Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_221/2008/ech
Arrêt du 23 septembre 2008
Ire Cour de droit civil
Composition
MM. et Mme les Juges Corboz, président,
Rottenberg Liatowitsch et Kolly.
Greffière: Mme Cornaz.
Parties
X.________,
recourant,
contre
Etat de Neuchâtel, Service de l'agriculture,
intimé.
Objet
bail à ferme agricole; résiliation,
recours pour déni de justice.
Faits:
A. Par acte daté du 21 avril 2008, X.________ (le recourant) a déposé auprès du Tribunal fédéral un "recours pour refus de statuer". Il se plaint d'une part de l'absence de décision de l'autorité supérieure en matière de poursuites du canton de Neuchâtel; cette partie du recours est traitée par la IIe Cour de droit civil. Il se plaint d'autre part de déni de justice en relation avec une demande de révision; cette partie du recours, liée à un contrat de bail à ferme, a été attribuée à la Cour de céans. Le recourant y allègue avoir "demandé à de réitérées reprises la révision d'une décision rendue à l'époque par Monsieur A.________, chef du Service technique agricole" de l'Etat de Neuchâtel (l'intimé). Il soutient que ses courriers des 2 septembre et 17 octobre 2006 ainsi que 3 janvier, 29 janvier et 10 décembre 2007, dont il joint copie, sont "tous pratiquement restés sans réponse et sans décision". Il conclut à ce qu'un délai péremptoire soit fixé à ce fonctionnaire pour rendre une décision. L'intimé propose l'irrecevabilité du recours.
Considérant en droit:
1.
Le recours doit être motivé (art. 42 al. 1 LTF) et sa motivation doit exposer succinctement en quoi la décision attaquée - respectivement le défaut de décision - viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour les griefs de violation du droit fédéral et du droit international ( art. 95 let. a et b LTF ), l'exigence de motivation résultant de l'art. 42 al. 2 LTF correspond à celle qui valait pour le recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c aOJ). En revanche, pour les griefs de violation des droits constitutionnels, du droit cantonal et du droit intercantonal, les exigences de motivation sont accrues et conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, elles correspondent à celles qui valaient pour le recours de droit public (art. 90 al. 1 let. b aOJ; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). Il s'ensuit en particulier que les motifs doivent être exposés dans le mémoire de recours, peu importe les griefs soulevés; le renvoi au dossier ou à des pièces ne suffit pas (cf. ATF 110 II 74 consid. 1; 93 Ia 130 consid. 2).
En l'espèce, à la lecture du mémoire déposé par le recourant, on comprend certes que celui-ci entend se plaindre d'un déni de justice dans une procédure de révision, et semble donc invoquer une violation de l'art. 29 Cst. garantissant à toute personne que dans une procédure judiciaire ou administrative, sa cause soit jugée dans un délai raisonnable. Il n'est en revanche pas possible de saisir le fond du litige. Le recourant ne précise en effet pas quelle est la décision dont il demande la révision, la date et l'objet de celle-ci ne ressortant pas du mémoire. Le recourant ne précise pas non plus le motif de ses demandes de révision et les conclusions prises. Enfin, dès le moment où il écrit que ses demandes sont "pratiquement" toutes restées sans réponse, il admet implicitement avoir reçu des réactions; il ne les détaille toutefois pas et ne démontre pas en quoi elles seraient insuffisantes. Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours pour défaut de motivation.
2.
Même en faisant abstraction des exigences légales en matière de motivation des recours, l'on ne parviendrait pas à une autre solution. En effet, de la réponse de l'intimé et des pièces figurant au dossier, les faits de la cause semblent être les suivants:
L'intimé est propriétaire d'un domaine agricole qu'il a remis à bail au recourant par contrat de bail à ferme du 29 mai 1991. Le 29 avril 1998, l'intimé, agissant par le chef de son Service de l'économie agricole (réd.: actuellement Service de l'agriculture) A.________, a résilié le bail de manière anticipée afin de préserver ses intérêts économiques, la situation financière du recourant étant devenue désespérée du fait qu'il refusait de livrer son lait à la fromagerie du village. Par la suite, l'intimé a dû engager une procédure d'expulsion. Ensuite d'une transaction judiciaire, le recourant a finalement quitté le domaine le 31 mars 2000. Le 6 mai 2004, il a ouvert action contre l'intimé en paiement de 2'200'000 fr. pour cause de résiliation "juridiquement fausse". La demande a finalement été déclarée non introduite pour cause de défaut de comparution à l'audience du tribunal.
Par courriers des 2 septembre et 17 octobre 2006 ainsi que 3 janvier 2007 adressés au chef du Service de l'économie agricole, le recourant a sollicité la révision de la "résiliation du 29 avril 1998". Le 15 janvier 2007, le Service juridique de l'Etat de Neuchâtel lui a répondu que l'Etat "ne peut et n'interviendra pas dans ce dossier"; il se référait en particulier au fait que la situation actuelle résultait d'une transaction que le recourant, assisté d'un mandataire professionnel, avait signée.
Par courrier du 29 janvier 2007 adressée au Service juridique, le recourant a accusé réception de la lettre du 15 janvier 2007. Il contestait la compétence du Service juridique pour lui répondre et exigeait une réponse du Service de l'agriculture. Par réponse du 30 janvier 2007, le Service juridique a confirmé le contenu de sa première lettre, en ajoutant qu'il conviendrait éventuellement d'envoyer une demande de révision au Tribunal civil du district du Locle, qui avait connu de la procédure d'exécution. Suite à de nouvelles lettres du recourant, il a envoyé les divers courriers de celui-ci à ce tribunal.
Il découle de ce qui précède que la "décision" du 29 avril 1998 dont la révision est demandée est la décision prise par un organe de l'intimé de résilier le bail à ferme, c'est-à-dire la décision d'une collectivité publique, en sa qualité de bailleur, de mettre fin à un contrat de droit privé relatif à un objet du patrimoine financier. A défaut de normes de droit public sur la résiliation de tels contrats par les collectivités publiques, il n'y a pas place pour la théorie dite des deux niveaux ou de l'acte détachable. Selon cette théorie, la conclusion d'un contrat par une collectivité publique implique deux actes juridiques: le premier, acte unilatéral fondé sur le droit public, constitue la décision prise par l'administration de conclure un contrat, le second est le contrat lui-même; cette théorie fait un acte juridique unilatéral de ce qui, en droit privé, constitue le processus interne de la formation de volonté (cf. Moor, Droit administratif, vol. II, 2e éd., Berne 2002, n. 3.1.4.1 p. 376 ss, spéc. p. 378). La demande de révision n'avait ainsi pas d'objet.
Enfin, il ressort du dossier que l'intimé, par son Service juridique, a répondu au recourant en lui indiquant, motif à l'appui, qu'elle n'avait pas à revenir sur la résiliation du bail à ferme. Il ne saurait donc de toute façon pas être question d'un refus de statuer.
3.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est en revanche pas alloué de dépens à l'intimé n'agissant pas dans l'exercice d'une tâche publique, dès lors qu'elle n'est pas assistée d'un avocat (cf. art. 68 al. 2 et 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant et à l'Etat de Neuchâtel, Service de l'agriculture.
Lausanne, le 23 septembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Corboz Cornaz