Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
9C_774/2007
Arrêt du 28 août 2008
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella, Frésard, Kernen et Seiler.
Greffière: Mme Fretz.
Parties
B.________,
recourant, représenté par Me Philippe Kitsos,
avocat, Fausses-Brayes 1, rue de l'Hôpital 4,
2301 La Chaux-de-Fonds,
contre
HOTELA, Caisse de compensation de la SSH et de la FSAV, rue de la Gare 18, 1820 Montreux,
intimée.
Objet
Assurance vieillesse et survivants,
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 28 septembre 2007.
Faits:
A.
La société X.________ (ci-après: la société) a été affiliée en qualité d'employeur auprès de la caisse de compensation Hotela (ci-après: la caisse) à partir du 1er février 1993. B.________ en a été administrateur avec signature individuelle dès le 26 mars 1996. La société a été déclarée en faillite le 9 mai 2001. Par lettre du 28 mai 2004, l'office des faillites Y.________ a informé les créanciers admis à l'état de collocation, dont la caisse, que ce dernier avait été déposé le 4 février 2004 et que le dividende probable s'élevait à 100% en première classe et à environ 20% en deuxième classe. La créance en faveur de la caisse admise à l'état de collocation concernait l'année 2000 et s'élevait à 372'227 fr. 05.
Par décision du 24 août 2004, la caisse a réclamé à B.________ le versement d'un montant de 245'505 fr. 30 à titre de réparation du dommage résultant du non-paiement des cotisations sociales par la société pour la période du 1er janvier au 14 novembre 2000. Saisie d'une opposition formée par B.________ contre sa décision, la caisse l'a rejetée le 28 février 2005, tout en réduisant ses prétentions à 167'628 fr. 90.
B.
B.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Neuchâtel. Il a conclu à l'annulation de la décision sur opposition du 28 février 2005 et a soulevé l'exception de prescription.
Par jugement du 28 septembre 2007, le tribunal cantonal a rejeté le recours.
C.
B.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant principalement à l'annulation de celui-ci, sous suite de frais et dépens. Il soulève à nouveau l'exception de prescription.
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
1.1 Le litige porte sur la responsabilité du recourant pour le dommage subi par la caisse ensuite du non-paiement de cotisations sociales fédérales pour l'année 2000, en particulier sur le point de savoir si la créance de la caisse est ou non frappée de prescription.
1.2 Il est établi et non contesté en l'espèce que la caisse aurait eu connaissance du dommage à la fin du mois de mars 2002, soit à la suite de la première assemblée des créanciers (cf. ATF 126 V 450 consid. 3b p. 454 s.), si elle avait fait preuve de l'attention exigible.
2.
2.1 Selon la juridiction cantonale, la créance en réparation du dommage de la caisse n'étant pas périmée au 1er janvier 2003, le délai de prescription de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS devait s'appliquer. Or, ce délai ayant commencé à courir le 1er janvier 2003, la décision en réparation du dommage rendue par la caisse le 24 août 2004 n'était par conséquent pas tardive.
2.2 Pour le recourant, il y a lieu d'appliquer en l'espèce l'art. 82 al. 1 aRAVS exclusivement, de sorte qu'en ayant eu connaissance du dommage lors de la première assemblée des créanciers du 6 mars 2002, la caisse avait jusqu'au 6 mars 2003 pour rendre sa décision en réparation du dommage.
3.
3.1 D'après l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, le droit de demander la réparation du dommage se prescrit lorsque la caisse de compensation ne le fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. En tant qu'il s'agit de délais de péremption, la caisse de compensation est déchue du droit d'exiger la réparation du dommage si elle n'a pas agi dans les délais requis (cf. ATF 128 V 10 consid. 5a p. 12, 15 consid. 2a p. 17, 126 V 450 consid. 2a p. 451; cf. également ANDREA BRACONI, Prescription et péremption dans l'assurance sociale, in : Droit privé et assurances sociales, Fribourg 1990, p. 223 et 227 ss). En revanche, si elle a rendu une décision de réparation du dommage dans ces délais et, en cas d'opposition, ouvert une action dans les 30 jours à compter du moment où elle a eu connaissance de l'opposition (art. 81 al. 3 aRAVS), ses droits sont sauvegardés pour toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que la décision entre en force ou qu'un jugement définitif soit rendu (cf. consid. 5.1.1 de l'arrêt H 96/03 du 30 novembre 2004, publié in SVR 2005 AHV n° 15 p. 48; RCC 1991 p. 136 consid. 2c).
Avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1er janvier 2003, l'art. 82 RAVS a été abrogé. Depuis lors, le nouvel art. 52 LAVS (introduit par le ch. 7 de l'annexe à la LPGA) prévoit à son al. 3 que le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus et l'employeur peut renoncer à s'en prévaloir. Il s'agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (cf. arrêt H 96/03 déjà cité consid. 5.1.2; FF 1994 V 965, 1999 p. 4422).
3.2 Ni la LAVS ni la LPGA ne contiennent une disposition de droit transitoire relative aux délais de péremption et de prescription prévus par l'ancien art. 82 RAVS et l'art. 52 al. 3 LAVS. Selon la doctrine (ATTILIO GADOLA, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, in: AJP 1/95, p. 58; ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, p. 150) et la jurisprudence (ATF 102 V 207 consid. 2 p. 208; ATF 111 II 186 consid. 7 p. 193, 107 Ib 198 consid. 7b/aa p. 203 s.), il est admissible de soumettre à de nouveaux délais de prescription des créances nées et devenues exigibles sous l'empire de l'ancien droit et qui ne sont pas prescrites ou périmées au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit; la protection des droits acquis exige que lorsque l'ancien droit ne prévoyait pas de délai de prescription ou de péremption, les délais prévus par le nouveau droit ne commencent toutefois à courir qu'à partir de son entrée en vigueur (cf. ATF 102 V 207 consid. 2 p. 208, 87 I 411 consid. 2 p. 413, 82 I 53 consid. 3 p. 57 s.; voir aussi PAUL MUTZNER, Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch [Commentaire bernois], Schlusstitel: Anwendungs- und Einführungsbestimmungen, Art. 1-50, 2ème édition, Berne 1926, no 7 ad art. 49 Titre final du code civil [p. 261]; GADOLA, ibidem). A l'ATF 131 V 425, le Tribunal fédéral des assurances a jugé que les prétentions en dommages-intérêts qui n'étaient pas encore périmées au 1er janvier 2003, étaient assujetties aux règles de prescription de l'art. 52 al. 3 LAVS entrées en vigueur à ce moment-là (cf. consid. 5.2 et 5.3). Il a cependant laissé ouverte la question de savoir si la période écoulée sous l'ancien droit devait être portée en compte dans le délai de prescription de deux ans de l'art. 52 al. 3 LAVS.
4.
4.1 Dans la mesure où la caisse a eu connaissance du dommage au plus tard à la fin du mois de mars 2002 (cf. consid. 1.2 supra), le délai pour rendre la décision en réparation du dommage n'était pas périmé au sens de l'art. 82 al. 1 aRAVS au 1er janvier 2003, de sorte qu'il a été soumis dès cette date aux règles de prescription de l'art. 52 al. 3 LAVS et correspondait à une durée de deux ans (cf. consid. 3.2 supra). Par ailleurs, le délai de prescription relatif prévu par l'art. 52 al. 3 LAVS ne commence à courir, selon le texte même de cette disposition - qui n'a apporté aucun changement sur le fond en ce qui concerne le début du délai par rapport à la solution prévue par l'art. 82 al. 1 aRAVS (cf. FF 1994 V 965) -, qu'à partir du moment où la caisse a eu connaissance du dommage. Le point de départ du délai de prescription se situe donc sous l'empire de l'ancien droit. Tant le respect du début de la prescription que le respect de sa durée plaident en faveur d'une solution de droit transitoire qui consiste à imputer au délai de prescription de deux ans le temps écoulé sous l'ancien droit. Cette règle est à la fois conforme au principe de la légalité qui exige que, sauf motif particulier, les lois entrent en vigueur sans retard et ne contrevient pas au principe de la protection de la bonne foi. En effet, loin d'être désavantagée par l'application du nouveau droit, la caisse se trouve favorisée non seulement par l'introduction d'un délai plus long pour agir en réparation du dommage, mais aussi par la possibilité, nouvelle, d'interrompre la prescription dès le 1er janvier 2003, ce qui a pour effet de prolonger considérablement le temps à disposition pour faire valoir ses droits.
Rien ne justifie en revanche un régime de droit transitoire - qui est là pour faciliter le passage d'un régime juridique à un autre - qui fasse bénéficier la caisse de droits encore plus étendus que ceux prévus par le nouveau droit. Or, en n'imputant pas le temps écoulé sous l'ancien droit dans le délai de prescription de deux ans, la solution des premiers juges favorise indûment la caisse par rapport à sa situation prévalant sous l'ancien droit car elle entraîne un cumul du délai écoulé sous l'empire de l'art. 82 al. 1 aRAVS - in casu neuf mois - ainsi que du délai de deux ans prévu par l'art. 52 al. 3 LAVS. Cette situation, qui correspond en fait à repousser au 1er janvier 2003 la date à laquelle la caisse a eu connaissance du dommage au cours de l'année 2002, n'est cependant permise ni par l'art. 82 al. 1 aRAVS, ni par l'art. 52 al. 3 LAVS. Il y a lieu de réserver cependant les situations comme celle examinée dans l'arrêt H 96/03, où une action en réparation du dommage non périmée selon l'ancien droit avait été introduite avant le 1er janvier 2003 et où se posait la question nouvelle de la prescription en cours d'instance inconnue selon l'ancien droit; dans cette hypothèse, le Tribunal fédéral a considéré que ce nouveau délai n'avait pu commencer à courir avant le 1er janvier 2003.
4.2 En l'espèce, la connaissance du dommage doit être fixée à la fin du mois de mars 2002. Par ailleurs, il est constant qu'aucun acte interruptif au sens de l'art. 135 CO n'a été effectué avant que la caisse ne rende sa décision en réparation du dommage le 24 août 2004. Aussi, le droit de demander la réparation du dommage était-il prescrit à cette date. Le recours est par conséquent bien fondé.
5.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais de justice doivent en principe être supportés par la caisse intimée qui succombe (art. 66 al. 1 première phrase LTF en relation avec l'art. 65 al. 3 let. b LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 28 septembre 2007 et la décision sur opposition du 28 février 2005 sont annulés.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera au recourant la somme de 2500 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 28 août 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Meyer Fretz