BGer 5A_733/2007
 
BGer 5A_733/2007 vom 09.04.2008
Tribunale federale
{T 0/2}
5A_733/2007
Arrêt du 9 avril 2008
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges Raselli, Président,
Meyer et Hohl.
Greffière: Mme Rey-Mermet.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Christine Gaitzsch, avocate,
contre
dame A.________,
intimée, représentée par Me Yvan Jeanneret, avocat,
Objet
mesures selon l'art. 137 CC,
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 8 novembre 2007.
Faits:
A.
A.________, né le 13 mai 1952, et dame A.________, née le 23 juillet 1959, se sont mariés à Genève le 27 juin 1991. Un enfant est issu de cette union : B.________, né le 15 mars 1991.
Les conjoints vivent séparés depuis le mois d'août 2001. L'époux s'est installé à Nice (France).
B.
Le 8 novembre 2006, A.________ a ouvert action en divorce.
Par jugement du 27 février 2007 statuant sur mesures provisoires, le Tribunal de première instance de Genève a donné acte au mari de son engagement à verser à dame A.________, le montant de 700 Euros par mois, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de l'enfant. Il a rejeté les conclusions de l'épouse tendant à l'attribution d'une contribution d'entretien en faveur de celle-ci.
Celle-ci a appelé de ce jugement, concluant à ce que la contribution due pour l'entretien de l'enfant soit augmentée à 3'800 fr. par mois et à ce qu'une contribution de 6'200 fr. par mois soit fixée pour son propre entretien. Le mari s'est déclaré d'accord de verser une contribution de 1'800 Euros pour l'entretien de l'enfant et a conclu à la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.
Par arrêt du 8 novembre 2007, la Chambre civile de la Cour de justice a porté la contribution due pour l'entretien de l'enfant à 3'000 fr. par mois. Elle a également condamné le mari à verser à l'épouse un montant mensuel de 4'500 fr. pour l'entretien de celle-ci.
C.
Le mari forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Il demande l'annulation de l'arrêt cantonal en tant qu'il le condamne à verser une contribution à l'entretien de dame A.________.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 133 III 489 consid. 3; 133 III 462 consid. 2).
1.1 La décision de mesures provisoires selon l'art. 137 al. 2 CC est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF. Bien que provisoire et sans effet sur le fond, elle est finale au regard de l'art. 90 LTF, dès lors que son objet est différent de celui de la procédure au fond et qu'elle met fin à l'instance sous l'angle procédural (arrêt 5A_9/2007 du 20 avril 2007, consid. 1.2.3-1.2.4 publié in : Pra 2007 n° 137). En outre, le recours est dirigé à l'encontre d'une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une cause de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4; art. 74 al. 1 let. b LTF). Enfin, il a été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF).
1.2 S'agissant, en l'occurrence, d'une décision en matière de mesures provisionnelles, le recours ne peut être formé que pour violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF). Abstraction faite de certaines hypothèses non réalisées en l'espèce, le Tribunal fédéral n'examine que si la décision attaquée viole l'art. 9 Cst., soit parce qu'elle applique le droit civil matériel d'une manière arbitraire, soit parce qu'elle repose sur des constatations de fait arbitraires. Lorsque le recourant se plaint de la violation de droits fondamentaux, il doit satisfaire au principe d'allégation; le Tribunal fédéral ne connaît en effet de la violation de tels droits que si le grief a été dûment invoqué et motivé (art. 106 al. 2 LTF), les exigences de motivation correspondant à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2; 133 III 393 consid. 6, 638 consid. 2); l'établissement des faits ou l'appréciation des preuves est arbitraire si la constatation est manifestement insoutenable, en contradiction flagrante avec le dossier ou repose sur une inadvertance manifeste (ATF 133 III 393 consid. 7.1, 585 consid. 4.1).
2.
Se plaignant d'une application arbitraire des art. 125 et 163 CC, le recourant conteste devoir un quelconque montant pour l'entretien de l'intimée.
2.1 Conformément à l'art. 137 al. 2 CC, le juge ordonne, sur requête, les mesures provisoires nécessaires pour la durée de la procédure de divorce; les dispositions qui régissent la protection de l'union conjugale (art. 172 ss CC) sont applicables par analogie. En vertu de l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l'autre en application de l'art. 163 al. 1 CC; tant que dure le mariage, les époux sont ainsi tenus de contribuer, chacun selon ses facultés, aux frais supplémentaires engendrés par l'existence parallèle de deux ménages (ATF 114 II 301 consid. 3a p. 302 et les références citées).
Lorsqu'on ne peut plus sérieusement compter sur une reprise de la vie commune, les critères applicables à l'entretien après le divorce doivent être pris en considération par analogie, en particulier pour la question de la reprise ou de l'augmentation de l'activité lucrative d'un époux (arrêt 5P.189/2002 du 17 juillet 2002, publié in : FamPra 2002 p. 836; arrêt 5P.437/2002 du 17 novembre 2003; en matière de mesures protectrices de l'union conjugale, ATF 128 III 65). Le droit à l'entretien reste toutefois fondé sur les art. 163 ss CC. Ainsi, lorsque les circonstances objectives se modifient, par exemple lorsque l'un des époux n'est plus en mesure d'exercer une activité lucrative par suite d'une maladie durable, la répartition des rôles qui a été convenue peut être modifiée et son conjoint peut être contraint d'augmenter sa contribution financière aux frais du ménage (ATF 114 II 13 consid. 3 et 4).
2.2 En l'espèce, l'arrêt attaqué retient que les époux sont mariés depuis plus de quinze ans, dont dix ans de vie commune. L'intimée qui est décoratrice d'intérieur spécialisée dans l'ameublement exerçait son activité professionnelle dans le cadre des sociétés C.________ SA et D.________ Sàrl. La première a été déclarée en faillite en 2007, alors que la seconde a été dissoute en novembre 2006. Depuis 2005, l'intimée exploite l'entreprise individuelle E.________, dont le bilan au 31 décembre 2006 fait état d'une perte supérieure à 24'000 fr. Elle souffre d'une leucémie aiguë myéloïde qui s'est déclarée pendant la période de séparation. Un infarctus du myocarde a également été diagnostiqué en mars 2007. En raison de ces deux affections, elle est dans l'incapacité complète de travailler et ne dispose comme source de revenus que de l'aide ponctuelle de son père qui lui a prêté des montants de 141'200 fr. en janvier 2002 et de 50'000 fr. en octobre 2004. Il lui a également fait une donation de 250'000 fr. entre 2003 et 2004 pour subvenir à ses besoins et à ceux de l'enfant. La cour cantonale a considéré que, dans ces conditions, l'on ne pouvait raisonnablement attendre de l'intimée qu'elle pourvoie elle-même à son entretien et que l'attribution d'une contribution en sa faveur était justifiée.
2.3 Le recourant ne démontre pas que cette solution est arbitraire. Il soutient en substance que l'intimée se trouve dans cette situation par sa faute car elle a dilapidé son avoir LPP et celui de son mari et a renoncé à contracter une assurance perte de gain. Il estime qu'il n'a pas à supporter les conséquences de cette imprévoyance coupable. Cette critique repose sur des constatations qui ne ressortent pas de l'arrêt cantonal. Le recourant demande au Tribunal fédéral de compléter l'état de fait sur ce point au motif que le jugement aurait été prononcé sans que tous les faits pertinents n'aient été constatés. Ce grief, qui ne se confond pas avec une constatation arbitraire des faits, peut en principe être invoqué en tant qu'il aboutit à une violation de la disposition légale qui aurait dû être appliquée, en l'occurrence les art. 137 al. 2 et 163 CC (arrêt 6B_161/2007 du 15 août 2007 consid. 2.1 et les réf. citées; cf. aussi ATF 133 IV 293 considl. 3.4.1). En l'espèce, il est toutefois irrecevable dès lors que, s'agissant d'une décision rendue en matière de mesures provisionnelles, le recourant ne pouvait se plaindre que d'une constatation arbitraire des faits (cf. consid. 1.2 supra), ce qu'il ne fait pas. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière. Au demeurant, au vu de l'état de santé de l'intimée, il n'était pas insoutenable de considérer que l'on ne pouvait raisonnablement attendre de celle-ci qu'elle pourvoie elle-même à son entretien, étant précisé que l'assistance versée par les parents en ligne directe en vertu de l'art. 328 CC ne doit pas être prise en compte (cf. Schwenzer, Famkomm Scheidung, n. 18 ad art. 125 CC). Seule est déterminante la capacité propre de l'époux de réaliser un revenu.
Se référant à l'arrêt 5C.169/2006 du 13 septembre 2006, le recourant est d'avis que le principe de solidarité ne doit pas primer en l'espèce sur celui de l'indépendance économique des conjoints car la maladie de l'intimée n'a aucun lien avec le mariage. Il méconnaît que cet arrêt traitait d'une part de l'entretien après divorce et, d'autre part, que le mariage n'avait pas influencé concrètement la situation des parties (durée de huit ans, sans enfant, conjoints âgés de 42 et 45 ans au moment du divorce). Il en va de même dans l'arrêt cantonal cité par le recourant (arrêt du Tribunal cantonal du canton de St-Gall du 17 août 2006 publié in : FamPra 2007 p. 159). La situation du cas d'espèce est différente. Il s'agit de statuer sur l'entretien pendant la procédure de divorce; le fondement de l'obligation d'entretien est l'art. 163 CC et non l'art. 125 CC. En outre, dans le cas d'espèce, l'union, de laquelle est issu un enfant, a duré quinze ans dont dix de vie commune. En l'occurrence, il n'était pas arbitraire de considérer qu'un tel mariage créait pour l'épouse une situation de confiance qui méritait d'être protégée et justifiait, au vu des problèmes de santé de l'intéressée et de l'incapacité de gain qui en découlait, l'allocation d'une contribution d'entretien en sa faveur pendant la procédure de divorce (cf. ATF 114 II 13 consid. 4). Cette solution se justifiait également au vu du devoir d'assistance entre époux prévu par l'art. 159 al. 3 CC (ATF précité; cf. Bühler, Commentaire bâlois, 3ème éd., 2006, n. 12 ad art. 159 CC; Hausheer/Reusser/Geiser, Commentaire bernois, n. 30 ad art. 159 CC).
3.
En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, de sorte que les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée qui n'a pas été invitée à se déterminer.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 9 avril 2008
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Raselli Rey-Mermet