BGer U 428/2006
 
BGer U 428/2006 vom 30.10.2007
Tribunale federale
{T 7}
U 428/06
Arrêt du 30 octobre 2007
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.
Parties
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, recourante,
contre
N.________,
intimée, représentée par Me Monique Stoller Füllemann, avocate, 64, route de Florissant, 1206 Genève.
Objet
Assurance-accidents,
recours de droit administratif contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 26 juillet 2006.
Faits:
A.
N.________, née en 1964, a travaillé au service de X.________ et était, à ce titre, assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 4 juillet 2003, alors qu'elle était arrêtée à un feu rouge, elle a été percutée à l'arrière par un autre véhicule. Dans un rapport du 3 décembre 2003, le docteur G.________ a fait état de cervicalgies post-traumatiques. L'assurée a repris le travail le 21 juillet 2003. Elle a subi toutefois une nouvelle période d'incapacité de travail du 23 au 26 avril 2004, puis à partir du 19 août suivant. La CNA a pris en charge le cas.
Après avoir confié une expertise au docteur H.________, spécialiste en neurologie (rapport du 18 janvier 2005), elle a rendu une décision, le 8 juin 2005, confirmée sur opposition le 20 juillet suivant, par laquelle elle a supprimé le droit aux prestations (indemnité journalière et frais de traitement) avec effet au 3 février 2005.
B.
Saisi d'un recours de l'assurée, le Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève a annulé la décision sur opposition attaquée et renvoyé la cause à la CNA pour instruction complémentaire dans le sens des considérants et nouvelle décision (jugement du 26 juillet 2006). Il a considéré, en résumé, qu'une instruction complémentaire - auprès du docteur A.________, chiropraticien, ainsi que par la mise en oeuvre d'une expertise neuro-psychiatrique - était nécessaire pour trancher le point de savoir si les affections perdurant au-delà du 3 mars 2005 ressortissaient spécifiquement au tableau clinique d'un traumatisme cervical de type « coup du lapin » ou constituaient une atteinte à la santé secondaire indépendante.
C.
La CNA interjette recours de droit administratif contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant à la confirmation de sa décision sur opposition du 20 juillet 2005.
L'intimée conclut au rejet du recours, sous suite de dépens. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à présenter des déterminations.
Considérant en droit:
1.
La loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
2.
Le litige porte sur le point de savoir si la recourante était fondée, par sa décision sur opposition du 20 juillet 2005, à supprimer le droit de l'intimée à des prestations d'assurance avec effet au 3 février 2005. Il convient donc d'examiner s'il existe un lien de causalité naturelle et adéquate entre l'atteinte à la santé perdurant après cette date et l'accident du 4 juillet 2003.
3.
3.1 En l'occurrence, il est constant que l'intimée ne souffre pas d'une atteinte organique objectivable (cf. rapport d'expertise du docteur H.________ du 18 janvier 2005).
En présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de tête diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, fatigabilité, dépression, etc.), l'existence d'un lien de causalité naturelle entre un accident de type traumatisme cervical et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être admise (ATF 117 V 359 consid. 4b p. 360). Quant à l'appréciation de la causalité adéquate lors de troubles d'ordre psychique consécutifs à un accident, elle se fonde sur des critères différents selon que l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin », d'une lésion analogue à une telle atteinte ou d'un traumatisme cranio-cérébral. A la différence des critères valables en cas d'atteinte à la santé psychique non consécutive à un traumatisme de type « coup du lapin », il n'est pas décisif de savoir, en cas de traumatisme de ce type, si les troubles dont est atteint l'assuré sont plutôt de nature somatique ou psychique (ATF 117 V 359 consid. 6a p. 367; RAMA 1999 no U 341 p. 408 s. consid. 3b).
3.2 La juridiction cantonale considère qu'en l'état actuel du dossier, il n'est pas possible d'exclure que l'assurée a présenté des symptômes du tableau clinique d'un accident de type « coup du lapin » avant le mois de septembre 2004, époque à laquelle le docteur D.________, médecin traitant, a fait état pour la première fois d'insomnie et de dépression (rapport du 23 septembre 2004). Aussi, a-t-elle jugé qu'une instruction complémentaire était nécessaire pour trancher le point de savoir si les troubles perdurant au-delà du 3 mars 2005 ressortissaient spécifiquement au tableau clinique en question.
3.3 Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4e éd., Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 278 ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360, 125 V 193 consid. 2 p. 195 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 p. 324 s.). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322).
En l'espèce, le dossier ne fait mention d'aucune plainte ressortissant au tableau clinique typique d'un traumatisme de type « coup du lapin » qui serait apparue dans une durée de latence telle que l'on pût admettre la survenance d'un traumatisme de ce type (RAMA 2000 no U 359 p. 29 s. consid. 5e-g, no U 391 p. 307 s. consid. 2b). Ce n'est que le 23 septembre 2004, soit plus de 14 mois après l'accident, que le docteur D.________ a fait état pour la première fois d'insomnie et de dépression et c'est seulement au mois de janvier 2005 que ce médecin a attesté l'existence de l'ensemble des plaintes typiques d'un traumatisme de type « coup du lapin » (rapport du 10 janvier 2005).
Dans ces conditions, on ne saurait se rallier au point de vue de la juridiction cantonale, selon lequel les difficultés d'expression de l'intimée ne lui ont peut-être pas permis de faire part de ses plaintes, de sorte qu'il n'était pas possible - sans une instruction complémentaire - d'exclure la présence de tels troubles avant le mois de septembre 2004. S'il n'existe aucun élément au dossier permettant d'inférer que des plaintes caractéristiques ont été invoquées dans un délai de latence admissible au regard de la jurisprudence, la seule supposition que les difficultés d'expression de l'intéressée ne lui ont peut-être pas permis de les invoquer ne justifiait pas un renvoi de la cause à la recourante pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
4.
4.1 La CNA soutient que l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et les troubles perdurant au-delà du 3 mars 2005 doit être niée, étant donné que l'accident survenu le 4 juillet 2003 doit être qualifié de léger. En effet, rappelle-t-elle, dans un arrêt du 17 juillet 2006 (U 206/06), le Tribunal fédéral des assurances a qualifié d'accidents de peu de gravité des collisions survenues entre des véhicules dont la différence de vitesses était comprise entre 10 km/h et 15 km/h. Or, en l'occurrence, il ressort d'une expertise effectuée le 30 mai 2005 par la société Y.________ SA, que la différence de vitesses entre les deux véhicules au moment du choc était comprise entre 6 km/h et 13 km/h.
4.2 En présence d'un accident de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre les troubles et l'événement en cause doit être niée, sans même qu'il soit nécessaire de trancher le point de savoir si l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin », d'une lésion analogue à une telle atteinte ou d'un traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 359 consid. 6a p. 366, 115 V 133 consid. 6a p. 139, 403 consid. 5a p. 408).
Sur le vu du rapport d'expertise de Y.________ qui conclut à l'existence d'un choc relativement faible, ainsi que de l'ensemble des circonstances de son déroulement, on peut se demander si l'événement du 4 juillet 2003 ne devrait pas être qualifié d'accident de peu de gravité.
Quoi qu'il en soit, même en admettant que l'accident ait été de gravité moyenne, à la limite des accidents de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate doit être niée sur le vu des critères objectifs développés par la jurisprudence (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409) pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et une atteinte à la santé psychique. Ainsi, il n'apparaît pas que les circonstances concomitantes ont été particulièrement dramatiques ni que l'accident a eu un caractère particulièrement impressionnant. Par ailleurs, les lésions physiques n'ont pas été d'une gravité telle qu'elles étaient de nature, selon l'expérience, à entraîner des troubles psychiques.
4.3 Vu ce qui précède, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'atteinte à la santé perdurant après le 3 février 2005 et l'accident doit être niée et la recourante était fondée à supprimer le droit de l'intimée à des prestations d'assurance avec effet à cette date. Le recours se révèle ainsi bien fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales du canton de Genève du 26 juillet 2006 est annulé.
2.
Il n'est pas perçu de frais de justice.
3.
Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 30 octobre 2007
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
p. le Président: Le Greffier:
Leuzinger Beauverd