Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4C.66/2007
4A_382/2007
Arrêt du 9 janvier 2008
Ire Cour de droit civil
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Jacques Ballenegger,
contre
B.________,
intimé, représenté par Me Pierre Mercier,
C.________,
intimé, représenté par Me Yves Hofstetter,
D.________,
intimé, représenté par Me Denis Bridel.
Objet
responsabilité du médecin; consentement éclairé; consentement hypothétique,
recours en réforme contre le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 23 août 2006 et recours en matière civile contre le même jugement et contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 18 mai 2007.
Faits:
A.
A.a A.________, né en 1945, est médecin, spécialiste FMH en oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale. Jusqu'au 8 avril 1995, il partageait son activité entre le Centre médico-chirurgical Z.________, à ..., et son cabinet de ...; il a été médecin répondant de la Clinique Y.________, à ....
A l'époque des faits litigieux, l'état de santé de A.________ n'était pas des meilleurs. Le médecin prenait plusieurs médicaments, dont un tranquillisant lors d'insomnies. Fin 1992 ou début 1993, il avait consulté un psychiatre en raison d'une dépression; la prescription de Quinolorm avait permis de stabiliser son état. Il présentait également un acide urique élevé, traité au moyen de Zyrolic. En outre, il souffrait de constipation chronique. Le 24 février 1995, il avait subi une rectoscopie chez le docteur I.________, qui diagnostiquera une «colite focale de type aphtoïde dans le rectum, anite non spécifique».
Dans la nuit du 9 au 10 avril 1995, A.________ a ressenti des douleurs abdominales et des nausées. A 4 heures, il a appelé un médecin qu'il connaissait, B.________, spécialiste FMH en chirurgie; il s'est plaint de douleurs abdominales toujours plus intenses et de vomissements. B.________ a proposé à A.________ de venir au Centre de ..., situé en face du domicile du patient. Après une anamnèse détaillée et un examen clinique complet, le médecin a procédé à une rectoscopie. Il a alors posé le diagnostic suivant: abdomen aigu, occlusion, voire sub-occlusion avec syndrome inflammatoire et souffrance organique au niveau de la fosse illiaque, dilatation colique et gastrique avec résidus.
A.________ a été transféré par ambulance à la Clinique Y.________, où D.________, médecin anesthésiologiste, était de garde. A.________ et D.________, qui ont fait leurs études et ont travaillé ensemble, se connaissent depuis de nombreuses années. Ce 10 avril 1995, B.________ a décidé de faire appel en urgence à un confrère plus expérimenté, C.________, spécialiste FMH en chirurgie, qui connaissait également A.________. Les trois médecins ont retenu le diagnostic d'abdomen aigu. Divers examens, notamment radiologiques, ont été effectués. Le tableau clinique du patient évoquait une occlusion colique diffuse avec souffrance de la région caecale, sans qu'une appendicite aiguë puisse être exclue. Assisté de D.________, comme anesthésiste, et de C.________, B.________ a pratiqué le jour même, en urgence, une laparoscopie exploratrice, puis une laparotomie pour tenter une vidange colique, une appendicectomie et enfin une colostomie transverse droite pour décharger le côlon.
Le lendemain de l'intervention, l'état de A.________ s'est amélioré. Le patient a enlevé lui-même la sonde gastrique posée au cours de l'opération du 10 avril 1995. Il a insisté pour qu'elle ne soit pas replacée. Les médecins qui le suivaient se sont ralliés à cette option.
Dans la matinée du 13 avril 1995, l'état du patient s'est subitement dégradé. D.________ a immédiatement fait appeler B.________, qui est arrivé à la clinique peu après. Il a également fait venir une ambulance en vue d'un transfert à l'hôpital X.________.
B.________ a trouvé le patient angoissé, transpirant, dyspnéique avec un ventre ballonné. Il lui a posé une sonde gastrique, qui l'a fait vomir. Une broncho-aspiration a été évoquée. E.________, médecin spécialiste des voies respiratoires, a été appelé en urgence. Il a confirmé l'indication d'une endoscopie bronchique à visée thérapeutique. L'intervention nécessitait d'intuber le patient. D.________ a jugé préférable qu'elle soit exécutée aux soins intensifs. E.________ s'est rangé aux arguments de son confrère à condition que le patient soit transféré en extrême urgence. B.________ a accompagné A.________ à l'hôpital X.________.
Après une évolution initiale favorable, les médecins de l'hôpital X.________ ont observé un début de nécrose de la transversostomie de décompression, associée au développement d'un état infectieux. Le 15 avril 1995, le patient a subi une nouvelle intervention, pratiquée par F.________, spécialiste FMH en chirurgie. Le chirurgien a alors découvert d'importants dépôts de fibrine sur le foie dans la région sous-hépatique, sur le ligament duodéno-hépatique et au voisinage du hiatus de Winslow; il a observé également une collection liquidienne cloisonnée ainsi qu'une nécrose pariétale dans toute la zone voisine de la transversostomie. Le Dr F.________ a procédé à une hémicolectomie droite et a réalisé une anastomose iléo-colique termino-terminale.
L'état du patient s'est amélioré lentement. Il a encore été victime d'une embolie pulmonaire gauche. Pendant son séjour à l'hôpital X.________, A.________ a reçu les visites de B.________ et de D.________, dont il a loué les soins. Il a également exprimé le désir de réunir le personnel de la clinique Y.________ pour le remercier.
Le 8 mai 1995, A.________ a regagné son domicile avec un bon pronostic. L'évolution de son état de santé était tout à fait favorable. Selon le Dr F.________, une reprise du travail à 50 % était prévue pour le 1er juillet 1995. Sur conseil du psychiatre, A.________ a toutefois repris ses activités à 25 %, puis a augmenté son taux d'occupation progressivement jusqu'à 50 %. Malgré ces précautions, des troubles confusionnels sont apparus dès le 15 juillet 1995. A.________ a subi un syndrome de stress post-traumatique majeur à la suite de son séjour aux soins intensifs. Il souffre encore aujourd'hui de troubles du sommeil et de la mémoire ainsi que d'une fatigabilité accrue.
En octobre 1995, A.________ a subi une intervention de réfection de la paroi abdominale à l'hôpital de W.________, en raison d'une éventration majeure dont il avait souffert lors de l'opération du 15 avril 1995.
Selon le médecin traitant de A.________, ce dernier a été totalement incapable de travailler du 22 juillet 1995 au 15 janvier 1996; sa capacité de travail a ensuite passé à 30 % jusqu'au 1er mai 1996, puis à 50 % depuis lors. A.________ a essayé, sans succès, de reprendre son activité médicale. Il a perdu sa clientèle et fermé son cabinet.
A.b A.________ a refusé de payer les notes d'honoraires de C.________, B.________ et D.________, s'élevant respectivement à 1'440 fr., 4'130 fr. et 2'000 fr. Il entendait en effet agir judiciairement contre les deux derniers nommés, dont il estimait la responsabilité engagée à la suite de l'intervention du 10 avril 1995.
En février 1996, A.________ a fait notifier à B.________ un commandement de payer la somme de 1'000'000 fr. Le mois suivant, il a également engagé des poursuites pour le même montant contre D.________. Les poursuivis ont formé opposition.
En septembre 1996, sur réquisition de D.________, A.________ s'est vu notifier un commandement de payer la somme de 2'000 fr., auquel il a fait opposition.
B.
Par demande du 17 février 1997, A.________ a ouvert action contre B.________, C.________ et D.________. Il concluait à ce que les défendeurs soient condamnés, solidairement ou chacun pour la part que justice dira, à lui payer le montant de 3'561'618 fr. avec intérêts à 5 % dès le 10 avril 1995; il demandait également la levée définitive des oppositions formées par B.________ et D.________.
Chacun des défendeurs a conclu au rejet de la demande.
Par ailleurs, D.________ a déposé une demande reconventionnelle tendant, d'une part, à la radiation de la poursuite introduite contre lui et, d'autre part, à la condamnation de A.________ à lui payer 2'000 fr. plus intérêts ainsi qu'à la levée de l'opposition formée par le défendeur reconventionnel.
B.________ a pris des conclusions reconventionnelles en radiation de la poursuite introduite contre lui, d'une part, et en paiement par A.________ du montant de 4'130 fr. plus intérêts, d'autre part.
C.________ a demandé reconventionnellement la condamnation de A.________ à lui payer 1'440 fr. plus intérêts.
En cours de procédure, un premier expert a été mandaté en la personne du Professeur G.________, chef du service de chirurgie de l'hôpital X.________. En tant que besoin, il sera revenu dans la partie «en droit» sur le contenu de l'expertise du 20 février 2000 et du rapport complémentaire du 23 janvier 2001.
Une seconde expertise médicale a été confiée au Professeur H.________, médecin-chef au service de chirurgie viscérale et service de transplantation de V.________, lequel a déposé son rapport le 21 juin 2004. La teneur de celui-ci sera évoquée en tant que nécessaire dans la partie «en droit».
Par jugement du 23 août 2006 dont les considérants ont été notifiés le 9 janvier 2007, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté les conclusions de la demande et fait droit aux conclusions des défendeurs et demandeurs reconventionnels, sauf sur la question très secondaire du point de départ des intérêts. En substance, fondés sur les expertises judiciaires, les juges cantonaux ont retenu qu'aucun des trois médecins n'avait commis une violation des règles de l'art médical. Ils ont écarté par ailleurs le moyen tiré de l'absence de consentement éclairé du patient à l'intervention du 10 avril 1995. A titre subsidiaire, ils ont estimé que, même informé davantage sur le traitement et ses risques, le demandeur aurait accepté l'opération. Faute de violation d'une obligation contractuelle, la responsabilité de B.________, C.________ et D.________ n'était ainsi pas engagée.
C.
A.________ (ci-après: le demandeur) interjette un recours en réforme (cause 4C.66/2007). Principalement, il conclut à la réforme du jugement de la Cour civile en ce sens que B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les défendeurs), solidairement entre eux ou chacun pour la part que justice dira, lui doivent paiement d'un montant de 3'561'618 fr. avec intérêts à 5 % dès le 10 avril 1995, que les oppositions formées par B.________ et D.________ sont définitivement levées à due concurrence et que les conclusions reconventionnelles des défendeurs sont rejetées. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision entreprise et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour complément d'instruction et nouveau jugement.
Contre le jugement de la Cour civile, le demandeur a également déposé un recours en nullité cantonal. La procédure fédérale a été suspendue jusqu'au prononcé de l'arrêt cantonal.
Par arrêt du 18 mai 2007 dont les considérants ont été notifiés le 10 août 2007, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable et confirmé le jugement de la Cour civile.
Contre cette décision, le demandeur a formé un recours en matière civile (cause 4A_382/2007), qu'il dirige également contre le jugement de la Cour civile. Ses conclusions sont quasiment identiques à celles prises dans le recours en réforme.
Dans une réponse commune, les défendeurs proposent le rejet du recours en réforme dans la mesure de sa recevabilité. Dans un autre mémoire, ils concluent au rejet du recours en matière civile.
Considérant en droit:
1.
1.1 La LTF ne s'applique aux procédures de recours devant le Tribunal fédéral que si l'acte attaqué a été rendu après son entrée en vigueur (art. 132 al. 1 LTF). L'art. 100 al. 6 LTF prévoit en outre que si la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre autorité judiciaire cantonale pour une partie seulement des griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, le délai de recours commence à courir à compter de la notification de la décision de cette autorité. Cette disposition permet ainsi au recourant, lorsqu'un recours cantonal contre une décision d'un tribunal supérieur (tel que la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud) n'est ouvert que pour une partie des griefs pouvant être soumis au Tribunal fédéral selon les art. 95 à 98 LTF (comme c'est le cas du recours en nullité vaudois contre un jugement de la Cour civile selon l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC/VD), d'attendre la notification de l'arrêt sur recours cantonal pour attaquer en même temps la première décision (arrêt 4C.444/2006 et 4A_182/2007 du 28 septembre 2007, consid. 1.2).
En l'espèce, l'arrêt de la Chambre des recours a été prononcé après l'entrée en vigueur de la LTF, le 1er janvier 2007. Le recours en matière civile (art. 72 ss LTF) est par conséquent ouvert contre cette décision. Quant au jugement de la Cour civile, il a été rendu avant l'entrée en vigueur de la LTF. Il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme selon l'OJ, mais également d'un recours en matière civile dirigé également contre la décision de la Chambre des recours, selon la jurisprudence rendue en application de l'art. 100 al. 6 LTF (arrêt 5A_86/2007 du 3 septembre 2007 destiné à la publication, consid. 1.3).
1.2 Contre le jugement de la Cour civile, le demandeur a exercé à la fois un recours en réforme et un recours en matière civile dirigé également contre l'arrêt de la Chambre des recours. Dans ce second mémoire, il a notamment repris les griefs fondés sur le droit fédéral formulés dans le recours en réforme. Dans une situation de ce genre, il convient, par souci de simplification, de ne traiter que le recours en matière civile et de déclarer sans objet le recours en réforme, qui fait double emploi. C'est le lieu de préciser que cette solution n'emporte aucun désavantage pour le recourant, dont les arguments seront examinés aussi librement que dans une procédure de réforme régie par l'OJ.
1.3 Au surplus, portant sur une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF).
2.
Devant la Chambre des recours, le demandeur a soulevé le grief d'appréciation arbitraire des preuves. Il faisait valoir que la Cour civile avait versé dans l'arbitraire en construisant son raisonnement juridique à propos du consentement éclairé, subsidiairement du consentement hypothétique du patient, sur la base d'un état de fait «imaginaire», ne correspondant pas aux preuves apportées, ni aux constatations des experts, ni mêmes aux allégations non prouvées des défendeurs. Devant la cour de céans, le demandeur soutient que la Chambre des recours serait à son tour tombée dans l'arbitraire en refusant d'admettre que la Cour civile s'était livrée à une appréciation arbitraire des preuves. La Chambre des recours aurait également commis une violation de l'art. 9 Cst., voire de l'art. 29 al. 2 Cst., en considérant que, dans son recours en nullité, le demandeur n'avait pas mis en cause les faits établis par la Cour civile, ni prétendu que certains éléments allégués et prouvés n'avaient arbitrairement pas été pris en compte.
2.1 Le Tribunal fédéral n'examine s'il y a violation d'un droit fondamental, comme l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) ou le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), que lorsque le recourant a invoqué et motivé ce grief (art. 106 al. 2 LTF). Les exigences en matière de motivation correspondent à celles qui étaient prévues à l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public (Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, in FF 2001, p. 4142; ATF 133 IV 286 consid. 1.4). L'acte de recours doit donc contenir, sous peine d'irrecevabilité, un exposé succinct des droits constitutionnels violés, précisant en quoi consiste la violation. Seuls les griefs expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée sont examinés; en particulier, il n'est pas entré en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (cf. ATF 130 I 258 consid. 1.3; 123 II 552 consid. 4d).
2.2 En l'espèce, la critique du demandeur ne répond pas à ces exigences de motivation. Elle consiste à invoquer l'arbitraire de manière toute générale, sans que le recourant ne précise une seule fois quels sont les faits «imaginaires» sur lesquels la Cour civile se serait fondée pour admettre le consentement éclairé du patient ou, en tout cas, son consentement hypothétique. Le recourant se contente également de reprendre des passages de son recours en nullité, censés démontrer qu'il avait contesté devant la Chambre des recours «le fait que la Cour civile n'avait pas raisonné sur la base de l'état de fait dûment établi et qu'elle avait raisonné sur la base d'un état de fait non établi». Le grief, fondé sur des considérations très générales, manque singulièrement de clarté et se révèle, là aussi, irrecevable.
3.
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., le demandeur reproche à la Chambre des recours d'avoir violé son droit à la preuve en approuvant le rejet de sa requête de réforme par le juge instructeur de la Cour civile. Il considère qu'il aurait dû être autorisé à offrir une preuve régulière (une troisième expertise par un gastro-entérologue) sur des faits allégués pertinents (le défaut de certains examens diagnostiques et l'inutilité d'une intervention chirurgicale en date du 10 avril 1995). Le recourant développe la même critique sous l'angle de l'art. 8 CC dans un grief dirigé contre le jugement de la Cour civile.
3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision (ATF 132 V 368 consid. 3.1 et les références). L'autorité a l'obligation, sous l'angle du droit d'être entendu, de donner suite aux offres de preuves présentées en temps utile et dans les formes requises, à moins qu'elles ne soient manifestement inaptes à apporter la preuve ou qu'il s'agisse de prouver un fait sans pertinence (cf. ATF 131 I 153 consid. 3; 124 I 241 consid. 2; 121 I 306 consid. 1b).
Pour sa part, l'art. 8 CC garantit également le droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6). Le juge enfreint l'art. 8 CC s'il refuse d'administrer une preuve offerte régulièrement, dans les formes et les délais prévus par la loi de procédure, et portant sur un fait pertinent pour l'appréciation juridique de la cause (ATF 133 III 189 consid. 5.2.2 p. 195, 295 consid. 7.1 p. 299 et les arrêts cités). Il n'y a pas de violation de l'art. 8 CC si une mesure probatoire est refusée à la suite d'une appréciation anticipée des preuves (ATF 129 III 18 consid. 2.6; 127 III 519 consid. 2a). En d'autres termes, l'art. 8 CC n'empêche pas le juge de refuser d'administrer une preuve lorsqu'il est d'avis que le moyen requis ne peut fournir la preuve attendue ou ne peut modifier sa conviction fondée sur les preuves déjà administrées.
Les prétentions découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 8 CC se recoupent. Dans le recours en matière civile, qui permet d'invoquer la violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133 III 446 consid. 3.1), il y a lieu de dénoncer la violation du droit à la preuve selon l'art. 8 CC, et non sur la base de l'art. 29 al. 2 Cst., lorsque, comme en l'espèce, le droit d'alléguer des faits et d'offrir des moyens de preuve pertinents est invoqué en relation avec un droit subjectif privé découlant d'une norme de droit matériel fédéral (arrêt 5A_403/2007 du 25 octobre 2007, consid. 3.1). Le grief soulevé par le recourant sera dès lors examiné sous l'angle de l'art. 8 CC.
C'est le lieu de préciser que, selon une jurisprudence constante qui demeure valable sous le nouveau droit de procédure fédéral (cf. ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287), le recourant qui entend se plaindre d'une violation de l'art. 8 CC doit motiver précisément son grief, en indiquant le moyen de preuve pertinent qu'il a régulièrement invoqué et dont l'administration aurait été refusée à tort (entre autres, ATF 132 III 651 consid. 6 p. 654).
3.2 Le demandeur entendait démontrer, par une troisième expertise, qu'il aurait pu être soigné autrement que par une intervention chirurgicale le 10 avril 1995.
La Cour civile a nié une erreur médicale de la part de l'un ou l'autre des défendeurs. Elle a fait siennes les constatations concordantes des deux experts judiciaires. Sur la question d'une alternative au traitement chirurgical, les conclusions des experts reprises dans le jugement attaqué sont claires: il était urgent de décompresser le côlon; l'option chirurgicale a été retenue sur la base d'arguments cliniques irréfutables; une temporisation et le recours uniquement à un traitement médical conservateur, sans geste chirurgical, auraient pu conduire à de graves complications (expert G.________). Face à la situation clinique du demandeur, l'intervention chirurgicale du 10 avril 1995 était justifiée, judicieuse et pratiquée en temps voulu; la laparoscopie exploratrice était une mesure parfaitement adéquate en cas de suspicion d'occlusion; la colostomie de décharge était justifiée; il n'y a pas eu d'erreur de jugement, d'appréciation ou de technique lors de la première opération (expert H.________).
Sur la base des deux expertises déjà ordonnées, la Cour civile disposait des éléments lui permettant de retenir la nécessité de pratiquer une intervention chirurgicale sur la personne du demandeur le 10 avril 1995, sans qu'une troisième expertise, fût-elle confiée à un gastro-entérologue, eût pu changer quoi que ce soit. Certes, la cour cantonale aurait pu préciser, dans les considérants de son jugement, qu'aucune erreur de diagnostic ou de traitement n'était retenue en l'espèce, au lieu de s'en tenir à la constatation générale de l'inexistence «d'une faute professionnelle des défendeurs pendant et après l'intervention chirurgicale». Il n'empêche que la requête de réforme du demandeur a été rejetée sur la base d'une appréciation anticipée des preuves et qu'il n'y a là aucune violation de l'art. 8 CC.
4.
Selon le demandeur, la Cour civile a méconnu les principes applicables à la responsabilité contractuelle du médecin, en se référant à des expertises niant une faute professionnelle grave du défendeur B.________. Or, une faute simple suffit pour engager la responsabilité du médecin, hypothèse qui serait donc réalisée en l'espèce.
4.1 En sa qualité de mandataire, le médecin répond de la bonne et fidèle exécution du mandat. L'étendue du devoir de diligence qui incombe au médecin se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes; elles dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de l'intervention ou du traitement et les risques qu'ils comportent, la marge d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les capacités du médecin. La violation, par celui-ci, de son devoir de diligence - communément, mais improprement, appelée «faute professionnelle» - constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de mandataire et correspond ainsi, au plan contractuel, à la notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle. Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une faute du médecin, le patient pourra obtenir des dommages-intérêts (art. 97 al. 1 CO). Comme n'importe quel autre mandataire, le médecin répond en principe de toute faute; sa responsabilité n'est pas limitée aux seules fautes graves. Lorsqu'une violation des règles de l'art médical est établie, il appartient au médecin de prouver qu'il n'a pas commis de faute (cf. art. 97 al. 1 CO) (ATF 133 III 121 consid. 3.1 p. 124 et les arrêts cités).
4.2 La Cour civile s'est fondée sur les conclusions des experts judiciaires pour nier toute «faute professionnelle» de la part des défendeurs. En d'autres termes, selon le jugement attaqué, une violation des règles de l'art n'a pas été établie. A ce stade du raisonnement, il ne s'agissait aucunement de qualifier la gravité d'une éventuelle faute du défendeur B.________, mais de déterminer s'il y avait eu violation du devoir de diligence. Dans ce contexte, il est sans importance que, dans un passage de son rapport, le professeur G.________ ait affirmé que la colostomie pratiquée le 10 avril 1995 avait été un échec du fait de la nécrose, mais qu'elle ne résultait pas d'une «faute professionnelle grave», même si la formule n'est pas des plus heureuses. Du reste, il ressort clairement des deux expertises, reprises par la cour cantonale, qu'aucun des défendeurs n'a méconnu les règles de l'art médical au cours de l'intervention du 10 avril 1995.
Le moyen est manifestement mal fondé.
5.
Invoquant l'art. 8 CC, le demandeur fait valoir que la Cour civile ne disposait pas des éléments lui permettant d'admettre, d'une part, que le patient avait consenti à l'intervention litigieuse en connaissance de cause et, d'autre part, qu'il aurait accepté l'opération de toute manière.
5.1 Les notions de consentement éclairé et de consentement hypothétique ainsi que les principes applicables en la matière ont fait l'objet d'un rappel récent dans la jurisprudence (ATF 133 III 121 consid. 4.1 p. 128 ss et les arrêts cités).
Une atteinte à l'intégrité corporelle, à l'exemple d'une intervention chirurgicale, est illicite à moins qu'il n'existe un fait justificatif. Dans le domaine médical, la justification de l'atteinte réside le plus souvent dans le consentement du patient; pour être efficace, le consentement doit être éclairé, ce qui suppose de la part du praticien de renseigner suffisamment le malade pour que celui-ci donne son accord en connaissance de cause. Le devoir d'information du médecin résulte également de ses obligations contractuelles, comme le confirment la doctrine et une jurisprudence constante.
Le médecin doit donner au patient, en termes clairs, intelligibles et aussi complets que possible, une information sur le diagnostic, la thérapie, le pronostic, les alternatives au traitement proposé, les risques de l'opération, les chances de guérison, éventuellement sur l'évolution spontanée de la maladie et les questions financières, notamment relatives à l'assurance. Des limitations voire des exceptions au devoir d'information du médecin ne sont admises que dans des cas très précis, par exemple lorsqu'il s'agit d'actes courants sans danger particulier et n'entraînant pas d'atteinte définitive ou durable à l'intégrité corporelle, s'il y a une urgence confinant à l'état de nécessité ou si, dans le cadre d'une opération en cours, il y a une nécessité évidente d'en effectuer une autre. S'il s'agit d'une intervention particulièrement délicate quant à son exécution ou à ses conséquences, le patient a droit à une information claire et complète à ce sujet. C'est au médecin qu'il appartient d'établir qu'il a suffisamment renseigné le patient et obtenu le consentement éclairé de ce dernier préalablement à l'intervention.
En l'absence de consentement éclairé, le praticien peut soulever le moyen du consentement hypothétique du patient. Il doit alors établir que le patient aurait accepté l'opération même s'il avait été dûment informé. Le fardeau de la preuve incombe là aussi au médecin, le patient devant toutefois collaborer à cette preuve en rendant vraisemblable ou au moins en alléguant les motifs personnels qui l'auraient incité à refuser l'opération s'il en avait notamment connu les risques. En principe, le consentement hypothétique ne doit pas être admis lorsque le genre et la gravité du risque encouru auraient nécessité un besoin accru d'information, que le médecin n'a pas satisfait. Dans un tel cas, il est en effet plausible que le patient, s'il avait reçu une information complète, se serait trouvé dans un réel conflit quant à la décision à prendre et qu'il aurait sollicité un temps de réflexion.
En principe, il ne faut pas se baser sur le modèle abstrait d'un «patient raisonnable», mais sur la situation personnelle et concrète du patient dont il s'agit. Ce n'est que dans l'hypothèse où le patient ne fait pas état de motifs personnels qui l'auraient conduit à refuser l'intervention proposée qu'il convient de considérer objectivement s'il serait compréhensible, pour un patient sensé, de s'opposer à l'opération.
5.2 L'intervention subie par le demandeur le 10 avril 1995 a consisté tout d'abord en une laparoscopie exploratrice, puis en une laparotomie, une appendicectomie et une colostomie transverse droite. Il ressort des faits établis par l'autorité cantonale que l'opération a été pratiquée en urgence et que le demandeur a sollicité la laparoscopie. Pour le reste, le jugement attaqué ne contient aucun élément sur l'information fournie au patient avant l'intervention. Certes, la cour cantonale a constaté que le défendeur C.________ avait interrogé le patient avant l'intervention; elle en déduit qu'«il est plus que certain que cet entretien a eu trait notamment à l'opération à venir.» Mais on n'en sait pas plus. On ignore en particulier si, à cette occasion, le médecin a évoqué avec le patient les actes opératoires envisageables après l'intervention exploratoire et les risques qui leur auraient été liés. Sur ce point, il est vrai que le jugement attaqué ne mentionne nulle part que l'opération pratiquée le 10 avril 1995 présentait des risques spécifiques importants; en l'espèce, le risque de nécrose s'est réalisé, mais il s'agit, selon l'un des experts judiciaires, d'un risque classique de la chirurgie d'urgence, ce que le recourant, en tant que médecin et chirurgien, ne pouvait ignorer.
En conclusion, seule la laparoscopie, requise par le patient lui-même chirurgien, a été pratiquée avec le consentement éclairé du demandeur. En revanche, il ne ressort pas du jugement attaqué que le demandeur ait reçu des renseignements sur les actes chirurgicaux qui ont suivi la laparoscopie. Or, avant le début de l'intervention, des options chirurgicales, dépendant du résultat de l'examen exploratoire, devaient nécessairement être envisagées; il est par conséquent délicat d'affirmer que les actes chirurgicaux, tels la laparotomie, l'appendicectomie et la colostomie, se sont imposés, en quelque sorte par surprise, au fur et à mesure de l'opération. Cela étant, le patient présentait un risque de perforation du côlon. L'intervention s'est donc pratiquée en urgence de sorte qu'on peut se demander si les médecins n'étaient pas, exceptionnellement, déliés de leur devoir d'information. La question peut toutefois rester ouverte pour les raisons suivantes.
La Cour civile a admis que, en tout état de cause, le demandeur aurait donné son consentement aux actes chirurgicaux entrepris à la suite de la laparoscopie. A cet égard, aucun élément du jugement attaqué ne laisse apparaître que le genre ou la gravité du risque encouru lors de l'intervention du 10 avril 1995 aurait nécessité un besoin accru d'information, empêchant d'emblée les défendeurs d'invoquer le moyen tiré du consentement hypothétique du patient. Par ailleurs, le demandeur n'a pas fait état de raisons personnelles qui l'auraient incité à refuser l'intervention s'il avait été dûment informé. Il convient dès lors de se demander si, d'un point de vue objectif, un patient sensé et raisonnable, placé dans la même situation que le demandeur, aurait accepté l'opération. La réponse est manifestement positive. Entré en urgence à la clinique, le patient souffrait. Selon les constatations des expertises judiciaires reprises dans le jugement attaqué, une intervention rapide de décompression s'imposait, car un risque de perforation du côlon existait; l'option chirurgicale était nécessaire, l'alternative médicamenteuse pouvant conduire à de graves complications. Dans ces conditions, force est de reconnaître que, même informé du déroulement exact de l'opération, le demandeur, pris comme une personne sensée, ne se serait pas opposé à l'intervention aujourd'hui litigieuse. C'est dès lors à bon droit que la Cour civile a admis le moyen tiré du consentement hypothétique du patient.
6.
Sur le vu de ce qui précède, le recours en matière civile sera rejeté dans la mesure où il est recevable.
7.
Etant donné le sort réservé aux recours, le recourant prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ; art. 66 al. 1 et 3 LTF ); l'émolument relatif à la procédure de recours en réforme sera réduit (cf. art. 153a al. 1 OJ).
Par ailleurs, le recourant versera des dépens à chacun des intimés pour leur réponse commune dans chaque procédure de recours (art. 159 al. 1 OJ; art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Le montant des indemnités tiendra compte du fait que la teneur de la réponse au recours en réforme a été intégralement reprise dans la réponse au recours en matière civile.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en réforme est sans objet.
2.
Le recours en matière civile est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 12'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le recourant versera à chacun des intimés une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 9 janvier 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Corboz Godat Zimmermann