Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_722/2007
Arrêt du 17 juillet 2008
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges Ursprung, Président,
Lustenberger et Frésard.
Greffière: Mme Berset.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Stefano Fabbro, avocat, rue du Progrès 1, 1700 Fribourg,
contre
Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS, rue du Lac 37, 1815 Clarens,
intimée.
Objet
Prestation complémentaire à l'AVS/AI,
recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 25 juillet 2007.
Faits:
A.
A.________, né en 1948, et B.________, née en 1954, se sont mariés en 1970. Ils ont eu sept enfants dont le dernier est né en 1989. Le mari est au bénéfice d'une rente de l'assurance-invalidité et de prestations complémentaires. L'épouse n'exerce pas d'activité lucrative. Deux filles majeures font ménage commun avec les parents.
Le 29 décembre 2005, la Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS (ci-après: la caisse) a avisé B.________ qu'elle devait prendre en compte dans le calcul des prestations complémentaires un revenu hypothétique en ce qui la concerne. Afin de se déterminer en toute connaissance de cause, elle a requis de la prénommée divers renseignements (formation, démarches entreprises pour trouver un emploi, possibilités de gain actuelles). Elle a précisé que si l'intéressée n'était pas en mesure de réaliser de gain pour des raisons médicales, il lui incombait de lui remettre un certificat de son médecin.
B.________ a transmis à la caisse un bref certificat du 17 janvier 2006 du docteur L.________, médecin traitant, attestant qu'elle « souffre de problèmes de santé de type maladie ne permettant actuellement aucune activité professionnelle, même à temps partiel ».
Par lettre du 24 janvier 2006, la caisse a requis un complément d'information de la part de B.________ sous la forme d'un certificat médical attestant la durée prévisible de l'incapacité, les branches d'activité dans lesquelles la prénommée est empêchée de travailler et les motifs d'incapacité. Elle a également demandé à l'intéressée de la renseigner sur son dernier parcours professionnel avant l'incapacité de travail et de lui dire si elle avait eu des recherches d'emploi infructueuses après la cessation d'activité.
Sans nouvelles de B.________, la caisse a renouvelé sa demande le 20 février 2006, en impartissant à l'intéressée un délai au 1er mars 2006 pour lui faire parvenir ces informations.
Le 7 mars 2006, la caisse a informé A.________ qu'elle avait demandé à son épouse des renseignements complémentaires sous les angles professionnel et médical et qu'elle n'avait pas reçu de nouvelles de sa part. Elle lui a indiqué qu'elle prendrait en considération dans le calcul des prestations complémentaires le revenu hypothétique que son épouse pourrait percevoir en mettant à profit sa capacité de travail et de gain.
Dans l'intervalle, B.________ a transmis à la caisse un certificat du docteur L.________ du 28 février 2006. Selon les conclusions de ce médecin, B.________ présente une incapacité de travail de 100 % à long terme. Les branches d'activité interdites sont multiples et pour de multiples raisons. Sont exclues toutes les activités physiques lourdes compte tenu du fait que sa patiente a déjà de la peine à s'occuper des tâches ménagères, ce qu'elle a fait avec de plus en plus de difficultés jusqu'il y a deux à trois ans pour sa nombreuse famille. B.________ souffre de différents troubles de santé, certains chroniques et ne pouvant que s'aggraver, d'autres difficiles à stabiliser. Le docteur L.________ a suggéré que des compléments d'information fussent demandés à un médecin-conseil. Il a ajouté que la prise d'un emploi par sa patiente était encore compliquée par le fait que celle-ci bénéficiait d'une formation scolaire minimale (4 ans au Kosovo).
Par décision du 25 septembre 2006, la caisse a diminué le montant des prestations complémentaires dont bénéficiait A.________ de 2'963 fr. à 912 fr., dès le 1er octobre 2006, compte tenu d'un revenu hypothétique de l'épouse de 36'922 fr.
Le prénommé s'est opposé à cette décision en produisant un rapport du docteur L.________ du 28 novembre 2006. Selon les conclusions de ce médecin, B.________ est totalement incapable d'exercer, vraisemblablement de manière définitive, entre autres, toute activité physiquement lourde, avec ou sans mouvement répétitif, avec ou sans exposition au chaud ou au froid ainsi que toutes activités stationnaires (en position debout ou assise) et ce pour des motifs « relevant de problèmes de maladie » dont une bonne partie remontent à 1990. Toujours selon le docteur L.________, malgré ses différentes pathologies handicapantes, sa patiente s'est occupée de sa famille composée de huit personnes; cette occupation est un emploi à plein temps non rémunéré.
Par décision sur opposition du 1er février 2007, la caisse a confirmé son point de vue. Elle a notamment retenu que l'importante charge de travail assumée jusqu'ici par B.________ au sein de son ménage prouvait qu'elle est apte à exercer une activité lucrative non spécialisée à l'extérieur (ménage, par exemple, puisqu'elle avait exercé cette activité dans le passé pour sa famille nombreuse). Une telle activité pourrait lui rapporter un salaire annuel de 36'922 fr. (correspondant au salaire minimum perçu par une femme dans une activité non spécialisée selon l'Office fédéral de la statistique).
B.
A.________ a interjeté recours contre la décision sur opposition du 1er février 2007 devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud en demandant l'annulation de cette décision. A titre principal, il a conclu à l'octroi de prestations complémentaires, sans prise en compte d'un revenu hypothétique de son épouse dès le 1er octobre 2006. A titre subsidiaire, il a requis la mise en oeuvre d'une instruction complémentaire. A l'appui de ses dires, il a invoqué, notamment, un avis du 26 février 2007 du docteur L.________. Selon ce médecin, à l'époque où sa patiente accomplissait le travail de mère de famille de huit personnes, son état de santé était moins altéré; de surcroît, B.________ ne pouvait pas assumer un emploi de femme de ménage, car il s'agit d'un emploi de charge physique extrêmement lourde.
Par jugement du 25 juillet 2007, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. A titre principal, il conclut, à l'octroi de prestations complémentaires d'un montant de 2'963 fr., dès le 1er octobre 2006, calculées compte non tenu d'un revenu hypothétique de son épouse. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour mise en oeuvre d'une expertise médicale tendant à déterminer le taux d'incapacité de gain de son épouse.
La caisse conclut principalement au rejet du recours et subsidiairement, si une contre-expertise médicale était exigée, au renvoi de la cause pour instruction complémentaire. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 133 V 515 consid. 1.3 p. 519, 130 III 136 consid. 1.4 p. 140).
En outre, le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans l'établissement de celui-ci lui apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).
La constatation de l'atteinte à la santé (diagnostic, pronostic, etc.) et l'évaluation de la capacité de travail (résiduelle) sont en principe des questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397). Il en est de même de l'appréciation concrète des preuves. En revanche, l'application du principe inquisitoire et des règles sur l'appréciation des preuves au sens de l'art. 61 let. c LPGA relève du droit (ATF 132 V 393 consid. 3.2 et 4 p. 397 ss; arrêt 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 3 et arrêt 8C_172/2007 du 6 février 2008, consid. 2.3).
2.
Le litige porte sur le montant de la prestation complémentaire due au recourant à partir du 1er octobre 2006, singulièrement sur la prise en compte, dans le calcul de ce montant, d'un gain au titre de l'activité hypothétique de l'épouse du recourant.
3.
3.1 Selon l'art. 3c al. 1 let. g LPC, dans sa teneur - applicable en l'occurrence (ATF 127 V 466 consid. 1 p. 467) - jusqu'au 31 décembre 2007, les revenus déterminants comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. Cette disposition est directement applicable lorsque l'épouse d'un assuré s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'elle pourrait se voir obligée d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 CC. Il appartient à l'administration ou, en cas de recours, au juge d'examiner si l'on peut exiger de l'intéressée qu'elle exerce une activité lucrative et, le cas échéant, de fixer le salaire qu'elle pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d'appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d'espèce. Les critères décisifs auront notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 p. 61 et les références).
3.2 La juridiction cantonale a nié toute valeur probante aux rapports du médecin traitant des 28 novembre 2006 et 26 février 2007, au motif qu'ils étaient imprécis et pour partie contradictoires. Selon les premiers juges, le moyen selon lequel l'épouse ne peut exercer d'activité lucrative est une assertion gratuite qui n'est étayée par aucun fait probant de sorte qu'une instruction complémentaire ne se justifie pas.
3.3 En l'espèce, il est incontestable que les rapports du docteur L.________ sont dépourvus de toute valeur probante. En effet, les appréciations de ce médecin ne contiennent ni diagnostic, ni véritable pronostic et indiquent uniquement que l'épouse du bénéficiaire est entièrement incapable de travailler pour de multiples raisons. De tels avis médicaux n'établissent donc pas - au degré de la vraisemblance prépondérante généralement requise dans la procédure en matière d'assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360, 125 V 193 consid. 2 pa. 195 et les références - l'existence d'une incapacité de travail justifiant de faire abstraction d'un revenu hypothétique de l'épouse dans le calcul de la prestation complémentaire.
Cela étant, la caisse ne pouvait pas d'emblée nier toute incapacité de travail de l'épouse du recourant au seul motif que les rapports du docteur L.________ n'établissaient pas de manière probante la présence d'une telle incapacité. Saisie d'une opposition, la caisse devait, au moins, dans le cadre de son devoir d'instruire le cas (cf. art. 43 al. 1 LPGA) informer le recourant que le certificat en cause était dénué de force probante et l'inviter à requérir un rapport, émanant éventuellement d'un spécialiste, qui contînt les renseignements ci-dessus mentionnés (cf. arrêt 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3). Au lieu de cela, la caisse, dans la procédure d'opposition, a signalé au mandataire de l'assuré, par lettre du 25 janvier 2007, que les renseignements fournis étaient incomplets et qu'elle avait encore besoin d'informations sur le nombre de personnes vivant avec le couple, laissant ainsi implicitement entendre que les rapports médicaux produits étaient suffisants pour statuer en toute connaissance de cause. Cela étant, la décision sur opposition litigieuse n'est pas conforme au droit fédéral, dans la mesure où elle repose sur une instruction insuffisante sur le plan médical. Il se justifie dès lors de renvoyer la cause à la caisse pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
4.
Les frais de la procédure, qui n'est pas gratuite (art. 65 al. 4 LTF), seront supportés par l'intimée qui succombe (art. 66 al. 1 LTF; cf. ATF 133 V 637 ss consid. 4). Par ailleurs, représenté par un avocat, le recourant qui obtient gain de cause a droit à des dépens à la charge de l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 25 juillet 2007 du Tribunal des assurances du canton de Vaud ainsi que la décision sur opposition de la caisse du 1er février 2007 sont annulés, la cause étant renvoyée à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, d'un montant de 500 fr., sont mis à la charge de la caisse intimée.
3.
La caisse intimée versera au recourant la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal des assurances du canton de Vaud pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 17 juillet 2008
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset