Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_335/2007 /frs
Séance du 13 décembre 2007
IIe Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
Greffier: M. Fellay.
Parties
Office des faillites du canton de Genève,
Etat de Genève, représenté par l'Office des faillites du canton de Genève,
recourants
contre
X.________,
intimé.
Objet
frais de la faillite,
recours en matière civile contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève du 14 juin 2007.
Faits :
A.
Par jugement du Tribunal de première instance du canton de Genève du 28 mars 2006, Y.________ a été déclaré en faillite à la requête de X.________, créancier pour une somme de 7'580 fr. 30 d'honoraires.
Le 13 juillet 2006, sur requête de l'Office des faillites du canton de Genève, le Tribunal de première instance a ordonné la suspension de ladite faillite faute d'actif. Cette décision a été publiée dans la FAO et la FOSC du 26 juillet 2006, avec l'indication qu'une avance de frais de 3'500 fr. était requise jusqu'au 7 août 2006 pour que la faillite soit liquidée. Aucun créancier n'a effectué cette avance de frais.
Par jugement du 19 mars 2007, le Tribunal de première instance a prononcé la clôture de la faillite.
B.
Le 2 avril 2007, l'office des faillites a requis du créancier qu'il s'acquitte des frais liés à la faillite en cause à hauteur de 1'580 fr. 70 selon un décompte comptabilisant des opérations du 7 avril 2006 au 22 février 2007.
Le créancier a porté plainte contre cette décision en faisant valoir, principalement, qu'une interprétation conforme au but des art. 169 LP et 35 OAOF aurait dû conduire l'office à lui réclamer l'avance des frais immédiatement après l'ouverture de la faillite et à ne pas attendre le 2 avril 2007 pour envoyer sa facture, cherchant ainsi à lui faire payer l'insuffisance de sa gestion du dossier. Subsidiairement, il contestait la continuation de la comptabilisation des frais postérieurement au jugement prononçant la suspension de la faillite.
Par décision du 14 juin 2007, la Commission cantonale de surveillance a refusé de suivre l'argumentation principale du plaignant, mais a fait droit à son argumentation subsidiaire. Elle a en conséquence admis partiellement la plainte, annulé la décision de l'office et invité ce dernier à facturer les frais comptabilisés du 7 avril 2006 jusqu'au 18 juillet 2006, date de la comptabilisation des frais relatifs à la publication du jugement de suspension de la faillite du 13 juillet 2006.
C.
Le 25 juin 2007, l'office des faillites et l'Etat de Genève ont interjeté un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Invoquant l'application arbitraire des art. 169 LP et 1 OELP, les recourants concluent à l'annulation de la décision de la Commission cantonale de surveillance et à la confirmation de la décision de l'office des faillites du 2 avril 2007.
Le créancier conclut au rejet du recours. La Commission cantonale de surveillance a renoncé à déposer une réponse.
Le Tribunal fédéral considère en droit:
1.
1.1 Dirigé contre une décision rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF). Il a en outre été déposé dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Dès lors qu'elle invite l'office à statuer à nouveau, la décision attaquée est incidente au sens de l'art. 93 LTF. Les exigences de cette disposition ayant été simplement reprises de l'ancien droit, en particulier des art. 50 al. 1 et 87 al. 2 OJ (cf. Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 p. 4131 s.), il y a lieu d'admettre, conformément à la jurisprudence qui prévalait sous l'empire de l'ancien droit (ATF 112 III 90 consid. 1), qu'une décision de renvoi assortie, comme en l'espèce, d'injonctions très précises peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral en dépit de son caractère incident.
1.3 L'art. 76 al. 1 let. b LTF subordonne la recevabilité du recours en matière civile contre une décision en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) à l'existence d'un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.
-:-
Cette exigence d'un intérêt juridique existait déjà pour l'ancien recours de poursuite de l'art. 19 LP (ATF 112 III 1 consid. 1b et les arrêts cités; Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, Berne 1990, n. 3.2.1 ad art. 78 OJ et les références). Sous l'empire de cet ancien droit, un office des poursuites ou des faillites dont la décision ou la mesure avait été attaquée pouvait, malgré l'absence d'intérêt juridique, avoir qualité pour recourir dans certains cas. Ainsi, selon la jurisprudence, il pouvait recourir lorsqu'il agissait comme organe du canton et faisait valoir les intérêts du fisc (ATF 53 III 145 consid. 1; 102 III 161 consid. 1; 105 III 35 consid. 1; 119 III 4 consid. 1 et les arrêts cités), lorsqu'il défendait ou représentait les intérêts de la masse en faillite (ATF 117 III 39 consid. 2; 116 III 32 consid. 1) ou lorsque le litige avait trait à l'application de l'ordonnance sur les émoluments perçus en vertu de la LP (ATF 126 III 490 consid. 2).
La loi sur le Tribunal fédéral, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, n'a rien changé à cette situation. Outre qu'elle n'a pas aboli l'art. 2 OELP, qui confère la qualité pour recourir à l'office lorsqu'il y va de l'application de l'ordonnance sur les émoluments, elle a simplement substitué le recours en matière civile au recours de poursuite de l'art. 19 LP, le Tribunal fédéral perdant à la date précitée son rôle d'autorité de haute surveillance en matière d'exécution forcée (art. 15 al. 1 LP) au profit de celui d'instance suprême de recours uniquement, et elle a donc soumis le recours de poursuite à la même définition de la qualité pour recourir que le recours en matière civile, qui exige notamment un intérêt juridique. Or, on l'a vu, cette exigence préexistait pour le recours de poursuite et il ne ressort pas des travaux préparatoires de la LTF que le législateur ait voulu donner à la qualité pour recourir de l'office une autre définition que celle admise jusqu'alors par la jurisprudence du Tribunal fédéral, en particulier qu'il ait voulu la restreindre (cf. Message précité du 28 février 2001, FF 2001 p. 4105 et 4111).
On relève par ailleurs, de façon générale, qu'une nouvelle définition de la qualité pour recourir selon l'art. 76 al. 1 let. b LTF est envisagée dans le cadre de l'adoption du futur code de procédure civile suisse, en ce sens que cette qualité devrait être reconnue à "quiconque est particulièrement touché par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification" (cf. Message relatif au code de procédure civile suisse (CPC) du 28 juin 2006, FF 2006 p. 6890 ad art. 57, et projet de code de procédure civile suisse, FF 2006 p. 7114).
Cela étant, il y a lieu, dans la continuité de la jurisprudence antérieure, de reconnaître à l'office recourant la qualité pour faire valoir l'intérêt du fisc du canton à ce que les frais et émoluments nés postérieurement au jugement prononçant la suspension de la faillite faute d'actif soient laissés à la charge du créancier.
Quant à l'Etat de Genève, quand bien même il n'a pas participé à la procédure cantonale (art. 76 al. 1 let. a LTF), il a évidemment qualité pour contester une décision en matière de frais qu'il estime contraire à son propre intérêt.
Le recours est donc recevable.
2.
Selon l'art. 169 LP, celui qui requiert la faillite répond des frais jusqu'à et y compris la suspension des opérations faute d'actif (art. 230 LP) ou jusqu'à l'appel aux créanciers (art. 232 LP).
2.1 Par frais de la faillite au sens de l'art. 169 LP, on entend tout d'abord les émoluments, qui sont perçus en contrepartie d'une certaine activité de l'office, d'autorités ou d'organes de l'exécution forcée (art. 1 al. 1 OELP), tels que, par exemple, l'émolument de l'art. 11 OELP pour les publications et les émoluments des art. 44 à 47 OELP pour les opérations de liquidation de la faillite. Les frais de la faillite incluent également les débours, qui recouvrent les frais effectivement encourus par l'administration dans le cadre de ses démarches rendues nécessaires par l'ouverture de la faillite et les opérations de liquidation. Les débours comprennent notamment, selon l'art. 13 al. 1 OELP dont l'énumération n'est d'ailleurs pas exhaustive, les taxes de télécommunication, les taxes postales, les frais bancaires, les factures émises par les feuilles d'avis officielles pour les publications, etc. (cf. Flavio Cometta, Commentaire romand de la LP, n. 2 ad art. 169 LP; Nicolas Jeandin/Niki Casonato, même commentaire, n. 3 s. ad art. 262 LP).
2.2 Aux termes de la loi, la responsabilité pour les frais est engagée jusqu'à et y compris la suspension des "opérations" faute d'actif et non pas, comme le retient la décision attaquée, jusqu'au jugement prononçant la suspension faute d'actif. Cela signifie que le créancier ayant requis la faillite doit continuer à supporter tous les frais jusqu'à et y compris la clôture de la faillite faute d'actif (ATF 102 III 85 consid. 2; Message concernant la révision de la LP du 8 mai 1991, p. 128), soit jusqu'à l'ordonnance de clôture prévue par l'art. 268 al. 2 LP (arrêt 7B.87/2006 du 21 septembre 2006 consid. 2; P.-R. Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 39 ad art. 230 LP), étant précisé que cette ordonnance n'a pas nécessairement à être publiée (art. 93, 2e phrase, OAOF).
2.3 Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que les recourants exigent que les frais et émoluments subséquents au jugement de suspension (13 juillet 2006) restent à la charge du créancier intimé jusqu'à la clôture de la procédure de faillite en cause. Comme ils le relèvent avec raison, le jugement de suspension n'a pas entraîné la cessation immédiate de l'activité administrative d'exécution forcée de l'office. Les frais et émoluments en question s'inscrivent ainsi dans la phase terminale de la liquidation de la faillite suspendue faute d'actif. La clôture de cette procédure ayant été prononcée le 19 mars 2007, le créancier intimé répondait donc, en vertu de l'art. 169 LP, de tous les frais et émoluments antérieurs à cette date. Aussi est-ce à tort que la Commission cantonale de surveillance a annulé la décision de l'office facturant audit créancier les frais et émoluments comptabilisés jusqu'au 22 février 2007.
Quant à l'argument de l'intimé tiré du fait que l'office ne lui a pas réclamé une avance de frais, il y a lieu de relever qu'une telle avance n'est pas obligatoire mais facultative, le juge de la faillite, respectivement l'office, pouvant l'exiger (art. 169 al. 2 LP) ou ayant le droit de l'exiger (art. 35 al. 1 OAOF). Par ailleurs, la renonciation à une avance des frais de faillite ne libère pas de la responsabilité pour ceux-ci (Ph. Nordmann, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 24 ad art. 169 LP).
3.
Le recours doit par conséquent être admis et la décision attaquée annulée dans la mesure où elle a fait droit à la conclusion subsidiaire du plaignant; partant, la décision de l'office doit être confirmée.
Les frais doivent être mis à la charge de l'intimé, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). En vertu de l'art. 68 al. 3 LTF, il n'y a pas lieu d'allouer de dépens aux recourants, qui ont du reste procédé sans le concours d'un avocat.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et la décision attaquée est annulée dans le sens des considérants.
2.
La décision de l'office des faillites du 2 avril 2007 est confirmée.
3.
Un émolument judiciaire de 1'500 fr. est mis à la charge de l'intimé.
4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.
Lausanne, le 13 décembre 2007
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le président: Le greffier: