Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_164/2007 /col
Arrêt du 23 octobre 2007
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb
et Fonjallaz.
Greffière: Mme Truttmann.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Agrippino Renda, avocat,
contre
B.________,
intimée, représentée par Me Mike Hornung, avocat,
Procureur général de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
Chambre d'accusation de la République et canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
Objet
procédure pénale,
recours en matière pénale contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève du 4 juillet 2007.
Faits:
A.
Le 16 juillet 2006, suite à une plainte de son épouse, A.________, ayant reconnu les faits, a été inculpé pour viol et voies de fait.
Le juge d'instruction a décidé de soumettre A.________ à une expertise psychiatrique. Le 19 février 2007, l'expert mandaté a déposé son rapport, lequel a été communiqué aux parties le lendemain.
Par courrier du 28 février 2007, le conseil de A.________ a requis l'audition de l'expert en demandant s'il "était envisageable d'appointer l'audience fin mars au plus tôt", sans davantage d'explications.
Par courrier du 14 mars 2007, le juge d'instruction a convoqué les parties pour l'audition de l'expert le lundi 19 mars 2007 à 16h00.
Par fax du 19 mars 2007, envoyé à 10h51, une collaboratrice du conseil de A.________, expliquant n'avoir reçu la convocation que le matin même, a sollicité le report de l'audience, aucun collaborateur ne pouvant y être dépêché. Le juge d'instruction a aussitôt refusé la requête par téléphone. L'audience s'est donc tenue, en présence de l'expert et du conseil de la partie civile.
B.
Le 20 mars 2007, soit le lendemain de l'audition de l'expert, le juge d'instruction a communiqué la procédure au Procureur général, l'instruction préparatoire étant terminée.
A.________ a recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève (ci-après: Chambre d'accusation), en faisant valoir qu'il avait été convoqué tardivement et qu'il n'avait pu, sans faute de sa part, assister à l'audition de l'expert. Le procès-verbal établi le 19 mars 2007 devait donc être écarté du dossier et la procédure retournée au juge d'instruction pour que ce dernier entende l'expert contradictoirement.
Par arrêt du 4 juillet 2007, la Chambre d'accusation a déclaré le recours irrecevable en tant qu'il visait la décision de soit-communiqué, et recevable mais infondé s'agissant de la demande d'annulation du procès-verbal du 19 mars 2007. Elle a en substance relevé que la convocation avait été envoyée en courrier A et qu'elle avait donc été reçue à temps. Par ailleurs, toutes les questions utiles pouvaient être posées à l'audience de jugement, ce qui garantissait le respect des droits du recourant.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance rendue le 4 juillet 2007 par la Chambre d'accusation ainsi que de dire qu'il y a lieu de poursuivre l'instruction de la procédure pénale, en particulier d'ordonner l'audition contradictoire de l'expert. Il requiert également que le procès-verbal du 19 mars 2007 soit annulé et retiré de la procédure. Il invoque le principe de l'interdiction de l'arbitraire. Il se plaint également d'une violation de son droit d'être entendu et du droit à un procès équitable, se fondant notamment sur l'art. 6 CEDH.
Le Ministère public conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée. La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. B.________ s'en rapporte à justice tant sur la recevabilité que sur le bien-fondé du recours.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
La décision attaquée ayant été rendue après le 1er janvier 2007, la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF) est applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
2.
Interjeté par l'inculpé qui a succombé dans ses conclusions (art. 81 al. 1 let. b LTF) et dirigé contre une décision rendue en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 80 al. 1 LTF), le recours, déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est recevable.
3.
La décision attaquée porte sur le retrait d'un procès-verbal du dossier pénal. Elle est de nature incidente, puisqu'elle ne met pas un terme à la procédure pénale, de sorte que la recevabilité du recours doit être examinée au regard de l'art. 93 LTF.
Dès lors que la décision ne porte pas sur la compétence ou sur une demande de récusation (art. 92 LTF), elle ne peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral que si une des deux conditions suivantes est remplie: soit elle est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF), soit l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF) - hypothèse qui n'entre manifestement pas en considération ici.
Dans la procédure de recours en matière pénale, la notion de préjudice irréparable correspond à celle de l'art. 87 al. 2 de l'ancienne loi d'organisation judiciaire (OJ), qui soumettait à la même condition la recevabilité du recours de droit public contre de telles décisions incidentes: il doit s'agir d'un dommage de nature juridique, qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 133 IV 139 consid. 4 p. 141).
3.1 Le recourant fait valoir que l'impossibilité de solliciter d'autres actes d'instruction lui causerait un préjudice irréparable.
En l'espèce, la Chambre d'accusation est entrée en matière sur le recours uniquement en tant qu'il concluait à l'annulation du procès-verbal du 19 mars 2007. Les griefs dirigés contre l'ordonnance de soit-communiqué ont été déclarés irrecevables, ce que le recourant ne conteste pas. Ce dernier ne saurait donc se plaindre de ne pas avoir eu l'occasion de solliciter d'autres actes d'instruction. Il ne spécifie du reste pas de quels actes il pourrait s'agir. Il est d'autant plus malaisé de concevoir leur nature que le recourant a admis les faits qui lui étaient reprochés. Quoi qu'il en soit, tant le Procureur général que l'autorité de jugement pourront ultérieurement compléter l'instruction s'ils devaient considérer celle-ci comme incomplète (art. 197 in fine, 225 al. 2 et 294 CPP/GE).
3.2 Le recourant soutient également que l'impossibilité de poser des questions à l'expert psychiatre au stade de l'instruction ainsi que le refus de retirer le procès-verbal du 19 mars 2007 faisant mention de son absence non excusée ainsi que celle de son conseil, lui causeraient un dommage irréparable.
3.2.1 L'art. 6 ch. 3 let. d CEDH garantit notamment à l'accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge. Le même droit découle, sur le plan interne, du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. Cette garantie vise, d'une part, à empêcher qu'un jugement de condamnation soit rendu sur la base des déclarations d'un témoin sans que l'accusé ait eu, au moins une fois au cours de la procédure, une occasion adéquate et suffisante de mettre en doute le témoignage et de poser des questions au témoin, et d'autre part, à assurer l'égalité des armes entre l'accusation et la défense (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 480; 129 I 151 consid. 3.1 p. 153 s. et les références citées).
La prétention ainsi conférée à l'accusé concrétise le droit à un procès équitable qui lui est garanti par l'art. 6 par. 1 CEDH; c'est donc la procédure examinée dans son ensemble qui doit se révéler équitable (ATF 129 I 151 consid. 3.1 p. 153). Par ailleurs, l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, pris à la lettre, vise les témoins et non les experts. La Cour européenne des droits de l'homme examine donc les griefs relatifs aux experts sous l'angle de la règle générale de l'art. 6 par. 1 CEDH. Elle garde ce faisant toutefois à l'esprit les garanties de l'art. 6 par. 3 let. d CEDH (ATF 127 I 73 consid. 3f p. 80 et les références citées).
3.2.2 Dans le cas particulier, si le recourant devait être renvoyé en jugement - ce qui sera selon toute vraisemblance le cas - ce dernier aura la possibilité de requérir une confrontation avec l'expert lors des débats (art. 223 et 256 CPP/GE).
Le recourant pourra même soulever ses griefs ultérieurement, en particulier à l'occasion d'un recours contre le jugement final, si la prise en compte du procès-verbal litigieux devait avoir une incidence sur celui-ci. Cela dit, cette éventualité paraît peu probable, dans la mesure où il ne se plaint que de la mention dans ledit procès-verbal de son absence non excusée.
Cela suffit par conséquent à garantir le respect des art. 6 par. 3 let. d CEDH et 29 al. 2 Cst. Pour le surplus, le recourant ne fait pas valoir que le droit cantonal prévoirait une protection plus large que les dispositions précitées.
Dans ces conditions, le recourant ne démontrant pas l'existence d'un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 et. a LTF, l'ordonnance de la Chambre d'accusation ne peut pas directement être attaquée par la voie du recours en matière pénale.
4.
Le recours est par conséquent irrecevable. Un émolument judiciaire doit être mis à la charge du recourant (art. 65 al. 1 et 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens, l'intimée n'ayant pas présenté d'observations.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève.
Lausanne, le 23 octobre 2007
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le président: La greffière: