Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2C_441/2007
Arrêt du 9 janvier 2008
IIe Cour de droit public
Composition
M. et Mmes les Juges Merkli, Président,
Yersin et Aubry Girardin.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
A X.________, B X.________ et son fils C Y,
recourants,
tous les trois représentés par Me Pedro Da Silva Neves, avocat,
contre
Office cantonal de la population du canton de Genève, route de Chancy 88, 1213 Onex.
Objet
Autorisation de séjour,
recours contre la décision de la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève du 27 juin 2007.
Faits:
A.
B X.________, ressortissante ukrainienne née Borysova le 6 mai 1975, est arrivée en Suisse la première fois le 1er mai 1999 pour travailler comme artiste de cabaret. Son autorisation de séjour de courte durée a été renouvelée à plusieurs reprises jusqu'au 31 mars 2001. Elle a ensuite obtenu une autorisation de séjour pour études en application de l'art. 31 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21), valable jusqu'au 30 juin 2002. Le 2 décembre 2001, elle a mis au monde un fils, C Y.________, dont le père est un ressortissant français. Le 15 juin 2002, elle a épousé A X.________, citoyen suisse né en 1937, et a de ce fait été mise au bénéfice d'une autorisation de séjour.
Le 4 décembre 2002, A X.________ a informé l'Office cantonal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) qu'il avait demandé la séparation judiciaire et que son épouse et son fils ne vivaient plus chez lui. Le 26 mars 2003, les époux X.________ ont signé une convention selon laquelle A X.________ retirait la requête de mesures protectrices de l'union conjugale déposée le 4 février 2003 et les époux reprenaient la vie commune. De novembre 2004 à mai 2005, B X.________ a travaillé cinq mois à Zurich comme danseuse dans un cabaret.
Lors de plusieurs enquêtes domiciliaires effectuées par l'Office cantonal entre novembre 2002 et août 2006, il est ressorti que A X.________ était vu de temps à autre en compagnie féminine, mais qu'il ne s'agissait jamais de la même personne. B X.________ et son fils n'avaient jamais été vus à l'adresse de A X.________; en revanche, ils étaient vus régulièrement à une autre adresse en ville de Genève où l'intéressée était titulaire d'un bail depuis 2001. Les époux X.________, auditionnés le 16 octobre 2006 par l'Office cantonal, ont fait des déclarations contradictoires à propos de leurs lieux de résidence respectifs. De plus, A X.________ ne connaissait pas le nom de famille de C Y.________, alors que B X.________ semblait peu au fait des problèmes de santé de son époux.
Le 29 novembre 2006, l'Office cantonal a révoqué l'autorisation de séjour de B X.________ ainsi que celle de son fils et leur a imparti un délai au 29 février 2007 pour quitter le territoire cantonal.
B.
A X.________, B X.________ ainsi que son fils C Y.________ ont contesté la décision du 29 novembre 2006 de l'Office cantonal auprès de la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève (ci-après: la Commission cantonale). Le 27 juin 2007, après avoir entendu les époux X.________, la Commission cantonale a rejeté le recours et confirmé la décision contestée, considérant en substance qu'il existait un faisceau d'indices largement suffisant pour conclure à l'existence d'un mariage fictif.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les intéressés ont demandé au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler la décision de la Commission cantonale du 27 juin 2007 et de dire qu'une autorisation d'établissement est octroyée à B X.________ et C Y.________. Subsidiairement, ils concluent à l'octroi d'une autorisation de séjour et plus subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils se plaignent d'une violation de l'art. 7 de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 1 113 et les modifications ultérieures) ainsi que des art. 13 Cst. et 8 CEDH.
La Commission cantonale renonce à formuler des observations sur le recours et l'Office cantonal se réfère à la décision attaquée. L'Office fédéral des migrations propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
La loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20) est entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5487). En vertu de l'art. 126 al. 1 LEtr, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la loi sont régies par l'ancien droit. Par conséquent, la présente affaire doit être examinée sous l'angle de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers.
2.
D'après l'art. 83 lettre c ch. 2 LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit. En principe, il n'existe pas de droit à la délivrance d'une autorisation de séjour ou d'établissement, à moins que l'étranger ou un membre de sa famille vivant en Suisse ne puisse invoquer dans ce sens une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité (cf. ATF 131 II 339 consid. 1 p. 342 s.; 130 II 281 consid. 2.1 p. 284 et les références).
2.1 Mariée à un ressortissant suisse, B X.________ dispose en principe du droit à une autorisation de séjour pendant toute la durée de son mariage (cf. art. 7 al. 1 1ère phrase LSEE). De plus, son union ayant duré plus de cinq ans, elle peut en principe prétendre à l'octroi d'une autorisation d'établissement (cf. art. 7 al. 1 2ème phrase LSEE). Partant, interjeté en temps utile et dans les formes requises par la loi, son recours est recevable.
2.2 A X.________ et C Y.________ recourent aux côtés de B X.________. Ils ne sont toutefois pas mentionnés comme parties à la procédure dans la décision attaquée, alors même que le recours du 30 décembre 2006 devant la Commission cantonale avait également été interjeté en leur nom.
A X.________ se trouvant, en raison de la décision attaquée, privé de la possibilité de vivre avec son épouse en Suisse, il est touché, de manière indirecte, par la révocation de l'autorisation de séjour de celle-ci. Il aurait ainsi la qualité pour recourir en procédure fédérale et, partant, aussi devant les instances cantonales (art. 89 al. 1 lettres b et c et art. 111 al. 1 LTF; cf. arrêt 2C_210/2007 du 5 septembre 2007 consid. 2.1). Comme il ne fait pas valoir qu'il a été sans droit privé de la possibilité de participer à la procédure cantonale, on peut se demander si la qualité pour recourir peut lui être reconnue au sens de l'art. 89 al. 1 lettre a LTF (cf. arrêts 2A.114/2003 du 23 avril 2004 consid. 1.2 et 2A.383/1998 du 9 octobre 1998 consid. 2c). Quant à l'enfant C Y.________, né en décembre 2001 et donc âgé de six ans, il se trouve dans la même situation que l'époux de la recourante. Quoi qu'il en soit, la question de la qualité pour recourir des prénommés n'a pas besoin d'être tranchée ici, car le recours doit de toute façon être rejeté au fond.
3.
L'art. 7 al. 2 LSEE prévoit que le conjoint étranger d'un ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi ou à la prolongation de l'autorisation de séjour lorsque le mariage a été contracté dans le but d'éluder les dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers et notamment celles sur la limitation du nombre des étrangers.
La preuve directe que les époux se sont mariés non pas pour fonder une véritable communauté conjugale, mais seulement dans le but d'éluder les dispositions de la législation sur le séjour et l'établissement des étrangers ne peut être aisément apportée; les autorités doivent donc se fonder sur des indices. De tels indices peuvent notamment résulter du fait que l'étranger est menacé d'un renvoi de Suisse, parce que son autorisation de séjour n'est pas prolongée ou que sa demande d'asile a été rejetée. La grande différence d'âge entre les époux, les circonstances de leurs relations, de même que l'absence de vie commune ou le fait que la vie commune a été de courte durée, constituent également des indices que les époux n'ont pas la volonté de créer une véritable union conjugale. Toutefois, celle-ci ne saurait être déduite du seul fait que les époux ont vécu ensemble pendant un certain temps et ont entretenu des relations intimes, car un tel comportement peut aussi avoir été adopté dans l'unique but de tromper les autorités (ATF 122 II 289 consid. 2b p. 295; 121 II 1 consid. 2b p. 3; 97 consid. 3b p. 101/102).
En outre, pour que l'art. 7 al. 2 LSEE soit applicable, il ne suffit pas que le mariage ait été contracté dans le but de permettre au conjoint étranger de séjourner régulièrement en Suisse; encore faut-il que la communauté conjugale n'ait pas été réellement voulue. En d'autres termes, les motifs du mariage ne sont pas décisifs dès l'instant où le mariage et la communauté de vie sont réellement voulus par les époux (ATF 121 II 1 consid. 2b p. 3; 97 consid. 3b/c p. 101 s.; voir aussi ATF 123 II 49 consid. 3b, non publié).
