (chiffre 3.3 de l'annexe 3 à l'ordonnance, lettres a, c, e et f). Il apparaît ainsi qu'en obligeant les fabricants de "Fromage à raclette" (par opposition au "Fromage à raclette valaisan") à faire incruster dans leur produit l'inscription "RACLETTE", la législation suisse a également, dans une certaine mesure, bien que d'une manière plus discrète que le droit français, consacré l'utilisation de la forme elliptique "raclette" pour désigner le fromage à raclette.
Quoi qu'il en soit, indépendamment des conditions et du contexte précis qui ont conduit à l'émergence de cette nouvelle acception du terme litigieux, une chose est acquise au vu des constatations - convaincantes - des premiers juges, à savoir que cette évolution sémantique est plutôt récente. Au demeurant, la recourante elle-même admet que ce "glissement de sens" (ou cet "usage elliptique") est "relativement récent" et remonte aujourd'hui à quelques "dizaines d'années" (cf. recours, p. 20). Elle objecte cependant, en se fondant sur l'avis de droit du professeur Dessemontet, que la raclette, comme mets, n'est que du fromage fondu qui ne subit l'adjonction d'aucun autre ingrédient, au contraire par exemple de la fondue. Elle en déduit qu'il existe une "relation sémantique réciproque" entre le mets et le produit servant à son élaboration, en ce sens que le terme renverrait "depuis toujours" indifféremment à l'un ou l'autre sens. Cette argumentation méconnaît que la reconnaissance d'une dénomination traditionnelle ne dépend pas d'une approche théorique ou conceptuelle de la langue, mais implique que celle-ci ait effectivement sanctionné l'usage d'une appellation dans la durée (cf. supra consid. 7.3). Or, tel n'est justement pas le cas en l'occurrence.
8.2.2 Il ressort également des arrêts attaqués que l'usage du seul terme "raclette" pour désigner du fromage à raclette valaisan n'est pas seulement récent, mais reste plutôt rare, y compris - voire même surtout - en Valais: c'est ainsi que la quasi totalité des pièces au dossier, y compris celles portant sur les dernières décennies écoulées (cf., en particulier, les extraits de journaux produits durant la procédure d'opposition par les parties), confirment que le fromage valaisan servant à la préparation de la raclette est presque toujours désigné soit par le seul terme "fromage", soit par le terme "fromage" associé au Valais ou à la région de provenance du produit (fromage de Bagnes, d'Orsières, d'Isérables, etc.), soit par la seule provenance du fromage (un Bagnes, un Conches, etc.), soit encore par les locutions "fromage à raclette" ou "fromage à raclette valaisan".
Sur ce point également, les constatations des premiers juges ne sont dès lors pas critiquables ni, du reste, sérieusement contestées par la recourante, autrement que par renvoi à l'argumentation - non pertinente, comme on l'a vu -, du professeur Dessemontet.
8.2.3 A cela s'ajoute que cet emploi relativement récent et somme toute encore peu usuel - surtout en Valais - du seul terme "raclette" en lieu et place de la locution "fromage à raclette", ne renvoie pas spécifiquement à un produit d'origine valaisanne, mais, comme l'a constaté la Commission fédérale de recours, à tout fromage à raclette, quelle que soit sa provenance. Certes, deux références semblent postuler que le terme "raclette" désignerait le seul fromage valaisan (soit l'ouvrage précité "Les Fromages", écrit par Nancy Eekhof-Stork [1978] et le "Dictionnaire suisse romand" [1997]). Il est toutefois établi que, contrairement à ce que soutient Eekhof-Stork, ce n'est pas le fromage qui a donné son nom au plat, mais bien l'inverse; le point de vue de cet auteur n'est dès lors pas concluant. Quant au "Dictionnaire suisse romand", il ne donne aucune référence permettant de se convaincre que le terme "raclette" désignerait seulement du fromage valaisan, par métonymie du plat traditionnel valaisan du même nom; du reste, comme exemple de cette signification, le dictionnaire précité donne, d'une manière qui ne laisse pas de surprendre, la locution "Raclette suisse en tranches".
Force est dès lors d'admettre que le terme "raclette", lorsqu'il est utilisé seul comme ellipse de la locution "fromage à raclette", ne renvoie pas nécessairement - voire même rarement - à un fromage valaisan, conformément aux constatations des premiers juges fondées sur les pièces du dossier (cf., notamment, les nombreux extraits d'ouvrages, de journaux et d'articles publicitaires attestant l'usage du terme litigieux depuis une trentaine d'années; cf. aussi les définitions des dictionnaires Robert et Larousse qui indiquent certes l'origine valaisanne du mets, mais n'évoquent pas une telle origine à propos du fromage utilisé pour sa confection; voir encore, même s'ils doivent être pris avec une certaine prudence, les résultats des sondages d'opinion réalisés en 1999 et 2002-2003 [sur ce point, cf. infra consid. 9]).
Cette conclusion est confirmée par l'état de la législation suisse en vigueur au moment du dépôt de la demande d'enregistrement litigieuse: comme on l'a vu, l'inscription "RACLETTE" ne devait en effet être incrustée, en vertu de l'ordonnance DFI du 10 décembre 1981 précitée, que sur les "fromages à raclette", tandis que les "fromages à raclette valaisans" devaient seulement indiquer leur provenance (supra consid. 8.2.1); dès le début des années 1980, soit pratiquement dès son apparition dans sa nouvelle acception, et pendant une vingtaine d'années, le terme "raclette" a dès lors renvoyé, en droit interne, à des fromages ne provenant pas - sauf exceptions - du Valais. Par ailleurs, au contraire des appellations "Gruyère", "Emmental", "Sbrinz", "Bagnes" ou "Fromage de Conches", les conventions internationales conclues à ce jour par la Suisse ne font aucunement mention de la dénomination litigieuse (cf. la convention internationale sur l'emploi des appellations d'origine et dénominations de fromages, conclue à Stresa le 1er juin 1951 avec l'Autriche, la France, l'Italie et les Pays-Bas [RS 0.817.142.1]; cf. aussi le Traité du 14 mai 1974 entre la Confédération suisse et la République française sur la protection des indications de provenance, des appellations d'origine et d'autres dénominations géographiques [RS 0.232.111.193.49]).
