BGer 6B_386/2008 |
BGer 6B_386/2008 vom 01.07.2008 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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6B_386/2008 /rod
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Arrêt du 1er juillet 2008
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Cour de droit pénal
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Composition
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MM. les Juges Schneider, Président,
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Ferrari et Zünd.
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Greffier: M. Vallat.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Jean Lob, avocat,
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contre
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Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
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intimé.
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Objet
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Application du code pénal, condition de lieu; fixation de la peine, sursis partiel,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 25 février 2008.
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Faits:
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A.
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Par jugement du 10 août 2007, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a notamment condamné X.________ pour soustraction de données (art. 143 CP) et utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP) par métier à une peine privative de liberté de quatre ans sous déduction de cinq cent douze jours de détention préventive.
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B.
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Par arrêt du 25 février 2008, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par le condamné contre ce jugement.
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En résumé, les faits suivants ressortent de cet arrêt et du jugement de première instance, auquel l'arrêt cantonal renvoie sur ce point.
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B.a En automne 2004, au printemps 2005 ainsi qu'au printemps 2006, des actes de « skimming » ont été commis en Suisse. Ce procédé permet de copier, au moyen de leurres, des données de cartes bancaires de particuliers, lorsque ces derniers font normalement usage d'un appareil de type Bancomat. Matériellement, les auteurs façonnent un leurre en résine, un faux tableau de lecture, qu'ils apposent sur le tableau original de la banque. Le leurre comprend un lecteur qui copie les données de la carte bancaire et une caméra minuscule qui enregistre les références personnelles de l'utilisateur (code NIP). Les données ainsi obtenues sont ensuite reproduites sur une carte vierge, que les auteurs utilisent pour prélever à un distributeur les fonds du détenteur de la carte authentique.
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Plus précisément, et en relation avec les griefs soulevés, les actes suivants ont été retenus à la charge de X.________.
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B.b Les 8 et 9 octobre 2004, le distributeur de billets de la banque Migros de la Bahnhofstrasse à Lucerne a fait l'objet d'un acte de piratage par leurre. Les données encodées sur de nouveaux supports ont été exploitées pour opérer des retraits de fonds, soit:
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- 1800.- euros (2809 francs 95) entre les 12 et 14 octobre 2004 à Verone et Graz au préjudice de A.________;
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- 4581 fr. 15 au total, pour six retraits effectués entre les 10 et 12 octobre 2004 à Milan, Rescaldina (Italie), Vérone et Szekesfeherva (Hongrie) au préjudice de B.________;
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- 4525 francs à la suite de neuf retraits effectués en Italie entre les 10 et 14 octobre 2004 au préjudice de C.________;
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- 561 francs à la suite de trois retraits effectués entre les 11 et 13 octobre 2004 en Italie, au préjudice de D.________;
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- 1519 francs 35, soit 950.- euros à la suite de six retraits effectués entre les 11 et 12 octobre 2004 à Milan et Vérone au préjudice de E.________.
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B.c Le 11 mars 2006, le distributeur de billets d'une succursale du Crédit suisse à Zofingen a fait l'objet d'un acte de piratage par leurre. Les données de cartes bancaires ont été capturées. Une carte copiée a été utilisée le même jour à un distributeur du Crédit suisse à Aarau. Un retrait de 500 francs a été effectué au préjudice de F.________.
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B.d Le 16 mars 2006, le distributeur de billets du Crédit suisse à Hergiswil a fait l'objet d'un acte de piratage par leurre. Les données de cartes bancaires ont été capturées.
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C.
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X.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt du 25 février 2008. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il soit libéré de toute peine pour les prélèvements opérés à l'étranger et condamné à une peine de trois ans de privation de liberté, sous déduction de la préventive, avec sursis partiel pour la peine qui lui reste à subir. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à la juridiction cantonale. Il requiert en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
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Considérant en droit:
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1.
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Le recours en matière pénale peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est circonscrit par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral l'applique d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4 p. 140). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui. Il ne peut pas entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
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En l'espèce, le recourant ne formule aucun grief d'ordre constitutionnel ou conventionnel. Il indique tout au plus, en page 4 de son mémoire, sous forme de remarque, que le grief principal qu'il soulève l'a déjà été devant la cour cantonale. Il faut admettre que le recourant, qui est assisté, mentionne ce point en relation avec l'exigence d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF) et non comme un grief distinct, dépourvu de toute motivation, relatif à la violation de son droit d'être entendu.
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2.
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Le recourant conclut à la réduction de sa peine dans une mesure compatible avec l'octroi du sursis partiel. Il reproche aux autorités cantonales d'avoir violé les art. 5 et 6 CP en prononçant et confirmant sa condamnation pour utilisation frauduleuse d'un ordinateur (art. 147 CP) à raison de faits (des prélèvements d'argent) qui se sont exclusivement déroulés à l'étranger. Il souligne qu'il est roumain et domicilié en Roumanie.
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2.1 Les art. 5 et 6 CP, dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2006, définissaient les conditions auxquelles des crimes et délits commis à l'étranger contre un Suisse (ancien art. 5 CP), respectivement commis à l'étranger par un Suisse (ancien art. 6 CP) pouvaient être punis en Suisse en application du Code pénal. Ces questions sont désormais réglées par les art. 4 à 7 de la nouvelle partie générale du Code pénal, en vigueur depuis le 1er janvier 2007.
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En substance, le recourant, qui ne conteste pas que les actes de soustraction de données ont bien été commis en Suisse, soutient que les prélèvements, constitutifs de l'infraction à l'art. 147 CP, qui ont été effectués à l'étranger, soit notamment en Italie, en Autriche (Graz) et en Hongrie constituent des délits commis à l'étranger.
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2.2 L'application des dispositions définissant le champ d'application territorial du Code pénal aux actes commis à l'étranger suppose cependant que soit préalablement examinée la question du lieu où a été commis le crime où le délit. Cette question est régie en droit suisse par le principe dit de l'ubiquité, selon lequel un crime ou un délit est réputé commis tant au lieu où l'auteur a agi, qu'au lieu où le résultat s'est produit (ancien art. 7 al. 1 CP; art. 8 al. 1 CP). En relation avec les délits matériels, le résultat désigne une modification du monde extérieur, imputable à l'auteur et faisant partie des éléments constitutifs de l'infraction (ATF 109 IV 1 consid. 3b, p. 3, 105 IV 326).
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2.2.1 Conformément à l'art. 147 al. 1 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d'actifs au préjudice d'autrui ou l'aura dissimulé aussitôt après sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
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Cette disposition suppose non seulement un acte (l'utilisation de données pour influer sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données) mais également un résultat (provoquer un transfert d'actifs au préjudice d'autrui). En application du principe de l'ubiquité, il suffit donc que le résultat se soit produit en Suisse pour rendre le Code pénal applicable.
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2.2.2 Ni le jugement, ni l'arrêt entrepris ne constatent formellement où se sont produits les résultats des infractions à l'art. 147 CP. Il y a cependant lieu de compléter l'état de fait sur ce point en application de l'art. 105 al. 2 LTF.
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Il ressort du dossier de la cause (Classeur Dossier joint A/3) que A.________ habite à G.________, et que c'est son compte auprès du Crédit suisse qui a été débité. B.________ habitait, tout au moins au moment des faits, à H.________. C'est son compte auprès de l'UBS qui a été débité. C.________ habite à I.________. Le compte débité était ouvert auprès de la Banque cantonale de Lucerne. D.________ habite à J.________. Le compte débité était ouvert auprès de la Luzerner Regiobank. E.________ habite à K.________. Le compte débité était ouvert auprès de la Banque cantonale de Zürich. Enfin, dans le cas de F.________, c'est déjà l'acte lui-même qui a été commis en Suisse, la carte copiée à Zofingen ayant été utilisée le même jour à un distributeur du Crédit suisse à Aarau (v. supra consid. B.c).
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Il s'ensuit que, dans tous ces cas, soit l'utilisation des données est intervenue en Suisse (cas F.________), soit le résultat de l'utilisation incorrecte, incomplète ou indue des données - le transfert des actifs au préjudice des victimes - s'est produit en Suisse, lieu de situation des comptes spoliés où, si l'on préfère, lieu de situation des créances détenues par les titulaires, qui habitaient tous en Suisse, des comptes à l'égard de ces institutions bancaires suisses. Il s'ensuit que les autorités cantonales n'ont pas violé le droit fédéral en appliquant les dispositions du code pénal suisse au recourant. Le grief est infondé.
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3.
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Le recourant, qui ne formule aucune critique en relation avec l'application des art. 43 et 47 CP, justifie exclusivement sa conclusion tendant à la fixation d'une nouvelle peine compatible avec l'octroi du sursis partiel par le grief examiné ci-dessus. On peut dès lors se borner à constater que la peine qui lui a été infligée, avec quatre ans de privation de liberté - ce qui exclut le sursis, même partiel (art. 43 al. 1 CP) -, n'apparaît procéder ni d'un abus ni d'un excès du très large pouvoir d'appréciation des autorités cantonales, compte tenu des faits retenus à sa charge, la circonstance du métier notamment, ainsi que de ses antécédents (une condamnation à huit ans de réclusion pour brigandage qualifié prononcée en Allemagne en 1997).
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4.
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Le recours est rejeté. Il était d'emblée dénué de chances de succès, si bien que l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte les frais de la procédure, qui peuvent être réduits pour tenir compte de sa situation, qui n'apparaît pas favorable en raison de sa détention prolongée (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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L'assistance judiciaire est refusée.
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3.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 800 francs, sont à la charge du recourant.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
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Lausanne, le 1er juillet 2008
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Schneider Vallat
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