4.
4.1 En l'espèce, plusieurs indices permettent de penser que la recourante ne s'est pas mariée dans le but de fonder une véritable communauté conjugale mais pour obtenir une autorisation de séjour en Suisse.
Les époux X.________ ne vivent pas sous le même toit. A la lecture du dossier, il semble même qu'ils n'ont jamais réellement fait ménage commun. Au cours d'une visite domiciliaire à l'adresse de A X.________ en novembre 2002, soit cinq mois après le mariage, celui-ci a indiqué que son épouse, absente, était au travail, mais il n'a pu préciser où elle travaillait. D'après les voisins, l'intéressé avait dit s'être marié avec une jeune femme, mais celle-ci n'habitait pas chez lui; personne ne l'avait vu en compagnie de la recourante - qui n'a pas été reconnue sur présentation de sa photo - et d'un enfant en bas âge. Dans un courrier du 4 décembre 2002, A X.________ a informé l'Office cantonal qu'il avait demandé la séparation judiciaire et que son épouse et son fils ne vivaient plus avec lui; il ne connaissait pas leur nouvelle adresse. Le 4 février 2003, il a déposé une requête en mesures protectrices de l'union conjugale, où il exposait que son épouse avait en fait quitté le domicile conjugal sitôt l'union prononcée, qu'elle n'était jamais retournée chez lui, mais vivait avec quelqu'un d'autre. Il avait compris que la recourante ne l'avait épousé que pour le permis. Le 26 mars 2003, les époux X.________ ont signé une convention, selon laquelle l'intéressé retirait la requête précitée et la recourante s'engageait à contribuer aux charges du ménage par le versement d'un montant de 1'400 fr. par mois. De novembre 2004 à mai 2005, la recourante a travaillé cinq mois à Zurich comme danseuse de cabaret. En août 2005, l'Office cantonal a procédé à une nouvelle enquête, d'où il est ressorti que A X.________ était vu de temps à autres en compagnie féminine, mais qu'il ne s'agissait pas de son épouse. Interrogée le 2 février 2006 par l'Office cantonal, la recourante a indiqué faire ménage commun avec son époux et son enfant à l'adresse de celui-là. Elle envisageait cependant de déménager avec son époux à la route de G.________, adresse où elle disposait d'un logement sous-loué depuis 2003-2004. Lors d'un contrôle à l'adresse précitée, le régisseur de l'immeuble a déclaré que la recourante était titulaire du bail depuis le mois d'août 2002 et qu'elle habitait là. Elle y était vue de manière régulière en compagnie de son fils, alors que son mari n'avait jamais été aperçu. Les conjoints X.________ ont été entendus par l'Office cantonal le 17 octobre 2006. La recourante s'est contredite sur son lieu de domicile, elle a dit habiter avec son mari, puis a affirmé vivre à la route de G.________ avec son fils depuis son retour de Zurich en 2005 et rendre visite régulièrement à son époux. Elle a expliqué qu'ils avaient deux appartements du fait que l'intéressé était très malade et qu'elle ne voulait pas imposer sa présence à son fils. Elle dormait parfois chez son mari si elle avait quelqu'un pour garder C Y.________. Elle a aussi déclaré ne pas savoir de quoi souffrait son mari ("Il ne sait pas exactement. Il a des problèmes d'eau. Il doit prendre des médicaments. Il se sent faible.") et ne pas connaître le nom de son médecin. Par ailleurs, elle avait peu de temps pour son mari et son fils car elle "se consacrait beaucoup à ses études". Interrogé à son tour, A X.________ a exposé qu'il vivait avec son épouse depuis leur mariage, mais que C Y.________ - dont il ignorait le nom de famille - n'habitait pas avec eux car c'était un enfant bruyant. Il a expliqué qu'il avait des problèmes de coeur et qu'il prenait beaucoup de médicaments. Finalement, les époux X.________ ont déclaré devant la Commission cantonale, le 27 juin 2007, qu'ils vivaient séparés depuis juin 2006.
En résumé, les déclarations des intéressés à propos de leur vie commune sont contradictoires et manquent de constance. Elles sont démenties par plusieurs enquêtes menées à leurs adresses respectives. Si les intéressés admettent vivre actuellement séparés, ils ont cherché à démontrer aux autorités, de façon peu convaincante, qu'ils ont fait ménage commun pendant une certaine période. Au demeurant, ils insistent sur le fait qu'ils forment "une famille qui, pour atypique et si peu conventionnelle qu'elle soit, constitue bel et bien une communauté de vie digne de protection fondée principalement sur des liens affectifs profonds et durables" (recours p. 4). On ne peut dès lors que s'étonner que la recourante ne sache pas de quoi souffre son époux et qu'elle lui consacre si peu de temps alors qu'elle affirme "qu'il n'a plus très longtemps à vivre" (entretien du 17 octobre 2006 p. 2). De plus, les époux X.________ semblent ne pas avoir de projets communs et n'ont jamais fait état d'intérêts convergents. Du reste, hormis quelques photographies déposées au dossier, ils n'ont proposé aucune offre de preuves plus objectives (par exemple témoignages d'amis, de voisins, échanges de lettres, etc.) pour confirmer la réalité de leur union. On ne peut certes nier qu'il existe une certaine harmonie dans les relations qu'ils entretiennent, probablement due au fait qu'ils se rendent mutuellement service: A X.________, qui se sentait seul depuis le décès de sa première épouse, reçoit de temps à autre la visite de la recourante (cf. procès-verbal de l'audience de comparution personnelle du 27 juin 2007, p. 3), laquelle lui a également versé 1'400 fr. par mois au début de leur union (cf. notamment convention du 26 mars 2003 et déclaration de l'intéressé du 17 octobre 2006 p. 2). En contrepartie, cette dernière peut rester en Suisse avec son fils. D'ailleurs, les recourants eux-mêmes comparent leur union à "un pacte civil de solidarité au sens large du terme" (recours p. 5). Cet échange de bons procédés ne saurait cependant suffire à établir l'existence d'une véritable communauté conjugale.
A cela s'ajoute que la différence d'âge entre les conjoints, soit trente-huit ans, n'est pas négligeable. De plus, lorsqu'elle a épousé A X.________ le 15 juin 2002, la recourante était au bénéfice d'une autorisation de séjour temporaire pour étude valable jusqu'au 20 juin 2002 et qui ne pouvait être prolongée. Elle s'était du reste engagée à quitter la Suisse à cette échéance.
Les éléments qui précèdent constituent des indices suffisants pour admettre que la recourante ne voulait pas mener réellement une vie de couple, même si, pris isolément, aucun des facteurs considérés n'apparaîtrait décisif en lui-même. Il s'ensuit que c'est à juste titre que l'autorité intimée a confirmé la révocation de l'autorisation de séjour de B X.________.
4.2 Quant à l'enfant C Y.________, il était au bénéfice d'une autorisation de séjour CE/AELE délivrée à titre de regroupement familial pour vivre auprès de sa mère. Son statut est ainsi étroitement lié à celui de cette dernière. Les recourants ne font pas valoir que le suivi thérapeutique nécessité par les problèmes psychiques de C Y.________ ne pourrait être assuré qu'en Suisse. Il faut ainsi constater qu'il n'existe aucun obstacle à ce que l'enfant suive sa mère à l'étranger, compte tenu de son jeune âge qui devrait lui permettre de s'adapter à un nouvel environnement (cf. ATF 122 II 289 consid. 3 p. 296 ss; cf. également arrêt 2A.475/2004 du 25 mai 2005, consid. 4 a contrario).
5.
Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Succombant, les recourants doivent supporter les frais judiciaires ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ) et n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, à l'Office cantonal de la population et à la Commission cantonale de recours de police des étrangers du canton de Genève ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 9 janvier 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière: