BGer 4A_193/2008 |
BGer 4A_193/2008 vom 08.07.2008 |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_193/2008/ech
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Arrêt du 8 juillet 2008
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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M. et Mmes les Juges Corboz, Président,
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Klett et Rottenberg Liatowitsch.
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Greffier: M. Abrecht.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Bernard Reymann,
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contre
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Y.________ SA,
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intimée, représentée par Me Serge Rouvinet.
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Objet
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contrat d'assurance; vol; preuve,
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recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour
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de justice du canton de Genève du 14 mars 2008.
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Faits:
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A.
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A.a En avril 2002, X.________ a acquis auprès du Garage, A.________ SA, à Genève, une Ferrari F360 Modena Berlinetta d'occasion, affichant 25'100 km au compteur, pour le prix de 165'000 fr. Le 29 avril 2002, il a conclu auprès de Y.________ (ci-après: Y.________ Assurances) une assurance véhicule couvrant entre autres les dommages subis par suite d'un vol du véhicule, le preneur d'assurance devant toutefois supporter une franchise de 5'000 fr.
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A.b Le 6 juin 2004, X.________ a, selon ses dires, garé sa Ferrari au parking public dit « La Sagrave », à proximité du port d'Ouchy à Lausanne, avant de se rendre au restaurant Mövenpick. Il y a été rejoint par un ami, B.________, en compagnie duquel il a passé la soirée. Lorsque X.________ et B.________ se sont rendus au parking pour reprendre la Ferrari, celle-ci ne s'y trouvait plus. X.________ s'est alors immédiatement rendu auprès de la police pour déposer plainte pénale. Le 9 juin 2004, le sinistre a été annoncé à Y.________ Assurances.
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A.c Le 11 juin 2004, X.________ a transmis à l'assureur, entre autres, les deux clés de la Ferrari ainsi que deux « alarmes » (télécomman-des). Entendu par l'assureur le 28 juillet 2004, il a notamment précisé que le véhicule devait avoir environ 65'000 km au compteur lors du vol. Il a ajouté avoir remis à l'assureur toutes les clés du véhicule, lesquelles étaient au nombre de deux, et n'avoir pas effectué de double; à la question « Des tiers avaient-il la possibilité de se fabriquer d'autres clés? », il a répondu « Non, mes clés restent avec moi ».
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Entre-temps, X.________ Assurances a fait procéder à l'analyse des deux clés de contact auprès du laboratoire d'analyse criminelle C.________ GmbH, en Allemagne; selon le rapport de ce laboratoire, établi le 21 juillet 2004, la clé n° 2 (soit celle suspendue au porte-clés Ferrari) avait été copiée et les traces de copie étaient recouvertes par des traces d'utilisation « prononcées », représentant entre seize et cent manipulations de serrure.
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A.d Le 18 août 2004, dans le cadre d'une audition complémentaire à sa plainte pénale, X.________ a indiqué à la police avoir utilisé quasi-quotidiennement la clé attachée au porte-clés Ferrari et ne pas se souvenir avoir employé l'autre clé, qui restait chez lui; il lui était arrivé de laisser des amis conduire sa voiture; lors de ses séjours dans des hôtels, il avait toujours confié ses clés au voiturier. La police ayant attiré son attention sur le fait qu'un acheteur Ferrari recevait trois télécommandes et deux clés, X.________ a affirmé n'avoir reçu que deux clés et deux télécommandes; il a précisé que s'il avait reçu une troisième télécommande à l'achat, elle devait être chez lui, car il ne s'en était jamais servi. Peu après, X.________ a retrouvé la troisième télécommande, qu'il a déposée à l'autorité.
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A.e La procédure pénale a été clôturée le 8 mars 2005 par une ordonnance de non-lieu, au motif que l'auteur du vol n'avait pas pu être identifié. Malgré les correspondances échangées, Y.________ Assurances a refusé d'indemniser X.________, invoquant l'existence d'une clé copiée ainsi que le retard mis par l'assuré à restituer la troisième télécommande de l'anti-démarrage.
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B.
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B.a Le 10 mars 2006, X.________ a actionné Y.________ Assurances en paiement de 113'950 fr. - correspondant au 65% du prix catalogue du véhicule (183'000 fr.), sous déduction de la franchise de 5'000 fr. - avec intérêts à 5% l'an dès le 1er août 2004. La défenderesse a conclu au déboutement du demandeur, en soutenant que le vol n'avait pas été démontré.
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B.b Les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle le 13 novembre 2006. Des enquêtes ont été ordonnées et, le 19 février 2007, le premier juge a entendu comme témoins B.________, D.________(spécialiste Ferrari employé de E.________ SA), F.________ (employé de la défenderesse) et G.________ (qui travaille chez Ferrari au Garage, A.________ SA).
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B.c Par jugement du 27 septembre 2007, le Tribunal de première instance, estimant que le demandeur avait rendu le vol qu'il invoquait hautement vraisemblable, a condamné la défenderesse, avec suite de dépens, à payer au demandeur le montant de 113'950 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 4 août 2004.
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B.d Statuant par arrêt du 14 mars 2008 sur appel de la défenderesse, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, estimant au contraire du premier juge que le demandeur avait échoué dans la preuve de la haute vraisemblance de la survenance du sinistre, l'a débouté des fins de sa demande, avec suite des dépens de première instance et d'appel.
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C.
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Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, le demandeur conclut, avec suite des frais et dépens des instances cantonales et fédérale, principalement à la réforme de cet arrêt dans le sens de la confirmation du jugement de première instance, et subsidiairement à son annulation. L'intimée conclut avec suite de frais et dépens au rejet du recours, dans la mesure où celui-ci est recevable. Par requête du 1er juillet 2008, le recourant a sollicité l'octroi de l'effet suspensif au recours.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Interjeté par la partie demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en paiement prises devant l'autorité précédente et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; ATF 133 III 421 consid. 1.1), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant sur recours en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF). Portant sur une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours est donc en principe recevable, puisqu'il a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prévues par la loi (art. 42 LTF).
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1.2 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La notion de faits qui ont été établis de façon manifestement inexacte, utilisée à l'art. 105 al. 2 LTF, correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4135, ch. 4.1.4.2; cf. ATF 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3, 384 consid. 4.2.2).
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En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire, selon la jurisprudence, lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1; 118 Ia 28 consid. 1b et les arrêts cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 133 I 149 consid. 3.1; 132 III 209 consid. 2.1; 129 I 8 consid. 2.1).
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La partie recourante doit expliquer de manière circonstanciée en quoi l'appréciation des preuves respectivement l'établissement des faits par l'autorité précédente est arbitraire, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 III 462 consid. 2.4; 133 II 249 consid. 1.4.3; 133 IV 150 consid. 1.3, 286 consid. 1.4). Le Tribunal fédéral n'a pas à entrer en matière sur une argumentation appellatoire, c'est-à-dire sur celle qui ne fait que l'inviter à substituer sa propre appréciation des preuves à celle du juge du fait (ATF 133 III 585 consid. 4.1; 130 I 258 consid. 1.3; 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1 consid. 2a), sans tenter de démontrer que le raisonnement suivi par celui-ci, ou le résultat auquel il est parvenu, est insoutenable.
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2.
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2.1
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2.1.1 En vertu de l'art. 8 CC, la preuve du sinistre incombe à l'ayant droit, lequel doit sur la demande de l'assureur fournir à ce dernier, conformément à l'art. 39 al. 1 LCA, tout renseignement sur les faits à sa connaissance qui peuvent servir à déterminer les circonstances dans lesquelles le sinistre s'est produit ou à fixer les conséquences du sinistre (ATF 130 III 321 consid. 3.1).
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2.1.2 En principe, une preuve est tenue pour rapportée lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1; 130 III 321 consid. 3.2). La jurisprudence et la doctrine admettent toutefois que, dans la mesure où l'ayant droit est dans l'impossibilité de rapporter la preuve matérielle du sinistre, comme c'est généralement le cas dans l'assurance contre le vol, il se trouve dans un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot) qui justifie l'allégement de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 et les arrêts cités; cf. ATF 133 III 81 consid. 4.2.2; 132 III 715 consid. 3.1; arrêt non publié 4D_73/2007 du 12 mars 2008, consid. 2.2). Le degré de preuve requis, s'agissant de la survenance du sinistre, se limite alors à la vraisemblance prépondérante (überwiegende Wahrscheinlichkeit; ATF 130 III 321 consid. 3.2; Nef, Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n. 21 et 26 ad art. 39 LCA et n. 56 ad art. 40 LCA; Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 333; Brehm, FJS n° 569a, 1999, p. 3 et 5). Il y a vraisemblance prépondérante lorsqu'il est possible que les faits pertinents se soient déroulés différemment, mais que les autres possibilités ou hypothèses envisageables n'entrent pas raisonnablement en considération (ATF 130 III 321 consid. 3.3 et les références citées).
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2.1.3 L'assureur a un droit - découlant de l'art. 8 CC (ATF 120 II 393 consid. 4b; 115 II 305) - à la contre-preuve; il peut chercher à démontrer des circonstances qui suscitent des doutes sérieux sur la réalité des faits qui font l'objet de la preuve principale, de manière à faire échouer celle-ci; pour que la contre-preuve aboutisse, il suffit que la preuve principale soit ébranlée et que les faits n'apparaissent par conséquent pas comme étant d'une vraisemblance prépondérante; si la contre-preuve aboutit, les faits allégués par l'ayant droit ne peuvent pas être tenus pour établis, à savoir comme étant d'une vraisemblance prépondérante, et la preuve principale est mise en échec (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt 4D_73/2007 précité, consid. 2.2).
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2.1.4 Le Tribunal fédéral a rejeté l'idée selon laquelle, si la contre-preuve aboutit, l'ayant droit doit apporter la preuve stricte de la survenance du sinistre; en effet, le juge apprécie globalement, au moment de rendre son jugement, l'ensemble des résultats de la procédure probatoire; au surplus, il n'y aurait aucun sens à charger l'ayant droit d'une preuve stricte qu'il pourrait d'autant moins rapporter qu'il a déjà échoué à établir la vraisemblance prépondérante de ses allégations (ATF 130 III 321 consid. 3.4 in fine; cf. Abrecht, note sur l'arrêt 5C.11/2002 du 11 avril 2002, in JdT 2002 I 534 ss, 535).
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2.2 Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir appliqué arbitrairement (art. 9 Cst.) l'art. 255 LPC/GE en n'écartant pas des débats l'expertise privée et unilatérale du laboratoire C.________ GmbH, d'avoir violé les art. 39 al. 1 LCA et 8 CC en admettant à tort que l'intimée avait apporté la contre-preuve faisant naître des doutes sérieux quant à la réalité du vol de la Ferrari et en refusant à tort d'admettre la preuve de la haute vraisemblance de ce vol, et, de façon générale, d'avoir apprécié arbitrairement (art. 9 Cst.) les faits pour arriver à la conclusion qu'il existait des doutes sérieux au sujet de la survenance du vol et que ce dernier n'avait pas été établi avec une haute vraisemblance.
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2.3 Avant d'examiner ces griefs, il convient de clarifier l'objet du litige eu égard au raisonnement suivi par l'autorité précédente.
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2.3.1 Citant principalement des arrêts cantonaux, la Cour de justice a exposé que lorsque la preuve du sinistre était impossible à rapporter de façon stricte, le juge devait dans un premier temps se contenter d'une preuve par simple vraisemblance, mais que si l'assureur, dans le cadre de son droit à la contre-preuve, pouvait de son côté produire des indices contraires faisant naître des doutes quant à la réalité des faits allégués, le juge devait exiger la haute vraisemblance de la version de l'assuré. En l'espèce, la cour cantonale a estimé que le recourant, qui avait immédiatement déposé plainte pénale et informé son assurance du sinistre, avait rendu vraisemblable la survenance du vol allégué, mais que l'intimée avait produit des éléments propres à susciter de sérieux doutes sur la version du recourant, si bien qu'il appartenait à celui-ci d'apporter la preuve de la haute vraisemblance du vol allégué. Au terme d'une discussion circonstanciée des éléments à leur disposition (cf. consid. 3 infra), les juges cantonaux ont retenu que le recourant avait échoué dans cette preuve, si bien qu'il devait être débouté de ses conclusions.
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2.3.2 La structure de ce raisonnement n'est pas conforme aux principes rappelés plus haut (cf. consid. 2.1 supra). En effet, il ne s'agit pas d'examiner successivement si l'ayant droit a rendu ses allégations (simplement) vraisemblables (cf. ATF 130 III 321 consid. 3.3 sur la notion de simple vraisemblance, qui n'est précisément pas le degré de preuve requis s'agissant de la survenance du sinistre), puis si l'assureur parvient à ébranler la preuve principale, et enfin si la version de l'ayant droit est néanmoins rendue hautement vraisemblable. Le Tribunal fédéral a rejeté un tel examen à deux niveaux (cf. consid. 2.1.4 supra). Il convient bien plutôt d'apprécier globalement, au stade du jugement, l'ensemble des résultats de la procédure probatoire, se rapportant aussi bien à la preuve principale qu'à la contre-preuve, pour décider si la survenance du sinistre est établie avec une vraisemblance prépondérante (cf. consid. 2.1.2 et 2.1.3 supra).
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2.3.3 Cela étant, au-delà de la structure erronée de son raisonnement, il n'apparaît pas qu'en retenant qu'il appartenait au recourant d'établir la haute vraisemblance - à savoir la vraisemblance prépondérante, selon le terme désormais employé par le Tribunal fédéral pour adopter une terminologie unifiée (ATF 130 III 321 consid. 3.3) - de la survenance du vol de sa voiture, l'autorité précédente soit partie d'une fausse conception du degré de preuve exigé par le droit fédéral. Le litige, tel qu'il est soumis au Tribunal fédéral, porte sur le caractère arbitraire ou non de l'appréciation qui a conduit l'autorité précédente à retenir que le recourant avait échoué dans la preuve de la haute vraisemblance de la survenance du sinistre.
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2.3.4 Déterminer, sur la base des éléments à disposition, si l'événement assuré s'est produit ou non avec une vraisemblance prépondérante est une question qui ne relève pas de l'analyse juridique, mais bien de l'appréciation des preuves (arrêt 4D_73/2007 précité, consid. 2.2 in fine; arrêt 5C.11/2002 du 11 avril 2002, consid. 3a, traduit in JdT 2002 I 531; arrêt non publié 5C.99/2002 du 12 juin 2002, consid. 2.5 et les références citées). Il convient donc d'examiner, après rappel de la motivation de l'arrêt attaqué, si la conclusion de l'autorité précédente selon laquelle le recourant a échoué à apporter la preuve de la vraisemblance prépondérante de la survenance du vol allégué procède d'un établissement arbitraire des faits.
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3.
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3.1 L'autorité cantonale a considéré que la version du recourant, en faveur de laquelle plaidait le dépôt immédiat d'une plainte pénale et l'avis à l'assurance, était ébranlée par la production, par l'intimée, d'une expertise d'un laboratoire d'analyses criminelles indépendant, dont il ressortait que la clé n° 2, celle suspendue au porte-clés Ferrari, avait servi à confectionner une copie et que les traces de copie avaient été recouvertes par des traces d'utilisation représentant entre seize et cent manipulations de serrure. Or d'après ses propres indications, le recourant avait parcouru environ 40'000 km au volant de son véhicule, qu'il avait conduit quasi quotidiennement, en utilisant exclusivement la clé n° 2, depuis l'achat du véhicule en avril 2002 jusqu'à sa disparition vingt-cinq mois plus tard. Les juges cantonaux ont dès lors considéré que, vu l'usage fréquent que faisait le recourant du véhicule, la clé n° 2 avait nécessairement été introduite plus de cent fois dans la serrure, de sorte qu'il y avait lieu d'admettre que son double avait été fabriqué alors que le recourant en était le détenteur.
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Selon l'autorité précédente, le recourant avait par ailleurs tenu des propos contradictoires qui affaiblissaient sa crédibilité, en indiquant d'abord à son assureur que des tiers n'avaient pas eu la possibilité de fabriquer d'autres clés, avant de déclarer à la police et au juge qu'il lui était arrivé de confier son véhicule à des amis, ainsi qu'à des voituriers d'hôtel. Au demeurant, il paraissait peu probable que l'une de ces personnes eût pu être l'auteur du double, les voituriers ne conservant pas la clé assez longtemps pour en façonner une copie. Ces circonstances laissaient ainsi fortement penser que le double de la clé était le fait du recourant, ce qui venait à nouveau contredire les déclarations du recourant qui prétendait n'avoir jamais effectué de copie.
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3.2 Répondant aux griefs du recourant sur le caractère non contradictoire du rapport d'expertise privée du laboratoire d'analyse criminelle C.________ GmbH et l'absence d'impartialité de ce laboratoire, la cour cantonale a indiqué que ce rapport avait été établi à l'initiative de l'intimée et n'avait pas été confirmé sous serment. S'il s'agissait ainsi d'une expertise privée, qui ne suffisait pas à elle seule à établir son contenu, il n'y avait pas lieu pour autant de l'écarter de la procédure. En effet, le laboratoire en question était un organisme reconnu et indépendant, et le simple fait que l'intimée fît régulièrement appel à ses services ne permettait pas de douter de l'impartialité de cet institut, d'autant moins qu'il n'existait que peu d'organismes susceptibles d'effectuer ce type d'analyse. En outre, le recourant n'avait offert aucun moyen de preuve susceptible d'infirmer le contenu du rapport litigieux, lequel avait fait naître de sérieux doutes sur la version du vol qu'il soutenait.
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3.3 Enfin, la Cour de justice a écarté la thèse, soutenue par le recourant, selon laquelle un voleur astucieux pouvait parfaitement dérober une Ferrari sans avoir de télécommande ou de clé.
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Si les témoins D.________et G.________ avaient entendu des rumeurs selon lesquelles il serait possible de scanner les ondes de la télécommande - laquelle était indispensable pour désactiver le système antivol du véhicule -, ils n'ont pas pu confirmer la réalité de cette circonstance. Au surplus, il était établi que la télécommande avait une petite portée, si bien qu'en admettant qu'une copie des ondes de la télécommande pût être effectuée, son auteur aurait dû être proche d'elle au moment de l'émission des ondes. Or le recourant n'avait donné aucune indication sur les conditions dans lesquelles une copie aurait pu être réalisée par un tiers alors qu'il fermait le véhicule et n'avait pas rendu vraisemblable l'existence d'une telle opération.
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En tout état de cause, même dans l'hypothèse non rendue vraisemblable d'une copie des ondes qui aurait permis de désactiver l'antivol, un potentiel voleur aurait encore dû mettre en marche le véhicule. Or même à supposer qu'un voleur eût pu mettre en marche le véhicule en cassant le barillet et en manipulant les fils - opération que le témoin G.________ a jugée impossible, tandis que le témoin D.________l'a jugée possible en précisant que cela prenait au moins dix minutes et qu'il était difficile de le faire discrètement -, il ne paraissait pas possible qu'une telle opération eût pu être effectuée, à l'insu de tous, dans un parking public très fréquenté en raison de la fête populaire qui se déroulait ce soir-là à Ouchy.
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3.4 Cela étant, l'autorité précédente - qui a par ailleurs observé que lors de son audition comme témoin, B.________ avait déclaré s'être rendu directement au restaurant pour rencontrer le recourant et ne pas l'avoir vu garer sa voiture avant le repas - a estimé que le recourant avait échoué dans la preuve de la haute vraisemblance du sinistre.
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4.
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4.1 Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 255 LPC/GE, relatif à l'expertise judiciaire, en n'écartant pas le rapport de C.________ GmbH alors qu'il s'agit d'une expertise privée, non contradictoire, dont les conclusions n'ont pas été confirmées sous la foi du serment. Il fait valoir que selon la jurisprudence, les expertises privées, si elles sont contestées, ne peuvent être retenues qu'au titre d'allégué de la partie qui les produit. Il met en outre en doute l'impartialité de la société C.________ GmbH, dont l'intimée serait un bon client qu'elle ne voudrait pas indisposer en rendant un rapport lui étant défavorable.
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Il est vrai qu'à l'instar de nombreuses lois cantonales, la loi de procédure civile genevoise ne reconnaît pas de force probante particulière aux expertises privées, qui doivent être considérées comme de simples allégations d'une partie (arrêts non publiés 4A_58/2008 du 28 avril 2008, consid. 5.3; 4P.169/2003 du 30 octobre 2003, consid. 2.1.4; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, tome II, n. 2 ad art. 255; Fabienne Hohl, Procédure civile, tome I, n. 1052 p. 198; Vogel/Spühler, Grundriss des Zivilprozessrechts, 8e éd. 2006, chap. 10, n. 152, p. 284 s.; cf. aussi ATF 132 III 83 consid. 3.4). Le fait qu'une expertise privée n'ait pas la même valeur qu'une expertise judiciaire ne signifie pas encore que toute référence à une expertise privée dans un jugement soit constitutive d'arbitraire; il se peut en effet que ladite expertise ne soit pas contestée sur certains points ou encore qu'elle se révèle convaincante, à l'instar d'une déclaration de partie (arrêt 4A_58/2008 précité, consid. 5.3; Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 2 ad art. 255).
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Il s'ensuit que, contrairement à ce que le recourant prétend, la seule mention d'une expertise privée à titre de moyen de preuve ne procède pas déjà d'une application arbitraire du droit cantonal de procédure; autre est la question de savoir si, en se fondant sur une expertise privée dans un cas précis, le juge s'est livré à une appréciation arbitraire des preuves (arrêt 4A_58/2008 précité, consid. 5.3). En l'espèce, le rapport d'expertise litigieux, qui selon les constatations de l'arrêt attaqué émane d'un organisme reconnu et indépendant, est convaincant dans la mesure où rien ne permet de jeter le soupçon sur la constatation, fondée sur des observations scientifiques, que la clé n° 2 a été copiée et que les traces de copie sont recouvertes par des traces d'utilisation « prononcées », représentant entre seize et cent manipulations de serrure. Le recourant n'avance d'ailleurs aucun argument qui serait de nature à mettre en doute cette constatation, se bornant à soutenir qu'une expertise privée n'aurait par principe aucune valeur probante et à mettre en doute l'impartialité du laboratoire d'analyse de manière purement appellatoire.
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Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait retenir, sur la base d'une appréciation des preuves exempte d'arbitraire, que la clé n° 2 - qui avait nécessairement été introduite plus d'une centaine de fois dans la serrure par le recourant, vu l'usage fréquent que celui-ci faisait du véhicule - avait été copiée alors que le recourant en était le détenteur. Un tel raisonnement prête d'autant moins le flanc à la critique que, comme l'a relevé la cour cantonale (cf. consid. 3.1 supra), le recourant a tenu des propos contradictoires affaiblissant sa crédibilité, en indiquant d'abord à son assureur que des tiers n'avaient pas eu la possibilité de fabriquer d'autres clés, avant de déclarer à la police et au juge qu'il lui était arrivé de confier son véhicule à des amis, ainsi qu'à des voituriers d'hôtel. À ce raisonnement, le recourant ne fait qu'opposer ses propres affirmations sur un mode appellatoire, en soutenant qu'il n'avait pas imaginé lors de son audition par la police qu'un tiers eût pu fabriquer un double des clés. De même, il ne démontre pas en quoi il serait arbitraire de considérer comme peu probable que l'une des personnes à qui il a déclaré avoir confié les clés de son véhicule - soit des amis et des voituriers d'hôtel - ait pu être l'auteur du double, et en plus s'en servir pour dérober la Ferrari dans la soirée du 6 juin 2004 à Ouchy. Cela étant, la déduction de l'autorité précédente selon laquelle les circonstances précitées laissent fortement penser que le double des clés est le fait du recourant n'apparaît en tout cas pas arbitraire.
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4.2 La Cour de justice a retenu qu'il n'était matériellement pas possible pour un tiers de voler le véhicule du recourant dans la soirée du 6 juin 2004 à Ouchy sans désactiver le système antivol contrôlé par télécommande et sans disposer d'une clé pour mettre le véhicule en marche (cf. consid. 3.3 supra). Le recourant ne démontre nullement en quoi ces constatations seraient arbitraires. Que le représentant de l'intimée en audience de comparution personnelle des parties ait déclaré qu'il était facile de voler un tel véhicule, ou qu'il soit « notoire que de nombreux véhicules de luxe, équipés de systèmes anti-vol sophistiqués, tels les Ferrari, sont volés en Suisse et à l'étranger », n'est pas de nature à contredire les constatations soigneusement motivées de la cour cantonale sur l'impossibilité d'un vol dans les circonstances de l'espèce. En effet, les spécialistes Ferrari entendus lors des enquêtes n'ont pas pu confirmer les rumeurs selon lesquelles il serait possible de scanner les ondes de la télécommande, et l'existence d'une telle opération en l'espèce n'a pas été rendue vraisemblable. Au surplus, le recourant n'élève aucune critique dûment motivée contre la constatation que, même dans l'hypothèse non rendue vraisemblable d'une copie des ondes qui aurait permis de désactiver l'antivol, il n'était pas possible de faire démarrer le véhicule sans clé en cassant le barillet et en manipulant les fils, à l'insu de tous, dans un parking public très fréquenté en raison de la fête populaire qui se déroulait ce soir-là à Ouchy.
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4.3 Face à ces constatations, les éléments énumérés par le recourant en faveur de la thèse du vol - à savoir le fait que B.________ a déclaré lors des enquêtes que le recourant avait l'air vraiment très surpris et désespéré lorsqu'il s'était aperçu que sa Ferrari avait disparu, le dépôt immédiat d'une plainte pénale, l'annonce du vol à Y.________ Assurances et la collaboration du recourant dans le cadre de l'enquête usuelle de cette dernière - ne suffisent manifestement pas à établir la survenance du sinistre avec une vraisemblance prépondérante. Il ne s'agit que d'indices en faveur de la thèse du vol et non d'éléments de preuve directe de la réalisation d'un tel événement. La cour cantonale a d'ailleurs relevé que le témoin B.________, s'il avait pu constater que le recourant avait l'air vraiment très surpris et désespéré lorsqu'il n'avait pas retrouvé sa Ferrari sur le parking après le repas, ne l'avait pas vu y garer ce véhicule avant le repas.
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4.4 En définitive, si l'on considère que la clé n° 2 a été copiée alors que le recourant en était le détenteur et que les circonstances laissent fortement penser que cette copie est le fait du recourant (cf. consid. 4.1 supra), qu'il était matériellement impossible pour un tiers de voler le véhicule du recourant sur un parking très fréquenté dans la soirée du 6 juin 2004 à Ouchy sans disposer d'une clé pour mettre le véhicule en marche (cf. consid. 4.2 supra) et qu'il est peu vraisemblable qu'un voleur ait pu préalablement désactiver le système antivol sans disposer d'une télécommande (cf. consid. 4.2 supra), on ne voit pas comment on pourrait retenir que la survenance du sinistre, soit l'hypothèse du vol, aurait été établie avec une vraisemblance prépondérante. En effet, la version de l'assuré, qui n'est étayée que par des indices, est plus qu'ébranlée par la contre-preuve apportée par l'assureur sur des éléments concrets qui font apparaître la thèse de l'assuré comme n'étant en tout cas pas plus vraisemblable que d'autres hypothèses qui entrent sérieusement en considération.
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5.
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Il résulte de ce qui précède que le recours, mal fondé, doit être rejeté. Le Tribunal fédéral s'étant prononcé sur le recours, la requête d'effet suspensif présentée par le recourant devient sans objet. Enfin, le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera à l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1, 2 et 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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La requête d'effet suspensif est sans objet.
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3.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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4.
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Une indemnité de 6'000 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 8 juillet 2008
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Corboz Abrecht
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