8.3 Il s'ensuit que la dénomination "Raclette" ne saurait être qualifiée de traditionnelle au sens restrictif où l'entend l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP (supra consid. 6.4 et 7.3): elle reflète en effet une acception relativement récente (supra consid. 8.2.1) et finalement peu usitée du terme pour désigner du fromage à raclette valaisan (supra consid. 8.2.2); en outre, elle ne renvoie pas spécifiquement à un produit valaisan, mais à tout fromage à raclette, indépendamment de sa provenance (supra consid. 8.2.3).
9.
Du moment que le terme "raclette" n'avait, au moment de la demande litigieuse, pas acquis valeur de dénomination traditionnelle pour désigner le fromage à raclette valaisan, c'est en vain que la recourante cherche à établir que ledit terme n'aurait pas subi de dégénérescence: logiquement, un nom ne peut en effet devenir générique que s'il se rapportait initialement - c'est-à-dire lorsqu'il est apparu - clairement au lieu d'élaboration ou de commercialisation du produit à protéger (cf. art. 4 al. 2 de l'ordonnance sur les AOP et les IGP). Mais tel n'est justement pas le cas en l'espèce, l'utilisation récente du terme "raclette" comme ellipse de la locution "fromage à raclette", ayant d'emblée visé, comme on l'a vu, tout fromage à raclette, indépendamment de sa provenance.
Dans cette mesure, la référence à l'arrêt de la CJCE concernant la dénomination traditionnelle "Feta" (cf. supra lettre C.c in fine de l'état de fait) n'est d'aucune pertinence, car la question litigieuse à résoudre dans cette affaire ne portait pas, comme dans le présent cas, sur le caractère traditionnel de la dénomination en cause, mais sur les autres conditions du droit à l'enregistrement et, notamment, sur le point de savoir si ladite dénomination était devenue générique. Pour la même raison, il s'ensuit que les résultats des sondages d'opinion réalisés en 1999 et 2002-2003 par l'Office fédéral en vue d'évaluer la perception du terme "raclette" dans le public ne revêtent pas une importance décisive dans le contexte de la présente affaire: de tels sondages servent en effet surtout à prouver qu'une dénomination n'est pas devenue générique (cf. art. 4 al. 3 lettre a de l'ordonnance sur les AOP et les IGP).
Au demeurant et pour les motifs indiqués par les premiers juges, les résultats de ces sondages d'opinion sont de toute façon sujets à caution. En particulier, la polysémie du terme "raclette" commandait - ce qui n'a pas été fait correctement, y compris dans la dernière enquête - d'élaborer un questionnaire permettant aux personnes interrogées de comprendre sans ambiguïté que le terme litigieux visait seulement le fromage et non le plat d'origine valaisanne à base de fromage. Cette réserve mise à part, le sondage réalisé en 2002-2003 présente, comme l'ont considéré les premiers juges, une valeur probante supérieure à celui réalisé en 1999, notamment parce qu'il porte sur un échantillon plus large et plus représentatif de la population et parce que, même si elles ne sont pas exemptes de toute critique, les questions posées sont dans l'ensemble plus précises et mieux formulées que lors de la précédente enquête. Ce sondage révèle notamment que sur le total de 1'101 personnes sondées en Suisse (Valais compris), seules 67 (soit environ 6 %) pensent que le produit est fabriqué en Valais, contre 18 % de celles qui ont été interrogées en Valais (soit 7 personnes sur 39; questions 8 à 10), tandis que 140 des personnes interrogées en Suisse (soit environ 13 %) attendent du produit une origine valaisanne, contre 41 % de celles interrogées en Valais (soit 16 personnes sur 39; questions 11 et 12). De tels résultats ne se laissent pas facilement interpréter. En particulier, on peine à comprendre l'important écart entre les réponses fournies aux deux séries de questions, alors que l'une et l'autre de ces séries portaient pourtant, malgré une formulation quelque peu différente, sur un même objet, à savoir la provenance, réelle ou attendue, du produit litigieux. Indépendamment de cette ambiguïté, à supposer même qu'il faille tenir compte des résultats du sondage, comme le souhaite la recourante, les chiffres précités qui en ressortent seraient en toute hypothèse insuffisants pour établir l'existence (première) d'une dénomination traditionnelle - situation qui ne se confond pas avec le problème de la dégénérescence d'une dénomination traditionnelle (déjà) existante.
10.
Il suit de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) et versera une indemnité de dépens à Cremo SA, Burger Käse AG, ainsi qu'à l'association Raclette Suisse (art. 159 al. 1 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 2A.496/2006 et 2A.497/2006 sont jointes.
2.
Les recours sont rejetés.
3.
Un émolument judiciaire de 10'000 fr. est mis à la charge de la Fédération laitière valaisanne.
4.
La Fédération laitière valaisanne versera des indemnités à titre de dépens de 10'000 fr. chacune à la société Cremo SA et à l'association Raclette Suisse, et de 5'000 fr. à la société Burger Käse AG.
5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de recours du Département fédéral de l'économie ainsi qu'à l'Office fédéral de l'agriculture.
Lausanne, le 15 octobre 2007
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: