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Original
 
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_647/2007/VIA/elo
{T 1/2}
Arrêt du 7 mai 2008
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mmes les Juges Merkli, Président,
Müller, Yersin, Karlen et Aubry Girardin.
Greffier: M. Vianin.
Parties
Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), 3003 Berne,
recourante,
contre
Centre Touristique Gruyères-Moléson-Vudalla SA, 1663 Moléson-sur-Gruyères,
intimée.
Objet
TVA; réduction du droit à la déduction de l'impôt préalable; subvention; périodes fiscales allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000,
recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 16 octobre 2007.
Faits:
A.
Centre Touristique Gruyères-Moléson-Vudalla SA (ci-après: la Société ou l'intimée), société anonyme de siège à Gruyères, est immatriculée dans le registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA) depuis le 1er janvier 1995. Selon l'inscription au registre du commerce, la Société a pour but de "créer un centre touristique dans la région du Moléson et de Vudalla et [de] réaliser les objectifs suivants: construire des moyens de remontées mécaniques d'été et d'hiver, notamment un téléphérique de Plan Francey au Moléson; un télécabine de La Chaux à Plan Francey; un téléski pour enfants à La Chaux; construire ou faire construire des restaurants et buvettes; aménager une route de Pringy à La Chaux, d'entente avec l'Etat et la Commune de Gruyères, ainsi que les parcs autos; acheter et vendre des terrains et des droits de superficie; acquérir ou créer toute entreprise semblable et tous immeubles en Suisse, sous n'importe quelle forme, procéder à la construction et l'aménagement de ceux-ci, à leur exploitation, leur location, revente [...]".
Dans le but de financer la construction d'un téléski et l'aménagement de pistes, la Société a obtenu en avril 1988 de la Confédération et du canton de Fribourg, sur la base de l'ancienne loi fédérale sur l'aide en matière d'investissements dans les régions de montagne (du 28 juin 1974; LIM) et de la loi cantonale d'application, deux prêts sans intérêts de 212'000 fr. chacun.
Par ailleurs, afin de financer des aménagements en vue du remplacement de la télécabine reliant Moléson Village à Plan Francey, la Société a bénéficié le 27 avril 1994, sur la base de l'ancienne loi fribourgeoise sur le tourisme (du 20 septembre 1990, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005), d'un prêt sans intérêt conditionnellement remboursable de 295'000 fr. au maximum (crédit qu'elle a utilisé à concurrence de 293'496 fr. 30) de la part du Fonds d'équipement touristique du canton de Fribourg (ci-après: le Fonds d'équipement) et d'un prêt de 86'000 fr. sans intérêt de la part de la commune de Gruyères.
Selon l'inscription au registre du commerce, par décision du 1er juillet 1997, le capital-actions de la Société a été réduit de 3'400'000 fr. à 850'000 fr. par réduction de la valeur nominale des actions et simultanément réaugmenté à 3'400'000 fr. par l'émission de nouvelles actions libérées en espèces à concurrence de 600'000 fr. et par compensation de créances à hauteur de 1'950'000 fr. L'inscription mentionne en outre que la Société envisageait une reprise de biens: elle devait prendre une participation de 2'121'000 fr. dans la société "Télégruyère SA", à Bulle, laquelle allait financer la construction du funiculaire "La Chaux - Plan Francey".
Selon l'inscription au registre du commerce, la société Télégruyère SA, sise à Bulle, dont le capital-actions est de 200'000 fr., a été constituée le 4 novembre 1996. Son but est de "construire ou faire construire, dans le district de la Gruyère, des installations de remontées mécaniques reconnues importantes pour le tourisme cantonal, installations dont elle reste propriétaire et dont elle délègue la gestion à des sociétés d'exploitation particulières". L'inscription mentionne que cette société reprendra sans contre-prestation, notamment de la société Centre touristique Gruyères-Moléson-Vudalla SA, tous les éléments de la télécabine actuelle "La Chaux - Plan Francey" faisant l'objet d'un renouvellement, y compris les droits y relatifs.
Le 31 décembre 1998, le Fonds d'équipement et la commune de Gruyères ont fait abandon de leurs créances envers la Société.
B.
En décembre 2001 et janvier 2002, l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: l'Administration fédérale ou la recourante) a effectué auprès de la Société un contrôle fiscal portant sur les périodes allant du 1er janvier 1996 au 30 septembre 2001. Au terme de ce contrôle, elle a établi notamment le décompte complémentaire no 238'528 du 11 janvier 2002, portant sur les périodes allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000, d'un montant de 21'332 fr. Cette reprise résultait notamment, d'une part, de la réduction de la déduction de l'impôt préalable pour le motif que les prêts octroyés par la Confédération, le canton de Fribourg, le Fonds d'équipement et la commune de Gruyères ne portaient pas intérêts et, d'autre part, du refus de la déduction de l'impôt préalable opérée sur la base de factures non conformes aux exigences y relatives.
La Société a contesté le décompte no 238'528, notamment sur les points précités. Elle a communiqué à cette occasion que les prêts du Fonds d'équipement et de la commune de Gruyères avaient fait l'objet d'un abandon de créances avec effet au 31 décembre 1998.
Par décision du 5 juillet 2004, l'Administration fédérale a fixé sa créance fiscale à l'égard de la Société pour les périodes considérées à 20'048 fr., soit le montant du décompte complémentaire no 238'528 moins la somme de 1'284 fr., correspondant à l'avis de crédit no 238'231 de la même date. Elle a tenu compte du fait que les prêts du Fonds d'équipement et de la commune de Gruyères n'avaient pas été remboursés en 1997 - comme elle le pensait initialement -, mais avaient fait l'objet d'un abandon de créance avec effet au 31 décembre 1998. Cela entraînait une réduction supplémentaire de la déduction de l'impôt préalable (à concurrence de 5'594 fr.), d'une part, parce que les prêts en question avaient subsisté et n'avaient pas donné lieu au versement d'intérêts durant toute l'année 1998 et, d'autre part, en raison de l'abandon des créances. A cet égard, l'Administration fédérale a considéré que l'octroi d'un prêt sans intérêt et l'abandon d'une créance par des collectivités publiques constituaient des subventions donnant lieu à une réduction de la déduction de l'impôt préalable. Comme elle a par ailleurs admis la contestation de la Société s'agissant de la déduction de l'impôt préalable opérée sur la base de certaines factures (pour un montant total de 6'878 fr.), elle a réduit sa créance de 1'284 fr. (= 6'878 ./. 5'594) à 20'048 fr.
La Société a formé une réclamation à l'encontre de ce prononcé. Elle a conclu notamment à ce que l'abandon des créances ne soit pas qualifié de subvention - la réduction de l'impôt préalable déductible liée à cette qualification devant dès lors être annulée - ainsi qu'à l'annulation des reprises effectuées en raison de la non-conformité des factures.
La réclamation a été rejetée par décision du 29 juin 2005.
La Société a déféré cette décision à la Commission fédérale de recours en matière de contributions (ci-après: la Commission de recours). En tant que successeur de la Commission de recours, le Tribunal administratif fédéral a, par arrêt du 16 octobre 2007, partiellement admis le recours, la décision entreprise étant dans cette mesure annulée et le dossier renvoyé à l'Administration fédérale pour nouvelle décision. Il a estimé qu'en renonçant à percevoir des intérêts sur les montants prêtés à la Société, la Confédération, le canton de Fribourg ainsi que le Fonds d'équipement lui avaient accordé une subvention. De même, l'abandon de créance consenti par ce dernier était assimilable à une subvention. S'agissant en revanche de la commune de Gruyères, il a estimé que la situation était différente du fait que celle-ci était actionnaire de la Société. Du moment qu'il ne ressortait pas du dossier que l'activité de cette dernière n'aurait généralement pas été rentable et qu'ainsi ladite commune aurait renoncé à tout retour sur investissement, il a jugé que l'octroi d'un prêt sans intérêt et l'abandon de sa créance par la commune de Gruyères ne constituaient pas des subventions, mais étaient assimilables à un apport sur le plan de la TVA. Les apports ne donnant pas lieu à la réduction de l'impôt préalable déductible, la cause devait être renvoyée à l'Administration fédérale afin qu'elle corrige le montant de sa créance en conséquence. S'agissant des factures, le Tribunal administratif a constaté que l'Administration fédérale avait entre-temps admis la déduction de l'impôt préalable sur la base de l'une d'entre elles, de sorte que la reprise y relative devait être annulée; pour deux autres factures, il a estimé que la cause devait être renvoyée à l'Administration fédérale, afin qu'elle donne à la Société la possibilité de les régulariser; concernant les cinq autres factures, il a en revanche estimé que c'était à bon droit que la déduction de l'impôt préalable avait été refusée.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Administration fédérale demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler partiellement l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 octobre 2007 et de dire que l'octroi d'un prêt sans intérêt et l'abandon de sa créance par la commune de Gruyères constituent des subventions et entraînent une réduction de l'impôt préalable déductible. Aux fins de démontrer que, contrairement à ce qui a été retenu dans la décision entreprise, l'activité de la Société n'est généralement pas rentable, l'Administration fédérale allègue des faits nouveaux, en se référant notamment au message du 26 mars 1996 du Conseil d'Etat du canton de Fribourg accompagnant le projet de décret relatif à la participation financière de l'Etat de Fribourg au renouvellement des remontées mécaniques de base de Charmey et de Moléson-sur-Gruyères. Elle fait valoir qu'en 1988 l'Office fédéral des transports a imparti à la Société un délai pour adapter la télécabine Moléson Village - Plan Francey aux nouvelles prescriptions techniques. Les frais d'étude préliminaire - ascendant à 153'695 fr. 25 - ont été financés à l'aide d'une partie des prêts en cause. Il a été décidé de remplacer la télécabine existante par un funiculaire, dont les coûts de construction ont été estimés à 11'750'000 fr. Compte tenu de l'importance des investissements à effectuer, une société d'économie mixte a été constituée, qui serait la propriétaire des nouvelles installations. Le montant des coûts a été pris en charge par les actionnaires de la société d'économie mixte par le biais de prêts sans intérêts conditionnellement remboursables et immédiatement postposés. Selon le message précité, la participation des collectivités publiques s'élevaient à 76%, soit 48% pour le canton de Fribourg et 28% pour une association de communes appelée "Association régionale de la Gruyère". Il a également été décidé que le funiculaire serait exploité par la Société et mis à sa disposition contre le versement d'un loyer de l'ordre de 60'000 fr. en 1999. Quant à la seconde installation de remontées mécaniques, à savoir la télécabine reliant Plan Francey au sommet du Moléson, elle est restée propriété de la Société. Elle a fait l'objet d'aménagements pour un montant de 225'609 fr. 75, somme financée à l'aide du solde des prêts en cause.
Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à déposer des observations. L'intimée maintient les conclusions prises dans sa réclamation mentionnées ci-dessus.
Considérant en droit:
1.
1.1 Dans la mesure où il est contesté par la recourante, l'arrêt du 16 octobre 2007 constitue une décision de renvoi de nature incidente au sens de l'art. 93 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110). Etant propre à causer à la recourante un préjudice irréparable, il peut séparément faire l'objet d'un recours (cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483 ss). Au demeurant, cette décision a été rendue dans une cause de droit public (art. 82 lettre a LTF) par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 lettre a LTF). Déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi et ne tombant sous aucun des cas d'exceptions mentionnés à l'art. 83 LTF, le recours est en principe recevable.
En vertu des art. 54 al. 2 de l'ordonnance fédérale du 22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RO 1994 II 1464 et les modifications ultérieures), 5 de l'ordonnance du 11 décembre 2000 sur l'organisation du Département fédéral des finances (Org DFF; RS 172.215.1) et 45b al. 2 de l'ordonnance du 29 mars 2000 relative à la loi sur la TVA (OLTVA; RS 641.201), l'Administration fédérale a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 lettre a LTF).
1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente.
En l'occurrence, l'autorité intimée a retenu la qualification d'apports notamment sur la base du critère de la rentabilité de l'activité de l'intimée, qui n'avait pas été utilisé jusque-là (l'autorité intimée s'est référée à l'arrêt du Tribunal de céans 2A.410/2006 du 18 janvier 2007, rés. RF 62/2007 p. 587). A cet égard, la recourante est ainsi admise à alléguer des faits nouveaux et à produire de nouveaux moyens de preuve. Du reste, il s'agit en partie de faits notoires, dans la mesure où ils ressortent du registre du commerce (la société d'économie mixte évoquée par la recourante n'est autre, en effet, que Télégruyère SA).
1.3 Dans la procédure de recours en matière de droit public, la possibilité de déposer un recours joint n'existe que lorsque la loi le prévoit. Tel n'est pas le cas en matière de TVA (cf. 2A.253/2000, Archives 71 p. 251, consid. 1c). Par conséquent, les conclusions de l'intimée, qui reprend celles formées dans le cadre de la procédure de réclamation, sont irrecevables.
2.
L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée, entrée en vigueur le 1er janvier 1995, a été remplacée par la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée, du 2 septembre 1999 (loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20), entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Selon l'art. 93 al. 1 LTVA, les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exécution restent applicables, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridiques ayant pris naissance au cours de leur durée de validité. L'ordonnance régissant la taxe sur la valeur ajoutée s'applique dès lors au présent litige, qui porte sur les périodes fiscales allant du 1er janvier 1996 au 31 décembre 2000.
3.
3.1 Les subventions sont des versements des pouvoirs publics qui visent à inciter leur bénéficiaire à adopter une certaine attitude ou à effectuer certaines tâches dans un but d'intérêt public. Hormis le comportement attendu de leur bénéficiaire, ces montants sont alloués "gratuitement", c'est-à-dire sans contrepartie économique équivalente en faveur de la collectivité qui les verse (ATF 126 II 443 consid. 6c; 2A.273/2004, RF 61/2006 p. 239, consid. 2.3; cf. également art. 8 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 29 mars 2000 relative à la LTVA [OLTVA; RS 641.201]). Les dons ressemblent aux subventions par le fait que leur auteur - une personne physique ou morale de droit privé - entend, par son attribution, donner au bénéficiaire les moyens d'exercer son activité. Le donateur n'agit pas afin que le bénéficiaire lui fasse une prestation déterminée, mais en vue de promouvoir son activité en général (ATF 126 II 443 consid. 8a et 8b; 2A.526/2003, RF 59/2004 p. 789, consid. 1.1).
Les subventions et dons visent à encourager et soutenir une activité qui ne serait pas viable par elle-même ou la commercialisation de produits ou de services à un prix réduit par rapport au marché. Elles représentent des recettes supplémentaires qui complètent les chiffres d'affaires (imposables, exclus ou exonérés) du bénéficiaire (ATF 132 II 353 consid. 7.1).
Les subventions ne font pas partie de la contre-prestation imposable (art. 26 al. 6 lettre b OTVA) et ne sont donc pas soumises à la TVA. En vertu de l'art. 30 al. 6 OTVA, l'assujetti qui reçoit des subventions doit réduire proportionnellement l'impôt préalable déductible. Cette réduction tient compte du fait que, dans la mesure où leur prix est diminué par une subvention, la livraison de certains biens ou la fourniture de certaines prestations ne génèrent pas de contre-prestation imposable, donnant droit à la déduction de l'impôt préalable selon l'art. 29 al. 1 OTVA. Il importe d'empêcher la récupération de cet impôt, afin d'éviter que les assujettis bénéficiant de subventions puissent inscrire un surplus d'impôt préalable dans chaque décompte et qu'ils soient ainsi mis au bénéfice d'un autre "subventionnement" indirect (ATF 126 II 443 consid. 6d p. 454; cf. aussi le rapport de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national concernant l'initiative parlementaire "Loi fédérale sur la taxe sur la valeur ajoutée [Dettling]", FF 1996 V 701 ss, ad art. 36 al. 7). Les dons sont soumis au même régime que les subventions (ATF 126 II 443 consid. 8).
3.2 Les apports représentent des opérations de financement permettant à la société qui les obtient d'exercer une activité génératrice de plus-value en suivant les lois du marché. A la différence des subventions et des dons, ils ne représentent donc pas des chiffres d'affaires complémentaires (ATF 132 II 353 consid. 5.1 et 7.1).
Les actionnaires ou associés qui procèdent à des apports n'entretiennent pas des relations bénévoles ou gratuites avec la société, car ils comptent bénéficier d'un retour sur les investissements qu'ils consen-tent. En effectuant les apports, ils acquièrent une participation au capital de la société, avec les droits et les obligations correspondants (2A.410/2006, précité, consid. 5.3).
Selon la doctrine suisse, les apports sont considérés comme des activités ne relevant pas de la TVA ("activités qui ne sont pas considérées comme des transactions" au sens de l'art. 38 al. 4 LTVA). La jurisprudence n'a pas tranché définitivement le point de savoir si cette qualification est exacte ou s'ils doivent être considérés comme exclus du champ de l'impôt, comme le sont les crédits (art. 14 ch. 15 let. a OTVA; art. 18 ch. 19 let. a LTVA). Quoi qu'il en soit, ils ne donnent en principe pas droit à la déduction de l'impôt préalable des opérations qui sont en relation directe avec eux: la charge fiscale grevant les opérations d'amont (p. ex. les prestations de conseil) qui sont utilisées pour réaliser le financement n'est en principe pas déductible. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de réduire la déduction de l'impôt préalable grevant les biens et services acquis à l'aide des apports (ATF 132 II 353 consid. 6.2, 6.4 et 7.1).
3.3 Lorsqu'une collectivité publique est membre d'une société commerciale et qu'elle procède à une attribution en faveur de celle-ci, la question est de savoir si, en droit de la TVA, cette attribution doit être considérée comme une subvention ou comme un apport. Pour trancher cette question, il faut considérer qu'une collectivité publique agit en principe dans l'intérêt public et non comme un investisseur ou un financier. Lorsqu'elle prend une participation dans une société commerciale, c'est donc généralement en premier lieu à des fins d'intérêt public ou général, parce que la société est importante à cet égard, ou dans un but de contrôle et d'information. Selon les circonstances, la prise de participation peut également tendre à obtenir un rendement économique. C'est ainsi, par exemple, que la participation des cantons dans les banques cantonales ne doit pas seulement favoriser leur développement économique - dans l'intérêt public -, mais aussi leur procurer des ressources supplémentaires. On doit donc admettre que, même si elle est membre de la société commerciale bénéficiant de l'attribution, la collectivité agit en principe d'abord dans l'intérêt public et non comme un particulier qui attend essentiellement un retour sur investissement.
La rentabilité de la société bénéficiaire peut ainsi être un indice, mais n'est pas déterminante pour la qualification de l'attribution: s'il est clair qu'une collectivité n'a pas en principe à subventionner une activité économique rentable, elle peut consentir une attribution sans attendre de retour, c'est-à-dire sous la forme d'une subvention, à une société dont l'activité est en principe rentable mais qui traverse des difficultés passagères. On peut tout au plus se demander si la qualification de subvention devrait aussi être retenue dans le cas où tous les membres de la société - y compris les particuliers - accorderaient à celle-ci, dans le cadre d'un plan d'assainissement, une aide proportionnelle à leur participation. La question peut demeurer indécise en l'espèce.
Il en va différemment lorsqu'un particulier procède à une attribution en faveur de la société dont il est membre: dans ce cas, il y a lieu de présumer qu'il agit dans le but d'obtenir un retour sur investissement, le cas échéant de limiter ses pertes; il fournit alors un apport. Ce n'est que si l'activité de la société est soutenue contre tout bon sens économique que les attributions seront qualifiées de "dons" (p. ex. lorsque la société sert à la pratique d'un hobby coûteux de l'actionnaire unique ou principal).
La situation d'une collectivité publique diffère de celle d'un particulier aussi quant aux conditions auxquelles une libéralité peut être faite. Contrairement à un particulier, la collectivité n'est, en effet, pas libre à cet égard. La libéralité - au sens d'une subvention - qu'elle consent doit reposer sur une base légale ou être décidée par l'organe compétent au plan financier. Cela vaut également lorsque la collectivité est membre de la société qui en bénéficie.
4.
La loi fribourgeoise sur le tourisme du 20 septembre 1990 (en vigueur jusqu'au 31 décembre 2005) réglementait le Fonds d'équipement dans son chapitre quatrième (art. 39 ss). Intitulé "Modes ordinaires", son art. 42 disposait ce qui suit:
"1 Le Fonds sert au financement de projets touristiques par l'un des modes suivants:
a) la prise en charge d'une partie des intérêts, de 3% au maximum, pour une durée ne pouvant excéder douze ans;
b) le prêt sans intérêt pour une durée de douze ans au maximum et correspondant à 30% au maximum de l'investissement global;
c) la participation au capital.
2 [...]".
Intitulé "Mode extraordinaire", l'art. 43 de la loi avait la teneur suivante:
"1 Lorsque des équipements importants et d'intérêt général pour le tourisme cantonal ne peuvent plus être maintenus financièrement et qu'il en résulte une mise en péril de l'économie de la région concernée, le comité de gestion peut accorder aux propriétaires de ces équipements des prêts sans intérêts, conditionnellement remboursables.
[...]".
L'art. 57 du règlement d'exécution de la loi du 20 septembre 1990 sur le tourisme, du 12 mars 1991, précisait ce qui suit:
"1 L'aide extraordinaire prévue par l'article 43 de la loi peut être accordée notamment:
a) lorsqu'un équipement ne peut plus être maintenu financièrement en raison d'exigences techniques imposées par une autorité compétente;
b) après une opération d'assainissement financier, pour assurer à long terme la viabilité technique de l'équipement;
[...]".
Les objets de grande importance et d'intérêt général étaient définis à l'art. 59 al. 1 du règlement comme ceux:
"a) dont la création ou la disparition ont une incidence importante et durable sur la capacité concurrentielle globale de l'offre touristique fribourgeoise,
b) et dont l'accès n'est pas soumis à des restrictions particulières".
Selon l'art. 44 al. 1 lettre c (applicable en vertu de l'art. 43 al. 3) de la loi, l'aide du Fonds était accordée pour des travaux de construction et de rénovation à la condition que "la ou les communes intéressées accordent, en fonction de leur capacité financière, une participation au projet si celui-ci est d'intérêt général".
Les communes intéressées étaient celles "pour lesquelles l'équipement objet de l'aide représente un intérêt économique" (art. 62 al. 1 du règlement). Elles devaient participer à hauteur de 20% au minimum de l'aide du Fonds d'équipement si les travaux intéressaient une seule commune et de 30% si plusieurs communes étaient intéressées (art. 62 al. 2 et 3 du règlement).
Quant au remboursement des prêts au sens de l'art. 43 al. 1 de la loi, le Comité de gestion du Fonds d'équipement en fixait les modalités (art. 58 du règlement).
5.
Seul est litigieux en l'espèce le traitement fiscal de l'octroi par la commune de Gruyères à l'intimée d'un prêt sans intérêt ainsi que de l'abandon de sa créance par ladite commune.
Il ressort d'un procès-verbal de décision du Fonds d'équipement, daté du 27 avril et du 6 mai 1994, que le prêt accordé par celui-ci représentait une aide extraordinaire au sens de l'art. 43 de la loi. Selon le préambule de ce document, le réseau des installations de remontées mécaniques de Moléson-sur-Gruyères constitue un équipement important et d'intérêt général pour le tourisme cantonal. L'installation principale du réseau, la télécabine reliant Moléson Village à Plan Francey, devait à court terme faire l'objet d'importants aménagements afin d'être mise en conformité avec les exigences de l'Office fédéral des transports. Le coût global de ces aménagements était devisé à 380'783 fr. Le financement ne pouvait en être assumé par la société propriétaire. De plus, le fait que ces aménagements n'accroîtraient pas les prestations proposées à la clientèle et ne seraient suivis que d'une garantie de conformité limitée dans le temps "rendait illusoire une souscription publique de fonds". Dans ces conditions, le Fonds d'équipement avait décidé d'accepter la requête de la société propriétaire et de lui accorder un prêt sans intérêt conditionnellement remboursable de 295'000 fr. au maximum. Entre autres conditions auxquelles était subordonné le prêt, la société bénéficiaire devait procéder à l'ouverture d'un compte de construction sur lequel seraient versés les fonds (86'000 fr.) que les communes intéressées étaient légalement tenues de libérer. Le montant du prêt du Fonds d'investissement ne serait libéré qu'après que les fonds mis à disposition par les communes en question auraient été entièrement utilisés. En outre, la société bénéficiaire s'engageait à ne verser aucun dividende aux actionnaires pendant la durée du prêt.
Ainsi, l'octroi du prêt litigieux par la commune de Gruyères représentait une condition légale du prêt du Fonds d'équipement, lequel était accordé en considération de l'intérêt général que les installations de remontées mécaniques en cause revêtaient pour le tourisme cantonal et compte tenu du fait qu'un mode de financement privé n'entrait pas en considération. La participation de la commune était exigée au vu de l'intérêt (public) économique que les installations revêtaient pour elle. Dans ces conditions, force est d'admettre qu'en octroyant le prêt sans intérêts, la commune de Gruyères n'a pas agi en vue d'obtenir un retour sur investissement, même si elle est actionnaire de l'intimée, mais dans l'intérêt public. Partant, la renonciation à percevoir des intérêts constitue une subvention en droit de la TVA.
Quant à l'abandon de sa créance par la commune de Gruyères, il est intervenu après que le Fonds d'équipement eut décidé d'abandonner sa propre créance. Cette décision a été prise par le Comité de gestion du Fonds d'équipement lors d'une séance du 3 décembre 1998 (courrier du Fonds d'équipement à l'intimée du 13 janvier 1999) et faisait suite à une demande de l'intimée. Cette démarche a donc été décidée par un organisme qui n'a pas de participation dans l'intimée et qui a agi dans l'intérêt public. Il y a dès lors lieu d'admettre que l'abandon de sa créance par la commune de Gruyères, qui était lié à celui du Fonds d'équipement, était également motivé par l'intérêt public. En outre, l'abandon de créance n'est pas intervenu en juillet 1997 dans le cadre de l'opération de réduction du capital-actions avec augmentation simultanée, lors de laquelle une partie des nouvelles actions émises ont été libérées par compensation de créances (certains créanciers ayant accepté de convertir leurs créances en titres de participation), mais à la fin 1998. Or, il ne ressort pas du dossier que la commune de Gruyères ait à cette date obtenu des titres de participation supplémentaires en échange de l'abandon de sa créance. Pour ce motif également, son attribution doit être considérée comme une subvention.
6.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation partielle de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 octobre 2007. Il convient en outre de renvoyer la cause à l'Administration fédérale des contributions pour de nouveaux calculs, compte tenu notamment des factures mentionnées par le Tribunal administratif fédéral.
Le cas échéant, le Tribunal administratif fédéral rendra une nouvelle décision concernant les frais de la procédure devant lui.
Les frais judiciaires de la présente procédure, d'un montant de 2'000 fr., seront supportés par l'intimée (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. L'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 16 octobre 2007 est partiellement annulé dans le sens des considérants et la cause est renvoyée à l'Administration fédérale des contributions pour qu'elle rende une nouvelle décision. L'arrêt est confirmé au surplus.
2.
Des frais judiciaires de 2'000 fr. sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Centre Touristique Gruyères-Moléson-Vudalla SA et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
Lausanne, le 7 mai 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Merkli Vianin